Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 658/2004
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I 658/04

Arrêt du 27 janvier 2006
IVe Chambre

MM. et Mme les Juges Ursprung, Président, Widmer et Frésard. Greffier : M.
Berthoud

B.________, recourante, représentée par Me Nicolas Stucki, avocat, rue des
Sablons 2, 2002 Neuchâtel 2,

contre

Office AI du canton de Neuchâtel, Espacité 4-5, 2302 La Chaux-de-Fonds,
intimé

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

(Jugement du 31 août 2004)

Faits:

A.
B. ________, née en 1945, a travaillé à temps partiel (70 %) en qualité
d'employée d'une cafeteria. Parallèlement, elle s'occupe de son ménage.
Invoquant des problèmes d'arthrose, elle s'est annoncée à
l'assurance-invalidité le 7 mars 2001.

Selon le docteur K.________, médecin traitant, sa patiente souffre notamment
de dorso-lombalgies ainsi qu'un état dépressif qui l'empêchent totalement
d'exercer son activité lucrative (rapports des 4 mai et 4 octobre 2001).
L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel (l'office AI) a
diligenté une enquête économique sur le ménage puis confié un mandat
d'expertise au docteur S.________, spécialiste en médecine interne et
maladies rhumatismales. Se fondant sur les rapports d'enquête économique (du
21 juin 2002) et de l'expert S.________ (du 14 octobre 2002), l'office AI a
soumis un projet de décision à l'assurée, le 9 décembre 2002, selon lequel il
envisageait de rejeter la demande de rente dès lors que le taux d'invalidité
s'élevait à 21,5 % (14 % dans l'activité lucrative, 6,5 % dans les tâches
ménagères). Dans ce projet, l'office AI a également imparti un délai de deux
semaines à l'assurée afin qu'elle puisse présenter, par écrit ou verbalement,
d'éventuelles objections à l'encontre de ce projet ou requérir des
renseignements complémentaires.

Le 18 décembre 2002, l'assurée s'est opposée par téléphone au projet de
décision. Ses moyens sont résumés en ces termes dans le procès-verbal de
l'office AI : « Elle ne comprend pas la décision que nous projetons de
prendre. Le projet de décision a été soumis à son médecin traitant, le
docteur K.________. Selon ce dernier, nous avons mal interprété les
conclusions de l'expert rhumatologue (docteur S.________), l'incapacité de
travail étant de 50 % dans l'activité d'employée responsable de cafeteria à
temps partiel (70 %). En conséquence, elle nous demande de revoir notre
projet de décision en tenant compte de cet élément. »

Après que le juriste et le médecin de l'office AI eurent estimé que les
arguments de l'assurée n'étaient pas de nature à modifier la position de
l'administration, l'office AI a informé l'assurée, par lettre du 20 décembre
2002, qu'il lui notifierait prochainement sa décision formelle. Par décision
du même jour, l'office AI a rejeté la demande.
L'assurée a complété ses arguments par lettre datée du 22 décembre 2002.

B.
B.________ a déféré la décision du 20 décembre 2002 au Tribunal administratif
du canton de Neuchâtel en concluant implicitement au versement d'une rente.
En bref, elle a allégué que ses douleurs l'empêchaient de travailler et que
l'évaluation de son invalidité était entachée d'une erreur de calcul. Par
ailleurs, elle a reproché à l'administration de ne pas avoir donné suite à sa
demande de consulter le dossier médical et d'avoir retiré inopportunément
toute « possibilité de dialogue ».

Par jugement du 31 août 2004, la juridiction cantonale a rejeté le recours.

C.
B.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
elle demande l'annulation, avec suite de dépens, en concluant au renvoi de la
cause aux premiers juges.

L'intimé conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances
sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur la partie générale des assurances sociales (LPGA) du 6
octobre 2000, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, n'est pas applicable au
présent litige, dès lors que le juge des assurances sociales n'a pas à
prendre en considération les modifications du droit ou de l'état de fait
postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse du 26 mars 2002
(ATF 129 V 4 consid. 1.2 et les références).

Sous réserve de dispositions de droit transitoire prévoyant une solution
différente, les nouvelles règles de procédure sont pleinement applicables dès
leur entrée en vigueur (RAMA 1998 no KV 37 p. 316 consid. 3b et les
références). Aussi, les dispositions générales de procédure (art. 27 à 62
LPGA), qui notamment généralisent la procédure d'opposition pour les
assureurs sociaux soumis à la LPGA (cf. art. 52 LPGA), s'appliquent-elles
immédiatement. Toutefois, lorsque un délai de recours n'est pas encore expiré
au moment de l'entrée en vigueur de la loi, la computation du délai et les
voies de droit éventuelles sont réglées par l'ancien droit (ATF 130 V 4
consid. 3.2 et les références de jurisprudence et de doctrine).

Vu ce qui précède, le Tribunal administratif du canton de Neuchâtel était
compétent pour statuer sur le recours dirigé contre la décision de l'intimé
du 20 décembre 2002 (consid. 1.2.1 de l'arrêt M. du 26 janvier 2005, I
543/04).

2.
La jurisprudence, rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst. et qui s'applique
également à l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 129 II 504 consid. 2.2, 127 I 56
consid. 2b, 127 III 578 consid. 2c, 126 V 130 consid. 2a), a déduit du droit
d'être entendu, en particulier, le droit pour le justiciable de s'expliquer
avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des
preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui
d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves,
d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 126 I 16
consid. 2a/aa, 124 V 181 consid. 1a, 375 consid. 3b et les références).

En matière d'assurance-invalidité, la procédure d'audition préalable de
l'art. 73bis al. 1 RAI, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, concrétisait
ces garanties de rang constitutionnel lors de la phase de l'instruction de la
demande (ATF 124 V 182 consid. 1c; voir aussi ATF 131 V 41 consid. 4.2).
Selon cette disposition réglementaire, avant que l'office AI se prononce sur
le refus d'une demande de prestations ou sur le retrait ou la réduction d'une
prestation en cours, il devait donner l'occasion à l'assuré ou à son
représentant de s'exprimer, oralement ou par écrit, sur le projet de
règlement du cas et de consulter les pièces du dossier. Avec l'entrée en
vigueur de la LPGA, la procédure d'audition préalable de l'art. 73bis al. 1
RAI a été supprimée et c'est désormais au stade de l'opposition que l'assuré
peut exercer son droit d'être entendu (art. 42 LPGA).

Par ailleurs, on rappellera que le droit d'être entendu est une garantie
constitutionnelle de caractère formel, dont la violation doit entraîner
l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du
recourant sur le fond (ATF 127 V 437 consid. 3d/aa, 126 V 132 consid. 2b et
les arrêts cités).

3.
La recourante soutient que l'intimé n'a pas respecté son droit d'être
entendue. Elle lui reproche de n'avoir pas eu la possibilité de s'expliquer,
de consulter son dossier médical et de faire administrer des preuves. En
particulier, la recourante fait grief à l'intimé d'avoir statué avant
l'échéance du délai qui lui avait été accordé dans le cadre de l'audition
préalable de l'art. 73bis al. 1 RAI, sans prendre en considération ses
objections, en particulier celles formulées dans sa lettre du 22 décembre
2002.

4.
Selon la jurisprudence relative aux art. 73bis al. 1 RAI et 4 aCst., l'office
AI ne doit pas se borner à prendre note des objections soulevées par l'assuré
en cours de procédure d'audition préalable et à les examiner, mais il doit
indiquer, dans sa décision de rejet, les motifs pour lesquels il n'admet pas
ces objections ou n'en tient pas compte (ATF 124 V 183 consid. 2b).

En l'espèce, à l'exception du passage relatif au droit d'être entendu qui a
été supprimé dans la décision litigieuse du 20 décembre 2002, celle-ci est
pourtant identique, mot pour mot, au projet de décision du 9 décembre 2002.
Cela signifie que l'intimé a purement et simplement ignoré, dans sa décision
de rejet, les moyens que la recourante avait soulevés au cours de l'entretien
téléphonique du 18 décembre 2002, violant ainsi son droit d'être entendue.
Dans un tel cas, la violation de l'art. 29 al. 2 Cst. ne peut être réparée
(cf. ATF 124 V 183 consid. 4a, 392 consid. 5a et les références; consid. 1.1
de l'arrêt E. du 20 mars 2003, I 238/02, publié in SVR 2003 IV n° 25 p. 76).

5.
En outre l'intimé a statué le 20 décembre 2002, soit avant l'échéance du
délai de deux semaines qu'il avait accordé à la recourante pour se
déterminer, dans son projet de décision du 9 décembre 2002, de surcroît sans
même l'avoir informée préalablement qu'il allait abréger ce délai. Certes, la
recourante avait déjà fait part oralement de ses objections quant au projet
de règlement de son cas lorsque l'intimé a rendu sa décision, mais à défaut
d'avoir expressément renoncé à bénéficier de l'intégralité du délai qui lui
avait été imparti, elle pouvait raisonnablement penser que d'éventuelles
observations complémentaires seraient encore recevables jusqu'à l'expiration
du délai de deux semaines.

En rendant sa décision le 20 décembre 2002 déjà, l'intimé s'est également
accommodé à l'idée d'écarter d'emblée tout autre moyen qui aurait pu être
produit en temps utile, sans égard à sa pertinence. Aussi bien l'écriture de
la recourante du 22 décembre 2002 n'a-t-elle pas été prise en considération.
Certes, cette lettre n'a pas été produite par l'office AI. La recourante en a
déposé une copie en procédure cantonale. L'intimé n'a toutefois pas prétendu
et ne prétend pas qu'il ne l'avait pas reçue. En l'absence de toute
contestation de la part de l'intimé sur ce point, on est fondé à considérer
que la lettre a été expédiée avant l'échéance du délai de quatorze jours
imparti par l'intimé (la date de l'expédition et non de la réception étant à
cet égard déterminante; arrêt non publié G. du 13 juillet 1992, I 396/91).

Comme la violation du droit d'un assuré d'être entendu est aussi réalisée
lorsque l'administration ne tient pas compte des moyens déposés en temps
utile dans le cadre de l'audition préalable prévue à l'art. 73bis al. 1 RAI
(arrêt non publié G., précité), la décision attaquée doit être annulée pour
ce motif également, indépendamment des chances de succès de la recourante sur
le fond.

6.
Vu ce qui précède, la cause sera renvoyée à l'intimé afin qu'il statue à
nouveau sur la demande de prestations dont il est saisi. Dès lors que la
procédure d'audition préalable au sens de l'art. 73bis al. 1 RAI a été
abrogée avec l'entrée en vigueur de la LPGA, au 1er janvier 2003, un renvoi
pour nouvelle audition préalable, selon l'ancien art. 73bis al. 1 RAI, n'est
plus admissible (cf. SVR 2003 IV n° 25 p. 77 consid. 1.4), de sorte que
l'intimé reprendra l'instruction de la demande en se conformant aux règles de
procédure instaurées par la LPGA.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal administratif du canton de
Neuchâtel du 31 août 2004 et la décision de l'Office de
l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel du 20 décembre 2002 sont
annulés, la cause étant renvoyée à l'intimé pour nouvelle décision au sens
des motifs.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'intimé versera à la recourante la somme de 2'500 fr. (y compris la taxe sur
la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 27 janvier 2006

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre: Le Greffier: