Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 642/2004
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I 642/04

Arrêt du 6 décembre 2005
IIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Schön et Frésard. Greffière : Mme Fretz

P.________, recourant, représenté par Me Jean-Marie Agier, avocat, FSIH,
place du Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 22 décembre 2003)

Faits:

A.
P. ________, né en 1961, a déposé, le 23 mai 1997, une demande de prestations
de l'assurance-invalidité tendant à l'octroi de mesures professionnelles ou
d'une rente.

Par décision du 24 mars 1998, l'Office de l'assurance-invalidité pour le
canton de Vaud (ci-après: l'OAI) a rejeté la demande de prestations, au motif
que les renseignements médicaux au dossier n'attestaient aucune incapacité de
travail en tant qu'ouvrier.
L'assuré ayant recouru contre cette décision, le Tribunal des assurances du
canton de Vaud a confirmé la décision entreprise, par jugement du 5 mars
1999. Il a constaté que l'intéressé présentait un trouble du développement
psycho-intellectuel, assimilable à une grave dysharmonie évolutive, en raison
notamment des difficultés dans les acquisitions scolaires, d'adaptation à
certains travaux professionnels ou à s'exprimer en langue française. Ces
troubles étaient associés à un développement psycho-intellectuel chaotique et
à des troubles au niveau des affects. Démuni sur le plan intellectuel et
affectif, l'assuré déployait des défenses caractérielles sur un mode
projectif à tendance paranoïde (rapport de la Policlinique psychiatrique, du
16 juillet 1997). Pour la juridiction cantonale, ces éléments, pour
perturbateurs qu'ils fussent, ne constituaient toutefois pas les éléments
d'une maladie mentale. En effet, l'incapacité du recourant de comprendre et
d'agir, due à son faible niveau intellectuel et de scolarisation, étaient des
éléments étrangers à l'AI, dont cette dernière n'avait pas à répondre.

B.
Le 7 février 2003, P.________ a déposé devant le Tribunal cantonal des
assurances une demande de révision de son jugement du 5 mars 1999. A l'appui
de sa demande, il a fait valoir un nouveau rapport médical, du 17 juillet
2000, du Département de Psychiatrie de X.________, lequel a posé le
diagnostic de retard mental léger (F 70) et trouble envahissant du
développement non spécifié (F 84.9), compte tenu d'un quotient intellectuel
(QI) de 55.

Par jugement du 22 décembre 2003, le Tribunal cantonal des assurances a
rejeté la demande de révision et renvoyé la cause à l'office AI pour qu'il
réexamine le cas et rende une nouvelle décision.

C.
P. ________ interjette un recours de droit administratif contre le jugement
du 22 décembre 2003, dont il demande l'annulation. Il conclut au renvoi de la
cause à la juridiction cantonale afin qu'elle révise son jugement du 5 mars
1999 et se prononce à nouveau sur la question de savoir s'il présente ou non
une atteinte à la santé invalidante. Il sollicite par ailleurs le bénéfice de
l'assistance judiciaire.

L'Office AI a conclu au rejet du recours tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit du recourant d'obtenir la révision du jugement
du 5 mars 1999 du Tribunal des assurances du canton de Vaud. La question du
délai de révision - qui relève du droit cantonal - n'est pas litigieuse, les
premiers juges ayant constaté que le recourant n'avait eu connaissance du
motif de révision que le 20 décembre 2002, de sorte qu'il avait agi dans le
délai de trois mois prévu à cet effet.

2.
2.1 La procédure devant le tribunal des assurances est réglée par le droit
cantonal. Elle doit toutefois satisfaire certaines exigences de droit
fédéral, en particulier admettre la possibilité de réviser un jugement du
Tribunal cantonal des assurances si des faits ou des moyens de preuve
nouveaux sont découverts, ou si un crime ou un délit a influencé le jugement
(art. 61 let. i LPGA). Cette exigence correspond à celle que posait l'ancien
article 85, alinéa 2, lettre h, LAVS, en relation avec l'ancien article 69
LAI [RO 1959 p. 875], avant l'entrée en vigueur de la LPGA (cf. ch. 7 et 8 de
l'annexe à la LPGA).

2.2 La notion de faits ou moyens de preuve nouveaux s'apprécie de la même
manière en cas de révision (procédurale) d'une décision administrative (art.
53 al. 1 LPGA), de révision d'un jugement cantonal (art. 61 let. i LPGA) ou
de révision d'un arrêt fondée sur l'article 137 lettre b OJ (cf. arrêt D. du
28 avril 2005 [I 183/04], consid. 2.2 et les références).

Sont «nouveaux» au sens de ces dispositions, les faits qui se sont produits
jusqu'au moment où, dans la procédure principale, des allégations de faits
étaient encore recevables, mais qui n'étaient pas connus du requérant malgré
toute sa diligence. En outre, les faits nouveaux doivent être importants,
c'est-à-dire qu'ils doivent être de nature à modifier l'état de fait qui est
à la base de l'arrêt entrepris et à conduire à un jugement différent en
fonction d'une appréciation juridique correcte. Les preuves, quant à elles,
doivent servir à prouver soit les faits nouveaux importants qui motivent la
révision, soit des faits qui étaient certes connus lors de la procédure
précédente, mais qui n'avaient pas pu être prouvés, au détriment du
requérant. Dans ce contexte, le moyen de preuve ne doit pas servir à
l'appréciation des faits seulement, mais à l'établissement de ces derniers.
Ainsi, il ne suffit pas qu'une nouvelle expertise donne une appréciation
différente des faits; il faut bien plutôt des éléments de fait nouveaux, dont
il résulte que les bases de la décision entreprise comportaient des défauts
objectifs. Pour justifier la révision d'une décision, il ne suffit pas que
l'expert tire ultérieurement, des faits connus au moment du jugement
principal, d'autres conclusions que le tribunal (ATF 127 V 358 consid. 5b et
les références).

3.
3.1 La juridiction cantonale a considéré, pour l'essentiel, que les fortes
limitations intellectuelles de l'assuré et la pauvreté de ses ressources
mentales, établies par le Département de Psychiatrie de X.________ dans son
rapport du 17 juillet 2000,  étaient déjà connues au moment où elle a rendu
son jugement du 5 mars 1999, quand bien même la quantification exacte du QI
du recourant n'était pas connue. Par conséquent, en l'absence d'un fait
nouveau établi par l'expertise du 17 juillet 2000, il n'y avait pas lieu de
réviser le jugement du 5 mars 1999.

3.2 Dans leur rapport du 17 juillet 2000, les médecins du Département de
Psychiatrie de X.________ ont complété le rapport établi le 16 juillet 1997
par un test du QI du recourant. Les médecins ont estimé que le résultat
obtenu, soit 55, représentait une performance dans la limite inférieure de la
norme pour une atteinte type «débilité légère», laquelle ouvrait droit à des
prestations de l'assurance-invalidité.
Tant l'administration que les premiers juges ont méconnu, à l'époque,
l'existence de ce retard mental. Se référant au chiffre 1020 de la Circulaire
de l'OFAS concernant l'invalidité et l'impotence, laquelle prévoyait qu'un
trouble mental caractérisé par un QI inférieur à 75 pouvait avoir des effets
négatifs sur la capacité de gain, les premiers juges ont implicitement
considéré, alors, que cette hypothèse n'était pas remplie. Ils ont estimé que
l'incapacité du recourant de comprendre et d'agir, due à son faible niveau
intellectuel et de scolarisation, constituait un élément étranger à l'AI. En
2003, les juges connaissaient désormais la quantification exacte du QI du
recourant et le fait qu'elle pouvait avoir un caractère invalidant (voir p.
ex. arrêt J. du 28 août 2002, [I 617/01], Z. du 2 mai 2002, [I 373/01]), de
sorte que cette situation aurait dû les amener à admettre que leur
appréciation émise le 5 mars 1999 l'avait été dans l'ignorance de
circonstances essentielles ou de preuves à leur sujet. Le rapport médical du
Département de Psychiatrie de X.________ établit clairement que,
contrairement à ce que laissaient supposer les faits connus et retenus alors,
le recourant était atteint d'une débilité légère, propre à entraver sa
capacité de gain. En cela, il constitue un fait nouveau et important. Au
moment de la procédure principale, ce fait n'était pas connu du recourant et
ne pouvait pas non plus l'être en l'absence de toute investigation sur ce
point.

3.3 Au vu de ce qui précède, force est d'admettre qu'il existait en
l'occurrence un motif de révision. Il convient par conséquent de renvoyer la
cause à la juridiction cantonale, laquelle statuera à nouveau sur la demande
de révision du recourant.

4.
La procédure est onéreuse (art. 134 OJ a contrario). Les frais judiciaires
sont à la charge de l'office intimé, qui succombe (art. 156 al. 1 en
corrélation avec l'art. 135 OJ). Dans cette mesure, la requête d'assistance
judiciaire du recourant est sans objet.

Le recourant obtient gain de cause, de sorte qu'il a droit à une indemnité
pour ses dépens à charge de l'intimée (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement en révision du Tribunal des
assurances du canton de Vaud, du 22 décembre 2003, est annulé, la cause lui
étant renvoyée pour nouveau jugement au sens des considérants.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 500 fr., sont mis à la charge de
l'intimé.

3.
L'intimé versera au recourant la somme de 1'500 fr. (y compris la taxe à la
valeur ajoutée) à titre de dépens pour la procédure fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 6 décembre 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre: p. la Greffière: