Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 638/2004
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I 638/04

Arrêt du 10 novembre 2005
IIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Schön et Frésard. Greffier : M. Beauverd

R.________, recourante, représentée par Me Stefano Fabbro, avocat, rue du
Progrès 1, 1701 Fribourg,

contre

Office AI du canton de Fribourg, impasse de la Colline 1, 1762 Givisiez,
intimé

Cour des assurances sociales du Tribunal administratif du canton de Fribourg,
Givisiez

(Jugement du 8 juillet 2004)

Faits:

A.
R. ________, née en 1964, a travaillé en qualité d'opératrice de production
au service de l'entreprise X.________.

Le 11 novembre 1999, elle a été victime d'une chute dans les escaliers du
bâtiment où elle travaillait. Les médecins consultés ont fait état d'une
hernie discale para-médiane gauche en L4-L5 et d'une contusion lombaire.

Le 27 juin 2001, l'assurée a présenté une demande tendant à l'octroi d'une
mesure de reclassement professionnel de l'assurance-invalidité.

De son côté, la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA),
qui avait pris en charge le cas, a alloué à l'intéressée, à partir du 1er
mars 2002, une rente d'invalidité fondée sur une incapacité de gain de 30 %
(décision du 26 septembre 2002). A la suite d'une transaction passée entre
les parties, ce taux a été porté à 55 % par décision du 17 mars 2003.

Par décision du 14 novembre 2002, l'Office de l'assurance-invalidité du
canton de Fribourg a alloué à R.________ une demi-rente d'invalidité à partir
du 1er novembre 2000.

B.
La prénommée a recouru contre cette décision devant le Tribunal administratif
du canton de Fribourg, en concluant à l'octroi d'une rente entière.

L'office AI ayant proposé de soumettre l'assurée à une expertise
psychiatrique confiée au docteur G.________, spécialiste en psychiatrie et
psychothérapie, la procédure a été suspendue. L'expert a déposé son rapport
le 30 octobre 2003.

Par jugement du 8 juillet 2004, la juridiction cantonale a rejeté le recours
dont elle était saisie.

C.
R.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
elle demande l'annulation, en concluant, sous suite de dépens, à l'octroi
d'une rente entière, subsidiairement à la mise en oeuvre d'une expertise
médicale pluridisciplinaire.

L'office intimé conclut implicitement au rejet du recours, tandis que
l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à présenter des
déterminations.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-invalidité. Cependant, le cas d'espèce reste régi par les
dispositions de la LAI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la légalité
des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait existant
au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b).

Pour les mêmes motifs, les dispositions de la novelle du 21 mars 2003
modifiant la LAI (4ème révision), entrée en vigueur le 1er janvier 2004 (RO
2003 3852) ne sont pas non plus applicables.

2.
L'assuré a droit à une rente s'il est invalide à quarante pour cent au moins
(art. 28 al. 1 LAI). Pour l'évaluation de l'invalidité, le revenu du travail
que l'invalide pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut
raisonnablement attendre de lui, après exécution éventuelle de mesures de
réadaptation et compte tenu d'une situation équilibrée du marché du travail,
est comparé au revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide (art.
28 al. 2 LAI).

3.
3.1 Sur le plan somatique, l'office intimé a considéré que l'assurée était
apte à accomplir, avec un rendement de 50 %, une activité de type sédentaire,
sans port de charges et permettant de changer régulièrement de position. Dans
cette mesure, l'activité d'opératrice de production exercée précédemment au
service de l'entreprise X.________ était encore exigible à raison d'un
horaire de 50 %. L'office AI s'est fondé pour cela sur des avis du docteur
O.________, médecin adjoint à la consultation de neurochirurgie de l'Hôpital
Y.________ (rapport du 5 mars 2002), et des docteurs V.________ et
C.________, chef de service, respectivement médecin assistant à la Clinique
Z.________ (rapport du 31 octobre 2001).

De son côté, la juridiction cantonale a confirmé l'avis de l'office AI au
sujet du taux d'incapacité de travail découlant des atteintes à la santé
physique.

3.2 En l'occurrence, il n'y a pas de raison de mettre en cause le point de
vue des premiers juges qui confirme celui de l'office AI et qui repose sur
l'ensemble des rapports médicaux versés au dossier. Au demeurant, la
recourante ne conteste pas le jugement attaqué dans la mesure où le tribunal
cantonal considère que les troubles de nature somatique ne l'empêchent pas
d'exercer son ancienne activité à raison d'un horaire de 50 %.

4.
4.1 Sur le plan psychique, le docteur G.________ a attesté l'existence d'un
trouble de l'adaptation avec, à la fois, anxiété et humeur dépressive (F
43.22), d'un trouble douloureux associé à des facteurs psychologiques (F
45.4) et d'un trouble de la personnalité non spécifié (F 60.9) avec des
traits de personnalité psychosomatique (rapport du 30 octobre 2003). Il a
fait état d'une « incapacité de travail ne dépassant pas 50 % sur le plan
psychiatrique ».

4.2 La juridiction cantonale a considéré que l'incapacité de travail attestée
sur le plan psychiatrique ne devait pas être ajoutée au taux d'incapacité
d'origine somatique, du moment que le docteur G.________ disposait de tous
les rapports médicaux antérieurs et que son appréciation concordait avec
celle à laquelle s'était référée l'administration.
A cet égard, la recourante reproche aux premiers juges d'avoir omis de
prendre en considération ses troubles psychiques. S'il est bien sûr erroné
d'additionner simplement les taux d'incapacité physique et psychique, on ne
saurait toutefois soutenir qu'une incapacité de 50 % sur le plan somatique, à
laquelle s'ajoute une incapacité de nature psychique, permet encore d'exiger
un rendement de 50 %. On doit bien plutôt considérer qu'un taux d'incapacité
global de 70 % tient compte équitablement des atteintes à la santé physique
et psychique.

4.3 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes
physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI. On ne
considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas
comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les
diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant
preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être
déterminée aussi objectivement que possible (ATF 102 V 165; VSI 2001 p. 224
consid. 2b et les références; cf. aussi ATF 127 V 298 consid. 4c in fine).

La reconnaissance de l'existence d'une atteinte à la santé psychique, soit
aussi de troubles somatoformes douloureux persistants, suppose d'abord la
présence d'un diagnostic émanant d'un expert (psychiatre) et s'appuyant lege
artis sur les critères d'un système de classification reconnu (ATF 130 V 398
ss consid. 5.3 et consid. 6). Comme pour toutes les autres atteintes à la
santé psychique, le diagnostic de troubles somatoformes douloureux
persistants ne constitue pas encore une base suffisante pour conclure à une
invalidité. Au contraire, il existe une présomption que les troubles
somatoformes douloureux ou leurs effets peuvent être surmontés par un effort
de volonté raisonnablement exigible. Le caractère non exigible de la
réintégration dans le processus de travail peut résulter de facteurs
déterminés qui, par leur intensité et leur constance, rendent la personne
incapable de fournir cet effort de volonté. Dans un tel cas, en effet,
l'assuré ne dispose pas des ressources nécessaires pour vaincre ses douleurs.
La question de savoir si ces circonstances exceptionnelles sont réunies doit
être tranchée de cas en cas à la lumière de différents critères. Au premier
plan figure la présence d'une comorbidité psychiatrique importante par sa
gravité, son acuité et sa durée. D'autres critères peuvent être déterminants.
Ce sera le cas des affections corporelles chroniques, d'un processus maladif
s'étendant sur plusieurs années sans rémission durable (symptomatologie
inchangée ou progressive), d'une perte d'intégration sociale dans toutes les
manifestations de la vie, d'un état psychique cristallisé, sans évolution
possible au plan thérapeutique, résultant d'un processus défectueux de
résolution du conflit, mais apportant un soulagement du point de vue
psychique (profit primaire tiré de la maladie, fuite dans la maladie), de
l'échec de traitements ambulatoires ou stationnaires conformes aux règles de
l'art (même avec différents types de traitement), cela en dépit de l'attitude
coopérative de la personne assurée (ATF 130 V 352). Plus ces critères se
manifestent et imprègnent les constatations médicales, moins on admettra
l'exigibilité d'un effort de volonté (Meyer-Blaser, Der Rechtsbegriff der
Arbeitsunfähigkeit und seine Bedeutung in der Sozialversicherung, in: Schmerz
und Arbeitsunfähigkeit, St. Gall 2003, p. 77).

Si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une
exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, on conclura, en
règle ordinaire, à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit à des
prestations d'assurance. Au nombre des situations envisagées figurent la
discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé,
l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues,
l'absence de demande de soins, les grandes divergences entre les informations
fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des
plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que
l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact
(voir Kopp/Willi/Klipstein, Im Graubereich zwischen Körper, Psyche und
sozialen Schwierigkeiten, in: Schweizerische Medizinische Wochenschrift 1997,
p. 1434, avec référence à une étude approfondie de Winckler et Foerster; voir
sur l'ensemble du sujet consid. 1.2 destiné à la publication de l'arrêt J. du
16 décembre 2004, I 770/03).

4.4 En l'espèce, outre celui de trouble douloureux, le docteur G.________ a
posé le diagnostic de trouble de l'adaptation, accompagné d'une anxiété et
d'une humeur dépressive. Sur le plan thymique, en effet, il a constaté
l'existence d'un sentiment de découragement et de tristesse occasionnel, d'un
discret sentiment de culpabilité, de troubles du sommeil, de problèmes
subjectifs de mémoire, d'une nervosité et d'une anxiété diffuse. Considérant
toutefois cette atteinte thymique-anxieuse comme mineure, il a indiqué que le
tableau clinique était en rémission partielle depuis le mois de mai 2003 et
qu'il était susceptible d'amélioration en raison de la stabilisation de la
situation familiale. En outre, un traitement anti-dépressif de type SSRI
pouvait apporter une amélioration, sans qu'un traitement psychothérapeutique
soit toutefois nécessaire.

Sur le vu de ces constatations, force est de nier l'existence, dans le cas
particulier, d'une comorbidité psychiatrique importante par sa gravité, son
acuité et sa durée.

Au titre des autres critères mentionnés par la jurisprudence, et de nature à
établir le caractère non exigible de la réinsertion dans le processus de
travail, il faut mentionner l'existence, dans le cas particulier,
d'affections corporelles chroniques. Les médecins de la Clinique Z.________
ont fait état, en effet, de troubles dégénératifs vertébraux débutants, d'une
disfonction sacro-iliaque gauche, d'une discrète hernie discale gauche
résiduelle et de troubles statiques modérés. Toutefois, selon ces médecins,
ces affections corporelles n'expliquent que partiellement les douleurs
lombaires chroniques alléguées (rapport du 31 octobre 2001). De son côté, le
docteur O.________ a fait part également de sa perplexité quant à l'évolution
défavorable de ces douleurs, évoquant même des pseudo-sciatalgies (rapports
des 6 février et 5 mars 2002). Si l'on considère, en outre, qu'une surcharge
fonctionnelle croissante a été suspectée au mois de mai 2000 déjà (cf.
rapport des médecins de la Clinique W.________, du 24 mai 2000), on doit
considérer que ces affections corporelles ne sont pas déterminantes dans
l'évolution défavorable de la maladie et l'absence de toute reprise du
travail. C'est pourquoi il y a lieu d'exclure, en l'occurrence, la présence
d'une affection corporelle chronique liée à un processus maladif s'étendant
sur plusieurs années, sans rémission durable, qui établirait le caractère
non-exigible de toute réintégration dans un processus de travail.

En outre, sur le vu des constatations du docteur G.________, une perte
d'intégration sociale dans toutes les manifestations de la vie n'apparaît
pas. Le médecin prénommé relève en effet une bonne entente entre les époux et
une vie sociale relativement préservée, l'intéressée ayant toujours des
contacts réguliers avec ses amis et voisins, ainsi qu'avec ses deux
belles-soeurs vivant en Suisse. Par ailleurs, on ne constate pas la présence
d'une situation psychique cristallisée, l'état de l'assurée - décrite par le
docteur G.________ comme une femme de présentation soignée, souriante, au
visage normothymique et sans attitude algique - étant susceptible de
s'améliorer grâce à la stabilisation de la vie familiale et à l'instauration
d'un traitement antidépresseur.

Cela étant, l'existence d'une comorbidité psychiatrique importante, ainsi que
la présence d'autres critères mentionnés par la jurisprudence pour établir le
caractère non exigible de la réinsertion dans le processus de travail doivent
être niées. Il y a lieu dès lors de présumer que les troubles somatoformes
douloureux ou leurs effets peuvent être surmontés par un effort de volonté
raisonnablement exigible. Aussi, la Cour de céans ne saurait-elle faire
siennes les conclusions du docteur G.________ selon lesquelles l'intéressée
subit une incapacité de travail sur le plan psychique, du moment que cette
appréciation repose essentiellement sur le diagnostic de trouble somatoforme
(cf. ATF 130 V 356 consid. 2.2.5).

5.
Vu ce qui précède, seule l'atteinte à la santé physique a des répercussions
sur la capacité de travail de la recourante. L'office intimé et la
juridiction cantonale étaient dès lors fondés à considérer que l'activité
d'opératrice de production exercée avant la survenance de l'atteinte à la
santé est encore exigible à raison d'un horaire de travail de 50 %. L'octroi
d'une demi-rente d'invalidité n'est dès lors pas critiquable et le recours se
révèle mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Cour des assurances
sociales du Tribunal administratif du canton de Fribourg et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 10 novembre 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre: p. le Greffier: