Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 628/2004
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I 628/04

Arrêt du 20 décembre 2005
IVe Chambre

MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Ursprung. Greffière : Mme Gehring

S.________, recourante, représentée par Maîtres Philippe Chaulmontet et
Laurent Savoy, avocats,
place St-François 8, 1002 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 22 décembre 2003)

Faits:

A.
Titulaire d'une autorisation de séjour depuis le 1er juin 1999, S.________,
ressortissante portugaise née en 1964, a exercé illégalement en Suisse une
activité lucrative depuis le mois de janvier 1997 et s'est acquittée des
cotisations AVS/AI corrélatives.

Le 21 janvier 1998, elle a été opérée à la suite d'un carcinome canalaire
invasif au sein gauche. Depuis lors, elle subit une incapacité de travail
totale dans son métier d'ouvrière maraîchère et partielle (50 %) dans une
activité lucrative raisonnablement exigible (rapport du 27 juin 2001 de la
doctoresse P.________, spécialiste FMH en chirurgie plastique et
reconstructive).

Le 10 février 2000, S.________ a déposé une demande de prestations de
l'assurance-invalidité tendant à l'octroi d'une rente. Par décision du 19
septembre 2001, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud
(ci-après : l'office) a rejeté la demande, au motif notamment que
l'intéressée n'était pas assurée lors de la survenance de l'invalidité.

B.
Reprenant le même motif, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a
rejeté le recours formé contre cette décision par S.________ (jugement du 22
décembre 2003).

C.
L'assurée interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
elle requiert l'annulation, en concluant, sous suite de frais et dépens,
principalement à l'octroi d'une rente entière depuis le 1er janvier 1999 (y
compris les intérêts), subsidiairement au renvoi de la cause à l'instance
précédente pour nouvelle instruction et nouveau jugement. En outre, elle
demande le bénéfice de l'assistance judiciaire gratuite.

L'office conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales en propose l'admission.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit de la recourante, ressortissante portugaise, aux
prestations de l'assurance-invalidité suisse. Selon l'office et les premiers
juges, elle ne saurait y prétendre, au motif pris qu'elle n'était pas assurée
lors de la survenance de l'invalidité.

2.
La décision administrative litigieuse a été rendue avant l'entrée en vigueur
(le 1er juin 2002) de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse,
d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part,
sur la libre circulation des personnes. Cet accord, en particulier son annexe
II qui règle la coordination des systèmes de sécurité sociale, ne s'applique
dès lors pas à la présente procédure (ATF 128 V 315).
Il en va de même de la loi fédérale sur la partie générale du droit des
assurances sociales (LPGA), du 6 octobre 2000, entrée en vigueur le 1er
janvier 2003, ainsi que des modifications de la LAI du 21 mars 2003, entrées
en vigueur au 1er janvier 2004 (ATF 127 V 467).

3.
3.1 Selon l'art. 2 al. 1 de la Convention de sécurité sociale du 11 septembre
1975 entre la Suisse et le Portugal (ci-après : la convention), les
ressortissants de l'une des Parties contractantes sont soumis aux obligations
et admis au bénéfice de la législation de l'autre Partie dans les mêmes
conditions que les ressortissants de cette Partie.

3.2 Pour pouvoir prétendre une rente de l'assurance-invalidité suisse, le
requérant doit avoir payé pendant au moins une année entière des cotisations
aux assurances sociales suisses (art. 36 al. 1 LAI) et être invalide au sens
des art. 4, 28 et 29 LAI. Aux termes de l'art. 6 LAI (selon sa teneur au 31
décembre 2000 déterminante en l'espèce [ATF 130 V 447 consid. 1.2.1, 127 V
467 consid. 1]), les ressortissants suisses, les étrangers et les apatrides
ont droit aux prestations si, en outre, ils étaient assurés lors de la
survenance de l'invalidité.

3.3 Selon l'art. 4 al. 2 LAI, l'invalidité est réputée survenue dès qu'elle
est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations
entrant en considération. Ce moment doit être déterminé objectivement,
d'après l'état de santé; des facteurs externes fortuits n'ont pas
d'importance. Il ne dépend en particulier ni de la date à laquelle une
demande a été présentée, ni de celle à partir de laquelle une prestation a
été requise, et ne coïncide pas non plus nécessairement avec le moment où
l'assuré apprend, pour la première fois, que l'atteinte à sa santé peut
ouvrir droit à des prestations d'assurance (ATF 126 V 9 consid. 2b, 160
consid. 3a, 118 V 82 consid. 3a et les références).
En l'espèce, il est établi et non contesté que l'invalidité de la recourante
est survenue le 21 janvier 1999.

3.4 Sont obligatoirement assurées à l'AVS et à l'AI, notamment les personnes
physiques qui exercent une activité lucrative en Suisse (art. 1er al. 1 let.
b LAVS, en corrélation avec l'art. 1er LAI [selon sa teneur en vigueur au 31
décembre 2002]). La nature de l'activité exercée importe peu: le gain soumis
à cotisations peut provenir d'une activité aussi bien licite qu'illicite, en
particulier d'un « travail au noir » (ATF 118 V 79 et les références citées).
Le ressortissant étranger qui - à l'instar de la recourante - travaille
illégalement en Suisse est donc aussi soumis à l'assurance obligatoire.

Il y a lieu d'ajouter que les ressortissants portugais contraints
d'abandonner leur activité lucrative en Suisse à la suite d'une maladie ou
d'un accident, mais dont l'état d'invalidité est constaté dans ce pays, sont
considérés comme étant assurés au sens de la législation suisse pour une
durée d'une année à compter de la date de l'interruption de travail suivie
d'invalidité et doivent acquitter les cotisations à l'assurance-vieillesse,
survivants et invalidité suisse comme s'ils avaient leur domicile en Suisse
(cf. art 13 al. 1 de la convention).

3.5 En l'espèce, la recourante a exercé une activité lucrative en Suisse
depuis le mois de janvier 1997. Opérée d'un carcinome canalaire invasif au
sein gauche, elle a été contrainte d'abandonner l'exercice de son métier dès
le 21 janvier 1998 (rapport du 27 juin 2001 de la doctoresse P.________).
Depuis lors, elle n'a pas repris d'activité lucrative. Ce nonobstant, elle
est demeurée assurée pendant une année après l'interruption de son travail,
soit jusqu'au 21 janvier 1999  (voir par analogie arrêts non publiés N. du 13
février 1998 [I 450/97] et S. du 20 juin 1996 [I 306/95]). Aussi la
recourante était-elle encore assurée lors de la survenance de son invalidité
(cf. consid. 3.3 supra). L'office et les premiers juges étaient dès lors
tenus d'examiner son droit à la rente sous l'angle des art. 4, 28 et 29 LAI
(les conditions de l'art. 36 al. 1 LAI étant quant à elles réunies [cf.
consid. 3.2 supra]). Ne l'ayant pas fait, il convient de renvoyer la cause à
l'office afin qu'il procède à un nouvel examen de la cause en ce sens, étant
entendu qu'il n'est pas contraire à l'ordre public suisse d'allouer de telles
prestations à un ressortissant étranger entré illégalement en Suisse et
néanmoins obligatoirement assuré en raison de l'exercice d'une activité
lucrative (ATF 118 V 79).

4.
La Cour de céans rappelle par ailleurs que l'art. 6 al. 1 LAI en vigueur
jusqu'au 31 décembre 2000 a été modifié avec effet au 1er janvier 2001 par le
ch. 1 de l'annexe à la modification de la LAVS du 23 juin 2000 (RO 2000 2677
et 2682) en ce sens que la clause d'assurance a été supprimée (voir ce sujet
Alessandra Prinz, Suppression de la clause d'assurance pour les rentes
ordinaires de l'AI: conséquences dans le domaine des conventions
internationales, Sécurité sociale 1/2001 p. 42 ss). Dès lors, les personnes
qui n'avaient pas eu droit à une rente, parce qu'elles ne remplissaient pas
la clause d'assurance conservaient la possibilité de demander un réexamen de
leur droit qui devait être apprécié à la lumière du nouvel art. 6 al. 1 LAI,
les prestations ne pouvant toutefois être accordées qu'à partir de l'entrée
en vigueur de cette disposition (voir le ch. 4 des dispositions finales de la
modification du 23 juin 2000; RO 2000 2683). Dès lors qu'une demande de rente
déposée sous l'empire de l'ancien droit était encore pendante au moment de la
décision litigieuse, il appartenait à l'office et aux premiers juges de la
traiter d'office sous l'angle du nouvel art. 6 LAI, les prestations ne
pouvant toutefois être accordées qu'à partir du 1er janvier 2001.

5.
Sur le vu de ce qui précède, la décision litigieuse et le jugement entrepris
ne sont pas conformes au droit fédéral. Le recours se révèle donc bien fondé.

6.
S'agissant d'un litige qui concerne l'octroi ou le refus de prestations
d'assurance, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). En outre, la
recourante, qui obtient gain de cause, a droit à une indemnité de dépens à
charge de l'intimé (art. 159 al. 1 en relation avec l'art. 135 OJ). La
demande d'assistance judiciaire est dès lors sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal des assurances du canton de
Vaud du 22 décembre 2003 ainsi que la décision de l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud du 19 septembre 2001 sont
annulés.

2.
La cause est renvoyée à l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de
Vaud pour nouvelle décision au sens des motifs.

3.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

4.
L'intimé versera à la recourante la somme de 1'800 fr. (y compris la taxe à
la valeur ajoutée) à titre de dépens pour la procédure fédérale.

5.
Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera sur les dépens de
première instance au vu du résultat du procès de dernière instance.

6.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 20 décembre 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

p. le Président de la IVe Chambre: La Greffière: