Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 569/2004
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I 569/04

Arrêt du 27 avril 2005
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Lustenberger et Kernen. Greffier
: M. Piguet

C.________, recourante, représentée par Me Mauro Poggia, avocat, rue
De-Beaumont 11, 1206 Genève,

contre

Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203 Genève, intimé

Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève

(Jugement du 11 août 2004)

Faits:

A.
Le 1er avril 1998, C.________, née en 1964, a déposé une demande tendant à
l'octroi d'une rente de l'assurance-invalidité. Son époux, décédé le 4 mai
2001, avait été mis au bénéfice depuis le 1er septembre 1995 d'une rente
entière d'invalidité assortie d'une rente complémentaire pour épouse.
Le 23 novembre 2001, l'Office cantonal de l'assurance-invalidité du canton de
Genève (ci-après: l'office AI) a rendu trois décisions de rente, par
lesquelles il a alloué à l'assurée une rente entière d'invalidité du 1er
février 1998 au 31 mai 2001 (1) et une rente entière assortie d'un supplément
de veuvage de 20% dès le 1er juin 2001 (2). L'office AI a également revu le
droit aux prestations du mari et la quotité de celles-ci pour la période du
1er février 1998 au 31 mai 2001, en tenant compte notamment du fait que la
survenance du deuxième cas d'assurance excluait le versement simultané d'une
rente complémentaire pour épouse (3). L'office AI, par ces mêmes décisions du
23 novembre 2001, a compensé l'excédent des rentes versées au mari avec une
partie des rentes allouées rétroactivement à l'assurée.
Par courrier du 21 décembre 2001, l'assurée, par l'intermédiaire de son
mandataire, a demandé à l'office AI des explications au sujet de la
compensation des rentes. A la suite de la réponse fournie le 21 janvier 2002
par la Caisse interprofessionnelle d'assurance vieillesse et survivants de la
Fédération romande des syndicats patronaux (ci-après: la caisse), l'assurée a
invité celle-ci à rectifier ses calculs et à rendre une nouvelle décision
(lettres des 31 janvier et 20 septembre 2002). Dans sa réponse du 31 octobre
2002, la caisse a confirmé la validité des décisions prises par l'office AI
le 23 novembre 2001.
Après avoir été relancée les 24 février et 3 avril 2003 par l'assurée, la
caisse a transmis à la Commission cantonale de recours en matière
d'AVS/AI/APG (aujourd'hui: Tribunal cantonal des assurances sociales du
canton de Genève) le courrier du 21 décembre 2001 en tant qu'objet de sa
compétence, dès lors qu'il subsistait un doute quant à savoir si celui-ci
devait être traité comme un recours.

B.
Par jugement du 12 novembre 2003, le Tribunal cantonal des assurances
sociales du canton de Genève a déclaré le recours irrecevable. Par arrêt du 5
avril 2004, le Tribunal fédéral des assurances a annulé ce jugement, au motif
que la juridiction cantonale avait siégé dans une composition irrégulière. Le
11 août 2004, le Tribunal cantonal des assurances sociales a rendu un nouveau
jugement, par lequel il a déclaré irrecevable le recours de l'assurée.

C.
C.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
elle requiert l'annulation, en concluant, sous suite de dépens, à ce que la
cause soit renvoyée, soit à la juridiction cantonale afin qu'elle statue sur
le fond, soit à l'office AI afin qu'il rende une décision motivée susceptible
de recours.
L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Seul est litigieux le point de savoir si le Tribunal cantonal des assurances
sociales du canton de Genève a, à tort ou à raison, déclaré irrecevable le
recours dont il était saisi. Le litige n'ayant ainsi pas pour objet l'octroi
ou le refus de prestations, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner
à examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits
pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou
incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de
procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2
OJ).

2.
2.1 C'est à juste titre, et cela n'est d'ailleurs pas contesté par la
recourante, que les premiers juges ont estimé que l'on ne pouvait considérer
le courrier du 21 décembre 2001 comme un acte de recours au sens de l'art. 85
al. 2 let. b LAVS en relation avec l'art. 69 LAI (dans leur teneur en vigueur
jusqu'au 31 décembre 2002). Il suffit, sur ce point, de renvoyer au jugement
attaqué.

2.2 A l'appui de son recours de droit administratif, C.________ allègue qu'il
ne se justifiait pas de recourir contre la décision fixant l'arriéré de rente
en sa faveur (1), puisque celle-ci était entachée d'un vice de forme, en ce
sens qu'elle ne contenait pas de motivation suffisante sur la question de la
compensation des rentes. Elle prétend dès lors avoir été légitimée à réclamer
des explications complémentaires sur ce point à l'office AI, afin de juger,
en connaissance de cause, si un recours se justifiait. En l'occurrence, ce
n'est que par la lettre du 21 janvier 2002 qu'elle a obtenu les éléments
d'explication requis. Depuis lors, c'est en vain qu'elle demande une décision
formelle sur la question de la compensation. Il appartient en conséquence au
Tribunal fédéral des assurances de constater le vice de procédure et
d'inviter l'autorité compétente à rendre une décision sujette à recours.

3.
La jurisprudence a notamment déduit du droit d'être entendu, découlant de
l'art. 29 al. 2 Cst., l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision,
afin que l'intéressé puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu
et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces
exigences, il suffit que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les
motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière
à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et
l'attaquer en connaissance de cause. Il y a cependant violation du droit
d'être entendu si l'autorité ne satisfait pas à son devoir minimum d'examiner
et traiter les problèmes pertinents (ATF 126 I 102 consid. 2b, 124 V 181,
consid. 1a, 122 IV 14 consid. 2c et les références).

4.
4.1 En l'espèce, la décision révisant le droit aux prestations du mari de la
recourante (3) fixait le montant de celles-ci à 50'668 fr. pour la période du
1er février 1998 au 31 mai 2001 et contenait la remarque suivante: « Cette
décision fait suite à la survenance de l'invalidité de C.________. Nous avons
déduit les rentes AI versées du 1er février 1998 au 31 mai 2001, soit 72'672
fr. Le solde dû en notre faveur est déduit sur les prestations rétroactives
de C.________ ». Quant à la décision octroyant une rente à la recourante du
1er février 1998 au 31 mai 2001 (1), elle faisait état d'un rétroactif en sa
faveur de 55'901 fr. et indiquait: « Cette décision fait suite à la
survenance de votre invalidité. Le solde dû par feu votre époux, soit 22'004
fr. est récupéré sur vos prestations. Sur le solde du rétroactif au 31 mai
2001, soit 33'897 fr., nous avons remboursé 29'495 fr. auprès de l'OCPA et
4'402 fr. sur votre compte bancaire ».

4.2 Quoiqu'en dise la recourante, les décisions qui lui ont été notifiées,
considérées dans leur ensemble, exposent de manière explicite la raison pour
laquelle l'office AI a recalculé le montant des rentes dû à son époux pour la
période du 1er février 1998 au 31 mai 2001 et de quelle manière le solde
perçu en trop par celui-ci a été compensé avec l'arriéré qui lui était dû.
Peu importe à cet égard que la recourante ne fût pas la destinataire directe
de la première de ces décisions, dès lors qu'elle a eu connaissance du
contenu de ce document en même temps que la décision la concernant. De même
n'était-il pas décisif que ces décisions contiennent un décompte explicatif
des rentes versées au mari durant la période précitée. La recourante ne
pouvait en effet ignorer le montant des sommes que son mari recevait au titre
de sa rente entière d'invalidité.
Il découle de ce qui précède qu'il n'y a pas eu de violation du droit à une
décision motivée, le contenu des décisions reçues par la recourante étant
suffisant pour lui permettre, et qui plus est à son avocat, d'en évaluer la
portée et d'exercer son droit de recours à bon escient.

4.3 Au demeurant, une décision insuffisamment motivée doit également être
attaquée dans le délai de recours; à défaut, elle entre en force de chose
décidée. En effet, sauf exception, l'absence de motivation ou le caractère
lacunaire de celle-ci n'entraîne pas la nullité de la décision (Pierre Moor,
Droit administratif, vol. II, 2ème éd., Berne 2002, n° 2.3, p. 305 ss). En
l'espèce, au vu des circonstances (consid. 4.2), la question d'un possible
recours pour défaut de motivation, après que le délai est échu, peut être
laissée ouverte.

5.
Il s'ensuit que le recours est mal fondé.
Vu la nature du litige, la procédure n'est pas gratuite de sorte que la
recourante qui succombe (art. 156 al. 1 OJ), en supporte les frais.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 500 fr., sont mis à la charge de la
recourante et sont compensés avec l'avance de frais d'un même montant qu'elle
a versée.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Caisse
interprofessionnelle AVS de la Fédération romande des syndicats patronaux
(CIAM), au Tribunal cantonal des assurances sociales et à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 27 avril 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre:  Le Greffier: