Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 562/2004
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I 562/04

Arrêt du 25 avril 2005
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Lustenberger et Kernen. Greffier
: M. Piguet

O.________, recourante, représentée par la DAS Protection juridique SA,
avenue de Provence 82, 1000 Lausanne 16,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 22 juillet 2004)

Faits:

A.
O. ________, née en 1952, travaillait depuis le 26 mars 1990 en qualité
d'ouvrière dans l'entreprise N.________ à raison de quatre heures par jour,
cinq jours par semaine. Son activité consistait à actionner, en position
assise, une presse au moyen d'une pédale. Dès le 24 mars 1999, la prénommée
s'est trouvée en incapacité de travail totale en raison de lombosciatalgies.
Elle a été licenciée pour le 31 juillet 2000.
Le 26 juin 2000, O.________ a présenté une demande de prestations de
l'assurance-invalidité tendant à l'octroi d'une orientation professionnelle,
éventuellement d'un reclassement dans une nouvelle profession et,
subsidiairement, d'une rente. L'Office de l'assurance-invalidité pour le
canton de Vaud (ci-après : l'office AI) a requis l'avis du docteur
D.________, médecin traitant de l'assurée (rapports des 9 juillet et 19
décembre 2000, complété le 11 mai 2001) et fait produire le dossier médical
de la Winterthur Assurances, assureur perte de gain de l'employeur. Par
ailleurs, il a mis en oeuvre une enquête économique sur le ménage (rapport du
19 décembre 2001).
Après avoir requis l'avis du docteur C.________, médecin au Service médical
régional AI (SMR), l'office AI a, dans un projet de décision du 27 août 2002,
informé l'assurée qu'il entendait rejeter sa demande de prestations, motif
pris que le degré d'invalidité globale, de 31,69 %, était insuffisant pour
ouvrir droit à une rente. En substance, il a considéré que, sans atteinte à
la santé, l'assurée exercerait une activité à mi-temps et consacrerait le
reste de son temps à la tenue de son ménage. Elle serait en mesure d'exercer
une activité lucrative adaptée, laquelle diminuerait sa capacité de gain de
19,48 %, soit 9,74 % compte tenu de l'exercice d'une activité lucrative à
mi-temps. Se fondant sur les résultats de l'enquête économique, il a par
ailleurs retenu qu'en raison de l'atteinte à la santé, l'assurée subissait
une entrave de 43,9 % dans ses travaux habituels, et fixé à 21,95 % le degré
d'invalidité relatif à cette part d'activité.
Malgré les objections de l'assurée à l'encontre du bien-fondé de ce projet et
après avoir sollicité à nouveau l'avis du docteur C.________ (note interne du
11 novembre 2002), l'office AI a confirmé le 15 novembre 2002 les termes de
sa prise de position initiale.

B.
O.________ a déféré la décision de l'office AI au Tribunal cantonal des
assurances du canton de Vaud. Celui-ci l'a déboutée par jugement du 22
juillet 2004, au motif que le degré d'invalidité globale, fixé à 35,74 %,
demeurait insuffisant pour ouvrir droit à une rente d'invalidité.

C.
O.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
elle demande l'annulation. Sous suite de frais et dépens, elle conclut,
principalement, à l'octroi d'une rente entière d'invalidité et,
subsidiairement, au renvoi de la cause à l'administration pour complément
d'instruction.
L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente de
l'assurance-invalidité, singulièrement sur le degré d'invalidité qu'elle
présente.

1.1 La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
du 6 octobre 2000 (LPGA), entrée en vigueur le 1er janvier 2003, de même que
les dispositions de la novelle du 21 mars 2003 modifiant la LAI (4ème
révision), entrée en vigueur le 1er janvier 2004, ne sont pas applicables au
présent litige, eu égard au principe selon lequel les règles applicables sont
celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont
produits (ATF 129 V 4 consid. 1.2, 398 consid. 1.1 et les références). En
outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la légalité des décisions
attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait existant au moment où la
décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b).

1.2 Le jugement entrepris expose correctement les dispositions légales et les
principes jurisprudentiels relatifs à la notion d'invalidité (art. 4 LAI) et
son évaluation chez les assurés qui n'exercent que partiellement une activité
lucrative et se consacrent en outre à leur travaux habituels (méthode mixte
de l'évaluation de l'invalidité; art. 28 al. 3 LAI en corrélation avec l'art.
27bis al. 1 et 2 RAI), l'échelonnement des rentes en fonction du degré
d'invalidité (art. 28 al. 1 LAI), ainsi que la valeur probante des rapports
médicaux (ATF 125 V 352 consid. 3a et les références). Il convient donc d'y
renvoyer.

2.
Dans la mesure où la recourante aurait exercé, sans atteinte à la santé, une
activité à temps partiel, consacrant le reste de son temps à ses activités
ménagères, c'est à juste titre que l'administration et les premiers juges ont
fait application de la méthode mixte d'évaluation de l'invalidité. De même,
la répartition à parts égales entre les activités lucrative et ménagère n'est
pas critiquable.
Demeure en revanche litigieuse la mesure dans laquelle l'atteinte à la santé
limite la capacité de travail de la recourante. A cet égard, celle-ci
conteste la manière avec laquelle les premiers juges ont, sur la base des
pièces produites au dossier, apprécié sa capacité de travail. Elle leur
reproche de ne s'être fondé que sur le rapport du docteur R.________ et
d'avoir ignoré ceux d'autres spécialistes qui concluaient à d'importantes
limitations.

3.
3.1 En l'espèce, le dossier contient une expertise du docteur R.________,
spécialiste en maladies rhumatismales, réalisée à la demande de la Winterthur
Assurances. Ce médecin a diagnostiqué des lombalgies chroniques, des
sciatalgies chroniques du membre inférieur droit d'origine indéterminée,
ainsi qu'une limitation de la mobilité de la hanche droite d'origine
indéterminée. Il préconisait par ailleurs de compléter les investigations par
des examens radiologiques supplémentaires. Dans l'hypothèse où les mesures
diagnostiques proposées ne mettaient pas en évidence de pathologie
importante, l'incapacité de travail dans l'ancienne activité de la recourante
ne devrait pas être importante. Dans un travail plus adapté (réceptionniste,
vente de détails, aide de bureau), permettant les changements de position et
évitant les répétitions importantes de mouvement d'élévation et d'abaissement
de la cuisse droite, la capacité de travail lui semblait supérieure ou égale
à 80 % (rapport d'expertise du 7 décembre 1999).
Conformément aux mesures préconisées, un scanner de la colonne lombaire L2-S1
a été effectué par le docteur S.________ le 3 février 2000. Il a révélé une
discopathie L4-L5 avec contrainte globale sur le sac dural de moyenne
importance et une discopathie L5-S1 avec petite compression sur la partie
haute de l'émergence radiculaire S1 droite. Des radiographies du bassin et de
la hanche droite réalisées par ce même médecin n'ont rien relevé de
particulier. La recourante a également été examinée par la doctoresse
G.________, spécialiste en neurologie. Cette praticienne a indiqué que
l'intéressée présentait des lombosciatalgies S1 droites discrètement
déficitaires sur le plan sensitif, qui pouvaient être en relation avec la
discopathie L5-S1 et entraîner une compression de la racine S1. A son avis,
le syndrome radiculaire demeurait minime. La discopathie pouvait toutefois
rendre compte des douleurs que présentait la recourante lors de son travail
ou lorsqu'elle effectuait des activités ménagères prolongées debout ou assise
(rapport du 7 février 2000).
Sur la base de ces éléments, le docteur C.________ a constaté qu'il
n'existait pas de réel canal lombaire étroit, ni de hernie discale
importante. Compte tenu du traitement médicamenteux, qui se limitait à la
prise de produits homéopathiques et d'un anti-douleur administré à dose
relativement faible, l'importance de la douleur devait être relativisée. Si
l'ancienne activité exercée par la recourante ne paraissait plus appropriée,
il y avait lieu néanmoins de retenir une diminution de rendement inférieure à
20 % dans une activité adaptée, ne nécessitant pas de travailler en position
debout prolongée, en position statique, en torsion ou en porte-à-faux, ou de
porter des charges lourdes (note du 11 novembre 2002).

3.2 Compte tenu de l'ensemble des rapports médicaux figurant au dossier, il
n'y a pas lieu de remettre en cause l'appréciation du service médical de
l'intimé, laquelle est d'ailleurs corroborée par le médecin-conseil de la
Winterthur Assurances (lettre à la recourante du 15 juin 2000). Peu importe à
cet égard que le rapport d'expertise du docteur R.________ ait été établi
pour le compte d'un assureur privé ou que le docteur C.________ se soit
déterminé en qualité de médecin-conseil de l'office AI. L'élément déterminant
pour la valeur probante d'un document médical n'est ni son origine ni sa
désignation sous la forme d'un rapport ou d'une expertise, mais bel et bien
son contenu (ATF 125 V 353 consid. 3b ee).
Certes, le docteur D.________ a constamment attesté une incapacité de travail
totale. Or, les différents rapports que ce médecin a rédigés en cours de
procédure ne contiennent le plus souvent qu'une motivation sommaire, fondée
pour l'essentiel sur les plaintes subjectives de la recourante. S'agissant en
outre de la valeur probante des rapports établis par les médecins traitants,
le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin
traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son
patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF
125 V 352 consid. 3a, 122 V 160 consid. 1c et les références).
S'agissant des rapports des docteurs S.________ et G.________, ils ne sont
pas de nature à remettre en cause l'appréciation du docteur C.________, dès
lors que ces médecins ne se prononcent pas sur la question litigieuse de la
capacité de travail et du caractère exigible de la reprise d'une activité
lucrative.
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que la recourante
disposait d'une capacité résiduelle de travail de 80 % dans l'exercice d'une
activité adaptée.

4.
Il y a lieu ensuite d'examiner si l'évaluation du taux d'invalidité à
laquelle ont procédé l'office AI et les premiers juges est conforme aux
règles légales applicables ainsi qu'aux principes dégagés par la
jurisprudence en la matière.

4.1 Pour procéder à la comparaison des revenus selon l'art. 28 al. 2 LAI, il
convient de se placer au moment de la naissance du droit à une éventuelle
rente de l'assurance-invalidité, soit au plus tôt en 2000, dès lors que la
recourante n'a plus exercé son emploi depuis le 24 mars 1999 (art. 29 al. 1
let. b LAI; ATF 129 V 223 consid. 4.1, 128 V 174).

4.2 En règle générale, le revenu hypothétique de la personne valide se
détermine en établissant au degré de la vraisemblance prépondérante ce
qu'elle aurait effectivement pu réaliser au moment déterminant si elle était
en bonne santé (ATF 129 V 224 consid. 4.3.1 et la référence). Selon les
indications figurant au dossier, la recourante aurait obtenu un salaire
horaire de 21 francs en 2000. Compte tenu d'une semaine de 5 jours ouvrables,
un mois comporte en moyenne 21,75 jours de travail (VSI 2000 p. 308 consid.
3a); aussi, dès lors que la recourante aurait travaillé à raison de quatre
heures par jour, il en résulte un revenu sans invalidité de 23'751 fr. (21
francs x 4 heures x 21,75 jours x 13 mois).

4.3
4.3.1Pour déterminer le revenu d'invalide de la recourante, qu'ils ont fixé à
19'052 fr., compte tenu d'une capacité résiduelle de travail de 80 % et d'un
taux d'activité de 50 %, les premiers juges se sont fondés sur les salaires
résultant de cinq descriptions de poste de travail (DPT). Or, en l'espèce,
les conditions posées par la jurisprudence pour que les données salariales
issues des DPT puissent servir au calcul du revenu d'invalide ne sont pas
remplies (ATF 129 V 480 consid. 4.2.2), de sorte qu'il y a lieu de les
écarter.

4.3.2 Aussi, convient-il, en l'absence d'un revenu effectivement réalisé, de
se référer aux données salariales, telles qu'elles résultent des enquêtes sur
la structure des salaires de l'Office fédéral de la statistique (ATF 126 V 76
consid. 3b/aa et bb). En l'espèce, compte tenu de l'activité adaptée de
substitution que pourrait exercer la recourante, le salaire de référence est
celui auquel peuvent prétendre les femmes effectuant des activités simples et
répétitives (niveau de qualification 4) dans le secteur privé, soit en 2000,
3'658 fr. par mois ou annuellement 43'896 fr. (Enquête suisse sur la
structure des salaires 2000, [ESS], p. 31, TA1). Comme les salaires bruts
standardisés tiennent compte d'un horaire de travail de quarante heures, soit
une durée hebdomadaire inférieure à la moyenne usuelle dans les entreprises
en 1998 (41,8 heures; La Vie économique, 10/2004, p. 90, B 9.2), ce montant
doit être porté à 45'871 fr.
Compte tenu d'une capacité résiduelle de travail exigible de 80 % dans le
cadre d'une activité adaptée, le revenu hypothétique que la recourante
pourrait effectivement réaliser en tant que personne invalide s'élève à
36'697 fr. (voir ATF 125 V 153 consid. 5; arrêt non publié B. du 19 mai 1993,
I 417/92). Or, même en procédant à un abattement maximum de 25 % sur ce
salaire statistique (ATF 126 V 78 consid. 5) - une déduction moins importante
apparaîtrait cependant mieux appropriée -, on obtient un revenu d'invalide de
27'523 fr.
La comparaison de ce montant avec le revenu sans invalidité conduit à la
constatation que la recourante ne subit pas d'invalidité dans l'exercice
d'une activité lucrative.

5.
Il reste à examiner l'évaluation des empêchements que subit la recourante
dans ses activités habituelles.
La personne chargée de l'enquête économique a conclu dans un premier temps à
une incapacité d'effectuer les tâches ménagère de 52 % (rapport du 19
décembre 2001). A la suite d'un certain nombre de remarques émises par
l'office AI, l'enquêtrice a revu son évaluation et l'a corrigée en fixant
l'incapacité à 43,9 % (rapport complémentaire du 7 août 2002), taux sur
lequel l'office AI a fondé la décision litigieuse. Interrogé à ce sujet par
la mandataire de la recourante, le docteur D.________ a confirmé pour
l'essentiel l'appréciation faite par l'enquêtrice dans son rapport
complémentaire (rapport du 11 octobre 2002). Considérant néanmoins que les
raisons qui avaient motivé la réévaluation des empêchements de la recourante
n'étaient pas relevantes, les premiers juges ont retenu le taux initial de 52
%.
Il n'est toutefois pas nécessaire d'examiner ces divergences dès lors qu'en
toute hypothèse, le degré d'incapacité de la recourante dans le cadre de ses
travaux habituels serait inférieur à 80 %, valeur nécessaire pour atteindre
un taux d'invalidité globale de 40 % permettant d'ouvrir droit à une rente de
l'assurance-invalidité ([0,5 x 0] + [0,5 x 80] = 40).

6.
En tant que la recourante fait valoir que ses limitations vont en s'aggravant
et que la position assise prolongée lui est désormais impossible, il s'agit
là de faits postérieurs à la décision litigieuse du 15 novembre 2002,
laquelle détermine l'objet du litige, et ne sont pas de nature à influencer
l'issue de la contestation au moment déterminant. Il n'y a donc pas lieu de
les prendre en considération (cf. consid. 2.1). Il est toutefois loisible à
la recourante de s'en prévaloir dans le cadre d'une nouvelle demande de
prestations à l'assurance-invalidité.

7.
Au vu de ce qui précède, le jugement entrepris n'est pas critiquable dans son
résultat et le recours est, partant, mal fondé.
Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). La
recourante, qui succombe, ne saurait prétendre à une indemnité de dépens pour
l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 25 avril 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre: Le Greffier: