Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 534/2004
Zurück zum Index Sozialrechtliche Abteilungen 2004
Retour à l'indice Sozialrechtliche Abteilungen 2004


I 534/04

Arrêt du 12 septembre 2005
IIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Lustenberger et Frésard. Greffière : Mme
Moser-Szeless

F.________, recourante, représentée par Me Jacques Emery, avocat, boulevard
Helvétique 19, 1207 Genève,

contre

Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203 Genève, intimé

Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève

(Jugement du 29 juin 2004)

Faits:

A.
Née en 1953, F.________, ressortissante française domiciliée en Suisse,
travaillait en qualité d'employée de banque au service de X.________ S.A.
depuis le 1er novembre 1984. A partir du mois de mai 1999, elle a subi
plusieurs périodes d'incapacité de travail, avant d'être mise en arrêt de
travail complet dès le 21 août 2000. Depuis lors, elle n'a plus repris
d'activité lucrative; son employeur a mis fin aux rapports de travail au 28
février 2001.

Le 7 novembre suivant, F.________ a présenté une demande de prestations de
l'assurance-invalidité. Dans un rapport établi le 22 novembre 2001 à
l'intention de l'Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité (ci-après
: office AI), la doctoresse C.________ a posé les diagnostics de surmenage
grave (professionnel) depuis 1995, fibromyalgie secondaire (notamment
épicondylite chronique), hypertension artérielle secondaire, état dépressif
secondaire. Selon elle, le diagnostic était défavorable en raison de la durée
du surmenage. L'office AI a soumis l'intéressée à un examen médical auprès du
Service médical régional AI (ci-après : SMR), qui a été confié aux docteurs
A.________, psychiatre, et M.________, spécialiste en médecine interne. Dans
leur rapport du 14 avril 2003, ces médecins ont diagnostiqué une dysthymie
(F34.1) qui n'entraînait aucune restriction sur le plan de la capacité de
travail. De son côté, le docteur S.________, spécialiste FMH en chirurgie, a
été chargé d'une expertise sur le plan somatique. Faisant état d'un syndrome
somatoforme douloureux chronique, d'une cervicarthrose, de discrets troubles
statiques et dégénératifs de la colonne dorso-lombaire, ainsi que de
dysthymie, le praticien a conclu qu'en l'absence de limitations
fonctionnelles ostéo-articulaires, l'assurée ne présentait aucune incapacité
de travail dans son activité d'employée de banque (rapport du 18 septembre
2003).

Se fondant sur ces rapports médicaux, l'office AI a, par décision du 27
octobre 2003, rejeté la demande de prestations, motif pris de l'absence d'une
atteinte à la santé invalidante au sens de la loi. F.________ a formé
opposition contre cette décision, en produisant de nouvelles attestations
médicales. L'office AI a confirmé sa position par décision sur opposition du
15 décembre 2003.

B.
Saisi d'un recours de l'assurée contre cette décision, le Tribunal cantonal
des assurances du canton de Genève l'a rejeté par jugement du 29 juin 2004.
En résumé, il a retenu qu'au vu des rapports médicaux au dossier, en
particulier ceux des docteurs A.________ et S.________, les critères posés
par la jurisprudence pour retenir le caractère invalidant d'un trouble
somatoforme douloureux n'étaient pas remplis en l'espèce et que le diagnostic
de fibromyalgie devait être écarté; l'assurée ne présentait donc pas
d'atteinte significative du point de vue de l'assurance-invalidité.

C.
F.________ interjette un recours de droit administratif contre ce jugement,
dont elle demande l'annulation. Elle conclut au renvoi de la cause au
tribunal cantonal pour qu'il ordonne une nouvelle expertise neurologique,
voire rhumatologique, complétant celle du docteur S.________ et soumette
différentes questions d'ordre médical à l'expert mandaté. A l'appui de ses
conclusions, elle verse au dossier un avis médical du docteur I.________,
spécialiste FMH en médecine interne et angiologie, du 2 septembre 2004. Elle
sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire. En cours
d'instruction, elle produit encore un rapport du Centre multidisciplinaire
d'étude et de traitement de la douleur de l'Hôpital Z.________ (ci-après : le
Centre multidisciplinaire de la douleur) établi le 7 septembre 2004.

L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le litige porte sur le droit éventuel de la recourante à une rente de
l'assurance-invalidité.

1.2 Le jugement entrepris expose correctement la norme définissant la notion
d'invalidité, ainsi que les principes jurisprudentiels relatifs à la valeur
probante des rapports médicaux et aux motifs permettant au juge de s'écarter
des conclusions d'une expertise médicale, de sorte qu'on peut y renvoyer sur
ces points.

On ajoutera que les modifications de la LAI du 21 mars 2003 (4ème révision de
la LAI), entrées en vigueur au 1er janvier 2004 (RO 2003 3852), ne sont pas
applicables au présent cas, dès lors que le juge des assurances sociales n'a
pas à prendre en considération les modifications du droit ou de l'état de
fait postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse du 15
décembre 2003 (ATF 129 V 4 consid. 1.2 et les arrêts cités).

2.
Pour l'essentiel, la recourante conteste la valeur probante du rapport du
docteur S.________ (du 18 septembre 2003). Le médecin se serait en effet
limité à se référer au rapport du docteur A.________ (du 14 avril 2003), sans
se prononcer sur les autres avis médicaux au dossier. Par ailleurs, l'expert
n'aurait pas examiné le problème du syndrome du défilé thoracique (gêne
mécanique au passage des nerfs, des artères et des veines derrière les
clavicules), mis en évidence par le docteur I.________ dans son rapport du 2
septembre 2004, médecin traitant depuis le 29 novembre 2000. Selon la
recourante, en l'absence de toute analyse médicale du phénomène
neuro-musculaire, une expertise complémentaire s'avère indispensable.

3.
3.1 Examinant l'assurée à deux reprises, les 1er et 15 septembre 2003, le
docteur S.________ a procédé à un examen clinique et neurologique à l'issue
duquel il a conclu qu'elle souffrait d'un syndrome douloureux chronique
affectant principalement la colonne cervicale et les membres supérieurs, et
plus récemment le bassin et les membre inférieurs. Analysant le dossier
radiologique de l'intéressée, il a par ailleurs fait état d'une
cervicarthrose modérée et de discrets troubles statiques et dégénératifs de
la colonne dorso-lombaire. Dans son appréciation du cas, le médecin a indiqué
que l'examen clinique n'avait révélé aucune limitation fonctionnelle
ostéo-articulaire significative, alors que l'examen neurologique n'avait mis
en évidence qu'un discret syndrome du tunnel carpien bilatéral qui ne
justifiait pas une décompression chirurgicale des nerfs médians. En ce qui
concerne la situation sur le plan psychique, le praticien s'est référé au
rapport des docteurs A.________ et M.________ en reprenant le diagnostic posé
par ceux-ci (dysthymie). Au vu de ces constatations, il arrivait à la
conclusion que l'assurée ne présentait pas d'incapacité de travail dans son
activité d'employée de banque, profession qui n'exigeait aucun effort, port
de charges ou déplacement, et était adaptée aux troubles dégénératifs de la
colonne cervicale dont elle était atteinte; l'incapacité de travail qu'elle
présentait alors était due à un processus d'invalidation dans lequel les
facteurs psycho-sociaux jouaient un rôle prédominant.

3.2 Il apparaît à la lecture de ces considérations médicales que le rapport
du docteur S.________ répond aux exigences posées par la jurisprudence en la
matière (cf. ATF 125 V 352 consid. 3a, 122 V 160 consid. 1c et les
références) et revêt une pleine valeur probante. Contrairement à ce que
prétend la recourante, le médecin a en effet rendu ses conclusions après
avoir analysé l'ensemble du dossier médical à disposition, en s'appuyant, en
particulier, sur les rapports radiographiques (du docteur T.________), ainsi
que sur les résultats de l'électroneuromyographie effectuée par le docteur
J.________, le 6 février 2001. Le rapport médical contient par ailleurs une
anamnèse socio-professionnelle et médicale de l'intéressée et fait état de
ses plaintes. A cet égard, c'est en vain que la recourante affirme que
l'expert aurait «par inadvertance» ignoré ses plaintes relatives à des
douleurs musculaires, puisque celui-ci a rapporté de manière précise ses
propos relatifs à la survenance, la fréquence et la localisation des douleurs
ressenties (p. 3 de l'expertise).

La recourante ne saurait rien déduire non plus en sa faveur de l'appréciation
du docteur I.________ (du 2 septembre 2004), selon laquelle sa capacité de
travail serait diminuée (de 75 %) en raison d'un «problème neuro-musculaire»
et d'un «syndrome du défilé thoracique». Outre le fait que le médecin
traitant ne motive pas ses conclusions, son rapport ne contient aucun élément
permettant de comprendre sur quelles investigations ou examens concrets il a
fondé son analyse. Par ailleurs, le praticien ne précise pas en quoi les
constatations faites par l'expert mandaté par l'intimé - qui a pratiqué un
examen neurologique n'ayant révélé aucun trouble grossier de la sensibilité
ou de la motricité au niveau des membres supérieurs -, seraient erronées. Sur
ce point, la critique de la recourante selon laquelle son dossier ne
contiendrait aucune analyse neuro-musculaire  tombe à faux, puisque le
rapport du docteur S.________ contient une appréciation neurologique de la
situation, ainsi qu'un compte rendu de l'état musculaire de l'intéressée;
l'expert se réfère en outre à l'examen neurologique du docteur J.________ qui
n'avait mis en évidence qu'un syndrome du tunnel carpien bilatéral très
modéré. Dès lors, le simple fait que le docteur I.________ qualifie de
manière différente la symptomatologie présentée par la recourante, sans
toutefois motiver le diagnostic posé en des termes très vagues («phénomène
neuro-musculaire multiloculaire avec participation de la colonne
vertébrale»), ne suffit pas à mettre en doute le bien-fondé des conclusions
du docteur S.________.

Il en va de même, par ailleurs, du rapport établi par les médecins du Centre
multidisciplinaire de la douleur (le 7 septembre 2004), dès lors qu'il ne
contient aucun élément nouveau qui n'aurait pas été pris en compte par
l'expert mandaté par l'intimé ou les médecins du SMR. Au demeurant, l'examen
clinique conduit par les médecins dudit centre a révélé un status
neurologique dans la norme, ce qui infirme les affirmations du docteur
I.________.

3.3 En conséquence de ce qui précède, un complément d'expertise médicale
comme le requiert la recourante ne s'avère pas nécessaire. Les premiers juges
étaient donc fondés, sur la base des pièces médicales au dossier, à retenir
l'absence d'une atteinte à la santé qui limiterait la capacité de travail de
l'assurée et, partant, à nier son droit à une rente d'invalidité. Le recours
doit dès lors être rejeté.

4.
Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 132 OJ). Par
ailleurs, la recourante qui succombe n'a pas droit à des dépens (art. 159 en
corrélation avec l'art. 135 OJ). Il convient cependant de lui accorder
l'assistance judiciaire dont elle remplit les conditions (art. 152 OJ).
F.________ est toutefois rendue attentive qu'elle sera tenue de rembourser la
caisse du tribunal si elle est ultérieurement en mesure de le faire (art. 152
al. 3 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'assistance judiciaire est accordée à la recourante. Les honoraires (y
compris la taxe sur la valeur ajoutée) de Me Jacques Emery sont fixés à 2'000
fr. pour la procédure fédérale et seront supportés par la caisse du tribunal.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal genevois
des assurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 12 septembre 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre: La Greffière: