Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 526/2004
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I 526/04

Arrêt du 17 mars 2005
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Kernen. Greffier : M.
Piguet

A.________, recourant, représenté par Me Alexandre Bernel, avocat, rue de
Bourg 33, 1002 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 18 mai 2004)

Faits:

A.
A. ________, né en 1955, a travaillé en qualité de tôlier-carrossier jusqu'au
30 novembre 1997, date à laquelle il a été licencié pour raisons économiques.
Il n'a plus exercé d'activité professionnelle depuis lors. L'assuré a
présenté une incapacité de travail totale du 17 août 1998 au 13 janvier 1999
et du 26 mars au 15 août 1999, puis une incapacité de 50 % du 16 au 30 août
1999, attestées par son médecin traitant, le docteur F.________.
Le 9 septembre 1999, A.________ a présenté une demande de prestations de
l'assurance-invalidité tendant à l'octroi d'une rente. Il alléguait souffrir
principalement du dos et des genoux. Procédant à l'instruction du cas,
l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office
AI) a requis l'avis du docteur F.________, qui a posé les diagnostics de
syndrome lombo-vertébral avec syndrome irritatif L5 droit, de discopathie
L5-S1 marquée, de syndrome rotulien principalement à gauche et d'obésité
(rapport du 15 mars 2000). Ce praticien a joint à son avis médical les prises
de position des docteurs C.________ (rapports des 5 juillet et 12 novembre
1999) et R.________ (rapport du 18 octobre 1999). Selon ces deux médecins,
l'assuré disposait d'une capacité résiduelle de travail réduite d'un tiers
dans sa profession de tôlier-carrossier, tandis qu'une pleine capacité était
envisageable dans le cadre d'une activité adaptée excluant le port de charges
lourdes et permettant l'alternance des positions assise et debout.
Dans un rapport du 10 avril 2001, le docteur F.________ a indiqué que l'état
de santé de son patient s'était aggravé. Celui-ci se plaignait avant tout de
douleurs au genou gauche, reléguant les problèmes dorsaux à l'arrière plan.
Une arthroscopie diagnostic réalisée par le docteur P.________ le 29 janvier
2001 avait mis en évidence des fissures cartilagineuses de la trochlée
fémorale interne et du plateau tibial externe, ainsi qu'une synovite
probablement réactionnelle au genou gauche.
L'office AI a confié au docteur G.________, spécialiste en rhumatologie et en
médecine interne, la mise en oeuvre d'une expertise médicale. Au terme de son
examen, celui-ci a estimé que la capacité de travail de l'assuré dans la
profession de tôlier-carrossier était de 50 %. Dans une activité excluant les
travaux lourds, le port répétitif de charges supérieures à 15 kilos, les
mouvements du rachis en porte-à-faux et permettant l'alternance des positions
assise et debout, elle s'élevait à 75 % (rapport du 25 novembre 2002).
Par deux décisions des 22 avril et 19 mai 2003, l'office AI a octroyé un
quart de rente à l'assuré à partir du 1er août 1999 en se fondant sur un taux
d'invalidité de 47 %. A.________ a formé opposition contre ces décisions, en
produisant un rapport du docteur P.________ du 23 juin 2003. Par décision sur
opposition du 10 novembre 2003, l'office AI a partiellement admis
l'opposition, en ce sens que le montant du quart de rente a été relevé. Par
décision du 8 décembre 2003, l'office AI a mis l'assuré au bénéfice d'une
demi-rente pour cas pénible avec effet au 1er janvier 2004.

B.
A.________ a déféré la décision sur opposition au Tribunal des assurances du
canton de Vaud, qui l'a débouté par jugement du 18 mai 2004.

C.
A.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
il demande l'annulation. Il conclut, principalement, à la mise en oeuvre d'un
complément d'instruction et, subsidiairement, à l'octroi d'une rente entière
d'invalidité à partir du 1er août 1999.
L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d'invalidité,
singulièrement sur le degré d'invalidité qu'il présente.

2.
2.1 La décision sur opposition litigieuse a été rendue le 10 novembre 2003,
soit postérieurement à l'entrée en vigueur le 1er janvier 2003 de la Loi
fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre
2000 (LPGA). En vertu du principe général de droit transitoire, selon lequel
- même en cas de changement de bases légales - les règles applicables sont
celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont
produits, il y a lieu d'examiner le droit à une rente au regard de l'ancien
droit pour la période jusqu'au 31 décembre 2002 et en fonction de la nouvelle
réglementation légale après cette date (ATF 130 V 455 et les références). Le
Tribunal fédéral des assurances a néanmoins précisé que les définitions
légales contenues dans la LPGA constituent, en règle générale, une version
formalisée de la jurisprudence relative aux notions correspondantes avant
l'entrée en vigueur de la LPGA et qu'il n'en découle aucune modification du
point de vue de leur contenu; de la sorte, la jurisprudence développée à leur
propos peut être reprise et appliquée (ATF 130 V 345 consid. 3).
On ajoutera que les modifications de la LAI du 21 mars 2003 (4ème révision),
entrée en vigueur le 1er janvier 2004, ne sont pas applicables au présent
litige (ATF 129 V 4 consid. 1.2 et les références).

2.2 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle qui est
présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité
congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1
LAI). Est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une
partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail
équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une
atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les
traitements et les mesures de réadaptation exigibles (art. 7 LPGA). L'assuré
a droit à une rente entière s'il est invalide à 66 2/3 % au moins, à une
demi-rente s'il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart de rente s'il est
invalide à 40 % au moins (art. 28 al. 1 LAI).
Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base
d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu
obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait
obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui
après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du
travail équilibré (art. 16 LPGA). La comparaison des revenus s'effectue, en
règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de
ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence
permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de la
comparaison des revenus; ATF 130 V 348 consid. 3.4, ATF 128 V 30 consid. 1,
104 V 136 consid. 2a et 2b).

3.
Le recourant reproche aux premiers juges d'avoir retenu les conclusions du
docteur G.________, bien que son expertise soit lacunaire à maints égards. Ce
médecin n'avait en effet pas tenu compte de l'influence sur la capacité de
travail des atteintes au cartilage de la trochlée fémorale et du plateau
tibial externe, constatées lors de l'arthroscopie diagnostic du 29 janvier
2001. Il avait tout autant ignoré le rapport du docteur P.________ du 23 juin
2003, lequel avait constaté lors d'un examen réalisé les 11 et 13 juin 2003,
que la circonférence sus-rotulienne du genou gauche était augmentée d'un
demi-centimètre et s'accroissait d'un centimètre après une marche d'une
demi-heure, symptôme clair d'une atteinte somatique au genou. Fort de ces
constatations, ce médecin estimait que le recourant était incapable de
travailler à 50 % dans son ancienne profession de tôlier-carrossier et
disposait, peut-être, d'une capacité de 50 % dans une profession adaptée,
mais « pas d'avantage ».
Sur la base de ces éléments, le recourant considère que son état de santé n'a
pas fait l'objet d'une évaluation globale, les éléments pertinents pour
apprécier le cas n'ayant en particulier pas été pris en considération
s'agissant du genou gauche.

4.
Pour rendre ses conclusions, le docteur G.________ s'est fondé sur un examen
clinique complet de l'assuré, sur le dossier de l'office AI ainsi que sur les
examens radiologiques effectués jusqu'alors. Sur la base de ces éléments, il
a posé les diagnostics de trouble somatoforme douloureux sous la forme de
lombalgies chroniques avec pseudo-sciatalgies droites et gonalgies
bilatérales prédominant à gauche, de troubles dégénératifs importants de la
charnière lombo-sacrée, d'hernie discale L5-S1 extraforaminale droite,
d'obésité et de tachycardie.
L'examen était relativement rassurant, mais difficilement interprétable en
raison de la présence de nombreux signes de non-organicité selon Waddell, qui
parasitaient l'examen clinique. Celui-ci a néanmoins permis d'exclure une
pathologie articulaire manifeste au niveau du genou gauche intéressant les
ménisques et les ligaments, le genou étant par ailleurs parfaitement calme
avec une fonction normale. L'examen neurologique des membres inférieurs
excluait lui aussi un trouble neurologique significatif, seuls étant
retrouvés les signes d'une hyposensibilité globale du membre inférieur droit
sans trajet radiculaire concordant. Les examens radiologiques mettaient en
évidence des troubles dégénératifs importants à sévères de la charnière
lombo-sacrée au niveau L5-S1 avec une hernie discale extraforaminale droite
concomitante, tandis que l'IRM du genou droit réalisée un an auparavant et
les radiographies du genou gauche réalisées le jour de l'examen, étaient
normales. Tant les examens paracliniques et le status ne permettaient
d'expliquer la globalité des symptômes dont souffrait le recourant et leur
retentissement sur son quotidien. La présence de signes de non-organicité au
status orientait l'expert vers un trouble somatoforme douloureux persistant.
D'un point de vue rhumatologique, la capacité de travail du recourant dans sa
profession de tôlier-carrossier était de 50 %, en tenant compte
essentiellement du rendement que l'on pouvait attendre d'un homme de son âge
souffrant d'une hernie discale L5-S1 et d'un trouble dégénératif important à
sévère de la charnière lombo-sacrée. Dans une activité excluant les travaux
lourds, le port répétitif de charges supérieures à 15 kilos, les mouvements
du rachis en porte-à-faux et permettant l'alternance des positions assise et
debout, sa capacité de travail était de 75 %. Toute mesure de reconversion
professionnelle était vouée à l'échec dans le cadre du trouble somatoforme
actuellement floride, du manque de qualification professionnelle et de la
méconnaissance de la langue française.

5.
Quoiqu'en dise le recourant, le rapport d'expertise du docteur G.________
remplit toutes les conditions auxquelles la jurisprudence soumet la valeur
probante d'un tel document (ATF 125 V 352 consid. 3a et la référence).
L'expert a en particulier procédé à un examen complet du genou gauche du
recourant. Ses conclusions sont fondées sur les investigations cliniques
qu'il a mené ainsi que sur la documentation médicale figurant au dossier
(protocole opératoire de l'arthroscopie diagnostic réalisée le 29 janvier
2001, rapport médical du docteur P.________ du 3 mai 2001, examens
radiologiques du 12 juin 2001), documentation qu'il a complétée par de
nouvelles radiographies effectuées le jour même de l'expertise. Ainsi, sur la
base d'une étude fouillée, l'expert a considéré que le genou gauche du
recourant ne présentait pas d'atteintes significatives, malgré les fissures
cartilagineuses constatées lors de l'arthroscopie diagnostic.
Le rapport médical du docteur P.________ du 23 juin 2003 n'est pas de nature
à mettre sérieusement en doute les conclusions de l'expertise. Certes, ce
médecin a-t-il constaté lors de son examen que la circonférence
sus-rotulienne avait augmenté après une marche d'une demi-heure. Il n'a
toutefois pas expliqué la cause de ce phénomène, ni en quoi celui-ci avait
une influence sur la capacité de travail du recourant. Pour le reste, le
rapport ne fait mention d'aucun élément qui n'ait été pris en considération
dans l'expertise et l'appréciation de la capacité résiduelle de travail du
recourant n'est pas motivée.
Au surplus, il ne ressort pas du reste de la documentation médicale produite
en cours de procédure d'indices qui seraient de nature à jeter le doute sur
l'expertise du docteur G.________. Le recourant ne soulève d'ailleurs aucun
argument en ce sens.
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que le recourant
disposait d'une capacité de travail de 75 % dans une activité adaptée en
raison des atteintes à sa santé, au regard de l'ensemble des diagnostics
retenus par le docteur G.________.

6.
Il reste à examiner si l'évaluation du taux d'invalidité à laquelle ont
procédé l'office AI et les premiers juges est conforme aux règles légales
applicables ainsi qu'aux principes dégagés par la jurisprudence en la
matière.

6.1 Au titre de revenu sans invalidité, il y a lieu de retenir le salaire
brut mensuel que le recourant percevait en 1997, soit 5'050 fr., ou
annuellement 65'650 fr. (13ème salaire compris). Dans la mesure où le
recourant présente une incapacité de travail dans son activité de
tôlier-carrossier depuis le mois d'août 1998, l'ouverture du droit à une
éventuelle rente d'invalidité, déterminante pour la comparaison des revenus,
prend naissance en 1999 (art. 29 al. 1 let. b LAI; ATF 129 V 223 consid. 4.1,
128 V 174). Il convient dès lors d'adapter ce montant à l'évolution des
salaires dans le secteur du commerce et de la réparation de véhicules pour
les années 1998 et 1999 (+ 1,7 %; Evolution des salaires en 2001, p. 32,
T1.1.93). Le revenu sans invalidité à prendre en considération s'élève donc à
66'766 fr. 05.

6.2
6.2.1Pour déterminer le revenu d'invalide du recourant, qu'ils ont fixé à
36'352 fr., compte tenu d'une capacité résiduelle de travail de 75 %, les
premiers juges se sont fondés sur les salaires résultant de six descriptions
de poste de travail (DPT). Selon la jurisprudence, les données salariales qui
résultent de tels documents peuvent servir au calcul du revenu d'invalide
pour autant que certaines conditions soient remplies. Ainsi, l'assureur doit
produire cinq DPT et préciser le nombre total de places de travail
documentées entrant en considération pour le handicap donné, les salaires
maximum et minimum de celles-ci et le salaire moyen du groupe correspondant
(ATF 129 V 480 consid. 4.2.2). En l'espèce, ces conditions n'ont pas été
remplies. On ignore en particulier le nombre total de places de travail
entrant en considération pour le handicap donné. Il n'est dès lors pas
possible de vérifier la représentativité des postes choisis par l'office AI.
Cela constitue un motif suffisant pour écarter les données salariales
résultant des DPT en tant que base de calcul pour fixer le revenu d'invalide
du recourant.

6.2.2 Aussi, convient-il, en l'absence d'un revenu effectivement réalisé, de
se référer aux données salariales, telles qu'elles résultent des enquêtes sur
la structure des salaires de l'Office fédéral des statistiques (ATF 126 V 76
consid. 3b/aa et bb). En l'espèce, compte tenu de l'activité adaptée de
substitution que pourrait exercer le recourant, le salaire de référence est
celui auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des activités simples et
répétitives (niveau de qualification 4) dans le secteur privé, soit en 1998,
4'268 fr. par mois (Enquête suisse sur la structure des salaires 1998, [ESS],
p. 25, TA1). Au regard du large éventail d'activités simples et répétitives
que recouvrent les secteurs de la production et des services, on doit en
effet convenir qu'un certain nombre d'entre elles sont légères et adaptées
aux problèmes dorsaux du recourant. Comme les salaires bruts standardisés
tiennent compte d'un horaire de travail de quarante heures, soit une durée
hebdomadaire inférieure à la moyenne usuelle dans les entreprises en 1998
(41,9 heures; La Vie économique, 6/2004, p. 90, B 9.2), ce montant doit être
porté à 4'470 fr. 75. Après adaptation de ce chiffre à l'évolution des
salaires selon l'indice suisse des salaires nominaux pour les hommes de
l'année 1999 (+ 0,3 %; Evolution des salaires en 2001, p. 32, T1.1.93), on
obtient un revenu mensuel de 4'484 fr. 15, ou annuel de 53'809 fr. 80.
Compte tenu de la capacité résiduelle de travail du recourant (75 %), le gain
hypothétique s'élève à 40'357 fr. 35. L'âge du recourant et ses limitations
fonctionnelles justifient enfin de procéder à un abattement de 15 % sur ce
salaire statistique (ATF 126 V 78 consid. 5), si bien que le revenu
d'invalide s'élève à 34'303 fr. 75.

6.3 La comparaison avec le revenu sans invalidité de 66'766 fr. 05  conduit à
un taux d'invalidité de 48,62, soit, arrondi au pour cent supérieur, 49 %
(ATF 130 V 122 consid. 3.2). Ce degré d'invalidité restant inférieur au seuil
ouvrant droit à une demi-rente d'invalidité, le jugement entrepris peut être
confirmé dans son résultat.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 17 mars 2005
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre:  Le Greffier: