Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 522/2004
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I 522/04
I 572/04

Arrêt du 14 octobre 2005
IIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Schön et Frésard. Greffier : M. Beauverd

B.________, recourant, représenté par Me Jean-Pierre Oberson, avocat, rue de
la Terrassière 9, 1207 Genève,

contre

Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203 Genève, intimé,

et

Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203 Genève, recourant,

contre

B.________, intimé, représenté par Me Jean-Pierre Oberson, avocat, rue de la
Terrassière 9, 1207 Genève

Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève

(Jugement du 9 juillet 2004)

Faits:

A.
B. ________, né en 1948, a travaillé en qualité de maçon au service de divers
employeurs jusqu'au 9 octobre 1997, date à laquelle il a cessé son activité
en raison d'une atteinte à la santé.

Le 20 novembre 1998, il a présenté une demande tendant à l'octroi d'une
mesure d'orientation professionnelle et d'une rente de
l'assurance-invalidité.

L'Office cantonal de l'assurance-invalidité du canton de Genève a requis
divers avis médicaux. En particulier, le docteur K.________, médecin traitant
de l'assuré, a fait état d'une claudication neurogène importante sur un canal
lombaire étroit entre L3 à L5. Cette affection avait nécessité une opération
consistant en une laminectomie L3-L4-L5 réalisée le 16 janvier 1998 par le
docteur R.________. Malgré de bons résultats post-opératoires, il subsistait
des douleurs et un engourdissement à la cuisse et au genou droits, ce qui
avait empêché la reprise du travail à mi-temps au mois de mai 1998 (rapport
du docteur K.________ du 11 janvier 1999). De son côté, le docteur R.________
a constaté cliniquement des signes de douleurs dans la région antérieure du
genou droit et préconisé un complément d'investigation sur ce point (rapports
des 6 mars et 6 juin 2000). Dans un rapport médical intermédiaire du 26 avril
2002, le docteur K.________ a indiqué que l'état de santé de l'assuré était
stationnaire mais que celui-ci avait repris le travail à 50 % le 1er novembre
2001.

Invité à se prononcer sur l'ensemble du dossier médical, le docteur
C.________, médecin de l'office AI, a indiqué que l'assuré n'était plus en
mesure d'exercer son activité de maçon. L'atteinte à la santé, qui relevait
moins de l'affection lombaire que de douleurs au genou droit, n'empêchait
toutefois pas la reprise d'une activité sédentaire.

Aussi, l'office AI a-t-il confié un stage d'observation professionnelle au
Centre d'observation professionnelle de l'assurance-invalidité (COPAI). Ce
stage a eu lieu du 28 mai au 23 septembre 2001 au Centre d'observation
professionnelle (CIP), à Genève.

Se fondant sur les conclusions du rapport de stage qui faisaient état d'une
capacité entière de travail dans une activité d'ouvrier dans l'industrie
légère ou de polisseur, l'office a rendu une décision, le 29 mai 2002, par
laquelle il a rejeté la demande de prestations, motif pris que le taux
d'invalidité constaté (19 %) était insuffisant.

B.
B.________ a recouru contre cette décision devant la Commission cantonale de
recours en matière d'AVS/AI du canton de Genève, en concluant à l'octroi
d'une rente d'invalidité de 50 % au moins. A l'appui de son recours, il a
produit des rapports des docteurs J.________, spécialiste en médecine interne
et rhumatologie (du 1er juillet 2002), et P.________ et A.________, médecins
à la division de rhumatologie de l'Hôpital X.________ (du 18 septembre 2002).

Par jugement du 9 juillet 2004, le Tribunal cantonal des assurances sociales
du canton de Genève, à qui la cause avait été transmise, a annulé la décision
attaquée et alloué à l'assuré un quart de rente à partir du 1er octobre 1998.

C.
B.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
il demande l'annulation, en concluant à l'octroi d'une demi-rente
d'invalidité, subsidiairement à la mise en oeuvre d'un complément
d'instruction sous la forme d'une expertise médicale.

De son côté, l'office AI interjette également un recours de droit
administratif, en concluant à l'annulation du jugement cantonal et à la
confirmation de sa décision du 29 mai 2002.

B. ________ conclut à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet du recours
de l'office AI. Celui-ci conclut au rejet du recours du prénommé.

L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à présenter des
déterminations sur les recours.

Considérant en droit:

1.
Les recours de droit administratif concernent des faits de même nature,
portent sur des questions juridiques communes et sont dirigés contre le même
jugement, de sorte qu'il se justifie de les réunir et de les liquider dans un
seul arrêt (ATF 128 V 126 consid. 1 et les références; cf. aussi ATF 128 V
194 consid. 1).

2.
B.________ conclut à l'irrecevabilité du recours de l'office AI en invoquant
sa tardiveté. Il fait valoir que, dans la mesure où le jugement cantonal a «
probablement » été notifié le 12 juillet 2004 à l'office AI, celui-ci n'a pas
respecté le délai légal en déposant son recours le 14 septembre 2004.

Ce moyen est mal fondé. Il ressort en effet d'une attestation établie par la
Poste Suisse le 12 juillet 2005 que le jugement du Tribunal cantonal des
assurances sociales du 9 juillet 2004 a été notifié à l'office recourant le
14 juillet suivant. Aussi, du moment qu'il a été remis à la Poste Suisse le
14 septembre 2004 au plus tard, le recours de droit administratif a été
déposé dans le délai légal (art. 106 al. 1 en relation avec les art. 32 et 34
al. 1 let. b OJ).

3.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-invalidité. Cependant, le cas d'espèce reste régi par les
dispositions de la LAI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au
principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment
où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467
consid. 1). En outre, le Tribunal fédéral des assurances apprécie la légalité
des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait existant
au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b).

Pour les mêmes motifs, les dispositions de la novelle du 21 mars 2003
modifiant la LAI (4ème révision), entrée en vigueur le 1er janvier 2004 (RO
2003 3852) ne sont pas non plus applicables.

4.
Le litige porte sur le droit éventuel de B.________ à une rente d'invalidité
et, le cas échéant, à partir de quelle date.

4.1 L'assuré a droit à une rente s'il est invalide à quarante pour cent au
moins (art. 28 al. 1 LAI). Pour l'évaluation de l'invalidité, le revenu du
travail que l'invalide pourrait obtenir en exerçant l'activité qu'on peut
raisonnablement attendre de lui, après exécution éventuelle de mesures de
réadaptation et compte tenu d'une situation équilibrée du marché du travail,
est comparé au revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide (art.
28 al. 2 LAI).

4.2 L'office AI a refusé l'octroi d'une rente, motif pris que la comparaison
des revenus déterminants permettait de fixer à 19 % le taux d'invalidité de
l'assuré. Il a considéré que celui-ci, malgré l'atteinte à sa santé, était en
mesure d'exercer, sans limitation, une activité adaptée dans le circuit
économique normal comme ouvrier dans l'industrie légère (montage de pièces en
série, opérateur sur presse) ou comme polisseur, en position assise
essentiellement et en évitant le port de charges. L'office AI s'est fondé
pour cela sur les conclusions du rapport du CIP du 12 octobre 2001, selon
lesquelles la capacité de travail de l'assuré est théoriquement entière
(rendement de 100 % à plein temps, au terme d'une période de mise au
courant), même si, en fait, l'intéressé a eu un rendement de 70 % dans les
ateliers et des rendements moyens de 50 % et 61 % lors des stages en
entreprises. Cependant, selon les maîtres de stage, l'assuré pourrait obtenir
un rendement de 100 % s'il s'engageait d'avantage dans son travail, alors
qu'il reste très plaintif.

De son côté, la juridiction cantonale a fixé à 70 % le taux de capacité de
travail dans une activité adaptée. Elle s'est fondée pour cela sur les
rendements constatés en atelier (70 %), considérant que l'assuré pouvait
difficilement atteindre le rendement théorique de 100 % indiqué par les
experts du CIP, même après une période de mise au courant. Toutefois, le
rapport du CIP était très bien étayé en ce qui concerne tant la personnalité
de l'assuré que les limitations observées, de sorte qu'il emportait la
conviction par rapport aux avis médicaux faisant état d'une capacité
résiduelle de travail de 50 %.

Dans son recours de droit administratif, B.________ est d'avis que sa
capacité de travail ne dépasse pas 50 % quelle que soit la profession
exercée, même dans une activité accomplie en position assise. Il invoque une
lettre à lui adressée par le docteur J.________ le 2 août 2004. Selon ce
médecin, l'état de santé de l'assuré s'est péjoré depuis 1998, en ce sens que
l'intervention chirurgicale pratiquée cette année-là avait laissé apparaître
une complication sous la forme d'une fibrose post-opératoire et n'avait pas
empêché une récidive de canal lombaire étroit, le développement d'une hernie
discale en L1-L2 et l'aggravation de sténoses des canaux radiculaires des
deux côtés en L3-L4, L4-L5 et L5-S1. Par ailleurs, depuis 2002, une
importante uncodiscarthrose étagée en C4-C5 et C6-C7 avait entraîné des
cervicalgies irradiant sur l'ensemble de la ceinture scapulaire. Se référant
à son rapport du 1er juillet 2002 dans lequel il exprimait ses doutes quant à
la reprise d'une activité professionnelle à plus de 50 %, ce médecin est
d'avis qu'aucune reprise n'est désormais possible qu'elles que soient la
profession proposée ou les adaptations apportées.

5.
5.1 Etant donné que le juge des assurances sociales apprécie la légalité des
décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait existant au
moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b et
les arrêts cités), la cour de céans n'a pas à examiner l'incidence d'une
aggravation éventuelle de l'atteinte à la santé survenue après le prononcé de
la décision litigieuse du 29 mai 2002 sous la forme de cervicalgies irradiant
sur l'ensemble de la ceinture scapulaire (cf. la lettre du docteur
J.________, du 2 août 2004). Dans la mesure où elles ont modifié la situation
régnant lors du prononcé de la décision litigieuse, ces circonstances doivent
normalement faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 121 V
366 consid. 1b et la référence).

5.2 En l'occurrence, il est incontestable que l'assuré n'est plus en mesure
d'accomplir son ancienne activité de maçon (cf. les rapports des docteurs
K.________ [du 11 janvier 1999], et P.________ et A.________ [du 18 septembre
2002] et la note du docteur C.________ [du 29 octobre 2000]).

Cela étant, on ne peut toutefois souscrire à l'avis de l'office AI selon
lequel l'intéressé est en mesure d'exercer, sans limitation, une activité
adaptée dans le circuit économique normal comme ouvrier dans l'industrie
légère (montage de pièces en série, opérateur sur presse) ou comme polisseur,
en position assise essentiellement et en évitant le port de charges. En
effet, aucun avis médical ne vient corroborer les conclusions du rapport du
CIP, auxquelles l'office AI se réfère et selon lesquelles l'assuré serait en
mesure, en faisant l'effort que l'on est en droit d'attendre de lui,
d'obtenir un rendement de 100 % dans une activité adaptée. Sur le vu du
rapport des docteurs P.________ et A.________, qui font état de
dorso-lombalgies à caractère mécanique, irradiant vers les deux ailes
iliaques, à la face antérieure des deux cuisses jusqu'aux genoux, parfois
jusqu'aux mollets, les plaintes et le manque d'engagement reprochés par les
experts du CIP semblent bien plutôt devoir être mis sur le compte de
l'atteinte à la santé.

5.3 Les experts du CIP ont attesté que l'assuré atteignait un rendement
effectif de 70 % dans ses travaux en atelier. En principe, on devrait donc
considérer que le taux de capacité résiduelle de travail correspond à ce taux
de rendement effectif, les organes d'observation professionnelle ayant pour
fonction de compléter les données médicales en examinant concrètement dans
quelle mesure l'assuré est à même de mettre en valeur une capacité de travail
et de gain sur le marché du travail (voir, à propos du rôle des COPAI pour
l'évaluation de l'invalidité : L'instruction des possibilités de gain des
personnes prétendant une rente, compte-rendu d'une séance du 10 novembre 1989
consacrée aux problèmes de l'expertise médicale et professionnelle, in : RCC
1990 p. 59 ss; Karl Abegg, Coup d'oeil sur l'activité des centres
d'observation professionnelle de l'AI [COPAI], in : RCC 1985 p. 246 ss).
Cependant, dans le cas particulier, il n'est pas possible de confirmer le
taux de capacité de travail de 70 % dans une activité adaptée, comme l'a fixé
la juridiction cantonale en se référant au rendement effectif attesté par les
experts du CIP. En effet, le taux de rendement dans les travaux en atelier
s'écarte trop largement des taux de rendement constatés lors des stages en
entreprise, soit 60,7 % durant la période du 15 au 31 août 2001 (société
S.________ SA) et 50 % durant celle du 4 au 28 septembre 2001 (société
M.________ SA). On ne saurait donc considérer, comme les premiers juges, que
les observations effectuées lors des stages en entreprises confirment celles
faites au cours des travaux en atelier. Par ailleurs, on ne peut pas non plus
se rallier au point de vue de la juridiction cantonale, selon lequel le taux
de rendement constaté dans les travaux d'atelier est proche du taux de
capacité de travail attesté par les médecins. En particulier, il n'est pas
possible de considérer que le taux de rendement de 70 % « n'est que peu
éloigné » des conclusions des docteurs P.________ et A.________ qui ont fait
état d'une capacité de travail résiduelle de 50 % dans une activité légère ne
nécessitant pas le port de charges ni la position statique prolongée (rapport
du 18 septembre 2002).

Cela étant, outre le fait qu'elles varient elles-mêmes largement (d'un taux
de rendement de 50 % au cours d'un stage en entreprise à un taux de 70 % lors
des travaux en atelier), les conclusions des organes d'observation
professionnelle, loin de compléter les données médicales, divergent
manifestement de celles-ci. Il incombait donc à la juridiction cantonale de
confronter les appréciations médicales et professionnelles en requérant un
complément d'instruction de la part du COPAI ou en confiant une expertise au
COMAI (cf. consid. 4.3, publié dans Plädoyer 2004/3 p. 64, de l'arrêt G. du
24 octobre 2003, I 35/03; arrêt A. du 11 avril 2005, I 277/04, consid. 2.2).

La cause doit dès lors être renvoyée à la juridiction cantonale pour qu'elle
statue à nouveau, après avoir complété l'instruction en tenant compte des
exigences ci-dessus exposées.

6.
B.________, qui obtient gain de cause, est représenté par un avocat. Il a
droit à une indemnité de dépens pour la procédure fédérale (art. 159 al. 1 en
liaison avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Les causes I 522/04 et I 572/04 sont jointes.

2.
Les recours sont partiellement admis en ce sens que le jugement du Tribunal
cantonal des assurances sociales du canton de Genève est annulé, la cause
étant renvoyée à ladite juridiction pour complément d'instruction au sens des
considérants et nouveau jugement.

3.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

4.
L'Office cantonal de l'assurance-invalidité du canton de Genève versera à
B.________ une indemnité de 2'500 fr. (y compris la taxe sur la valeur
ajoutée) à titre de dépens pour la procédure fédérale.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales du canton de Genève et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 14 octobre 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre: Le Greffier: