Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 512/2004
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I 512/04

Arrêt du 2 février 2006
Ille Chambre

MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Ursprung. Greffière : Mme Gehring

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant,

contre

B.________, intimé, représenté par Me Joël Crettaz, avocat, place Pépinet 4,
1003 Lausanne

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 22 juillet 2004)

Faits:

A.
B. ________, né en 1982, souffre depuis son enfance d'un syndrome
psycho-organique. En raison de cette affection, il n'a pas été en mesure
d'intégrer le cycle d'instruction publique et a dû suivre l'enseignement
dispensé par des écoles privées. Moyennant un soutien pédagogique, il a
achevé sa scolarité obligatoire en section secondaire générale à l'âge de 18
ans, soit avec trois années de retard.

Au mois d'août 2000, B.________ a entrepris un apprentissage d'informaticien
auprès de l'Ecole X.________. Considérant l'organisation de cet établissement
comme étant inadéquate à ses besoins, il a interrompu cette formation dès le
mois de décembre suivant. Il s'est alors inscrit à l'Ecole Technique
Y.________ qu'il n'a pas pu intégrer, faute d'avoir réussi les examens
d'admission à celle-ci. Sur proposition de l'office, il a alors effectué un
stage auprès du Centre de l'Office Romand d'Intégration Professionnelle pour
Handicapés (ORIPH) au terme duquel la voie d'un apprentissage d'employé de
bureau lui a été recommandée. Exprimant un intérêt prononcé pour le métier
d'informaticien, B.________ a cependant effectué au cours des mois d'avril à
juin 2002 un stage d'évaluation auprès de l'Ecole Q.________ SA dont il a
intégré les cours dès l'automne 2002.

Par décision du 13 janvier 2003 confirmée sur opposition le 10 mars suivant,
l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après :
l'office) a rejeté une demande de prestations déposée le 2 avril 2002 par
B.________ tendant à la prise en charge des frais supplémentaires induits par
la formation professionnelle entreprise auprès de l'Ecole Q.________ SA. En
bref, l'administration a considéré que l'assuré ne disposait pas des
aptitudes lui permettant d'achever ces études dans un délai approprié et de
s'insérer ensuite dans ce secteur économique, de sorte que le principe de
proportionnalité entre la durée de la formation et le résultat économique de
la mesure n'était pas respecté.

B.
Par jugement du 22 juillet 2004, le Tribunal des assurances du canton de Vaud
a admis le recours interjeté par B.________ contre la décision sur opposition
de l'office et imputé à celui-ci la prise en charge des frais supplémentaires
occasionnés par la formation litigieuse. En bref, les premiers juges ont
relevé qu'au bénéfice d'une évolution personnelle particulièrement favorable,
B.________ possédait les aptitudes suffisantes pour suivre et mener à bien la
formation professionnelle entreprise.

C.
L'office interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont il
requiert l'annulation, reprenant les motifs invoqués dans la décision
litigieuse.

B. ________ conclut, sous suite de dépens, au rejet du recours, tandis que
l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur la prise en charge éventuelle par l'office recourant des
frais supplémentaires encourus par l'intimé en raison de la formation
professionnelle qu'il a entreprise auprès de l'école Q.________ SA.

2.
2.1 Ratione temporis, les dispositions de la novelle du 21 mars 2003 modifiant
la LAI (4ème révision), entrée en vigueur le 1er janvier 2004 (RO 2003 3852)
ne sont pas applicables (ATF 127 V 467 consid. 1), les dispositions ci-après
- dans la mesure où elles ont été modifiées par la novelle - étant citées
dans leur version antérieure au 1er janvier 2004.

2.2 Selon l'art. 8 al. 1 LAI, les assurés invalides ou menacés d'une
invalidité imminente ont droit aux mesures de réadaptation qui sont
nécessaires et de nature à rétablir leur capacité de gain, à l'améliorer, à
la sauvegarder ou à en favoriser l'usage. Celles-ci comprennent en
particulier des mesures d'ordre professionnel (orientation professionnelle,
formation professionnelle initiale, reclassement professionnel, service de
placements; cf. art. 8 al. 3 let. b LAI; cf. également art. 15 à 18 LAI).

Sous le titre marginal « Formation professionnelle initiale », l'art. 16 al.
1 LAI dispose que l'assuré qui n'a pas encore eu d'activité lucrative et à
qui sa formation professionnelle initiale occasionne, du fait de son
invalidité, des frais beaucoup élevés qu'à un non-invalide a droit au
remboursement de ses frais supplémentaires si la formation répond à ses
aptitudes. Aux termes de l'art. 5 RAI sont réputés formation professionnelle
initiale tout apprentissage ou formation accélérée, ainsi que la
fréquentation d'écoles supérieures, professionnelles ou universitaires,
faisant suite aux classes de l'école publique ou spéciale fréquentées par
l'assuré, et la préparation professionnelle à un travail auxiliaire ou à une
activité en atelier protégé (alinéa 1). Les frais de formation
professionnelle initiale ou de perfectionnement sont réputés beaucoup plus
élevés lorsqu'à cause de l'invalidité, la différence entre ces frais et ceux
qu'aurait l'assuré pour sa formation s'il n'était pas invalide dépasse un
montant de 400 francs (alinéa 2).

Pour déterminer si une mesure est de nature à rétablir, à améliorer, à
sauvegarder ou à favoriser l'usage de la capacité de gain d'un assuré, il
convient d'effectuer un pronostic sur les chances de succès des mesures
demandées (ATF 110 V 101 sv. consid. 2) lesquelles ne seront pas allouées si
elles sont vouées à l'échec, selon toute vraisemblance.
L'assurance-invalidité n'est tenue d'accorder ces mesures que s'il existe en
outre une proportion raisonnable entre les frais de ces mesures et le
résultat économique qu'on peut en attendre. Le droit aux mesures de
réadaptation est ainsi déterminé en fonction de toute la durée d'activité
probable (RCC 1970 p. 23).

3.
En l'espèce, il est constant que l'intimé souffre depuis son enfance de
troubles neurologiques en raison desquels il n'a pas pu intégrer l'école
publique mais dû suivre l'enseignement dispensé par des écoles privées. Il a
achevé sa scolarité obligatoire avec trois années de retard et moyennant un
soutien pédagogique suivi. En entamant des études d'informaticien auprès de
l'Ecole Q.________ SA, il espère pouvoir achever une formation
professionnelle grâce à l'enseignement semi-individualisé dispensé par cet
établissement. De fait, il encourt des frais beaucoup plus élevés qu'un
non-invalide. Aussi, l'office ne conteste-t-il pas en tant que telle la prise
en charge d'une formation professionnelle initiale. En revanche, il estime
que celle projetée en l'occurrence est contre-indiquée, au motif selon lui
que l'intéressé ne disposerait pas des aptitudes lui permettant d'achever ces
études dans un délai approprié, ni de s'insérer ensuite dans ce secteur
économique. Le principe de proportionnalité entre la durée de la formation et
le résultat économique de la mesure ne serait par conséquent pas respecté.

4.
4.1 A l'appui de son point de vue, l'office se fonde sur l'avis de la
doctoresse R.________. Selon celle-ci, l'assuré souffre d'un syndrome
psycho-organique se manifestant par un retard du développement, une
personnalité immature, des troubles de la concentration et du comportement,
ainsi que des problèmes scolaires. En particulier, il rencontre des
difficultés d'assimilation, de compréhension, de rythme d'exécution,
d'abstraction, de gestion du stress, de tolérance aux contraintes,
d'autonomie ainsi que des lacunes en mathématiques qui constituent autant de
facteurs incompatibles avec la profession d'informaticien. En outre, il
présente une personnalité passive, sensible, émotive et peu aguerrie pour
affronter les exigences du monde du travail. La doctoresse R.________ en
conclut que l'intimé ne possède pas les capacités nécessaires et la
personnalité adéquate pour mener à bien une formation professionnelle en
informatique et travailler ensuite dans ce secteur économique.

4.2 Les rapports de la doctoresse R.________ établis le 7 juin 2002 et le 6
janvier 2003 sont fondés sur le bilan d'évaluations effectuées en 1999, alors
que l'intimé était âgé de 17 ans. La doctoresse R.________ ne l'ayant pas
revu personnellement depuis lors, ses conclusions ne tiennent par conséquent
aucun compte de l'évolution intellectuelle et personnelle de l'assuré. Dans
un rapport du 10 février 2003, le docteur D.________ (spécialiste en
neuropédiatrie), indique sur ce point qu'il n'est pas exceptionnel qu'un long
et pénible chemin parcouru d'embûches, de déceptions et de conflits se
produise en présence de handicap du type de celui présenté par l'assuré où
une grande partie a été compensée, mais où rien n'est encore joué et où une
certaine souplesse doit prévaloir. La possibilité est cependant que l'on se
trouve dans une situation où peut-être l'assuré a trouvé la voie qui lui
convient. B.________ présente typiquement une combinaison de compétences et
de difficultés qui font qu'un choix professionnel soit dans un milieu
spécialisé soit dans le circuit normal est difficile à prendre et peut
évoluer.

Par ailleurs, les rapports précités prennent en considération les conclusions
du rapport consécutif au stage effectué par l'intimé au Centre ORIPH. Or, le
but de ce stage n'était pas de se prononcer sur la capacité de l'assuré à
suivre un apprentissage d'informaticien, mais d'évaluer ses connaissances en
la matière. A cet égard, le rapport ORIPH souligne que l'intimé ne présente a
priori aucune contre-indication sérieuse en vue d'une éventuelle formation
dans le domaine informatique, si ce n'est son rythme d'acquisition, qui
paraît un peu lent. Il dispose de bonnes connaissances informatiques de base
équivalent à celles que la plupart des jeunes acquièrent à titre personnel
(cf. rapport du 7 juin 2002 de la doctoresse R.________ p. 3).

Si la responsable du secteur informatique de l'Ecole X.________ a elle aussi
confirmé que l'intimé connaissait des difficultés en mathématiques, que ses
capacités dans les branches générales étaient qualifiées de moyennes à
faibles et qu'il présentait un comportement très passif, elle a toutefois
précisé que ces problèmes étaient très sectoriels et qu'aucun des enseignants
n'avait jamais envisagé d'interrompre la formation entreprise par l'intimé
auprès de leur établissement, l'encourageant au contraire à davantage de
persévérance (cf. rapport du 7 juin 2002 de la doctoresse R.________ p. 2).

C'est précisément ce que celui-ci a fait en suivant des leçons d'appui dans
les branches mathématiques depuis 1999. En outre, il a effectué un stage
d'évaluation en intégrant les cours dispensés à l'Ecole Q.________ SA depuis
le mois d'avril jusqu'au mois de juin 2002 se familiarisant en mathématiques
(trigonométrie et algèbre), optique, physique, électricité, chimie et basic
en informatique (attestation du 22 mai 2002 de la Direction de l'Ecole
Q.________ SA). Considéré par les responsables de l'enseignement comme étant
à l'aise dans ses études et en voie de progression à leur entière
satisfaction, il a par conséquent intégré les cours de l'Ecole Q.________ SA
en qualité d'élève dès l'automne suivant et suit depuis lors normalement et
régulièrement les cours de cet établissement (voir également attestation du
29 octobre 2002). Il est soumis aux mêmes contrôles et discipline que les
autres élèves et ne bénéficie d'aucun régime de faveur. Il fait preuve de
progrès constants (courrier du 29 septembre 2004 de la Direction de l'Ecole
Q.________ SA). Par courrier du 23 février 2003, le mandataire de l'intimé a
informé l'administration du fait que l'intimé suivait régulièrement et avec
assiduité les cours dispensés à l'Ecole Q.________ SA, qu'il y avait obtenu
jusqu'à ce jour des résultats le situant dans la moyenne de sa classe et
qu'il était ainsi probable qu'il pourrait se présenter aux examens de fin de
première année. L'office n'a procédé à aucune mesure d'instruction infirmant
ces constatations.

4.3 D'après l'état de fait existant au moment où la décision sur opposition
litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b; RAMA 2001 no U 419 p.
101), l'office ne pouvait donc pas affirmer que l'intimé n'avait
manifestement aucune chance d'achever avec succès la formation entreprise,
respectivement qu'il ne pourrait en déduire une capacité de gain. Aussi
l'intimé a-t-il droit à la prise en charge par l'office des frais
supplémentaires qu'il encourt en raison de la formation entreprise auprès de
l'Ecole Q.________ SA, dans la mesure où celle-ci tend à l'obtention du
diplôme d'informaticien délivré en principe au terme de trois années et demi
d'études. Cette formation étant dispensée selon des principes d'un
enseignement semi-individualisés qui prend en compte le rythme propre de
chaque étudiant ainsi que ses connaissances et des aptitudes personnelles,
cette formation ne saurait s'étendre sur une durée indéterminée en tant que
les frais de celle-ci sont pris en charge par l'assurance-invalidité. Aussi
la Cour de céans précise-t-elle qu'en cas de modifications notables des
circonstances, le droit aux prestations de l'intimé reste sujet à révision au
sens de l'art. 17 LPGA.
Sur le vu de ce qui précède, le jugement entrepris n'est pas critiquable et
le recours est mal fondé.

5.
S'agissant d'un litige qui concerne l'octroi ou le refus de prestations
d'assurance, la procédure est en principe gratuite (art. 134 OJ).

L'intimé qui obtient gain de cause a droit à des dépens (art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'office recourant versera à l'intimé la somme de 2500 fr. (y compris la taxe
sur la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 2 février 2006

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la Ille Chambre: La Greffière: