Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 510/2004
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I 510/04
I 523/04

Arrêt du 19 août 2005
IIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Schön et Frésard. Greffière : Mme Gehring

I 510/04
M.________, recourante, représentée par Christine Bulliard, Forum Santé,
boulevard Helvétique 27, 1207 Genève,

contre

Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203 Genève, intimé,

et

I 523/04
Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203 Genève, recourant,

contre

M.________, intimée, représentée par Christine Bulliard, Forum Santé,
boulevard Helvétique 27, 1207 Genève

Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève

(Jugement du 12 août 2004)

Faits:

A.
M.________, mariée et mère de deux enfants, a exercé à plein temps la
profession de vendeuse. Souffrant de douleurs ostéo-articulaires persistantes
(lombalgies, nucalgies, douleurs au niveau des deux membres inférieurs avec
prédominance à droite, céphalées), elle a présenté une incapacité totale de
travail à partir du 5 mai 1999. Son médecin traitant a diagnostiqué une
fibromyalgie dans un contexte dépressif entraînant une incapacité de travail
totale depuis le 5 mai 1999, puis partielle (50 %) à partir du 1er décembre
1999 (rapport du 5 mai 2000 du docteur B.________ [spécialiste FMH en
médecine interne]). Au cours du mois de septembre 2001, M.________ a retrouvé
un emploi en qualité d'aide-ménagère dans le cadre d'un programme de soins à
domicile.

Le 13 avril 2000, elle a déposé une demande de prestations auprès de l'Office
de l'assurance-invalidité pour le canton de Genève (ci-après : l'office AI).
Procédant à l'instruction du dossier, l'office AI a recueilli divers avis
médicaux. Elle a notamment requis celui du docteur C.________ (spécialiste
FMH en psychiatrie et psychothérapie), selon lequel l'assurée présente une
fibromyalgie et un état dépressif de degré léger à moyen sans répercussion
sur sa capacité de travail (rapports du 13 juin 2000). En regard des
conclusions médicales divergentes entre cet avis et celui du médecin
traitant, l'office AI a confié un mandat d'expertise pluridisciplinaire aux
médecins du Centre d'observation médicale de l'assurance-invalidité (COMAI).
Selon le rapport établi consécutivement le 14 octobre 2002 par les docteurs
P.________ et D.________, M.________ présente un syndrome somatoforme
douloureux persistant de type fibromyalgie (F 45.4), un trouble dépressif
récurrent de degré actuellement moyen avec syndrome somatique (F 33.11) ainsi
qu'une personnalité prépsychotique (F 60.8) entraînant globalement une
incapacité de travail de 50 %.

Par décision du 28 janvier 2003 confirmée sur opposition le 2 juin suivant,
l'office AI a rejeté la demande de l'assurée, considérant que celle-ci ne
souffrait pas d'une maladie invalidante au sens de la loi.

B.
Par jugement du 12 août 2004, le Tribunal cantonal genevois des assurances
sociales a partiellement admis le recours interjeté contre cette décision par
M.________. Niant tout caractère invalidant aux troubles psychiques
diagnostiqués par les experts, les premiers juges ont en revanche estimé que
sur le plan somatique, l'assurée subissait une incapacité de travail de 20 %
et respectivement un manque à gagner de 23 % ouvrant droit à une mesure
d'aide au placement. Considérant par ailleurs que l'intéressée était assistée
par un organisme chargé de l'assistance publique, ils ne lui ont pas alloué
de dépens.

C.
M.________ et l'office AI interjettent chacun un recours de droit
administratif contre ce jugement dont ils requièrent l'annulation. Celle-là
se prévaut d'un trouble prépsychotique de la personnalité entraînant une
incapacité de travail de 50 % au moins et ouvrant droit à une demi-rente. En
tant qu'elle a obtenu partiellement gain de cause devant la juridiction
cantonale et qu'elle y était assistée par une représentante de l'association
Forum Santé, elle requiert en outre le versement d'une indemnité de dépens
pour la procédure cantonale. De son côté, l'office AI considère que l'assurée
jouit d'une capacité totale de travail sur les plans psychique et somatique,
de sorte qu'elle ne saurait être mise au bénéfice des prestations de
l'assurance-invalidité.
M.________ et l'office AI concluent au rejet du recours de leur adverse
partie, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se
déterminer.

Considérant en droit:

1.
Les recours de droit administratif concernent des faits de même nature,
portent sur des questions juridiques communes et sont dirigés contre le même
jugement, de sorte qu'il se justifie de joindre les causes et de les liquider
dans un seul arrêt (ATF 128 V 126 consid. 1 et les références; cf. aussi ATF
128 V 194 consid. 1).

2.
Le litige porte tout d'abord sur le droit à la rente de l'assurée, en
particulier sur le degré d'invalidité qu'elle présente.

2.1 Sur ce point, le jugement entrepris expose de manière exacte et complète
les dispositions légales et la jurisprudence applicables en l'espèce, de
sorte qu'il suffit d'y renvoyer.

Il convient de préciser que ratione temporis, les dispositions de la novelle
du 21 mars 2003 modifiant la LAI (4ème révision), entrée en vigueur le 1er
janvier 2004 (RO 2003 3852) ne sont pas applicables, dès lors que le juge n'a
pas à prendre en considération les modifications du droit ou de l'état de
fait postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 122 V
423 consid. 4a, 116 V 248 consid. 1a).
Il y a également lieu d'ajouter que parmi les atteintes à la santé psychique,
qui peuvent, comme les atteintes physiques, provoquer une invalidité au sens
de l'art. 4 al. 1 aLAI, on doit mentionner - à part les maladies mentales
proprement dites - les anomalies psychiques qui équivalent à des maladies. On
ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas
comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les
diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant
preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être
déterminée aussi objectivement que possible. Il faut donc établir si et dans
quelle mesure un assuré peut, malgré son infirmité mentale, exercer une
activité que le marché du travail lui offre, compte tenu de ses aptitudes. Le
point déterminant est ici de savoir quelle activité peut raisonnablement être
exigée dans son cas. Pour admettre l'existence d'une incapacité de gain
causée par une atteinte à la santé mentale, il n'est donc pas décisif que
l'assuré exerce une activité lucrative insuffisante; il faut bien plutôt se
demander s'il y a lieu d'admettre que la mise à profit de sa capacité de
travail ne peut, pratiquement, plus être raisonnablement exigée de lui, ou
qu'elle serait même insupportable pour la société (ATF 102 V 165; VSI 2001 p.
224 consid. 2b et les références; cf. aussi ATF 127 V 298 consid. 4c in
fine).

2.2 Il ressort du rapport d'expertise pluridisciplinaire que la recourante
souffre de douleurs chroniques diffuses de l'appareil ostéo-articulaire
prédominant dans l'hémicorps droit sans limitation fonctionnelle anatomique,
déclenchées à la mobilisation des épaules et de la colonne cervico-dorsale.
Les différents examens radiologiques ne décèlent aucune lésion
ostéo-articulaire significative et les examens sanguins ne révèlent pas de
syndrome inflammatoire franc. Les examens clinique et para-clinique
permettent d'exclure une pathologie infectieuse, néoplastique, inflammatoire.
A défaut de substrat organique expliquant l'origine de la symptomatologie,
les experts diagnostiquent un syndrome somatoforme douloureux persistant de
type fibromyalgie, un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen avec
syndrome somatique et une personnalité prépsychotique. En regard de
l'ensemble de ces affections, ils concluent globalement à une incapacité de
travail de l'assurée de 50 %.
Or, il est établi et non contesté que la recourante ne présente pas de
trouble somatoforme douloureux invalidant au sens de la jurisprudence récente
(ATF 130 V 353 consid. 2.2.2 sv.). En outre, la doctrine médicale (cf.
notamment Dilling/Mobour/Schmidt (éd.), Internationale Klassifikation
psychischer Störungen, ICD-10 Kapitel V [F], 4ème éd., p. 191) sur laquelle
se fonde le Tribunal fédéral des assurances, indique que les états dépressifs
constituent des manifestations (réactives) d'accompagnement des troubles
somatoformes douloureux, de sorte qu'ils ne sauraient faire l'objet d'un
diagnostic séparé (ATF 130 V 358 consid. 3.3.1 in fine; Meyer-Blaser, Der
Rechtsbegriff der Arbeitsunfähigkeit und seine Bedeutung in der
Sozialversicherung, in: Schmerz und Arbeitsunfähigkeit, 2003, p. 81, note
135). Il appert également que depuis le second épisode dépressif survenu
courant mai 1999, la thymie de l'intéressée s'est progressivement améliorée
au bénéfice de traitements antidépresseurs et que se sentant beaucoup mieux,
celle-ci n'a plus jugé nécessaire de poursuivre le suivi psychiatrique ainsi
que la prise médicamenteuse (rapport du COMAI du 14 octobre 2002 p. 15). Le
docteur C.________ a constaté dans un rapport du 13 juin 2000 que l'épisode
dépressif moyen subi par l'assurée au cours de l'année 1999 s'était fortement
amélioré, qu'il se révélait en bonne voie de guérison et que sur le plan
psychique, cette dernière ne présentait pas d'incapacité de travail. De même,
les experts du COMAI ne constatent-ils aucune incapacité de travail en regard
du seul trouble prépsychotique de la personnalité. Enfin, il appert que tous
les matins depuis le mois de septembre 2001, l'intéressée part travailler à
mi-temps en qualité d'aide-ménagère dans le cadre d'un programme de soins à
domicile, consacrant ses après-midi à l'éducation de sa fille. Elle voit
régulièrement beaucoup d'amies, ayant pu renouer beaucoup de contacts depuis
l'épisode dépressif survenu au cours du mois de mai 1999 (rapport d'expertise
pluridisciplinaire p. 6).

Dès lors, il n'y a pas lieu d'admettre qu'à la suite de troubles psychiques,
la mise à profit de la capacité de travail de l'assurée ne peut,
pratiquement, plus être raisonnablement exigée d'elle à plein temps ou
qu'elle serait insupportable pour la société.

2.3 En tant que la recourante ne présente pas d'affections psychiques
invalidantes au sens de la loi, elle n'a pas droit à une rente et son recours
est ainsi mal fondé.

3.
Le litige porte d'autre part sur le droit de l'assurée à une mesure d'aide au
placement de l'assurance-invalidité.

3.1 Selon la jurisprudence (VSI 2003 p. 273) développée à propos de l'ancien
art. 18 LAI, l'admission du droit au service de placement est subordonnée aux
conditions générales du droit aux prestations de l'AI selon les art. 4 ss et
8 aLAI; elle dépend notamment de l'existence d'une invalidité spécifique par
rapport aux prestations entrant en ligne de compte. Dans les limites de
l'art. 18 al. 1, 1ère phrase, aLAI, cette condition est remplie pourvu que
l'assuré rencontre, dans la recherche d'un emploi, des difficultés même
légères en raison de son état de santé (ATF 116 V 81 consid. 6a; VSI 2000 p.
72 consid. 1a). Dès lors, il existe une invalidité déterminante pour le
service de placement si, pour des raisons de santé, l'assuré rencontre des
difficultés dans la recherche d'un emploi approprié (ATF 116 V 81 consid. 6a
et références citées; VSI 2000 p. 72); l'admission d'une invalidité au sens
de l'art. 18 al. 1, 1ère phrase, aLAI suppose donc l'existence d'un lien de
causalité entre l'atteinte à la santé et la nécessité d'avoir recours au
service de placement (dans le même sens Jean-Louis Duc,
L'assurance-invalidité, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR],
Soziale Sicherheit, n° 85).

Des difficultés de santé dans la recherche d'un nouvel emploi (ATF 116 V 81
consid. 6a; VSI 2000 p. 72) répondent à la notion d'invalidité spécifique par
rapport à la prestation entrant en considération lorsque le handicap
lui-même, présumé permanent ou de longue durée (art. 4 al. 1 aLAI),
occasionne des problèmes dans la recherche d'un emploi au sens large de ce
terme. Tel est le cas par exemple si, en raison de sa surdité ou de son
manque de mobilité, l'assuré ne peut avoir un entretien d'embauche ou est
dans l'incapacité d'expliquer à un employeur potentiel ses possibilités
réelles et ses limites (par ex. les activités qu'il peut encore exécuter en
dépit de son atteinte visuelle), de sorte qu'il n'aura aucune chance
d'obtenir l'emploi souhaité.

A droit en outre au service de placement au sens de l'art. 18 al.1 aLAI,
l'assuré qui, pour des raisons liées à son invalidité, doit faire valoir des
exigences spéciales concernant le poste de travail (par ex. aides visuelles)
ou vis-à-vis de l'employeur (par ex. tolérance de pauses de repos nécessitées
par l'invalidité) et qui, de ce fait, doit faire appel aux connaissances
professionnelles et à l'aide spécialisée de l'autorité chargée du placement
pour trouver un emploi. En revanche, pour juger du droit au service de
placement, il n'y a pas lieu de tenir compte de problèmes étrangers à
l'invalidité, par exemple des difficultés linguistiques (telles que
l'ignorance de la langue nationale) à ne pas confondre avec les troubles du
langage dûment diagnostiqués par un médecin et, par conséquent, dépendants de
l'état de santé.

3.2 Compte tenu de ces conditions, la notion d'invalidité au sens de l'art.
18 al. 1 aLAI ne saurait être admise dans le cas présent. En effet, il ne
ressort pas des pièces médicales figurant au dossier que la recherche d'un
emploi par l'assurée soit soumise aux exigences et restrictions dont il est
question ci-dessus. En tant qu'elle ne présente pas de restrictions
inhérentes à la recherche d'un emploi conditionnées par son état de santé,
l'intéressée ne saurait prétendre au service de placement de l'AI. C'est par
conséquent à tort que les premiers juges l'ont mise au bénéfice d'une telle
mesure.

3.3 Sur le vu de ce qui précède, le recours de l'office AI se révèle bien
fondé.

4.
En tant que le jugement cantonal doit être annulé en ce qui concerne l'aide
au placement, la question du droit aux dépens pour l'instance cantonale
soulevée par l'assurée se révèle sans objet.

5.
5.1 La procédure est gratuite, dès lors qu'elle porte sur l'octroi ou le refus
de prestations d'assurance (art. 134 OJ).

5.2 La recourante, qui succombe, n'a pas droit à des dépens (art. 156 al. 1
OJ en corrélation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Les causes I 510/04 et I 523/04 sont jointes.

2.
Le recours de M.________ est rejeté.

3.
Le recours de l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Genève est
admis et le jugement du Tribunal cantonal genevois des assurances sociales du
12 août 2004 est annulé dans la mesure où il porte sur une aide au placement.

4.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales du canton de Genève et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 19 août 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre: La Greffière: