Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 508/2004
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I 508/04

Arrêt du 14 novembre 2005
IVe Chambre

MM. et Mme les Juges Ferrari, Président, Widmer et Ursprung. Greffier : M.
Berthoud

T.________, recourante, représentée par Me Pierre Gabus, avocat, rue de
Candolle 9, 1205 Genève,

contre

Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203 Genève, intimé

Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève

(Jugement du 30 juin 2004)

Faits:

A.
T. ________, née en 1970, sans formation professionnelle, a travaillé en
qualité d'aide de cuisine. Le 11 septembre 1997, elle a été victime d'un
accident de la circulation qui a entraîné une fracture comminutive ouverte du
pilon tibial droit. Depuis lors, elle a subi de nombreuses périodes
d'incapacité de travail.

Le 16 mars 1999, T.________ a déposé une demande de prestations de l'AI.
L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (l'office AI) lui a
alloué une demi-rente d'invalidité à partir du 1er septembre 1998, puis une
rente entière à compter du 1er avril 1999 (décisions du 15 juin 1999). Du 4
mars au 28 avril 2002, l'assurée a bénéficié d'un stage d'observation
professionnelle auprès du Centre d'intégration professionnel (CIP), pendant
lequel elle a perçu des indemnités journalières (décisions des 9, 16 et 26
avril 2002). Depuis le 1er juin 2002, elle s'est vu allouer à nouveau une
rente entière, fondée sur un taux d'invalidité de 100 % (décision du 16 mai
2002).

Dans son rapport de synthèse du 3 juin 2002, le directeur du CIP a indiqué
que l'assurée avait une capacité résiduelle de travail de 60 % (rendement de
60 % sur un plein temps), dans un emploi simple et léger, en privilégiant la
position assise avec une possibilité d'alternance. Le directeur a précisé que
ce rendement de 60 % était exigible après une période d'adaptation; il a
proposé à l'AI de prendre en charge une mesure d'aide au placement de type
ESPACE qui ferait office de mise au courant et de temps d'adaptation
(entraînement à l'effort). Par lettre du 6 juin 2002, l'office AI a
communiqué à l'assurée qu'il allait prendre en charge un stage d'observation
professionnelle auprès des ateliers APAIL du CIP, du 12 août au 12 décembre
2002; l'administration a précisé que le remboursement des frais
interviendrait conformément au tarif conventionnel AI et que le droit aux
indemnités journalières ferait l'objet d'une décision ultérieure. Le 19 juin
2002, l'assurée s'est opposée à ce stage, alléguant qu'il était prématuré.
Elle a requis la mise en oeuvre d'une expertise médicale, voire l'avis d'un
COMAI. Par décision du 28 juin 2002, l'office AI a pris en charge ledit stage
d'observation professionnelle, conformément aux modalités prévues dans sa
communication du 6 juin 2002.

B.
T.________ a recouru contre cette décision devant la Commission cantonale
genevoise de recours en matière d'AVS/AI (aujourd'hui : Tribunal cantonal des
assurances sociales du canton de Genève), en concluant à son annulation. Elle
a contesté les conclusions du COPAI et allégué, notamment, qu'elle était
totalement invalide.

Informé du dépôt du recours, l'office AI a fait savoir à l'assurée que le
stage APAIL avait pour but de permettre l'amélioration progressive de son
rendement, de privilégier l'encadrement et l'apprentissage nécessaires à une
meilleure autonomie. L'administration a également rendu l'assurée attentive
au fait que si elle ne se soumettait pas à cette mesure qui allait débuter le
12 août suivant, son invalidité serait évaluée en tenant compte des
conclusions du rapport du COPAI, qui avait retenu un rendement exigible de 60
% après une période d'adaptation (cf. lettre du 5 août 2002).

Par jugement du 30 juin 2004, la juridiction cantonale a rejeté le recours.

C.
T.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
elle demande l'annulation ainsi que celle de la décision du 28 juin 2002,
avec suite de dépens.

L'intimé conclut au rejet du recours. Il indique qu'il a rendu une décision,
le 2 septembre 2004, par laquelle il a réduit la rente entière à un quart de
rente à partir du 1er septembre 2004.

L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
1.1 Selon l'art. 128 OJ, le Tribunal fédéral des assurances connaît en
dernière instance des recours de droit administratif contre des décisions au
sens des art. 97, 98, lettres b à h, et 98a OJ, en matière d'assurances
sociales. Quant à la notion de décision pouvant faire l'objet d'un recours de
droit administratif, l'art. 97 OJ renvoie à l'art. 5 PA. Selon le premier
alinéa de cette disposition, sont considérées comme décisions les mesures
prises par les autorités dans des cas d'espèce, fondées (ou qui auraient dû
l'être : ATF 124 V 20 consid. 1, 116 Ia 266 consid. 2a et les références) sur
le droit public fédéral et qui ont pour objet de créer, de modifier ou
d'annuler des droits ou des obligations, ou de constater l'existence,
l'inexistence ou l'étendue de droits ou d'obligations, ou encore de rejeter
ou de déclarer irrecevable des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou
constater des droits ou obligations (ATF 124 V 20 consid. 1, 122 V 193
consid. 1, 120 V 349 consid. 2b, et les références).

1.2 La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine
de l'assurance-vieillesse et survivants et de l'assurance-invalidité.
Cependant, le cas d'espèce reste régi par les dispositions de la LAVS et de
la LAI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au principe selon
lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits
juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 4 consid. 1.2).

2.
Le Tribunal fédéral des assurances examine d'office les conditions dont
dépend la qualité pour recourir et les conditions formelles de validité et de
régularité de la procédure précédente, soit en particulier le point de savoir
si c'est à juste titre que la juridiction cantonale est entrée en matière sur
le recours. Aussi, lorsque l'autorité de première instance a ignoré qu'une
condition mise à l'examen du fond du litige par le juge faisait défaut et a
statué sur le fond, c'est un motif pour le tribunal, saisi de l'affaire,
d'annuler d'office le jugement en question (ATF 128 V 89 consid. 2a, 125 V
347 consid. 1a, 122 V 322 consid. 1).

3.
3.1 L'art. 57 al. 1 LAI confère aux offices AI la faculté de rendre des
décisions uniquement en matière de prestations de l'AI (let. e); cette
compétence ne leur appartient en revanche pas pour les mesures d'instruction
(let. a et b). L'art. 75 al. 2 RAI dispose que les instructions données à
l'occasion de l'examen du bien-fondé de la demande ou de l'exécution d'une
décision passée en force ne font pas l'objet d'une décision.
A cet égard, la jurisprudence a précisé que l'ordonnance d'une expertise par
un office cantonal AI n'a pas le caractère d'une décision et ne peut donc
faire l'objet d'un recours (ATF 125 V 406 ss; arrêt B. du 19 mars 2001, I
384/00, consid. 1b). Quant à la mise en oeuvre de mesures d'instruction
relatives aux perspectives de reclassement professionnel (auprès d'un service
d'orientation professionnelle de l'AI), la Cour de céans a jugé qu'elle ne
constitue pas une décision séparément susceptible de recours (arrêt B. du 13
mai 2003, I 739/02, consid. 3.2, résumé in HAVE 2003 p. 253), tranchant ainsi
une question précédemment laissée indécise (arrêt non publié L. du 13
décembre 1995, I 314/95).

On rappellera aussi que l'autorité compétente qui ordonne une expertise ne se
prononce pas sur les droits et les obligations d'un assuré, qu'on ne peut
d'ailleurs contraindre à se soumettre à une expertise ou à une observation
auprès d'un centre professionnel (ATF 125 V 406-407 consid. 4c). La
participation à des mesures de réinsertion professionnelle raisonnablement
exigibles ne constitue en effet pas une véritable obligation juridique mais
une simple incombance (arrêts B. du 17 août 2004, I 562/03, consid. 4, et F.
du 9 février 2004, I 364/03, consid. 3.2.2; voir aussi Meyer-Blaser,
Bundesgesetz über die Invalidenversicherung, Zurich 1997, ad art. 10 al. 2 et
31 al. 1 LAI, pp. 70 et 240); en cas de refus, l'assuré risque cependant de
voir ses prestations d'assurance réduites ou refusées temporairement ou
définitivement.

3.2 La mesure dont il est question dans la décision du 28 juin 2002 consiste
en un stage d'observation professionnelle dispensé aux ateliers APAIL du CIP.
Celle-ci n'a certes pas uniquement pour but de déterminer les perspectives
d'un reclassement professionnel, dès lors que l'intimé a précisé que ce stage
d'observation avait également pour finalité de permettre à la recourante
d'améliorer progressivement son rendement, de privilégier l'encadrement et
l'apprentissage nécessaires à une meilleure autonomie (cf. lettre du 5 août
2002). Cependant, l'accomplissement d'une telle mesure permettra en fin de
compte aussi à l'administration de connaître le moment à partir duquel la
recourante devrait atteindre le rendement indiqué par le directeur du CIP
(cf. rapport du 3 juin 2002), et donc de pouvoir fixer en connaissance de
cause le taux d'invalidité qui pourrait subsister après l'exécution de la
réadaptation, ainsi que l'art. 28 al. 2 LAI le prescrit.

3.3 Vu ce qui précède, la décision du 28 juin 2002 n'était pas sujette à
recours. Le Tribunal cantonal n'aurait dès lors pas dû entrer en matière sur
le recours, si bien que le jugement attaqué doit être réformé en ce sens.

4.
La recourante a été induite en erreur aussi bien par l'intimé, qui l'a
informée qu'elle pouvait recourir contre la décision du 28 juin 2002, que par
la juridiction cantonale, qui est entrée en matière sur le recours. En
conséquence, la recourante a droit à une indemnité de dépens à charge de
l'intimé (cf. RAMA 2000 n° U 396 p. 326 consid. 4; consid. 5b non publié de
l'arrêt ATF 125 V 135).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté. Le dispositif (ch. 1 et 2) du jugement du Tribunal
cantonal des assurances sociales du canton de Genève du 30 juin 2004 est
réformé en ce sens que le recours est irrecevable.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'intimé versera à la recourante la somme de 2'000 fr. (y compris la taxe à
la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'ensemble de la procédure.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales du canton de Genève et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 14 novembre 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre: Le Greffier: