Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 460/2004
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I 460/04

Arrêt du 24 octobre 2005
IVe Chambre

MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Ursprung. Greffier : M. Berthoud

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant,

contre

B.________, intimé, représenté par Me Irène Wettstein Martin, avocate, rue du
Simplon 18, 1800 Vevey 2

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 20 janvier 2004)

Faits:

A.
B. ________, né en 1956, a travaillé en qualité de ferblantier-couvreur et de
chauffeur poids lourds. Le 18 octobre 1999, il a effectué un faux mouvement
qui a entraîné un blocage de la colonne lombaire et des douleurs irradiant
dans la jambe droite. L'assuré a été licencié pour la fin de l'année 1999 et
n'a plus repris d'activité lucrative. Il s'est annoncé à
l'assurance-invalidité le 20 octobre 2000.

L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (l'office AI) a
requis un examen pluridisciplinaire de l'assuré auprès du Service médical
régional AI (SMR Léman). Dans un rapport du 22 avril 2002, les docteurs
F.________, G.________ et A.________ ont attesté un trouble somatoforme
douloureux persistant, un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen
avec syndrome somatique, une personnalité émotionnellement labile, type
impulsif, avec des traits paranoïaques, ainsi que des troubles statiques
rachidiens et modérément dégénératifs. Selon ces trois médecins, la capacité
de travail du patient s'élève à 50 %, aussi bien dans l'activité habituelle
que dans une activité adaptée. Le 7 mai 2002, le docteur F.________ a précisé
que l'atteinte à la santé psychique, plus particulièrement le trouble de la
personnalité dans le cadre d'un trouble psychique récurrent, réduit de 50 %
la capacité de travail de l'assuré en toute activité.

Dans un projet d'acceptation de rente du 3 juin 2002, l'office AI a fait
savoir à B.________ qu'il envisageait de lui allouer une rente d'invalidité à
partir du 1er octobre 2000, fondée sur un taux d'invalidité de 50 %. Le 5
août 2002, les docteurs V.________ et P.________, médecins à la Fondation
X.________ ont adressé à l'office AI un rapport dont il ressort que l'assuré
souffre d'un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptôme
psychotique à caractère mélancoliforme, d'un trouble somatoforme douloureux
persistant, ainsi que d'une personnalité émotionnellement labile, de type
impulsif, avec des traits paranoïaques. A leur avis, l'incapacité de travail
du patient est totale en raison de ses affections psychiques et des mesures
d'ordre professionnel ne sont pas indiquées.

Le 23 octobre 2002, le docteur F.________ a demandé à son confrère P.________
de préciser divers points d'ordre médical, notamment le moment de
l'aggravation du trouble dépressif. Les médecins de la Fondation X.________
ont répondu au SMR Léman que l'état de santé de l'assuré était stationnaire
depuis 1999, tout en s'étonnant de ses conclusions concernant la capacité de
travail.

Entre-temps, par décision du 28 octobre 2002, l'office AI a mis l'assuré au
bénéfice d'une demi-rente d'invalidité à partir du 1er octobre 2000, sur la
base d'un degré d'invalidité de 50 %.

Dans le cadre d'une procédure de révision de cette prestation, la doctoresse
A.________ a admis que l'état de santé de l'assuré s'était péjoré et que sa
capacité de travail était désormais nulle depuis le 22 novembre 2002 (cf.
communication interne du 16 janvier 2003). L'office AI a dès lors porté le
taux d'invalidité à 100 % et a alloué une rente entière d'invalidité à partir
du 1er février 2003, par décision du 17 février 2003. Celle-ci a été frappée
d'opposition.

B.
B.________ a déféré la décision du 28 octobre 2002 au Tribunal des assurances
du canton de Vaud, en concluant principalement au versement d'une rente
entière d'invalidité, subsidiairement à la prise en charge de mesures d'ordre
professionnel.

Par jugement du 20 janvier 2004, la juridiction cantonale a admis le recours
et réformé la décision litigieuse en ce sens que l'assuré s'est vu allouer
une rente entière d'invalidité à compter du 1er octobre 2000.

C.
L'office AI interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
il demande l'annulation, en concluant à la confirmation de sa décision du 28
octobre 2002.

L'intimé conclut au rejet du recours avec suite de dépens. Il sollicite le
bénéfice de l'assistance judiciaire. L'Office fédéral des assurances sociales
a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige découle de la décision administrative du 28 octobre 2002. Il porte
sur le degré d'invalidité de l'intimé à partir du 1er octobre 2000.

2.
Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge,
s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement
aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin
consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle
mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En
outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer
quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V
261 consid. 4, 115 V 134 consid. 2, 114 V 314 consid. 3c, 105 V 158 consid.
1).
Lorsque des spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre
sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut
exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce
dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la
forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 352 consid. 3b/aa et les
références).

3.
L'incidence des affections somatiques de l'intimé sur sa capacité de travail
n'est ni contestée ni sujette à discussion. On peut sur ce point se référer
au consid. 7 du jugement entrepris.

4.
Après avoir constaté que les médecins de la Fondation X.________ ont posé,
pour l'essentiel, le même diagnostic psychiatrique que leurs confrères du SMR
Léman et que leurs divergences de vues résident dans l'importance du trouble
dépressif, l'étendue de l'incapacité de travail occasionnée par cette
affection psychique ainsi que le moment à partir duquel ce trouble présente
un caractère entièrement invalidant, les premiers juges se sont écartés de
l'appréciation des médecins du SMR Léman. Ils ont donné la préférence à
l'avis des médecins de la Fondation X.________ qui estimaient que l'intimé
présentait une incapacité totale de travail en octobre 1999 déjà et que son
état de santé était demeuré stable depuis ce moment-là.
Pour justifier son point de vue, la juridiction cantonale de recours a
constaté, à l'examen des rapports psychiatriques versés au dossier, qu'il n'y
avait pas eu de réelle aggravation de l'état de santé en novembre 2002, mis à
part des sentiments de tension interne, et que l'essentiel du status existait
en octobre 1999 déjà. Par ailleurs, les premiers juges ont douté du
bien-fondé de l'appréciation de la capacité de travail de la doctoresse
A.________, considérant que la psychiatre du SMR Léman n'avait pas tenu
compte, pour des raisons non médicales, de l'idéation suicidaire de l'intimé;
de surcroît, son avis leur a paru brièvement motivé, peu documenté, et ne se
fondait que sur un seul entretien avec le patient. A l'inverse, le Tribunal
des assurances a jugé que les rapports des médecins de la Fondation
X.________ étaient solidement étayés, qu'ils se fondaient sur une analyse
approfondie du cas, au terme de nombreux entretiens avec l'assuré qu'ils
connaissaient du reste de longue date.

5.
Compte tenu des contradictions qui ressortent du dossier médical, on ne
saurait confirmer en l'état le résultat auquel les premiers juges sont
parvenus. En effet, l'intimé n'a bénéficié d'un suivi psychiatrique régulier
qu'à partir du 10 décembre 2001, en l'occurrence auprès de la Fondation
X.________ (cf. rapport des docteurs V.________ et P.________, du 5 août
2002), si bien que la reconnaissance d'une incapacité totale de travail pour
les deux années précédentes peut susciter certains doutes. Ceux-ci sont
renforcés par le fait que la doctoresse L.________, généraliste et médecin
traitant, qui avait attesté la présence d'un état anxio-dépressif réactionnel
en octobre 1999, avait précisé que cette affection psychique n'avait aucune
répercussion sur la capacité de travail de l'intimé (cf. rapport du 31 mai
2001).

Comme on l'a vu, les avis médicaux dont l'administration disposait au moment
où elle a rendu sa décision litigieuse, le 28 octobre 2002, étaient
contradictoires sur plusieurs points essentiels, singulièrement la gravité de
l'état dépressif, les conséquences de cette affection sur la capacité de
travail de l'intimé et le moment à partir duquel ce trouble a présenté un
caractère entièrement invalidant. Contrairement aux médecins du SMR Léman qui
ont interpellé leurs confrères de la Fondation X.________ (cf. lettre du 23
octobre 2002), l'office AI en charge de l'instruction de la cause n'a pas
cherché à faire toute la lumière sur ces divergences de vues, mais il a
préféré statuer en l'état sans établir les faits pertinents. Ce faisant,
l'administration ne connaissait pas l'étendue réelle de la capacité de
travail de l'intimé, de même qu'elle ignorait si les affections psychiques en
cause pouvaient le cas échéant constituer une comorbidité psychiatrique grave
au trouble somatoforme douloureux de l'intimé, susceptible de le rendre
invalidant aux conditions posées par la jurisprudence (cf. ATF 130 V 352).

En pareilles circonstances, les premiers juges auraient dû renvoyer la cause
à l'office AI afin qu'il reprenne l'instruction de la demande de prestations,
en prenant un nouvel avis psychiatrique. Le jugement attaqué doit dès lors
être réformé en ce sens.

6.
Les conditions de l'assistance judiciaire gratuite sont réunies. L'intimé est
cependant rendu attentif au fait qu'il devra rembourser la caisse du
tribunal, s'il devient ultérieurement en mesure de le faire (art. 152 al. 3
OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis en ce sens que le dispositif (ch. I et II) du jugement
du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 20 janvier 2004 est réformé
comme suit : « Le recours est admis en ce sens que la décision de l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud du 28 octobre 2002 est annulée,
la cause étant renvoyée audit office pour instruction complémentaire et
nouvelle décision ».

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'assistance judiciaire est accordée à l'intimé. Les honoraires de Me
Wettstein Martin sont fixés à 1'500 fr. (y compris la taxe sur la valeur
ajoutée) et seront supportés par la caisse du tribunal.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 24 octobre 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre: Le Greffier: