Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 415/2004
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I 415/04

Arrêt du 14 février 2005
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Lustenberger et Kernen. Greffier
: M. Piguet

D.________, recourante,

contre

Office cantonal AI Genève, rue de Lyon 97, 1203 Genève, intimé

Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève

(Jugement du 16 juin 2004)

Faits:

A.
D. ________, née en 1962, a été mise au bénéfice d'une rente entière
d'invalidité à partir du 1er août 1995, puis d'une demi-rente à partir du 1er
septembre 1997, en raison d'une obésité morbide, de lombalgies chroniques, de
gonalgies post-traumatiques et d'un état dépressif (décisions du 19 décembre
1997).
Dans un courrier du 19 avril 2000 adressé à l'Office cantonal de
l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'office AI), le
docteur P.________, médecin traitant de l'assurée, a indiqué que sa patiente
souffrait d'un syndrome anxiodépressif chronique associé à des cervicalgies
importantes; à ce titre, il a sollicité l'octroi d'une rente entière
d'invalidité en faveur de l'intéressée. Après avoir requis des renseignements
complémentaires auprès de ce médecin, l'office AI a rejeté la demande de
révision (décision du 25 janvier 2001).
A la suite du recours formé par l'assurée, l'office AI a annulé sa décision
et confié au Centre d'observation médical de l'assurance-invalidité (COMAI)
la réalisation d'une expertise pluridisciplinaire. Selon leur rapport du 24
avril 2002, les médecins du COMAI ont diagnostiqué un syndrome somatoforme
douloureux persistant sous forme de douleurs diffuses au niveau de l'appareil
locomoteur, un trouble mixte de la personnalité, un trouble dépressif
récurrent (épisode actuel moyen, sans syndrome somatique), une discopathie
C6-C7, une arthrose fémoro-tibiale, une chondropathie rotulienne du genou
gauche ainsi que diverses atteintes sans influence sur la capacité de travail
(anémie probablement d'origine mixte [anémie ferriprive et thalassémie] et
excès pondéral). Depuis l'automne 2000, l'état de santé de l'assurée avait
subi une très légère aggravation; sa capacité résiduelle de travail avait
diminué de 10 % au maximum et s'élevait dès lors entre 40 et 50 %.
Après avoir été informée de l'intention de l'office AI de maintenir la
demi-rente d'invalidité, l'assurée a produit trois rapports médicaux des
docteurs B.________ du 2 août 2001, N.________ du 15 août 2001 et A.________
du 19 novembre 2002. A sa demande, elle a également été entendue par le
Service médical régional AI (SMR). Par décision du 21 janvier 2003, l'office
AI a rejeté la demande de révision.
L'assurée s'est opposée à cette décision, produisant un certificat médical du
docteur I.________ du 21 février 2003. Par décision du 17 mars 2003, l'office
AI a rejeté l'opposition.

B.
D.________ a déféré cette décision à la Commission cantonale de recours en
matière d'AVS/AI/APG (aujourd'hui : Tribunal cantonal des assurances
sociales), en concluant à l'octroi d'une rente entière d'invalidité,
subsidairement à la mise en oeuvre d'une instruction complémentaire. A
l'appui de son recours, elle a produit deux rapports médicaux des docteurs
R.________ du 1er avril 2003 et U.________ du 4 juillet 2003. Par jugement du
16 juin 2004, la juridiction cantonale a rejeté le recours.

C.
D.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement,
concluant à l'octroi d'une rente entière d'invalidité.
L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le point de savoir si l'invalidité de la recourante s'est
modifiée entre le 19 décembre 1997 et le 17 mars 2003, de manière à
influencer son droit à la rente.

2.
Le jugement entrepris expose correctement les dispositions légales et la
jurisprudence relatives à la révision de la rente d'invalidité (art. 17 LPGA)
et à la valeur probante des rapports et expertises médicaux (ATF 125 V 352
consid. 3a et la référence), de sorte qu'on peut y renvoyer.

3.
Se fondant sur le rapport d'expertise du COMAI du 24 avril 2002, les premiers
juges ont considéré que la recourante ne présentait pas une aggravation
notable de son état de santé susceptible d'influencer son degré d'invalidité.
Selon ce rapport, la recourante présentait, sur le plan rhumatologique, une
symptomatologie douloureuse diffuse de l'appareil moteur, assimilable à un
syndrome somatoforme douloureux, de type fibromyalgie non classique,
caractérisé par des douleurs existant tant à l'hémicorps supérieur
qu'inférieur, droit que gauche, avec à l'examen clinique la présence de 14
points de fibromyalgie sur 18. La présence de points de contrôle et de signes
de non organicité selon Wadell suggéraient toutefois une composante non
organique à la symptomatologie douloureuse, laquelle survenait d'ailleurs
dans un contexte psychosocial particulier. Compte tenu du rôle prépondérant
joué par la symptomatologie douloureuse, l'importance des constatations
objectives (discopathie C6-C7 avec protrusion discale médiane, sans
compression radiculaire ni médullaire, chondropathie rotulienne et arthrose
fémoro-tibiale modérée) devait être relativisée. La capacité résiduelle de
travail de la recourante était limitée à 50 % pour les professions
nécessitant des mouvements de flexion-extension, la rotation répétitive de la
colonne cervicale, le maintien de positions statiques prolongées sans
possibilité de varier la position de plus d'une heure tels que les travaux
prolongés à l'écran d'ordinateur, ou la conduite fréquente d'un véhicule. La
recourante disposait par contre d'une capacité résiduelle de travail de 80 %
dans l'exercice d'une activité adaptée.
Sur le plan psychiatrique, la recourante présentait un trouble dépressif
récurrent dont l'épisode actuel pouvait être qualifié de moyen, un syndrome
douloureux somatoforme persistant, ainsi qu'un trouble mixte de la
personnalité avec traits de type masochique et traits caractériels de la
personnalité. L'incapacité de travail s'élevait à environ 70 %.
Dans leur appréciation globale, les experts ont conclu à une discrète
aggravation de l'état de santé de la recourante depuis l'automne 2000, époque
de la diffusion des douleurs à l'ensemble de l'appareil locomoteur. La
situation concernant l'état dépressif et le trouble de la personnalité était
stabilisée, tandis que l'obésité morbide s'était améliorée à la suite d'une
intervention chirurgicale intervenue en 1998. Depuis l'automne 2000, la
capacité de travail avait diminué d'un maximum de 10 % dans le cadre d'un
emploi de type adapté.

4.
Le rapport d'expertise du COMAI du 24 avril 2002 se fonde sur des examens
cliniques et paracliniques complets et prend en considération les plaintes
exprimées par la recourante. Il a été établi en pleine connaissance de
l'anamnèse et du dossier médical. La description de la situation médicale et
son appréciation sont claires. Les experts se sont exprimés sur l'évolution
de l'état de santé depuis le moment de la décision initiale de rente ainsi
que sur les activités exigibles, et ont dûment motivé leur point de vue. ll
s'ensuit que ce rapport remplit toutes les conditions auxquelles la
jurisprudence soumet la valeur probante d'un tel document (ATF 125 V 352
consid. 3a et la référence).
Certes l'examen psychiatrique fait-il état d'une incapacité de travail de 70
%. Il y a lieu toutefois - s'agissant d'une assurée dont la pathologie est
principalement ou exclusivement marquée par la douleur, sans substrat
organique ou sans corrélation avec un état clinique patent - de retenir
principalement les conclusions globales de l'expertise pluridisciplinaire et
non celles, forcément sectorielles, des différents intervenants à
l'expertise. En effet, l'expertise pluridisciplinaire, qui prend en compte
l'ensemble des différents troubles présentés par l'assuré et leurs
interférences possibles, est le moyen le plus approprié à la détermination
objective de la capacité de travail. En outre, les réponses aux questions
posées font l'objet d'une discussion entre les différents experts consultés
qui doivent apporter des réponses communes sur la base d'un consensus (Meine,
L'expert et l'expertise - Critères de validité de l'expertise médicale, in :
L'expertise médicale, Genève 2002, p. 23 sv.; Paychère, Le juge et l'expert -
Plaidoyer pour une meilleure compréhension, ibidem, p. 147).
Au demeurant, les diverses pièces médicales produites par la recourante en
cours de procédure ne remettent pas en cause les conclusions finales des
spécialistes du COMAI. Les rapports des docteurs B.________, N.________ et
A.________ ne sont que de simples procès-verbaux d'examen radiologique, dont
les deux premiers étaient d'ailleurs connus des experts. Le rapport du
docteur I.________ se limite à énumérer les affections dont souffre la
recourante, sans contenir aucune analyse globale de la situation médicale, ni
conclusions relatives à la capacité de travail. Quant aux rapports des
docteurs R.________ et U.________, qui font l'un comme l'autre état d'une
fibromyalgie, ils n'apportent aucun élément nouveau, dès lors que ce
diagnostic ne diffère que très peu de celui posé par les experts du COMAI au
titre de syndrome somatoforme douloureux persistant de type fibromyalgie non
classique.
Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que les premiers juges ont
considéré que la recourante dispose d'une capacité résiduelle de travail de
40 à 50 % dans le cadre d'une activité adaptée. En conséquence, il y a lieu
de constater que depuis la décision de rente du 19 décembre 1997, l'état de
santé physique et psychique de la recourante ne s'est pas modifié de manière
à influencer le degré d'invalidité, et donc le droit à la rente. Il s'ensuit
que les premiers juges ont appliqué correctement le droit fédéral, les
conditions de l'art. 17 LPGA n'étant pas remplies.

5.
La recourante indique qu'elle a subi une aggravation de son état de santé
psychique depuis le début de l'année 2004, justifiant plusieurs séjours à la
Clinique G.________. Postérieurs à la décision litigieuse, ces faits n'ont
pas d'incidence sur l'issue du procès; le juge des assurances sociales
apprécie en effet la légalité des décision attaquées, en règle générale,
d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été
rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b). La recourante a néanmoins la possibilité
de saisir l'administration d'une nouvelle demande de révision, si elle estime
que son invalidité s'est modifiée postérieurement à la décision sur
opposition du 17 mars 2003, de manière à influencer ses droits.

6.
Le jugement entrepris n'est pas critiquable et le recours se révèle par
conséquent mal fondé. Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art.
134 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal genevois
des assurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 14 février 2005
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre:   Le Greffier: