Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 367/2004
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I 367/04

Arrêt du 14 février 2005
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Lustenberger et Kernen. Greffier
: M. Piguet

M.________, recourante, représentée par Me Yannis Sakkas, avocat, rue du Nord
9, 1920 Martigny,

contre

Office cantonal AI du Valais, avenue de la Gare 15, 1951 Sion, intimé

Tribunal cantonal des assurances, Sion

(Jugement du 19 mai 2004)

Faits:

A.
M.________, née en 1966, travaillait depuis 1990 en qualité de lingère/femme
de chambre dans le secteur de l'hôtellerie. Le 23 mars 1999, elle a chuté
dans un escalier sur son lieu de travail et s'est déchiré le ménisque interne
du genou gauche. Malgré plusieurs interventions chirurgicales, d'importantes
douleurs ont subsisté. Par décision du 20 mars 2002, l'Office cantonal AI du
Valais (ci-après : l'office AI) lui a alloué une demi-rente d'invalidité
depuis le 1er mars 2000, puis une rente entière à partir du 1er septembre
2001.

B.
En juin 2002, l'office AI a ouvert une procédure de révision du droit à la
rente. Il a requis les avis des médecins traitants et a mandaté le docteur
E.________, spécialiste en chirurgie orthopédique, afin qu'il réalise une
expertise de l'assurée.
Se fondant sur le rapport de ce praticien du 21 mars 2003, l'office AI a
supprimé le droit de l'assurée à une rente entière d'invalidité et l'a
remplacée par un quart de rente à partir du 1er septembre 2003 (décision du
23 juillet 2003, confirmée sur opposition le 27 novembre 2003). Il a
considéré que celle-ci était désormais capable de travailler à mi-temps dans
une activité exercée essentiellement en position assise, et qu'elle ne
subissait plus dès lors qu'une diminution de 40 % de sa capacité de gain.

C.
Saisi d'un recours contre cette décision, le Tribunal cantonal des assurances
l'a rejeté par jugement du 19 mai 2004.

D.
M.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement. Elle
conclut, sous suite de frais et dépens, au maintien d'une rente entière
d'invalidité au-delà du 1er septembre 2003; subsidiairement, elle conclut à
l'octroi d'une demi-rente; très subsidiairement, elle sollicite la mise en
oeuvre d'un complément d'instruction sous la forme d'une expertise
pluridisciplinaire.
L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur la suppression, par voie de révision, du droit de la
recourante à une rente entière d'invalidité et son remplacement par un quart
de rente à partir du 1er septembre 2003.

2.
Selon l'art. 17 LPGA, si le taux d'invalidité du bénéficiaire de la rente
subit une modification notable, la rente est, d'office ou sur demande,
révisée pour l'avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou
encore supprimée. Cela vaut également pour d'autres prestations durables
accordées en vertu d'une décision entrée en force, lorsque l'état de fait
déterminant se modifie notablement par la suite. Tout changement important
des circonstances propre à influencer le degré d'invalidité, et donc le droit
à la rente, peut motiver une révision selon l'art. 17 LPGA. La rente peut
être révisée non seulement en cas de modification sensible de l'état de
santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses
conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF
130 V 349 consid. 3.5, 113 V 275 consid. 1a; voir également ATF 112 V 372
consid. 2b et 390 consid. 1b). Le point de savoir si un tel changement s'est
produit doit être tranché en comparant les faits tels qu'ils se présentaient
au moment de la décision initiale de rente et les circonstances régnant à
l'époque de la décision litigieuse (ATF 130 V 351 consid. 3.5.2, 125 V 369
consid. 2 et la référence; voir également ATF 112 V 372 consid. 2b et 390
consid. 1b).

3.
3.1 Selon le docteur T.________, médecin-conseil de l'office AI, dont le
rapport du 27 novembre 2001 a servi de base à la décision initiale de rente
du 20 mars 2002, la recourante présentait des gonalgies gauches rebelles sur
rotule basse sévère, un status après deux méniscectomies partielles internes
gauches et une excision d'un kyste synovial, un status après une
algoneurodystrophie secondaire et un status après plastie d'allongement du
tendon rotulien gauche effectuée le 26 juin 2001. L'incapacité de travail
était totale dans une activité de femme de chambre ou de lingère et la
situation médicale ne permettait pas sur le moment d'envisager des mesures de
réadaptation.

3.2 Selon les premiers juges, une amélioration notable de ces circonstances
se serait produite en ce sens que l'assurée serait capable de travailler à
mi-temps dans une activité adaptée. A l'appui de leur point de vue, ils se
sont fondés sur le rapport d'expertise du docteur E.________ du 21 mars 2003.
Selon ce praticien, l'assurée souffrait de gonalgies chroniques gauches sur
status après méniscectomie interne arthroscopique à deux reprises,
compliquées d'une algoneurodystrophie de Südeck, sur status après plastie
d'allongement du tendon rotulien. Sur le plan médical, la situation
subjective et objective de la recourante était peu satisfaisante. Il
subsistait un important état douloureux, une enflure chronique du genou, une
atrophie du quadriceps de 3 cm, ainsi qu'une importante déminéralisation
radiologique et une gonarthrose fémoro-tibiale interne. Aucune mesure
thérapeutique n'était en l'état envisageable. Le pronostic professionnel
était très peu favorable: la reprise des activités de lingère était exclu, de
même que de nombreux autres travaux, en raison des douleurs chroniques et des
difficultés à la marche, celle-ci nécessitant l'utilisation d'une canne
anglaise. Sur le plan médico-théorique, certains travaux pouvaient néanmoins
être exigés de la recourante, mais dans le cadre d'une activité se faisant à
mi-temps, essentiellement en position assise, sans travaux lourds ni port de
charge.

3.3 Se fondant sur les avis de ses médecins traitants, la recourante conteste
ce point de vue. Elle relève que sur le plan physique, son état de santé ne
s'est nullement modifié durant la période relativement courte séparant la
date de la décision initiale de rente et celle de la décision litigieuse, son
incapacité de travail demeurant entière dans l'exercice de toute activité
lucrative. Elle s'étonne au demeurant d'avoir été soumise si rapidement à une
procédure de révision. Au surplus, elle souffre de troubles psychiques dont
les premiers juges n'auraient pas tenu compte.

4.
4.1 En l'occurrence, c'est à bon droit que l'office AI a entrepris d'office
une procédure de révision peu après la décision initiale de rente du 20 mars
2002. En effet, l'octroi de la rente entière d'invalidité était motivée par
le fait que la recourante avait subi, le 26 juin 2001, une intervention
chirurgicale (plastie d'allongement du tendon rotulien). Dès lors que
l'office intimé pouvait raisonnablement s'attendre, un an après l'opération,
à ce que l'état de santé de la recourante fût stabilisé, il lui appartenait
d'examiner si cette situation nouvelle était propre à influencer le degré
d'invalidité.

4.2 Si le rapport d'expertise remplit toutes les conditions auxquelles la
jurisprudence soumet la valeur probante d'un tel document (ATF 125 V 352
consid. 3, 122 V 160 consid. 1c et les références), l'appréciation par le
docteur E.________ de la capacité résiduelle de travail dans une activité
adaptée ne permet toutefois pas de lever tous les doutes quant aux réelles
aptitudes de la recourante. Malgré la persistance d'un important état
douloureux, ce praticien estime que certains travaux peuvent être exigés de
la recourante dans une activité à mi-temps, exercée essentiellement en
position assise. Ce point de vue est contesté par la doctoresse P.________,
médecin généraliste, pour qui une telle position ne peut être supportée par
la recourante plus de trente minutes de suite (rapports des 11 août et 8
septembre 2003). Quant au docteur O.________, spécialiste en chirurgie
orthopédique, il indique que la position assise est la plus douloureuse pour
la recourante, « car la semi-flexion du genou lui est quasi-insupportable »
(rapport du 6 janvier 2004). Au vu des opinions divergentes des médecins
traitants, la description faite par le docteur E.________ des activités
encore exigibles demeure trop imprécise pour apprécier en pleine connaissance
de cause la capacité résiduelle de travail de la recourante. Pour ces motifs,
le dossier doit être renvoyé à l'office AI, à qui il incombera de recueillir
des informations complémentaires sur la capacité de travail de la recourante
en position assise, lesquelles préciseront pour quelles activités elle est
capable ou incapable de travailler, et le cas échéant, dans quelle mesure.
Par ailleurs, il ressort du dossier que la recourante suit depuis le mois de
septembre 1999 un traitement antidépresseur en réponse à un état dépressif
réactionnel qu'elle aurait développé dans un contexte de douleurs chroniques,
invalidantes et nocturnes (note du 8 juin 2000 et rapport du 8 septembre 2003
de la doctoresse P.________). A cet égard, l'instruction complémentaire
s'attellera également à déterminer  l'influence éventuelle de ce trouble
psychique sur la capacité résiduelle de travail de la recourante.

5.
La recourante, qui obtient gain de cause, a droit à une indemnité de dépens à
charge de l'intimé (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal cantonal des
assurances du 19 mai 2004 ainsi que la décision sur opposition de l'Office
cantonal AI du Valais du 27 novembre 2003 sont annulés, la cause étant
renvoyée à cet office pour instruction complémentaire au sens des
considérants et nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'Office cantonal AI du Valais versera à la recourante la somme de 2'000 fr.
(y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance
fédérale.

4.
Le Tribunal cantonal des assurances statuera sur les dépens pour la procédure
de première instance, au regard de l'issue du procès de dernière instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 14 février 2005
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre:   Le Greffier: