Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 363/2004
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I 363/04

Arrêt du 2 février 2005
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Kernen et Geiser, suppléant.
Greffier : M. Berthoud

F.________, recourant, représenté par Me Christophe Wagner, avocat, rue du
Trésor 9, 2001 Neuchâtel,

contre

Office AI Berne, Chutzenstrasse 10, 3007 Berne, intimé

Tribunal administratif du canton de Berne, Berne

(Jugement du 19 mai 2004)

Faits:

A.
F. ________, né en 1959, a travaillé en qualité de jardinier. Le 2 décembre
1999, il a été victime d'un accident de la circulation dans lequel il a subi
une commotion cérébrale avec amnésie et une contusion lombaire. L'intéressé a
été en incapacité totale de travail jusqu'au 4 juin 2000, puis à mi-temps
jusqu'au 30 juin suivant. A compter du 1er juillet 2000, il n'a plus exercé
d'activité professionnelle.

Le 23 avril 2001, F.________ a déposé une demande de prestations de
l'assurance-invalidité tendant à une rente, faisant valoir qu'il était
totalement incapable de travailler depuis l'accident du 2 décembre 1999.
L'office de l'assurance-invalidité du canton de Berne (ci-après : l'office
AI) a recueilli un rapport d'expertise du professeur S.________, de la
Clinique de rhumatologie et d'immunologie/allergologie clinique de l'Hôpital
L.________, du 21 décembre 2000, établi à la demande de La Genevoise,
assureur-accidents. Le professeur S.________ a posé le diagnostic de syndrome
douloureux chronique cervico-spondylogène et lombo-spondylogène sur
ostéochondrose de la colonne lombaire avec une symptomatique secondaire
pseudoradiculaire de la jambe gauche. En outre, cet expert a attesté une
incapacité totale de travail dans une activité de jardinier.

Par ailleurs, le docteur R.________, médecin traitant, a produit un rapport
de ses confrères S.________ et B.________, du 30 mai 2001, médecins à la
division médicale H.________ de l'Hôpital L.________, où F.________ avait
séjourné du 19 avril au 11 mai 2001. Ces derniers ont constaté chez l'assuré
des douleurs persistantes au dos et à la nuque sur diverses atteintes à la
colonne vertébrale, avec un développement dépressif et une situation de
surcharge psychosociale. Tout comme le professeur S.________, ils ont estimé
que l'assuré n'était plus apte à exercer sa profession de jardinier, mais
qu'il serait judicieux, pour des motifs thérapeutiques et le maintien de son
estime, qu'il ait une activité hors de son domicile, si possible en milieu
protégé.

A la demande de La Genevoise, F.________ a séjourné à nouveau à la division
médicale H.________ du 10 au 13 décembre 2001. Dans leur rapport du 18
février 2002, les docteurs G.________, S.________ et T.________, ont retenu
en résumé les diagnostics de syndrome douloureux chronique et invalidant de
la colonne vertébrale, syndromes douloureux cervical et lombaire sur troubles
dégénératifs, abus chronique de nicotine et de constipation récidivante sous
opiacés. Selon ces médecins, le patient est totalement incapable d'exercer
une quelconque activité professionnelle.

L'office AI a confié un mandat d'expertise pluridisciplinaire à l'institut
I.________. Du rapport de synthèse du 24 octobre 2002, il ressort que
l'assuré est totalement incapable de travailler comme jardinier ou
aide-jardinier, alors qu'une activité physique légère, adaptée à son état,
reste exigible de sa part,  sans restriction et à plein temps.

L'administration s'est fondée sur les conclusions de l'institut I.________.
Elle s'est par ailleurs appuyée sur les statistiques salariales lors de la
comparaison des revenus, en leur appliquant un coefficient de réduction de 15
%. Comme le calcul a fait apparaître un degré d'invalidité de 30 %, l'office
AI a dès lors refusé d'allouer ses prestations par décision du 24 janvier
2003, après avoir constaté que des mesures de réadaptation d'ordre
professionnel n'étaient pas indiquées. Saisi d'une opposition, l'office AI
l'a rejetée, par décision du 21 mai 2003.

B.
L'assuré a déféré cette décision au Tribunal administratif du canton de
Berne, qui l'a débouté par jugement du 19 mai 2004.

C.
F.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
il demande l'annulation, sous suite de frais et dépens. Il conclut
principalement à l'allocation d'une rente entière d'invalidité à partir du 23
avril 2001, subsidiairement au renvoi de la cause à l'administration pour
complément d'instruction et nouvelle décision.

L'intimé conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances
sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur l'évaluation du degré d'invalidité du recourant,
singulièrement sur son droit à une rente entière de l'assurance-invalidité.

2.
Le jugement entrepris expose correctement les dispositions légales
applicables en matière d'évaluation du taux d'invalidité, ainsi que les
principes jurisprudentiels sur la valeur probante d'un rapport médical, si
bien qu'il suffit d'y renvoyer sur ces différents points. On ajoutera que le
Tribunal fédéral des assurances a récemment précisé (cf. ATF 130 V 343) que
les principes développés jusqu'ici par la jurisprudence sur les notions
d'incapacité de travail, d'incapacité de gain et d'invalidité, notamment,
conservent leur validité sous l'empire de la loi fédérale sur la partie
générale du droit des assurances sociales (LPGA).

3.
3.1 En l'occurrence, les premiers juges ont considéré qu'il y avait lieu de
reconnaître pleine valeur probante au rapport d'expertise de l'institut
I.________. Ils ont estimé que cette expertise, réalisée dix mois après celle
des spécialistes de la division médicale H.________, tenait compte de
l'évolution de l'état de santé de l'assuré durant cet intervalle. Selon la
juridiction cantonale, la seconde expertise emporte la conviction, car elle
est plus spécifiquement motivée et plus détaillée, aussi bien sur
l'évaluation des composantes psychiques de l'état du recourant que sur les
conséquences de cet état sur sa capacité de travail.

3.2 Le recourant soutient que son état de santé était le même lorsque les
deux expertises ont été réalisées. Il voit en outre une contradiction dans le
fait que les experts de l'institut I.________ le considèrent d'une part comme
étant totalement apte à exercer une activité adaptée et, d'autre part, qu'ils
estiment que sa réinsertion dans le monde du travail serait très difficile,
voire impossible. Selon le recourant, à défaut de donner la préférence à
l'expertise de la division médicale H.________, les premiers juges auraient à
tout le moins dû le soumettre à une nouvelle expertise psychiatrique.

3.3 Le rapport des experts de l'institut I.________ ne relève aucune
évolution de l'état de santé du recourant dans les mois qui ont précédé leurs
investigations. Comme les spécialistes de la division médicale H.________,
les médecins de l'institut I.________ ont constaté chez le recourant des
atteintes dégénératives modérées de la colonne vertébrale qui expliquent
partiellement les douleurs lombaires et cervicales dont il se plaint. En
raison de ces atteintes, auxquelles s'ajoutent des déficits musculaires, les
experts sont unanimes à déclarer le recourant inapte à exercer désormais
l'activité de jardinier qui était la sienne avant l'accident dont il a été
victime le 2 décembre 1999. Leur avis diverge toutefois sur l'exigibilité
d'une autre activité.

Selon les experts de la division médicale H.________, l'état de santé du
recourant est encore susceptible d'évoluer. Ils estiment que les douleurs
chroniques sont imputables à de nombreux facteurs. En particulier, lors de
l'accident, l'intéressé s'est senti en danger de mort et il a été
psychiquement affecté par les conséquences de cet événement (douleurs
réfractaires au traitement, usage nécessaire de béquilles, incapacité de
travailler, perte de son entreprise de jardinage, impossibilité de subvenir à
l'entretien de sa famille, etc.). Les experts de la division médicale
H.________ sont d'avis que les troubles psychiques qui en ont résulté
empêchent l'expertisé de déployer une quelconque activité (rapport du 18
février 2002, p. 15, 17).

En revanche, dans son évaluation psychiatrique du 14 octobre 2002, le docteur
U.________, qui est occupé en qualité de spécialiste en psychiatrie et
psychothérapie à l'institut I.________, parvient à la conclusion que le
recourant n'a pas vécu l'accident du 2 décembre 1999 de façon
particulièrement dramatique, que l'état dépressif - parfois décrit dans le
dossier médical - ne peut pas être confirmé et que le diagnostic de trouble
somatoforme douloureux persistant ne peut pas être posé. Le docteur
U.________ ne partage pas l'appréciation des experts de la division médicale
H.________, en particulier parce qu'ils n'ont pas posé de diagnostic
psychiatrique. Ce spécialiste relève aussi l'inconsistance des déclarations
du recourant. En effet, alors que celui-ci se plaint de douleurs si intenses
qu'elles lui interdisent même les plus petites tâches ménagères, il mentionne
qu'il passe des heures à lire les journaux et à cultiver les contacts
sociaux. L'expert en déduit que du point de vue psychique, on peut exiger du
recourant qu'il fournisse l'effort de volonté nécessaire pour exercer une
activité adaptée à son état, malgré ses douleurs qui ne sont pas suffisamment
objectivées (rapport du 14 octobre 2002, p. 5).

3.4 En l'occurrence, l'expert U.________ a pris en compte l'ensemble des
plaintes du recourant et a disposé du dossier médical complet. Ses
conclusions procèdent d'un examen détaillé de la situation du recourant et
sont dûment motivées. Dès lors, son rapport remplit toutes les conditions
posées par la jurisprudence et a donc pleine valeur probante (ATF 125 V 352
consid. 3a).

Les experts de la division médicale H.________ sont qualifiés en
psychosomatique et ils ont également examiné le cas du recourant avec
attention et soin, de façon circonstanciée. Cependant, sur le plan
psychiatrique, domaine médical auquel ressortit l'affection qui pourrait être
à l'origine d'une incapacité de travail de l'intéressé, leur rapport n'est
pas motivé de façon convaincante. Il manque en effet un diagnostic clair
permettant d'admettre que l'assuré souffre d'une atteinte psychique ayant
valeur de maladie et qui diminue sa capacité de travail. Certes, dans une
prise de position du 30 janvier 2003, le docteur S.________ a indiqué que le
recourant présente tous les symptômes d'un trouble somatoforme douloureux
selon le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux DSM IV édité
par l'Association des psychiatres américains. Toutefois, il ne s'agit-là que
d'une affirmation nullement étayée, qui ne permet pas de mettre en doute le
bien-fondé des conclusions de son confrère U.________.

Il n'y a dès lors pas lieu de s'écarter des conclusions du docteur
U.________, de même qu'il est superflu d'ordonner de plus amples
investigations psychiatriques.

3.5 Ainsi qu'on vient de le voir, le recourant n'est pas affecté d'un trouble
somatoforme douloureux et ne subit donc aucune incapacité de travail de ce
chef. La Cour de céans saisit néanmoins l'occasion de rappeler que de toute
manière, le seul diagnostic de troubles somatoformes douloureux persistants
n'entraîne pas, en règle générale, une limitation de longue durée de la
capacité de travail pouvant conduire à une invalidité au sens de l'art. 4 al.
1 LAI (cf. ATF 130 V 352).

4.
En procédure fédérale, l'évaluation du degré d'invalidité à laquelle a
procédé la juridiction cantonale par comparaison des revenus n'est pas
contestée et n'apparaît au demeurant pas critiquable.

Vu ce qui précède, le recours est infondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Berne et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 2 février 2005
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre:   Le Greffier: