Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 362/2004
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I 362/04

Arrêt du 30 août 2005
IVe Chambre

MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Ursprung. Greffière : Mme
Moser-Szeless

Office AI du canton de Fribourg, impasse de la Colline 1, 1762 Givisiez,
recourant,

contre

C.________, intimé, représenté par Me Hervé Bovet, avocat, rue de Romont 33,
1701 Fribourg

Cour des assurances sociales du Tribunal administratif du canton de Fribourg,
Givisiez

(Jugement du 19 mai 2004)

Faits:

A.
A.a Alors qu'il effectuait un cours de répétition en décembre 1972,
C.________, né en 1951, a été victime d'un accident de la circulation qui a
entraîné notamment une fracture multifragmentaire sous-trochantérienne du
fémur gauche. Les suites de cet événement, de même que celles d'une chute
survenue le 12 novembre 1975 qui a provoqué une fracture identique, ont été
prises en charge par l'assurance-militaire.

Le 16 octobre 1990, l'assuré a présenté une demande de prestations de
l'assurance-invalidité à l'Office de l'assurance-invalidité du canton de
Fribourg (ci-après : l'office AI), en raison de lombalgies et douleurs liées
à une fracture lente au niveau du fémur. Mécanicien-électricien de formation,
il a été mis au bénéfice de mesures de réadaptation d'ordre professionnel et
a suivi des cours de représentant, puis de chef de vente. Le 1er mai 1994, il
a débuté une activité d'agent technico-commercial auprès de la société
X.________ SA, puis travaillé comme représentant auprès de diverses
entreprises. Il n'a plus exercé d'activité depuis le 10 novembre 2000, date à
laquelle s'est terminé son temps d'essai auprès de la société Y.________ SA.

A.b A la suite d'une nouvelle demande de prestations déposée le 6 décembre
2000, l'assuré a effectué un stage d'évaluation au centre de formation
professionnelle Z.________, à O.________, dont les responsables ont proposé
la mise en oeuvre d'un stage pratique dans le secteur bureautique. Au cours
de l'instruction, l'office AI a par ailleurs recueilli divers avis médicaux,
dont celui du docteur K.________, médecin traitant, du 22 décembre 2000. Il a
également fait verser au dossier le rapport du docteur W.________ du 17
juillet 2002 qui avait été chargé d'une expertise par l'assurance-militaire.
Ce médecin a fait état d'une très probable fracture lente
sous-trochantérienne du fémur après ostéosynthèse itérative et conclu à une
incapacité de travail de 100 % à partir du mois de novembre 2000, dans la
profession de conseiller technique, puis de 50 % dès le 1er avril 2002.

Fort de ces conclusions, l'office AI a alloué à l'assuré une rente entière
d'invalidité fondée sur un taux d'incapacité de gain de 100 % du 1er novembre
2001 au 31 mars 2002, puis une demi-rente fondée sur un degré d'invalidité de
50 %, à partir du 1er avril 2002 (décisions du 23 janvier 2003). Saisi d'une
opposition de C.________ contre ces décisions, l'office AI a requis de
nouveaux renseignements médicaux de l'assurance militaire qui lui a fait
parvenir deux avis complémentaires du docteur W.________ (des 10 avril et 20
mai 2003). Selon ce médecin, la situation de l'assuré était restée inchangée
depuis la première expertise; seule une prise en charge chirurgicale
(ostéotomie de réaxation du fémur proximal gauche associée à un enclouage
centromédullaire) pouvait permettre de guérir la fracture.

L'assurance militaire a informé l'assuré qu'elle le mettait au bénéfice d'une
rente d'invalidité fondée sur un degré d'invalidité de 50 % du 1er au 31
décembre 2003 et lui impartissait un délai de réflexion jusqu'à cette date
pour décider s'il acceptait de se faire opérer conformément à la proposition
du docteur W.________. Elle l'a par ailleurs averti qu'à défaut, le droit aux
prestations pourrait se limiter à celles qui lui reviendraient si la mesure
envisagée était appliquée, ce qui pourrait conduire à la cessation du
versement des prestations en espèces (préavis du 5 septembre 2003). De son
côté, l'office AI a rejeté l'opposition de C.________ par décision sur
opposition du 10 septembre 2003.

B.
L'assuré a déféré cette décision au Tribunal administratif du canton de
Fribourg, Cour des assurances sociales, en concluant principalement au
maintien de son droit à la rente entière au-delà du 31 mars 2002 et,
subsidiairement, au renvoi de la cause à l'administration pour instruction
complémentaire. Le tribunal a partiellement admis les conclusions du
recourant en renvoyant l'affaire à l'office AI pour nouvelle instruction au
sens des considérants (jugement du 19 mai 2004).

C.
L'office AI interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
il demande l'annulation.

Sous suite de dépens, C.________ conclut au rejet du recours; il  sollicite
en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire. Pour sa part, l'Office
fédéral des assurances sociales préavise pour l'admission du recours.

Considérant en droit:

1.
Par le jugement entrepris, la juridiction cantonale a annulé la décision sur
opposition du 10 septembre 2003 et renvoyé la cause à l'office recourant pour
instruction complémentaire, d'une part, sur la nature de l'activité encore
exigible de l'assuré et, d'autre part, sur les possibilités d'une
intervention chirurgicale telle que préconisée par le docteur W.________ pour
améliorer la capacité de travail de l'intimé. Ce faisant, les premiers juges
ont implicitement admis le droit de C.________ à une rente entière
d'invalidité du 1er novembre 2001 au 31 mars 2002. Seul demeure litigieux le
point de savoir si l'office recourant était fondé à remplacer ce droit par
celui à une demi-rente d'invalidité à partir du 1er avril 2002.

2.
2.1 La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
(LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant des
modifications législatives notamment dans le droit de l'assurance-invalidité.
Du point de vue temporel, sont en principe applicables les règles de droit en
vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et
le juge des assurances sociales se fonde en principe, pour apprécier une
cause, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision sur
opposition litigieuse (in casu, le 10 septembre 2003) (ATF 129 V 4 consid.
1.2, 356 consid. 1, et les arrêts cités).

Ces principes de droit intertemporel auraient commandé l'examen du bien-fondé
de la décision litigieuse à la lumière des anciennes dispositions de la LAI
pour la période s'étendant jusqu'au 31 décembre 2002, et au regard des
nouvelles dispositions de la LPGA pour la période postérieure (voir ATF 130 V
445). Les premiers juges ont exclusivement fait application du nouveau droit,
ce qui reste toutefois sans incidence sur le sort de cette procédure car les
normes de la LPGA sur l'incapacité de travail (art. 6), l'incapacité de gain
(art. 7), l'invalidité (art. 8), l'évaluation du taux de l'invalidité (art.
16), ainsi que la révision (art. 17) correspondent aux notions précédentes
dans l'assurance-invalidité telles que développées jusque-là par la
jurisprudence (ATF 130 V 343). Il en va de même des exigences posées par la
jurisprudence quant à la procédure que doit suivre l'administration
lorsqu'elle entend soumettre un assuré à une mesure de réadaptation
(avertissement de l'assuré et délai convenable; art. 10 al. 2, 31 al. 1 aLAI
et art. 21 al. 4 LPGA; voir arrêt A. du 11 janvier 2005, I 605/04).

2.2 Le jugement entrepris expose correctement ces définitions légales
applicables au présent cas, ainsi que les principes jurisprudentiels y
relatifs. On peut donc y renvoyer.

On ajoutera qu'une décision par laquelle l'assurance-invalidité accorde une
rente d'invalidité avec effet rétroactif et, en même temps, prévoit la
réduction ou l'augmentation de cette rente, correspond à une décision de
révision au sens de l'art. 41 LAI (ATF 125 V 417 sv. consid. 2 et les
références), respectivement 17 LPGA. Conformément à ces dispositions, lorsque
l'invalidité d'un bénéficiaire de rente subit une modification de manière à
influencer le droit à la rente, celle-ci est révisée pour l'avenir, à savoir
augmentée ou réduite en conséquence.

3.
L'office recourant conteste les mesures d'instruction ordonnées par la
juridiction cantonale. Il soutient, d'une part, que l'intimé est en mesure de
reprendre l'activité de technico-commercial qu'il occupait auparavant et qui
serait parfaitement adaptée à son atteinte à la santé; il n'y aurait dès lors
pas lieu de déterminer plus avant quelle serait une activité exigible de
l'assuré. D'autre part, l'administration estime ne pas avoir à examiner les
possibilités de traitement médical ouvertes à l'intimé, puisque
l'assurance-militaire y aurait déjà procédé, en enjoignant à l'assuré de se
soumettre à l'opération préconisée par le docteur W.________ et en
l'avertissant des conséquences de son refus sur le droit aux prestations.

4.
4.1 Invité à se prononcer sur l'incapacité de travail de l'intimé, le docteur
W.________ l'a fixée à 100 % de novembre 2000 au 1er avril 2002 en tant que
conseiller technique. Il l'a estimée à 50 % à partir de cette date, en
précisant que si durant l'été 2002 l'assuré ne pouvait pas reprendre son
travail à temps complet, il proposait une nouvelle scintigraphie osseuse en
septembre 2002 avec un nouveau bilan biologique inflammatoire. En fonction de
ces examens, se poserait éventuellement, selon l'expert, la question d'un
enclouage centro-médullaire pour stabiliser la fracture (rapport du 17
juillet 2002).

Au printemps 2003, le médecin a pris contact avec l'intimé pour évaluer
l'évolution de son état de santé. Il a alors constaté que le processus de
consolidation s'était arrêté et que la fragilité du fémur persistait avec le
risque d'une rupture complète sans traumatisme. A son avis, seule la
chirurgie pouvait mettre un terme à ce phénomène, le traitement conservateur
n'étant plus suffisant pour guérir la fracture.  Il estimait à 50 % au
maximum la capacité de travail de C.________ dans une position assise
uniquement, tant que la fracture ne serait pas guérie (rapport du 10 avril
2003). Par courrier du 20 mai suivant, le médecin précisait avoir revu le
patient pour discuter de l'intervention chirurgicale proposée; celui-ci
refusait de s'y soumettre en raison d'une appréhension par rapport à toute
éventuelle opération. Il confirmait par ailleurs que la capacité de travail
de l'assuré était de 50 % dans une position assise.

4.2 Au vu de ces conclusions médicales, il apparaît en l'occurrence que si
l'expert a d'abord admis une capacité de travail de 50 % dans l'activité
exercée jusqu'alors par l'intimé (conseiller technique), il a par la suite
nuancé son appréciation en évoquant une activité «en position assise
uniquement». Or, selon la description du poste d'agent technico-commercial
donnée par l'office recourant dans son écriture de recours, cette activité ne
peut pas être exercée de manière purement statique. Si elle comporte certes
un nombre important de travaux qui peuvent être accomplis dans la position
assise, elle implique également des déplacements auprès de clients et de
fournisseurs, ainsi que des démonstrations (actives) de produits, ce qui
suppose de rester debout pendant une certaine durée et, partant, de
solliciter les membres inférieurs. En l'absence de précision de la part de
l'expert, et à défaut d'autres évaluations médicales au dossier sur ce point,
on peut, à l'instar des premiers juges, douter de l'exigibilité de cette
activité. Le renvoi pour instruction complémentaire sur cet aspect du dossier
est donc justifié.

Par ailleurs, compte tenu de l'appréciation du docteur W.________ dont on
peut déduire que la capacité de travail de l'intimé pourrait aller au-delà du
taux fixé si celui-ci se soumettait à l'intervention chirurgicale envisagée,
il incombait également à l'office recourant d'examiner si une telle mesure
pouvait être requise de l'assuré au regard des conditions légales. Dans ce
contexte, se posait également la question de savoir si une telle mesure
permettait éventuellement à l'intimé d'exercer une activité lui procurant un
revenu supérieur à celui qu'il aurait pu obtenir dans sa profession. A cet
égard, contrairement à ce que prétend l'office recourant, les mesures prises
par l'assurance militaire dans ce sens (cf. préavis à l'assuré du 5 septembre
2003) ne le libéraient pas de son obligation propre d'examiner ces aspects du
litige, ni de se conformer à la procédure prévue à l'art. 21 al. 4 LPGA. Les
prestations en cause relèvent en effet de deux assurances sociales distinctes
et leur octroi n'obéit pas à des conditions identiques. Chacun des assureurs
reste donc tenu d'évaluer le droit aux prestations de manière indépendante,
ce qui n'empêche cependant pas une collaboration entre eux.

4.3 En conséquence de ce qui précède, le jugement entrepris n'est pas
critiquable et le recours s'avère mal fondé.

5.
Vu la nature du litige qui porte sur l'octroi ou le refus de prestations
d'assurance, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). L'intimé, assisté d'un
avocat, obtient gain de cause, de sorte qu'il a droit à une indemnité de
dépens pour l'instance fédérale (art. 159 al. 2 OJ en corrélation avec l'art.
135 OJ). Sa demande d'assistance judiciaire est dès lors sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg versera à C.________
une indemnité de 2'000 fr. (y compris la taxe sur la valeur ajoutée) à titre
de dépens pour l'instance fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Cour des assurances
sociales du Tribunal administratif du canton de Fribourg et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 30 août 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre: La Greffière: