Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 320/2004
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I 320/04

Arrêt du 17 janvier 2005
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Lustenberger et Kernen. Greffier
: M. Piguet

S.________, recourante, représentée par Me Doris Leuenberger, avocate, 4, rue
Micheli-Du-Crest, 1205 Genève,

contre

Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203 Genève, intimé

Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève

(Jugement du 5 mai 2004)

Faits:

A.
S. ________, née en 1948, domiciliée à T.________, travaillait depuis 1989 en
qualité d'éducatrice à la Maison N.________, à un taux d'activité de 70 %.
Depuis son enfance, elle souffre de problèmes dorsaux, qui l'ont contrainte à
subir en 1994, 1996 et 1998 trois interventions chirurgicales au niveau des
vertèbres lombaires.
Le 7 février 1996, elle a présenté une demande de prestations de
l'assurance-invalidité auprès de l'Office cantonal de l'assurance-invalidité
du canton de Genève, qui l'a transmise à l'Office de l'assurance-invalidité
pour le canton de Vaud.
Le 1er juin 1996, S.________ a été mise au bénéfice d'une demi-rente
d'invalidité de la Caisse de prévoyance du personnel enseignant de
l'instruction publique et des fonctionnaires de l'administration du canton de
Genève (CIA), à laquelle sont affiliés les employés de la Maison N.________.
Le 10 novembre 2000, la CIA lui a octroyée une rente entière d'invalidité
avec effet au 1er novembre 1999.
Par décision du 21 mars 2002, l'Office cantonal de l'assurance-invalidité du
canton de Genève a accordé à l'assurée à partir du 1er mars 2002 une
demi-rente d'invalidité.

B.
S.________ a déféré cette décision à la Commission cantonale de recours
AVS/AI/APG (aujourd'hui : Tribunal cantonal des assurances sociales). Par
jugement incident du 10 décembre 2002, elle a admis sa compétence pour
connaître du litige. Par jugement du 5 mai 2004, elle a rejeté le recours.

C.
S.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement. Sous
suite de frais et dépens, elle conclut à l'octroi d'une rente entière
d'invalidité, subsidiairement, à ce qu'une expertise pluridisciplinaire soit
ordonnée.
L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud conclut au rejet du
recours tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se
déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral des assurances examine d'office les conditions dont
dépend la qualité pour recourir et les conditions formelles de validité et de
régularité de la procédure administrative, soit en particulier le point de
savoir si c'est à juste titre que la juridiction cantonale est entré en
matière sur le recours ou sur l'action (ATF 128 V 89 consid. 2a, 125 V 23
consid. 1a, 122 V 322 consid. 1).
Selon la jurisprudence, lorsqu'il est saisi d'un jugement d'une autorité de
recours incompétente à raison du lieu, le Tribunal fédéral des assurances
peut par économie de procédure renoncer à annuler le jugement attaqué et à
renvoyer l'affaire à l'autorité de recours compétente, à la condition que
l'incompétence de l'autorité précédente n'ait pas été soulevée et que la
contestation soit en état d'être jugée (cf. arrêts D. du 18 février 2003, U
152/02, consid. 2.1, R. du 19 décembre 2002, I 516/01, consid. 1 et L. du 16
juillet 2002, I 8/02, consid. 1.1). Il en va de même lorsqu'il s'agit
d'examiner si c'est à juste titre que l'autorité inférieure est entrée en
matière sur un recours formé contre une décision rendue par un office AI
incompétent à raison du lieu (arrêt L. du 16 juillet 2002, I 8/02, consid.
2.4).

2.
Est compétent, en règle générale, l'office AI du canton dans lequel l'assuré
est domicilié au moment où il exerce son droit aux prestations; le Conseil
fédéral règle la compétence dans des cas spéciaux (art. 55 al. 1 LAI). Selon
l'art. 40 al. 1 RAI, est compétent pour enregistrer et examiner les demandes
l'office AI dans le secteur d'activités duquel les assurés sont domiciliés
(lit. a), ou pour les assurés domiciliés à l'étranger - sous réserve des
dispositions relatives aux frontaliers (art. 40 al. 2 RAI) - l'office AI pour
les assurés résidant à l'étranger (lit. b). A teneur de l'art. 40 al. 3 RAI,
l'office AI compétent lors de l'enregistrement de la demande le demeure
durant toute la procédure.

3.
En l'espèce, la recourante avait son domicile dans le canton de Vaud
lorsqu'elle a présenté sa demande de prestations de l'assurance-invalidité.
C'est dès lors l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud qui
était compétent pour rendre une telle décision. L'Office cantonal de
l'assurance-invalidité du canton de Genève n'aurait pas dû se prononcer sur
le droit de l'assurée à une rente. Il en va toujours de même aujourd'hui,
dans la mesure où la recourante est toujours domiciliée à T.________.
Par ailleurs, les premiers juges ne pouvaient faire appel au principe de
l'économie de la procédure pour remédier à ce vice. Si la décision litigieuse
porte sur la période postérieure au 1er mars 2002, les pièces médicales au
dossier laissent apparaître que le droit à la rente a pu naître plusieurs
années auparavant et que le taux d'invalidité à la base de celle-ci a
également pu varier au fil du temps de manière à influencer le droit à la
rente. En présence d'un rapport juridique complexe, les premiers juges ne
pouvaient pas trancher le litige portant sur le droit de la recourante à une
rente d'invalidité à partir du 1er mars 2002 comme si le degré d'invalidité
avait été déterminé pour la première fois par l'office; ils devaient bien
plutôt s'assurer que les conditions d'une révision au sens de l'art. 41 LAI
(dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002) étaient réunies. Or, un
tel examen ne peut intervenir qu'à la faveur d'une comparaison entre les
différents états de fait successifs (ATF 125 V 369 consid. 2 et la référence;
voir également ATF 112 V 372 consid. 2b et 390 consid. 1b). La période
antérieure à la décision litigieuse n'ayant pas fait l'objet de décisions de
rente, les premiers juges ne disposaient pas des éléments pertinents leur
permettant d'examiner si les conditions d'une révision étaient réunies pour
que soit octroyée une demi-rente d'invalidité à partir du 1er mars 2002.
Il convient dès lors d'annuler le jugement attaqué, ainsi que la décision de
l'Office cantonal de l'assurance-invalidité du canton de Genève et de
renvoyer la cause pour nouvelle décision à l'Office de l'assurance-invalidité
pour le canton de Vaud. Dans ce cadre, il incombera à l'office compétent
d'examiner la demande de prestations à partir de la date dès laquelle le
droit à la rente a pris naissance, en tenant compte, le cas échéant, des
éventuelles modifications du degré d'invalidité intervenues depuis lors.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal cantonal des
assurances sociales du canton de Genève du 5 mai 2004 et la décision de
l'Office cantonal de l'assurance-invalidité du canton de Genève du 21 mars
2002 sont annulés, la cause étant renvoyée à l'Office de
l'assurance-invalidité du canton de Vaud pour qu'il statue sur la demande de
prestations.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'Office cantonal de l'assurance-invalidité du canton de Genève versera à la
recourante la somme de 4'000 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) à
titre de dépens pour l'ensemble de la procédure.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal genevois
des assurances sociales, à l'Office de l'assurance-invalidité du canton de
Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 17 janvier 2005
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre:   Le Greffier: