Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 314/2004
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I 314/04

Arrêt du 11 juillet 2005
IVe Chambre

MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Ursprung. Greffière : Mme
Moser-Szeless

L.________, recourant, représenté par la CAP Compagnie d'Assurance de
Protection Juridique SA, rue St-Martin 26, 1005 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 22 décembre 2003)

Faits:

A.
Ressortissant portugais né en 1955, L.________ s'est annoncé à
l'assurance-invalidité, le 22 janvier 1996, invoquant souffrir d'une hernie
discale qui l'empêchait d'exercer son activité de maçon-paysagiste depuis le
23 août précédent. Le docteur R.________, rhumatologue, a posé le diagnostic
de lombosciatalgie bilatérale chronique sub-aiguë depuis le mois de juin 1995
et de petite hernie discale paramédiane L5-S1. Ces atteintes avaient entraîné
plusieurs périodes d'incapacité de travail et un reclassement dans une
profession n'impliquant pas le port de lourdes charges devait, selon le
médecin, être entrepris rapidement (rapport du 11 avril 1996).

Après un premier stage en cuisine, l'assuré a effectué un stage au Centre
d'observation professionnelle de l'assurance-invalidité (COPAI), à Genève, du
25 août au 19 septembre 1997. Selon le rapport du COPAI (du 2 novembre 1997),
l'assuré était en mesure d'occuper un emploi à mi-temps dans des postes tels
que magasinier avec petites livraisons ou réparation et contrôle d'appareils
électromécaniques de moyenne dimension; après un réentraînement à l'effort de
6 mois, il pourrait travailler à plein temps avec un rendement de 80 %, ce
dont doutait toutefois le docteur E.________, médecin du COPAI. Au cours d'un
stage subséquent d'essai en entreprise auprès de la société X.________ SA,
l'assuré a accompli son travail avec un rendement global inférieur à 50 %.

Sur le plan médical, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de
Vaud (ci-après : l'office AI) a recueilli divers avis avant de soumettre
L.________ à une expertise confiée aux docteurs S.________, psychiatre et
psychologie FHM, et A.________, rhumatologue. Le premier médecin a indiqué
que l'assuré présentait un trouble douloureux associé à la fois à des
facteurs psychologiques et une affection médicale chronique d'intensité
légère; du point de vue psychiatrique, il était apte à travailler à 100 %
dans une activité adaptée à ses problèmes lombaires et ceci depuis toujours
(rapport du 10 avril 2001). De son côté, le second praticien a notamment
diagnostiqué des lombosciatalgies bilatérales à prédominance gauche, des
troubles dégénératifs discrets du rachis lombaire avec hernie discale
paramédiane gauche L4-L5, ainsi que des troubles douloureux chroniques
associés à des facteurs psychologiques et à une affection médicale générale
chronique. Il était d'avis que l'assuré n'était plus en mesure d'exercer sa
profession de maçon, mais disposait d'une capacité de travail de 50 % dès le
1er février 1996 dans une activité adaptée, soit permettant des changements
de position et sans port de charges de plus de 15 kg, mouvements de flexion
et/ou rotation du tronc, ni travail en station basse prolongée ou au-dessus
de la ceinture de façon prolongée (rapport du 12 avril 2001). A la demande du
Service médical régional de l'assurance-invalidité (SMR), le docteur
A.________ a précisé la nature des atteintes empêchant l'assuré de mettre en
valeur une capacité de travail entière dans une activité adaptée (courrier du
25 mai 2001).

Relevant une discordance entre l'expertise du docteur A.________ et celle du
docteur S.________, les docteurs F.________ et V.________ du SMR ont conclu
que l'assuré était capable de travailler à 100 % dans une activité adaptée,
en prenant en compte quelques mois de réentraînement au travail (rapport du 4
septembre 2001). Par décision du 6 août 2002, l'office AI a rejeté la demande
de prestations. Il a considéré que l'assuré disposait d'une capacité de
travail entière dans une activité adaptée qui lui permettait de réaliser un
revenu de 45'100 fr.; la perte économique (de 24,20 %) qui en résultait
n'était pas susceptible d'ouvrir le droit à une rente.

B.
Saisi d'un recours de l'assuré contre cette décision, le Tribunal des
assurances du canton de Vaud l'a rejeté par jugement du 22 décembre 2003.

C.
L.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
il demande l'annulation, en concluant au renvoi de la cause à
l'administration pour qu'elle ordonne une expertise médicale.

L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le jugement entrepris expose correctement les règles légales et la
jurisprudence relatives à la notion d'invalidité, à son évaluation pour les
assurés actifs, au degré d'invalidité ouvrant le droit à une rente, ainsi
qu'à la valeur probante des rapports médicaux et aux motifs permettant au
juge de s'écarter des conclusions d'une expertise médicale. Il précise
également à juste titre que le présent litige reste soumis aux dispositions
de la LAI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, soit sans les modifications
entraînées par l'entrée en vigueur, au 1er janvier 2003, de la LPGA (cf. ATF
129 V 4 consid. 1.2). On peut donc y renvoyer sur ces points, en ajoutant
que, pour les mêmes raisons, les modifications de la LAI du 21 mars 2003
(4ème révision de la LAI), entrées en vigueur au 1er janvier 2004, ne sont
pas non plus applicables au cas d'espèce.

2.
La juridiction cantonale de recours a considéré que l'expertise du docteur
A.________ n'était pas suffisamment convaincante pour admettre que la
capacité de travail de l'assuré était limitée à 50 % dans une activité
adaptée en raison d'une atteinte à la santé ayant valeur de maladie. L'expert
utilisait en effet à plusieurs reprises le conditionnel pour motiver les
effets des troubles constatés sur la capacité de travail. Selon les premiers
juges, les atteintes objectives présentées par le recourant étaient discrètes
et compatibles avec l'exercice en plein d'une activité adaptée. L'assuré se
déplaçait du reste sans difficultés, comme il ressortait de ses déclarations
selon lesquelles il se promenait en tout cas une heure et demie par jour et
comme l'avait constaté le docteur S.________ au cours de son examen. Aussi,
le recourant n'était-il pas, de l'avis de l'autorité cantonale de recours,
entravé dans ses mouvements. Les premiers juges se sont dès lors écartés des
conclusions du docteur A.________ et ont tenu pour déterminantes celles des
médecins du SMR pour considérer que la capacité de travail du recourant était
entière dans une activité adaptée, «après un réentraînement au travail durant
quelques mois, le cas échéant».

De son côté, le recourant reproche aux premiers juges de s'être écartés des
conclusions de l'expertise du rhumatologue alors qu'il n'existait aucun motif
impératif pour ce faire. Le docteur A.________ avait en effet mis en évidence
des «dysfonctionnements physiques» qui expliquaient les limitations de la
capacité résiduelle de travail. Au vu des avis opposés de l'expert et des
médecins du SMR, il s'avérait de toute façon nécessaire, selon le recourant,
d'ordonner une contre-expertise.

3.
3.1 Sur la base de l'examen de l'assuré et l'étude du dossier médical (en
particulier radiologique), le docteur A.________ est arrivé à la conclusion
que le recourant présentait une capacité de travail de 50 % dans une activité
adaptée dont il a précisé les caractéristiques à la fin de son expertise.
Pour expliquer le résultat de son appréciation, le médecin a indiqué à ses
confrères du SMR que l'assuré présentait des lombosciatalgies chroniques
bilatérales à prédominance gauche, des troubles dégénératifs du rachis
lombaire et une hernie discale paramédiane gauche L4-L5, susceptible de créer
un conflit disco-radiculaire L5 gauche irritatif non déficitaire; s'y
associait un syndrome de déconditionnement musculaire persistant (courrier du
25 mai 2001). Ces explications ne suffisent toutefois pas, comme l'ont relevé
les premiers juges, pour comprendre l'estimation de l'expert quant à la
capacité de travail résiduelle du recourant. Dans son rapport du 12 avril
précédent, le docteur A.________ fait en effet état, sur le plan objectif, de
discrets troubles dégénératifs, de la colonne lombaire et sous forme d'une
petite discopathie C6-C7 sans répercussion sur les structures neurologiques.
Il ne retient en revanche que l'existence «possible» d'un conflit
disco-radiculaire avec la racine L5 gauche qui serait «susceptible
d'expliquer une partie des symptômes du patient». Il arrive ensuite à la
conclusion qu'il y a donc une discordance entre l'extension des douleurs, la
résistance aux traitements et les constatations objectives (partie
«discussion» du rapport). Or, loin de justifier pourquoi, malgré une telle
discordance, il retient une capacité de travail limitée à 50 % dans une
activité adaptée, le rhumatologue se borne à affirmer celle-ci sans autre
motivation. Les précisions apportées le 25 mai 2001 ne permettent pas non
plus d'étayer suffisamment l'appréciation du médecin sur ce point. A défaut
de motivation convaincante, les conclusions du docteur A.________ ne
sauraient dès lors être suivies, de sorte que les premiers juges étaient en
droit de s'en écarter.

3.2 Cela étant, la juridiction cantonale a confirmé la décision de l'office
intimé en se fondant, d'abord, sur ses propres déductions. D'une part, elle a
retenu que l'assuré ne présentait que des atteintes objectives «discrètes et
compatibles avec l'exercice en plein d'une activité lucrative». D'autre part,
elle a inféré des déclarations de l'assuré faites au docteur S.________ sur
le déroulement de sa journée, qu'il n'était pas entravé dans ses mouvements.
Ce faisant, l'autorité cantonale de recours a toutefois ignoré que le juge
doit se fonder sur des données médicales pour déterminer quel est l'état de
santé de l'assuré et les répercussions d'une éventuelle atteinte sur la
capacité de travail, et ne saurait de son propre chef poser des conclusions
qui relèvent de la science et des tâches du médecin. L'argumentation des
premiers juges apparaît donc infondée.

En ce qui concerne la capacité de travail du recourant, la juridiction
cantonale s'est certes ralliée à l'avis des médecins du SMR, selon lesquels
l'assuré était apte à exercer à 100 % une activité légère tenant compte d'un
certain nombre de limitations (rapport du 4 septembre 2001). Long d'une page
au total, cet avis ne comprend toutefois ni anamnèse, ni observation
clinique, ni description des plaintes du recourant. Les docteurs F.________
et V.________ se limitent par ailleurs à écarter l'avis du docteur A.________
et à déduire de la discordance entre les plaintes du patient et les
observations objectives que celui-ci est capable de travailler à 100 % dans
une activité adaptée. Cette motivation n'est pas non plus suffisante, ce
d'autant plus que les médecins du SMR ne mentionnent pas les éléments leur
permettant de conclure que l'assuré arriverait à assumer un plein rendement
pour un tel horaire, alors que le pronostic émis par le COPAI n'était pas
aussi positif (activité à plein temps avec un rendement de 80 % après un
réentraînement à l'effort). Dans ces conditions, on ne saurait accorder
valeur probante au rapport des médecins du SMR.

Par ailleurs, le dossier ne contient pas d'autre avis médical suffisamment
étayé et convaincant pour apprécier dans quelle mesure et à partir de quelle
date la reprise d'une activité professionnelle est exigible de la part du
recourant, au vu des atteintes à la santé qu'il présente. Aussi, la cause
doit-elle être renvoyée à l'administration afin qu'elle ordonne une nouvelle
expertise dans le but, en particulier, de déterminer l'étendue de la capacité
de travail de l'assuré dans une activité adaptée, avant de statuer à nouveau.

4.
En conséquence de ce qui précède, le recours est bien fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal des assurances du canton de
Vaud du 22 décembre 2003 est annulé, la cause étant renvoyée pour instruction
complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision à l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'office intimé versera à Eugenio Lourenco Correia la somme de 2'500 fr. (y
compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'ensemble de la
procédure.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 11 juillet 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre:  La Greffière: