Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 312/2004
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I 312/04

Arrêt du 28 juillet 2005
IVe Chambre

MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Ursprung. Greffier : M. Métral

P.________, recourant, représenté par Me Claude Jeannerat, avocat, rue de
l'Hôpital 26, 2800 Delémont,

contre

Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, avenue Edmond-Vaucher 18,
1203 Genève, intimé

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les personnes
résidant à l'étranger, Lausanne

(Jugement du 8 avril 2004)

Faits:

A.
A.a P.________, de nationalité portugaise, a subi une luxation du coude droit
en 1993. En raison des séquelles de cette blessure, il a dû cesser son
activité de manoeuvre-maçon et a déposé une demande de prestations de
l'assurance-invalidité. Par décision du 27 juin 1995, l'Office de
l'assurance-invalidité du canton du Jura lui a alloué une rente entière, sur
la base d'un taux d'invalidité de 80 %.

De son côté, la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA)
a fait examiner P.________ à la Clinique X.________, du 10 au 19 juillet
1995. Par décision du 25 avril 1996, elle lui a accordé une rente
complémentaire fondée sur une incapacité de gain de 33 1/3 %.

A.b Par la suite, le prénommé est retourné s'établir au Portugal. En 1997,
l'Office AI pour les assurés résidant à l'étranger (ci-après : l'Office AI) a
ouvert une procédure de révision du droit à la rente. Par décision du 18
novembre 1998, il a supprimé la rente d'invalidité allouée précédemment, en
considérant que P.________ était à nouveau en mesure d'exercer une activité
lucrative adaptée à son état de santé et pouvait réaliser plus de la moitié
du gain qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas devenu invalide.

P. ________ a déféré la cause à la Commission fédérale de recours en matière
d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité pour les personnes résidant
à l'étranger, puis, en dernière instance, au Tribunal fédéral des assurances.
Par arrêt du 19 janvier 2001, ce dernier a confirmé la décision de
suppression du droit à la rente. Il a considéré que l'état de santé de
l'assuré ne s'était pas modifié entre le moment de l'octroi de la rente et
celui de sa suppression par l'Office AI, contrairement à ce qu'avaient admis
les instances précédentes, mais que la décision par laquelle cette prestation
avait été allouée était manifestement erronée et que sa rectification
revêtait une importance notable.

B.
B.aLe 21 mai 2002, P.________ a présenté une nouvelle demande de prestations
de l'assurance-invalidité en alléguant une détérioration de son état de santé
depuis la décision du 18 novembre 1998. A l'appui de sa demande, il
présentait plusieurs rapports établi les 12 février et 23 juillet 2001 par le
docteur C.________, les 16 février et 27 juillet 2001 par le docteur
D.________, ainsi que le 26 mars 2003 par le docteur S.________. Selon le
Service médical de l'Office AI, toutefois, ces documents décrivaient un état
de santé identique à celui de l'assuré en 1998 au moment de la décision de
suppression de rente (prises de position des 22 mai et 21 juillet 2003 du
docteur H.________).

Par décision et décision sur opposition des 29 juillet et 29 octobre 2003,
l'Office AI a rejeté la nouvelle demande de l'assuré.

B.b Ce dernier a déféré la cause à la Commission de recours en matière
d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité pour les personnes résidant
à l'étranger (ci-après : la Commission), en produisant plusieurs rapports
médicaux, notamment un rapport établi le 18 novembre 2003 à l'Hôpital
Y.________ (Portugal), ainsi qu'un rapport du 19 novembre 2003 du docteur
D.________.

Par jugement du 8 avril 2004, la Commission a rejeté le recours de l'assuré.

C.
Ce dernier interjette un recours de droit administratif contre ce jugement,
dont il demande l'annulation. Il conclut, sous suite de frais et dépens, à
l'octroi d'une rente entière d'invalidité et, à titre subsidiaire, au renvoi
de la cause à l'Office AI pour complément d'instruction et nouvelle décision.
A l'appui de son recours, il produit un  rapport médical établi le 4 mai 2004
par le docteur D.________.

L'Office AI produit une prise de position de son service médical (rapport du
6 juillet 2004 du docteur L..________) et conclut au rejet du recours, alors
que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le litige porte sur la nouvelle demande de rente d'invalidité présentée
par le recourant. Il convient par conséquent d'examiner, dans la présente
procédure, si un changement de circonstances - ou un changement du droit
applicable - est survenu depuis cette dernière date et justifierait désormais
l'octroi d'une rente d'invalidité au recourant (cf. ATF 130 V 66 consid. 2;
73 ss consid. 3; 117 V 198 consid. 3a).

1.2 Dans ce contexte, il convient de préciser que l'entrée en vigueur de
l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la
Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre
circulation des personnes (ALCP), le 1er juin 2002, ainsi que celle de la Loi
fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances
sociales (LPGA), le 1er janvier 2003, n'ont pas entraîné, matériellement, de
modification des règles relatives à la notion d'invalidité, à l'échelonnement
des rentes selon le taux d'invalidité et à la manière d'évaluer ce taux (ATF
130 V 343; en ce qui concerne l'ALCP: ATF 130 V 257 consid. 2.4). En
revanche, l'art. 28 al. 1ter LAI, qui prévoit que les rentes correspondant à
un taux d'invalidité inférieur à 50 % ne sont versées qu'aux assurés qui ont
leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse, n'est plus opposable,
depuis le 1er juin 2002, aux ressortissants des états parties à l'ALCP
résidant sur le territoire de l'un de ces états (art. 10 par. 1 du règlement
no 1408/71). De même, l'application de la clause de résidence prévue par
l'art. 12 al. 2 de la Convention de sécurité sociale conclue entre la Suisse
et le Portugal le 11 septembre 1975 est suspendue depuis l'entrée en vigueur
de l'ALCP (art. 20 ALCP; ATF 130 V 255 sv. consid. 2.3).
1.3 La novelle du 21 mars 2003 modifiant la LAI (4ème révision), entrée en
vigueur le 1er janvier 2004, n'est pas applicable à la présente procédure,
dès lors que le Tribunal fédéral des assurances n'a pas à se prononcer sur
les conséquences juridiques de faits survenus postérieurement à la décision
sur opposition litigieuse (cf. ATF 129 V 356 consid. 1, 121 V 366 consid.
1b).

2.
2.1 A l'appui de sa nouvelle demande, le recourant soutient que son état de
santé s'est péjoré depuis la décision 18 novembre 1998 et qu'il s'en est
suivi une augmentation de son taux d'invalidité. La dégradation alléguée de
son état de santé serait établie par les différents rapports médicaux qu'il a
produits devant les instances précédentes, ainsi qu'avec son recours de droit
administratif.

2.2 Ce point de vue ne peut pas être suivi. La plupart des rapports cités
font état, certes, d'une aggravation des douleurs ressenties par l'assuré et
attestent une incapacité de travail totale. Mais, d'une part, les médecins
consultés se réfèrent à la capacité de travail dans la profession exercée
précédemment par le recourant, relativement lourde, et ne précisent pas dans
quelle mesure l'exercice d'une activité plus légère serait possible. D'autre
part, les docteurs H.________ et L..________ ont comparé les résultats
objectifs des examens décrits dans les documents auxquels se réfère l'assuré
à ceux figurant dans un rapport établi le 14 décembre 1998 par le docteur
C.________. Or, ces résultats se sont avérés, pour l'essentiel, identiques;
tout au plus permettent-ils d'admettre, en plus des atteintes déjà
constatées, le développement de lombalgies sans répercussion sur la capacité
de travail du recourant dans une activité légère (rapports du docteur
H.________ des 22 mai et 21 juillet 2003; rapports du docteur L..________ des
10 janvier et 6 juillet 2004). Dans la mesure où le jugement entrepris se
fonde sur ces constatations pour nier un changement de circonstances
justifiant désormais l'octroi d'une rente d'invalidité au recourant, il n'est
pas critiquable.

3.
3.1 Nonobstant ce qui précède, il convient encore d'examiner si le recourant
peut prétendre l'octroi d'un quart de rente de l'assurance-invalidité depuis
le 1er juin 2002, compte tenu de l'entrée en vigueur de l'ALCP. Dans l'arrêt
du 19 janvier 2001, en effet, le Tribunal fédéral des assurances a
implicitement admis que le taux d'invalidité présenté par le recourant était
inférieur à 50 %, mais n'a pas précisé si un taux de 40 % ouvrant droit à un
quart de rente - non exportable à l'époque (cf. consid. 1.2 supra) - entrait
en considération.

3.2
3.2.1Au moment de la décision de suppression de rente du 18 novembre 1998, le
recourant disposait, comme aujourd'hui, d'une pleine capacité résiduelle de
travail dans une activité n'impliquant pas de gros effort du bras droit (pas
de charge supérieure à 5 kg), ni l'utilisation trop répétitive de ce bras
(rapports du 5 septembre 1995 du docteur O.________, du 26 février 1999 de la
doctoresse E.________ et des 26 septembre 2003, 10 janvier et 6 juillet 2004
du docteur L..________). Le docteur L..________ en déduit une perte de
rendement de 30 % dans les travaux industriels.
Le recourant n'ayant pas repris d'activité professionnelle, malgré cette
capacité de travail, il convient d'évaluer sa capacité résiduelle de gain en
se référant aux données salariales publiées par l'Office fédéral de la
statistique (cf. ATF 126 V 75). Il en ressort un salaire mensuel brut (valeur
centrale) de 4'268 fr. pour les hommes exerçant une activité simple et
répétitive en 1998 dans le secteur privé (Enquête suisse sur la structure des
salaires 1998, tableau TA 1, p. 25). Ce revenu statistique tient compte d'un
large éventail d'activités existant sur le marché du travail, dont on peut
admettre qu'un nombre significatif d'entre elles sont adaptées aux aptitudes
du recourant, sans perte de rendement, malgré les réserves émises par le
docteur L..________ pour les activités industrielles. Comme les salaires
bruts standardisés tiennent compte d'un horaire de travail de 40 heures, soit
une durée inférieure à la moyenne hebdomadaire dans les entreprises en 1998
(41,9 heures: La Vie économique 10/2004, p. 90, tableau B 9.2), il convient
de rectifier le revenu mentionné ci-dessus et de le porter à 4'471 fr. (4'268
fr. / 40 h. x 41.9 h.). Or, même en procédant à un abattement supplémentaire
de 25 % - soit le taux maximum admis par la jurisprudence (cf. ATF 126 V 78
ss consid. 5) - pour tenir compte de l'ensemble des circonstances liées à la
personne du recourant et de nature à limiter ses perspectives salariales, on
parvient à une capacité résiduelle de gain de 3'353 fr. (4'471 fr. - 1'118
fr.), qui limite le taux d'invalidité du recourant à 32 % et exclut le droit
à un quart de rente de l'assurance-invalidité. En ce qui concerne le revenu
sans invalidité, en effet, P.________ allègue un salaire de 4658 fr. par mois
en 1993, soit 4'896 fr. en 1998, compte tenu de l'évolution de l'indice des
salaires nominaux (1743 points en 1993 et 1832 points en 1998, pour les
hommes : La Vie économique 12/1999, p. 28, tableau B10.3); rien au dossier
n'indique que ce revenu aurait été plus élevé en réalité.

3.2.2 Vu ce qui précède, le recours est mal fondé, sans qu'il soit nécessaire
d'examiner si un revenu sans invalidité inférieur à celui allégué par
l'assuré devrait être pris en considération, comme l'ont admis les premiers
juges.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la Commission fédérale de
recours en matière d'AVS/AI pour les personnes résidant à l'étranger et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 28 juillet 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre: Le Greffier: