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Sozialrechtliche Abteilungen I 304/2004
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I 304/04

Arrêt du 28 octobre 2004
IVe Chambre

MM. les Juges Ferrari, Président, Ursprung et Boinay, suppléant. Greffière :
Mme von Zwehl

Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203 Genève, recourant,

contre

P.________, intimé

Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève

(Jugement du 21 avril 2004)

Faits:

A.
P. ________, né en 1963, ressortissant brésilien, est arrivé en Suisse pour
la première fois en octobre 1983 et y vit sans interruption depuis octobre
1995. Actuellement, il est étudiant et travaille à mi-temps dans une galerie
d'art. Souffrant des séquelles d'un pied adductus droit depuis l'enfance,
P.________ a déposé, le 16 novembre 2001, une demande de prestations de
l'assurance-invalidité pour adultes tendant à la prise en charge de
chaussures orthopédiques à titre de moyens auxiliaires.

Par décision du 12 mars 2002, l'office cantonal genevois de
l'assurance-invalidité (ci-après: l'OCAI) a rejeté la demande, motif pris que
le requérant aurait nécessité de tels moyens auxiliaires dès la petite
enfance et qu'il n'était dès lors pas assuré à l'assurance-invalidité suisse
au moment où le besoin de moyens auxiliaires s'était fait sentir pour la
première fois, puisqu'il était arrivé en Suisse à l'âge de 20 ans.

B.
Saisi d'un recours contre cette décision, le Tribunal cantonal genevois des
assurances sociales a pris des renseignements auprès du docteur W.________,
spécialiste en chirurgie orthopédique, qui avait soigné P.________ du 30 août
2001 au 11 janvier 2002.

Par jugement du 21 avril 2004, le tribunal a admis le recours du prénommé et
octroyé les moyens auxiliaires requis.

C.
L'OCAI interjette recours de droit administratif contre ce jugement, en
concluant à son annulation et à la confirmation de sa décision.

P. ________ n'a pas pris position. L'Office fédéral des assurances sociales a
également renoncé à se déterminer. Les juges cantonaux ont déposé des
observations.

Considérant en droit:

1.
La loi fédérale sur la partie générale des assurances sociales (LPGA) du 6
octobre 2000 a apporté diverses modifications dans le domaine de
l'assurance-invalidité. Cette loi, entrée en vigueur le 1er janvier 2003,
n'est toutefois pas applicable au présent litige, le juge des assurances
sociales n'ayant pas à prendre en considération les modifications du droit ou
de l'état de fait postérieures à la date déterminante de la  décision
litigieuse du 12 mars 2002 (ATF 127 V 467 consid. 1, 121 V 366 consid. 1b).

2.
L'art. 21 al. 1 LAI prévoit que l'assuré a droit, d'après une liste que
dressera le Conseil fédéral, aux moyens auxiliaires dont il a besoin pour
exercer une activité lucrative ou accomplir ses travaux habituels, pour
étudier ou apprendre un métier ou à des fins d'accoutumance fonctionnelle.
Les frais de prothèses dentaires, de lunettes et de supports plantaires ne
sont pris en charge par l'assurance que si ces moyens auxiliaires sont le
complément important de mesures médicales.

Aux termes de l'art. 6 al. 2 LAI, les étrangers ont droit aux prestations
aussi longtemps qu'ils conservent leur domicile et leur résidence habituelle
en Suisse, mais seulement s'ils comptent, lors de la survenance de
l'invalidité, au moins une année entière de cotisations ou dix ans de
résidence ininterrompue en Suisse.

L'art. 4 al. 2 LAI précise que l'invalidité est réputée survenue dès qu'elle
est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations
entrant en considération. Ce moment doit être déterminé objectivement,
d'après l'état de santé; des facteurs externes fortuits n'ont pas
d'importance. Il ne dépend en particulier ni de la date à laquelle une
demande a été présentée, ni de celle à partir de laquelle une prestation a
été requise, et ne coïncide pas non plus nécessairement avec le moment où
l'assuré apprend, pour la première fois, que l'atteinte à sa santé peut
ouvrir droit à des prestations (ATF 126 V 9 consid. 2b et les références).

Quand des moyens auxiliaires doivent être remis, l'invalidité est réputée
survenue lorsque l'atteinte à la santé rend objectivement nécessaire, pour la
première fois, de tels appareils; ce moment ne doit pas forcément coïncider
avec celui où le besoin d'un traitement est apparu pour la première fois (ATF
108 V 63 consid. 2b, 105 V 60 consid. 2a; RCC 1992 p. 384 consid. 2).

3.
3.1 Interpellé par la juridiction cantonale, le docteur W.________ a déclaré
que P.________ l'avait consulté en août 2001 sur recommandation de son
médecin traitant, le docteur G.________, en raison d'une décompensation
douloureuse du pied droit survenue trois mois plus tôt (mai 2001); il avait
posé l'indication de supports plantaires à cause de cette décompensation et
en tenant compte de la déformation du pied du patient; ce dernier ne lui
avait signalé aucune douleur au niveau de son pied droit avant cette date;
d'après lui, tant que le patient ne présentait pas de symptomatologie
douloureuse, un support plantaire ou une chaussure orthopédique adaptée
n'était pas indispensable (voir ses rapports des 6 octobre 2003 et 2 février
2004). Se fondant sur ces indications, les premiers juges ont considéré que
l'invalidité du recourant était survenue en mai 2001, l'atteinte à la santé
dont il souffrait n'ayant pas rendu nécessaire, par sa nature et sa gravité,
la remise de moyens auxiliaires avant cette date.

3.2 Pour l'OCAI, la prescription de moyens auxiliaires était, dans le cas du
recourant, indiquée dès l'enfance ou pour le moins dès que celui-ci était en
âge de marcher. De l'avis de son médecin-conseil, le docteur C.________, dans
des cas similaires concernant des enfants nés en Suisse, il y avait
pratiquement toujours la prescription de chaussures adaptées, même si
l'enfant ne se plaignait d'aucune douleur; par ailleurs, le recourant
présentait, en sus d'une déformation du pied, une différence marquée dans la
longueur des pieds (2 pointures), si bien que le besoin de chaussures
adaptées existait depuis toujours (voir les notes du médecin-conseil des 11
mars 2002, 12 novembre 2003 et 25 mai 2004).

4.
En l'occurrence, il faut admettre avec les premiers juges que c'est à partir
du mois de mai 2001 que les troubles du pied du recourant ont, vu leur nature
et leur gravité, objectivement nécessité pour la première fois le port de
chaussures orthopédiques. Certes, le recourant souffre depuis son enfance des
séquelles d'un pied adductus. Néanmoins, celui-ci a pu vivre normalement sans
chaussures adaptées jusqu'en 2001 et rien au dossier ne permet de retenir
qu'il avait auparavant éprouvé de quelconques problèmes en relation avec son
atteinte à la santé (cf. aussi les déclarations du docteur W.________). C'est
n'est qu'au cours de l'année 2001, qu'il a véritablement rencontré des
difficultés dans ses déplacements quotidiens, ce qui a également entraîné des
douleurs dorsales susceptibles d'influer sur sa capacité de travail. Il est
possible que dans une situation identique, la plupart des enfants nés en
Suisse auraient bénéficié de moyens auxiliaires dès l'enfance. Il ne faut
toutefois pas perdre de vue que le point de savoir quand l'état de santé d'un
assuré requiert objectivement la remise d'un moyen auxiliaire pour poursuivre
l'un des buts précisés par l'art. 21 al. 1 LAI doit être examiné au regard
des circonstances du cas concret et non pas de manière toute générale comme
l'a fait la recourante.

Force est donc de constater que l'invalidité de P.________ est survenue à une
époque où il était assuré à l'AVS/AI. Il n'est pas contesté, d'autre part,
qu'il remplit les autres conditions dont dépend la remise du moyen auxiliaire
demandé. Il s'ensuit que le recours est mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal genevois
des assurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 28 octobre 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre:   La Greffière: