Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 286/2004
Zurück zum Index Sozialrechtliche Abteilungen 2004
Retour à l'indice Sozialrechtliche Abteilungen 2004


I 286/04

Arrêt du 24 mai 2005
IIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Schön et Frésard. Greffier : M. Métral

N.________, recourante, représentée par Me Laurent Damond, avocat, avenue du
Tribunal-Fédéral 3, 1005 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 3 décembre 2003)

Faits:

A.
N. ________, née en 1959, travaille comme femme de ménage depuis 1990. Elle
assume également des tâches de conciergerie avec l'aide de son époux.
Celui-ci a toutefois subi un accident en 1994, dont les séquelles limitent sa
capacité à la soutenir dans cette activité. Il est d'ailleurs titulaire d'une
rente entière d'invalidité.

Le 3 septembre 1998, la prénommée a présenté une demande de prestations à
l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, en indiquant
souffrir de migraines, de problèmes de varices et de douleurs au talon. Elle
précisait travailler encore deux heures par semaine, en plus de son activité
de conciergerie. Son médecin traitant, le docteur C.________ attestait une
incapacité de travail de 60 % depuis le mois de janvier 1996, en raison de
migraines et céphalées tensionnelles; il posait également le diagnostic de
lombosciatalgies (rapport du 21 novembre 1998).

L'office AI a confié au docteur R.________, neurologue, le soin de réaliser
une expertise. Dans un rapport établi le 29 février 2000, ce praticien a posé
les diagnostics de migraines sans aura, de lombosciatalgies droites
irritatives, non déficitaires, d'état dépressif et de status après cure
chirurgicale pour varices au niveau des membres inférieurs. Il proposait
diverses mesures médicales, dont il admettait qu'elles amélioreraient
certainement la situation dans un délai de six mois, et précisait qu'une
capacité de travail proche de 75 % dans une activité adaptée pouvait être
espérée si les réponses thérapeutiques étaient favorables. Selon un rapport
du 10 avril 2001 du docteur C.________, les traitements proposés par le
docteur R.________ sont toutefois demeurés inefficaces; le docteur C.________
ajoutait, dans un rapport du 27 mars 2002, que la capacité de travail de
l'assurée n'avait jamais été supérieure à 60 % depuis la survenance de
l'atteinte à la santé.

L'office AI a encore réalisé une enquête économique sur le ménage, en vue de
déterminer la capacité de l'assurée à effectuer ses travaux habituels. Selon
les conclusions de l'enquête, l'empêchement global de l'assurée dans ses
tâches domestiques était de l'ordre de 33 %, compte tenu notamment de la
nécessité qu'elle éprouvait de rester couchée les jours où elle souffrait de
migraines (rapport d'enquête économique du 14 novembre 2000).
Par décision du 23 mai 2002, l'office AI a rejeté la demande de prestations
du 3 septembre 1998, en considérant que l'assurée présentait un taux
d'invalidité inférieur à 40 %, n'ouvrant pas droit à une rente.

B.
Par jugement du 3 décembre 2003, le Tribunal des assurances du canton de Vaud
a rejeté le recours de l'assurée contre cette décision.

C.
N.________ interjette un recours de droit administratif contre ce jugement,
dont elle demande la réforme en ce sens qu'une rente entière d'invalidité lui
soit allouée, sous suite de dépens. A titre subsidiaire, elle demande
l'annulation du jugement entrepris et le renvoi de la cause à l'intimé pour
instruction complémentaire et nouvelle décision. La recourante demande
également que son mandataire soit désigné avocat d'office.

L'intimé conclut au rejet du recours, alors que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente de
l'assurance-invalidité. Les considérants 4 et 5b du jugement entrepris
exposent les règles légales et la jurisprudence applicables, de sorte qu'il
convient d'y renvoyer.

2.
La juridiction cantonale a considéré, à juste titre, que la méthode ordinaire
de comparaison des revenus était applicable à l'évaluation de l'invalidité de
la recourante. Il n'y a pas lieu de revenir sur cet aspect du jugement
entrepris, qui n'est contesté ni par la recourante, ni par l'office intimé.

3.
3.1 Le docteur R.________ a notamment été invité à se déterminer sur la
capacité de travail résiduelle de l'assurée et sur les moyens de l'améliorer.
A cet égard, il s'est borné, d'une part, à décrire les activités encore
exercées par cette dernière - en précisant que la diminution de son taux
d'activité ne résultait pas forcément d'une incapacité de travail
correspondante - et d'autre part, à proposer divers traitements dont on
pouvait attendre, en cas de succès, qu'il limitent l'incapacité de travail à
25 % environ. La juridiction cantonale en a déduit que le docteur R.________
attestait une capacité de travail résiduelle de 75 %, pour autant que
l'assurée se soumette aux mesures thérapeutiques proposées. Considérant
qu'elle ne pouvait s'y soustraire, compte tenu de son obligation de réduire
le dommage, les premiers juges ont considéré, en substance, que l'assurée ne
pouvait se prévaloir d'une incapacité de travail et de gain supérieure à 25
%.

Ce raisonnement ne peut être suivi: d'abord, il omet de prendre en
considération un éventuel droit à la rente pour la période antérieure à la
mise en oeuvre des traitements préconisés; ensuite, le docteur R.________ n'a
attesté une capacité de travail de 75 % qu'en cas de réponse thérapeutique
favorable, ce qui ne semble pas avoir été le cas en l'occurrence; enfin, si
certains traitements n'ont pas encore été mis en oeuvre, comme semble l'avoir
retenu la juridiction cantonale, il appartenait à l'office AI de sommer
l'assurée de s'y soumettre avant, le cas échéant, de suspendre son droit à
d'éventuelles prestations d'assurance (art. 31 al. 1 LAI, dans sa teneur en
vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, applicable en l'espèce; cf. également art.
21 al. 4 LPGA).

3.2 Il n'y a cependant pas lieu d'annuler le jugement entrepris, dont le
dispositif n'est pas critiquable. En effet, même si elle n'établit pas
clairement une capacité de travail résiduelle de 25 %, contrairement à
l'opinion des premiers juges, l'expertise réalisée par le docteur R.________
permet d'exclure, avec les autres pièces figurant au dossier, un taux
d'invalidité ouvrant droit à une rente, comme exposé ci-après.

3.2.1 La recourante se plaint de céphalées pulsatiles survenant une à deux
fois par semaine et pouvant durer jusqu'à deux à trois jours, accompagnées de
photophobie, phonophobie, nausées, vomissements et olfactophobie. Toutefois,
les résultats des examens effectués par le docteur R.________ sont demeurés
sans particularités et ne permettent pas d'objectiver les symptômes allégués,
et surtout leur intensité. Les rapports établis par le docteur C.________ ne
font pas davantage état de constatations objectives particulières et
consistent eux aussi, pour l'essentiel, en une description des symptômes et
de l'incapacité de travail allégués par l'assurée. Le docteur C.________
précise par ailleurs que la persistance de symptômes douloureux malgré les
traitements entrepris est probablement à mettre sur le compte des difficultés
socio-économiques de la recourante, en principe sans pertinence du point de
vue de l'assurance-invalidité.

A cela s'ajoute qu'une part importante de l'activité lucrative exercée par la
recourante consiste en travaux de conciergerie, pour lesquels son époux ne
peut lui apporter qu'une aide limitée. Cette activité lui garantit un horaire
de travail relativement souple; dans cette mesure, elle peut être assimilée
aux tâches domestiques pour lesquelles l'enquête économique sur le ménage n'a
pas mis en évidence de limitation supérieure à 33 %. Compte tenu d'une
capacité de travail analogue pour son activité de concierge, et à défaut
d'atteinte objective mise en évidence par le docteur R.________ ou le docteur
C.________, on ne saurait tenir pour établi, au degré de la vraisemblance
prépondérante, que les migraines dont souffre la recourante sont d'une
intensité telle qu'elles entraînent, globalement, une incapacité de travail -
et de gain - de 40 % ou plus, ouvrant droit à une rente.

3.2.2 La recourante fait valoir qu'une évaluation psychiatrique est
nécessaire, en vue d'établir si l'état dépressif mentionné par le docteur
R.________ influence sa capacité de travail. Mais cette affection psychique
apparaît dans l'expertise comme tout à fait secondaire par rapport aux
migraines dont souffre la recourante, même si l'expert laisse entendre qu'un
soutien psychothérapeutique pourrait contribuer à atténuer les symptômes
douloureux. Rien dans l'expertise ne permet de considérer que cette atteinte
revêtirait une gravité particulière et serait, en l'état, de nature à
entraîner une diminution notable de la capacité de travail de l'assurée.

4.
Vu ce qui précède, le recours est mal fondé et ne donne pas lieu à des dépens
en faveur de la recourante (art. 159 al. 1 OJ). Il convient cependant
d'examiner si cette dernière peut prétendre la prise en charge de ses frais
de défense au titre de l'assistance judiciaire.

4.1
4.1.1Selon l'art. 152 OJ, applicable, en vertu de l'art. 135 OJ, pour les
procédures devant le Tribunal fédéral des assurances, la partie qui est dans
le besoin et dont les conclusions ne paraissent pas vouées à l'échec est
dispensée de payer les frais judiciaires et de fournir des sûretés pour les
dépens de la parties adverse (al. 1). Au besoin, le tribunal peut faire
assister cette partie d'un avocat; si elle n'obtient pas gain de cause ou que
les dépens ne puissent être recouvrés, les honoraires de l'avocat sont fixés
par le tribunal et supportés par la caisse du tribunal (al. 2), sous réserve
d'un remboursement ultérieur par la partie revenue à meilleure fortune (al.
3).

4.1.2 D'après la jurisprudence, est dans le besoin la partie qui n'est pas en
état de supporter les frais de procédure et, le cas échéant, ses propres
frais de défense, sans entamer les moyens nécessaires à son entretien et à
celui de sa famille (cf. ATF 127 I 205 consid. 3b et les références). Lorsque
la partie qui demande l'assistance judiciaire est mariée, il faut, pour
apprécier si elle est dans le besoin, prendre en considération également les
ressources de son conjoint (ATF 115 Ia 195 consid. 3a, 108 Ia 10 consid. 3).
Le minimum vital du droit des poursuites constitue par ailleurs un point de
départ généralement admis pour le calcul des charges du requérant, même si
les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire sont en principe moins
strictes que celles de l'insaisissabilité au sens des art. 92 ss LP (ATF 124
I 2, 106 Ia 82).

4.2
4.2.1La recourante et son époux vivent avec leur fille I.________, âgée de 21
ans. Cette dernière effectue un apprentissage de commerce lui procurant un
revenu mensuel de 1100 fr. par mois. Les époux disposent pour leur part de
revenus de 6451 fr. par mois au total, selon la formule de requête
d'assistance judiciaire qu'ils ont remplie.

4.2.2 Compte tenu de l'âge d'I.________, de son revenu et de la situation
financière de ses parents, il convient d'admettre que ces dernier n'ont pas
d'obligation d'entretien au sens de l'article 277 al. 2 CC, ou du moins que
cette obligation n'excède pas, le cas échéant, le logement qu'ils mettent à
sa disposition. Les charges mensuelles des époux N.________ sont de 4430 fr.
et comprennent un montant de base de 1550 fr. pour leurs besoins courants
(cf. Lignes directrices du 24 novembre 2000 pour le calcul du minimum
d'existence en matière de poursuite [minimum vital] selon l'article 93 LP,
établies par la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de
Suisse, BlSchkg 2001/2002, p. 19), le loyer (1650 fr.), les primes
d'assurance-maladie (660 fr.) et les impôts (570 fr.). Les frais
professionnels allégués ne sont pas démontrés et n'entrent donc pas en
considération; par ailleurs, les primes mensuelles d'assurance-maladie
d'I.________ demeurent à sa charge.

4.2.3 Avec un total de charges de 4430 fr. par mois pour des revenus mensuels
de 6451 fr., les époux N.________ disposent d'une marge de 2'021 fr. par
mois. La recourante est donc en mesure d'assumer ses frais de représentation
par un mandataire professionnel et ne peut prétendre le bénéfice de
l'assistance judiciaire.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de dépens.

3.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 24 mai 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre: p. le Greffier: