Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 283/2004
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I 283/04

Arrêt du 15 avril 2005
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Kernen. Greffier : M.
Wagner

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant,

contre

B.________, intimée,
agissant par son père L.________

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 24 novembre 2003)

Faits:

A.
B. ________, née en 1998, présente depuis la naissance des problèmes
respiratoire, cardiaque et digestif. Le docteur P.________, médecin adjoint
de l'Unité de cardiologie pédiatrique du Département médico-chirurgical de
pédiatrie de l'hôpital X.________, a posé le diagnostic de communication
interventriculaire périmembraneuse, communication interauriculaire assez
large, coarctation de l'aorte juxtaductale et hypoplasie de l'isthme - en
progression -, veine cave supérieure gauche dans le sinus coronaire et hernie
diaphragmatique. Dans un rapport médical du 24 août 1998 adressé à l'Office
de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, il a attesté la présence de
malformations congénitales du coeur et des vaisseaux (ch. 313 de la liste en
annexe à l'OIC) et de malformations congénitales du diaphragme (ch. 281 de la
même liste).
Le 8 juin 1998, B.________ a subi une opération de hernie diaphragmatique
droite. Du 6 juillet 1998 au 5 février 1999, elle a séjourné dans le Service
de pédiatrie de l'hôpital X.________. Les médecins ont procédé le 7 août 1998
à une correction de la coarctation aortique et le 2 novembre 1998 à une
deuxième opération de hernie diaphragmatique bilatérale, ainsi qu'à une
opération de Niessen et gastrostomie. Le docteur G.________, médecin-associé
du Service de pédiatrie de l'hôpital X.________, dans un rapport du 13 avril
1999, a retenu dans son diagnostic principal notamment des bronchoaspirations
à répétition et hyperréactivité bronchique sur RGO sévère et une bronchiolite
à virus respiratoire syncytial (VRS).
Dans une communication du 1er décembre 1998, l'office AI a avisé L.________
que sa fille avait droit du 15 mai 1998 au 30 avril 2018 aux mesures
médicales pour le traitement de l'infirmité congénitale sous ch. 313 de la
liste en annexe à l'OIC. Dans une communication du 21 juillet 1999, il l'a
informé qu'elle avait droit également à partir du 6 juillet 1998 jusqu'au 30
juin 2003 aux mesures médicales pour le traitement des infirmités
congénitales figurant sous ch. 280 et 281 de la liste précitée.
Entre le 1er et le 4 septembre 1999, B.________ a été hospitalisée pour une
gastro-entérite probablement d'origine virale. Les médecins ont décidé de
poursuivre l'oxygénothérapie nocturne jusqu'au printemps 2000, afin de
prévenir la réapparition d'une hypertension pulmonaire et d'une dysfonction
cardiaque droite (rapport du 21 septembre 1999 du docteur G.________; rapport
intermédiaire du 24 septembre 1999 de la doctoresse C.________, chef de
clinique).
Présentant une aggravation de son état général et un bronchospasme important,
B.________ a été hospitalisée aux soins continus du Service de pédiatrie de
l'hôpital X.________ le 17 mars 2000, où elle a séjourné jusqu'au 28 mars
2000. Les médecins ont posé les diagnostics principaux de pneumonie
bilatérale et d'infection respiratoire à VRS (rapport des docteurs
G.________, S.________ et D.________ du 5 avril 2000).
Les frais d'hospitalisation de septembre 1999 et de mars 2000 ont fait
l'objet d'une demande de remboursement du 13 mars 2001. Dans un projet de
décision du 26 octobre 2001, l'office AI a refusé de prendre en charge les
frais d'hospitalisation, au motif que B.________ avait été hospitalisée pour
deux épisodes infectieux, avec notamment une atteinte sur le plan
respiratoire motivant une oxygénothérapie en continu dès mars 2000, et que
ces épisodes infectieux étaient sans relation avec les infirmités
congénitales. Il avisait L.________ qu'il ne pouvait plus rembourser les
factures de la physiothérapeute, pour lesquelles il était intervenu à tort
jusque-là.
Le docteur A.________, pédiatre FMH et médecin traitant de B.________, a
contesté l'affirmation de l'office AI selon laquelle les épisodes infectieux
étaient sans relation avec les infirmités congénitales. Dans une lettre du 7
décembre 2001, il a déclaré que les hospitalisations causées par les épisodes
infectieux pulmonaires étaient en relation directe avec les interventions
subies par l'enfant dans sa petite enfance et qu'il était clair que les
dysfonctionnements résiduels des deux diaphragmes entraînaient à la fois une
prédisposition aux infections pulmonaires et une plus grande sévérité de
celles-ci, puisque les capacités d'expectoration étaient limitées par les
dysfonctionnements résiduels du diaphragme.
Par décision du 24 janvier 2002, l'office AI, pour les motifs exposés dans
son projet de décision, a confirmé son refus de prendre en charge les frais
d'hospitalisation de septembre 1999 et mars 2000, ainsi que son refus de
rembourser à l'avenir les factures de la physiothérapie respiratoire et de
l'oxygénothérapie à domicile, B.________ n'ayant aucun droit à la prise en
charge des mesures mises en route sur le plan respiratoire après la deuxième
hospitalisation intervenue en mars 2000.

B.
L.________ et Y.________, les parents de B.________, ont formé recours contre
cette décision devant le Tribunal des assurances du canton de Vaud, en
concluant à la prise en charge des frais d'hospitalisation de leur fille en
ce qui concerne septembre 1999 et mars 2000 et au remboursement des factures
de physiothérapie respiratoire et d'oxygénothérapie à domicile. Ils
produisaient la prise de position du docteur A.________ du 7 décembre 2001 et
un avis du 19 juin 2002 du docteur O.________, médecin responsable des Soins
Intensifs médico-chirurgicaux de Pédiatrie de l'hôpital X.________.
Par jugement du 24 novembre 2003, expédié le 23 avril 2004, la juridiction
cantonale, admettant le recours, a réformé la décision attaquée en ce sens
que B.________ avait droit à la prise en charge des hospitalisations de
septembre 1999 et mars 2000, ainsi que des traitements d'oxygénothérapie et
de physiothérapie dispensés à domicile.

C.
L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud interjette recours
de droit administratif contre ce jugement, en concluant à l'annulation de
celui-ci.
Représentée par ses parents, B.________ s'en tient au jugement attaqué.
L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le point de savoir si le droit de l'intimée à des mesures
médicales selon l'art. 13 LAI s'étend également aux hospitalisations du 1er
au 4 septembre 1999 et du 17 au 28 mars 2000.

2.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-invalidité. Conformément au principe général de droit
transitoire, selon lequel - même en cas de changement des bases légales - les
règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits
juridiquement déterminants se sont produits, le cas d'espèce reste régi par
les règles applicables jusqu'au 31 décembre 2002, le Tribunal fédéral des
assurances appréciant la légalité de la décision attaquée, en règle générale,
d'après l'état de fait existant au moment où la décision administrative
litigieuse du 24 janvier 2002 a été rendue (ATF 130 V 445 et les références;
cf. aussi ATF 130 V 329).

3.
3.1 Aux termes de l'art. 13 LAI (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31
décembre 2002), les assurés ont droit aux mesures médicales nécessaires au
traitement des infirmités congénitales jusqu'à l'âge de 20 ans révolus (al.
1). Le Conseil fédéral établira une liste des infirmités pour lesquelles ces
mesures sont accordées. Il pourra exclure la prise en charge du traitement
d'infirmités peu importantes (al. 2).
Sont réputés mesures médicales nécessaires au traitement d'une infirmité
congénitale tous les actes dont la science médicale a reconnu qu'ils sont
indiqués et qu'ils tendent au but thérapeutique visé d'une manière simple et
adéquate (art. 2 al. 3 OIC).

3.2 Selon la jurisprudence, le droit aux mesures médicales s'étend
exceptionnellement au traitement d'atteintes secondaires à la santé qui ne
sont certes plus liées aux symptômes de l'infirmité congénitale, mais qui
sont la conséquence de cette infirmité selon l'expérience médicale. Entre
l'infirmité congénitale et l'atteinte à la santé secondaire, il faut qu'il
existe un lien de causalité adéquat qualifié (ATF 129 V 209 consid. 3.3, 100
V 41 consid. 1a; ATFA 1965 p. 159 consid. 2b et 160 consid. 3, 1962 p. 51
consid. 1 et p. 215 s.; VSI 2001 p. 76 consid. 3a et b, 1998 p. 254 s.
consid. 2a et b; Meyer-Blaser, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum IVG, p.
104 et les références; Gustavo Scartazzini, Les rapports de causalité dans le
droit suisse de la sécurité sociale, thèse Genève 1991, p. 236 s.; Valterio,
Droit et pratique de l'assurance-invalidité [Les prestations], p. 122 ad ch.
3). Il n'est pas nécessaire, cependant, que l'affection secondaire soit
directement liée à l'infirmité; des conséquences même indirectes de
l'infirmité congénitale peuvent également satisfaire à l'exigence d'un lien
qualifié de causalité adéquate (Pra 1991 n° 214 p. 903 consid. 3b et les
références).
Conformément à ces principes, le Tribunal fédéral des assurances a par
exemple conclu à l'existence d'un lien qualifié de causalité adéquate entre
l'impossibilité pathologique de déglutir chez un enfant gravement infirme et
une pneumonie dite d'aspiration (ATFA 1962 p. 215 s.), entre l'hydrocéphalie
et un certain strabisme (ATF 97 V 54), entre des leucopénies (ch. 322 de la
liste en annexe à l'OIC) et l'affection causée par une gingivite (Pra 1991 n°
214 p. 903 consid. 4a), entre l'affection congénitale - il s'agissait soit
d'une psychose primaire soit d'une oligophrénie grave - et l'hypotonie
musculaire dont souffrait l'assuré (arrêt A. du 7 novembre 1997 [I 125/96]),
entre le syndrome de Prader-Willi et l'obésité (VSI 2001 p. 76 consid. 3b),
entre le rétinoblasme ayant nécessité l'énucléation de l'oeil gauche de
l'assurée alors âgée de trois ans et les troubles du comportement (arrêt M.
du 12 octobre 2001 [I 355/01]). En revanche, il a nié tout lien qualifié de
causalité adéquate entre la dystrophie musculaire progressive et une fracture
de la jambe due à une chute (ATF 1965 p. 160 consid. 3), entre la
surdi-mutité et une névrose d'abandon (RCC 1965 p. 415), entre un défaut
congénital de la cloison ventriculaire et une endocardite ou une pancardite
(RCC 1966 p. 304, 1967 p. 559), entre des troubles cérébraux accompagnés de
débilité mentale et la schizophrénie (ATF 100 V 41), entre la myopathie
congénitale avec troubles moteurs cérébraux et une lésion aux dents subie
après une chute (arrêt F. du 22 janvier 1998 [I 218/97]), enfin entre une
épilepsie congénitale et les lésions aux dents consécutives à une chute (VSI
1998 p. 255 consid. 2b).

4.
Le refus de prestations du 24 janvier 2002 se fonde sur le ch. 11 de la
circulaire de l'OFAS concernant les mesures médicales de réadaptation de l'AI
(CMRM). Selon le ch. 11 première phrase CMRM, le traitement d'atteintes à la
santé qui constituent une conséquence de l'infirmité congénitale est à la
charge de l'AI si les manifestations pathologiques secondaires sont en
étroite connexion avec les symptômes de l'infirmité congénitale et qu'aucun
événement extérieur n'intervient de manière déterminante dans le processus.

4.1 Selon le recourant, lorsqu'un élément extérieur, tel un agent infectieux,
intervient, on ne peut pas considérer les symptômes comme conséquence directe
de l'affection congénitale, même si l'affection congénitale est un facteur
aggravant ou que le traitement est rendu plus difficile. Dès lors les frais
liés au traitement de ces symptômes ne sont pas à la charge de
l'assurance-invalidité.

4.2 Il n'est cependant pas nécessaire que l'affection secondaire soit
directement liée à l'infirmité; des conséquences même indirectes de
l'infirmité congénitale peuvent également satisfaire à l'exigence d'un lien
qualifié de causalité adéquate (Pra 1991 n° 214 p. 903 consid. 3b déjà cité).

4.2.1 Il est constant que l'intimée présente des problèmes respiratoire,
cardiaque et digestif en raison des malformations congénitales du diaphragme
(ch. 281 de la liste en annexe à l'OIC), des malformations congénitales du
coeur et des vaisseaux (ch. 313 de cette liste) et du reflux
gastro-oesophagien congénital (ch. 280 de cette liste).

4.2.2 L'hospitalisation du 1er au 4 septembre 1999 est intervenue en raison
de vomissements de l'assurée. Dans son rapport du 21 septembre 1999, le
docteur G.________ a posé le diagnostic principal de gastro-entérite
probablement virale. Pour autant, ce spécialiste n'indique pas qu'il se soit
agi d'un phénomène extérieur, sans aucun lien avec les infirmités
congénitales; au contraire, les précisions figurant sous "évolution et
discussion" du rapport mettent en évidence que le problème de santé présenté
par l'intimée à ce moment-là constituait un des épisodes ultérieurs et
consécutifs au traitement des diverses infirmités congénitales et des
complications apparues lors de celui-ci pendant l'hospitalisation du 6
juillet 1998 au 5 février 1999.
Aussi, au vu des infirmités congénitales, de l'état de santé lié au
traitement de celles-ci et de leur complications, et de la diversité des
prises en charge au plan médical, le probable facteur viral à l'origine de la
gastro-entérite présentée en septembre 1999 ne peut être qualifié d'élément
extérieur qui serait intervenu de manière déterminante dans le processus
pathologique. Avec les premiers juges, il se justifie donc d'admettre un lien
qualifié de causalité adéquate entre l'atteinte à la santé secondaire ayant
nécessité l'hospitalisation et l'infirmité congénitale.

4.2.3 En ce qui concerne le problème respiratoire ayant nécessité
l'hospitalisation de l'intimée pendant la période du 17 au 28 mars 2000, il
n'est pas nouveau, qu'il s'agisse de la pneumonie bilatérale ou de
l'infection respiratoire à VRS.
Déjà, lors du séjour de la patiente à l'hôpital entre le 6 juillet 1998 et le
5 février 1999, le docteur G.________ avait retenu dans son rapport du 13
avril 1999 une bronchiolite à VRS. Dans son rapport du 7 décembre 2001, le
docteur A.________ a indiqué que les dysfonctionnements résiduels des deux
diaphragmes entraînent une prédisposition aux infections pulmonaires et une
plus grande sévérité de celles-ci puisque les capacités d'expectoration de
l'enfant sont limitées par les dysfonctionnements résiduels du diaphragme.
Selon le docteur O.________ (avis du 19 juin 2002), ces anomalies
respiratoires créent par pressions négatives intrathoraciques, un reflux
gastro-oesophagien extrêmement sévère provoquant des pneumonies d'aspiration
répétées et graves. L'enfant a évolué sur le plan pulmonaire comme une
bronchodysplasie sévère dont l'origine est la ventilation mécanique prolongée
et les pneumonies d'aspiration fréquentes. Cela a conduit à la nécessité
d'une oxygénothérapie prolongée. Les différents rapports de sortie signalent
des infections pulmonaires, urinaires, toutes conséquentes également de
l'environnement hospitalier avec les germes nosocomiaux bien connus.
L'évolution dramatique, notamment de l'infection à VRS en décembre 1998 est
une infection nosocomiale acquise à l'hôpital (soins continus de pédiatrie),
ne peut pas être considérée comme une infection communautaire ainsi que ces
conséquences : une bronchoréactivité exacerbée sur plusieurs années.
L'hospitalisation du 17 au 28 mars 2000 pour un problème respiratoire
apparaît ainsi comme un épisode de l'évolution respiratoire (avis précité du
docteur O.________). Il s'inscrit également dans l'évolution complexe des
différents traitements mis en oeuvre précédemment des infirmités congénitales
présentées par l'intimée. Là également, un facteur extérieur déterminant dans
le processus pathologique, sans aucun lien avec les infirmités congénitales
de l'intimée, ne peut être retenu. Aussi, est-ce à juste titre que les
premiers juges ont conclu à l'existence d'un lien qualifié de causalité
adéquate entre ces affections et l'atteinte à la santé secondaire ayant
nécessité cette hospitalisation.

4.2.4 La nécessité d'une oxygénothérapie prolongée étant attestée par le
docteur O.________ (avis du 19 juin 2002), l'intimée a droit à ce traitement
dispensé à domicile, dans la mesure où cette mesure médicale est indiquée et
tend au but thérapeutique visé d'une manière simple et adéquate (art. 2 al. 3
OIC). Cela vaut également en ce qui concerne la physiothérapie respiratoire
(rapport du docteur G.________ du 5 avril 2000).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 15 avril 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre:  Le Greffier: