Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 247/2004
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I 247/04

Arrêt du 23 mars 2006
IIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Borella et Kernen. Greffière :
Mme Moser-Szeless

B.________, recourant, représenté par Me Jean-Marie Agier, avocat, FSIH,
place du Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 10 février 2004)

Faits:

A.
Le 1er février 2000, B.________ a présenté une demande de prestations de
l'assurance-invalidité, en invoquant souffrir d'une affection du système
nerveux. Après avoir recueilli divers avis médicaux, l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après : l'office AI) a
confié une expertise psychiatrique au docteur S.________, spécialiste en
psychiatrie et psychothérapie. L'assuré en a été informé par communication du
3 mars 2003. Deux jours plus tard, il a demandé la récusation du praticien
comme expert, en invoquant que «la presse a longuement parlé de ce médecin et
de ses expertises désastreuses».

Le 13 mars 2003, l'office AI a informé B.________ qu'une expertise médicale
était nécessaire pour pouvoir évaluer le droit à des prestations de
l'assurance-invalidité et que la demande d'expertise faite auprès du docteur
S.________ était maintenue («décision suite à une demande de récusation»).

B.
Par écriture du 11 avril 2003, l'assuré a déféré cet acte au Tribunal des
assurances du canton de Vaud qui l'a débouté par jugement du 10 février 2004.

C.
B.________ interjette un recours de droit administratif contre ce jugement.
Sous suite de frais et dépens, il conclut en substance à la réformation de
celui-ci, en ce sens que soit prononcée la récusation de l'expert désigné et
que la cause soit renvoyée à l'administration pour qu'elle nomme un nouvel
expert.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le litige porte sur la récusation de l'expert S.________ mandaté par
l'office AI.

1.2 En communiquant au recourant, le 3 mars 2003, son intention de mettre en
oeuvre une expertise auprès du psychiatre prénommé puis en rendant la
décision du 13 mars suivant, par laquelle elle a refusé la récusation de
celui-ci, l'administration a pris des mesures d'instruction après l'entrée en
vigueur de la LPGA, le 1er janvier 2003. En ce qui concerne la procédure
d'instruction à laquelle sont soumis les offices AI, les nouvelles règles de
procédure prévues par cette loi n'ont pas introduit de structure juridique
entièrement nouvelle, de sorte qu'elles sont immédiatement applicables au 1er
janvier 2003 (cf. arrêt B. du 8 février 2006, I 745/03, destiné à la
publication au Recueil officiel, consid. 2.2 et 2.3; voir aussi l'arrêt R. du
25 août 2004, I 570/03, résumé dans RJB 2004, p. 749). Partant, la légalité
de la décision litigieuse doit être examinée à la lumière des dispositions
idoines de la LPGA.

2.
2.1 Selon l'art. 43 LPGA, l'assureur examine les demandes, prend d'office les
mesures d'instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a
besoin (al. 1). L'assuré doit se soumettre à des examens médicaux ou
techniques si ceux-ci sont nécessaires à l'appréciation du cas et qu'ils
peuvent être raisonnablement exigés (al. 2). Si l'assureur doit recourir aux
services d'un expert indépendant pour élucider les faits, il donne
connaissance du nom de celui-ci aux parties. Celles-ci peuvent récuser
l'expert pour des raisons pertinentes et présenter des contre-propositions
(art. 44 LPGA).

L'acte par lequel l'assureur social ordonne une expertise n'a pas le
caractère de décision au sens de l'art. 49 LPGA et intervient sous la forme
d'une communication (arrêt B., précité, consid. 5). En revanche, lorsque
l'assuré, dans le cadre des droits conférés par l'art. 44 LPGA, fait valoir
des motifs de récusation au sens des art. 36 al. 1 LPGA et 10 PA (cf. infra
consid. 2.2) - dispositions relatives à la récusation des personnes appelées
à préparer ou prendre des décisions, applicables mutatis mutandis -,
l'administration doit rendre une décision directement soumise à recours
(arrêt B., précité, consid. 6). Une telle décision portant sur la récusation
d'un expert peut, ainsi que l'a déjà jugé le Tribunal fédéral des assurances,
être attaquée séparément par la voie du recours de droit administratif dès
lors qu'elle est susceptible de causer un préjudice irréparable (VSI 1998 p.
128, consid. 1 et les références). L'entrée en vigueur de la LPGA n'a apporté
à cet égard aucun changement (arrêt B., précité, consid. 6.3).
2.2 En matière de récusation, il convient toutefois, comme l'a rappelé et
précisé la Cour de céans au consid. 6.5. de l'arrêt B. précité (voir aussi
l'arrêt D. du 14 mars 2006, I 14/04), de distinguer entre les motifs formels
et les motifs matériels. Les motifs de récusation qui sont énoncés dans la
loi (cf. art. 10 PA et 36 al. 1 LPGA) sont de nature formelle parce qu'ils
sont propres à éveiller la méfiance à l'égard de l'impartialité de l'expert.
Les motifs de nature matérielle, qui peuvent également être dirigés contre la
personne de l'expert, ne mettent en revanche pas en cause son impartialité.
De tels motifs doivent en principe être examinés avec la décision sur le fond
dans le cadre de l'appréciation des preuves. Il en va ainsi, par exemple,
d'une prétendue incompétence de l'expert à raison de la matière laquelle ne
saurait constituer comme telle un motif de défiance quant à l'impartialité de
ce dernier. Bien au contraire, ce grief devra être examiné dans le cadre de
l'appréciation des preuves (cf. à ce sujet arrêt D. du 30 novembre 1999,
1P.553/1999).

3.
Le recourant conteste essentiellement la compétence professionnelle du
docteur S.________ d'agir comme expert. Se référant aux articles parus dans
la presse romande sur le conflit qui opposait le psychiatre à 33 de ses
confrères qui l'auraient «dénoncé comme étant un médecin qui n'a pas les
capacités professionnelles pour réaliser des expertises», B.________ met en
doute la qualification professionnelle du docteur S.________.

Il s'agit en l'espèce d'un motif matériel de récusation qui vise la
crédibilité et le caractère probant de l'expertise que le docteur S.________
sera appelé à rendre et non d'un motif formel lié à l'impartialité de
l'expert. Il n'appartenait dès lors pas à l'administration de rendre une
décision sur ce point, sa «décision suite à une demande de récusation» du 13
mars 2003 devant être considérée comme une simple communication. Partant,
c'est à tort que la juridiction cantonale est entrée en matière sur
l'écriture du 11 avril 2003. Le grief invoqué devra en effet être examiné par
l'administration, puis l'autorité cantonale de recours et, cas échéant, la
Cour de céans, au moment de se prononcer sur la décision sur le fond dans le
cadre de l'appréciation des preuves (supra consid. 2.2). Au demeurant, aussi
bien l'acte par lequel est ordonnée une expertise que le refus d'administrer
des preuves (sous réserve du risque de perdre des moyens pertinents) ne sont
pas propres à entraîner un préjudice irréparable (ATF 99 V 197, 98 Ib 286 sv;
Pierre Moor, Droit administratif, vol. II: Les actes administratifs et leur
contrôle, 2ème édition, Berne 2002, p. 579 n° 5.4.2.3, Grisel, Traité de
droit administratif, Neuchâtel 1984, p. 871; Gygi,
Bundesverwaltungsrechtspflege, 2ème édition, Berne 1983, p. 142; RJAM 1975 no
232 p. 197).

4.
Dès lors que le recourant conclut en substance à la récusation de l'expert,
il n'obtient pas gain de cause et n'a donc pas droit à des dépens (art. 159
al. 1 OJ a contrario en corrélation avec l'art. 135 OJ). Etant donné le
rapport étroit entre l'acte entrepris et l'examen du droit à une prestation
d'assurance, il n'y a pas lieu de percevoir des frais de justice. La demande
d'assistance judiciaire visant à la dispense de payer les émoluments de
justice présentée par le recourant est dès lors sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Dans la mesure où il est recevable, le recours est admis. Le jugement du
Tribunal des assurances du canton de Vaud du 10 février 2004 est réformé en
ce sens que le recours daté du 11 avril 2003 est irrecevable.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'avance de frais versée par le recourant, d'un montant de 500 fr., lui est
restituée.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 23 mars 2006

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIe Chambre: La Greffière: