Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 246/2004
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I 246/04

Arrêt du 14 juin 2005
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Kernen. Greffière : Mme
Moser-Szeless

N.________, recourant, représenté par Me Jean-Marie Agier, avocat, FSIH,
place du Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 24 mars 2004)

Faits:

A.
N. ________ a présenté une demande de prestations d'invalidité le 7 juin
1994. Après instruction, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de
Vaud (ci-après : l'office AI) a, en été 2002, mandaté le docteur S.________
pour une expertise. En réponse à des objections de l'assuré quant à l'expert
nommé, l'office AI lui a indiqué ne pas avoir d'éléments objectifs qui le
conduiraient à retirer sa confiance au médecin prénommé (courrier du 27 août
2002). L'assuré ayant réitéré sa demande de récusation, il l'a invité, par
lettre du 26 septembre 2002, à donner suite au rendez-vous qui lui serait
fixé par l'expert et averti, qu'à défaut, il pouvait se prononcer en l'état
du dossier.

Le 14 février 2003, N.________ a indiqué à l'office AI qu'il refusait de
donner suite à la convocation du médecin pour un examen le 28 février
suivant. En réponse, le 25 juin 2003, l'office AI a informé l'assuré qu'une
expertise médicale était nécessaire pour pouvoir évaluer le droit à des
prestations de l'assurance-invalidité et qu'il maintenait la demande
d'expertise faite auprès du docteur S.________ pour les raisons exposées dans
ses courriers des 27 août et 26 septembre 2002 («décision suite à une demande
de récusation»).

B.
Par écriture du 9 juillet 2003, l'assuré a déféré cet acte au Tribunal
cantonal des assurances du canton de Vaud qui l'a rejeté par jugement du 24
mars 2004.

C.
N.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement. Sous
suite de frais et dépens, il conclut à la réformation de celui-ci, en ce sens
que soit constaté qu'il a fait valoir des raisons pertinentes pour la
récusation de l'expert, ainsi qu'au renvoi de la cause à l'administration
pour qu'elle désigne un nouvel expert. Il sollicite en outre le bénéfice de
l'assistance judiciaire tendant à la dispense de payer des frais de justice.

L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral des assurances examine d'office les conditions dont
dépend la qualité pour recourir et les conditions formelles de validité et de
régularité de la procédure administrative, soit en particulier le point de
savoir si c'est à juste titre que la juridiction cantonale est entrée en
matière sur le recours ou l'action. Cela vaut également pour l'examen de la
compétence quant au fond de l'autorité qui a statué. Aussi, lorsque
l'autorité de première instance a ignoré qu'une condition de l'examen du
litige par le juge faisait défaut et a statué sur le fond, cela doit conduire
le tribunal saisi d'un recours à annuler d'office le jugement entrepris en
constatant qu'on ne peut entrer en matière sur le moyen de droit, dès lors
que les conditions de l'examen du litige par le juge ne sont pas réalisées
(ATF 125 V 405 consid. 4a; voir aussi ATF 128 V 89 consid. 2a et les
références).

Il convient dès lors d'examiner si c'est à juste titre que les premiers juges
ont qualifié de décision d'ordonnancement l'acte administratif du 25 juin
2003 et ont procédé à l'examen au fond de celui-ci.

2.
2.1 En ce qui concerne la procédure administrative suivie par les offices AI
pour l'instruction de la demande sous l'empire des dispositions applicables
avant l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur la partie générale des
assurances sociales du 6 octobre 2000, LPGA, (art. 58 et 86 al. 2 aLAI; 69 à
77 RAI), le Tribunal fédéral des assurances a jugé que l'acte par lequel un
office AI ordonne une expertise médicale n'a pas le caractère d'une décision.
Aussi, si l'assuré émet des objections à l'égard de l'expert désigné aussitôt
après avoir été invité à se soumettre à une expertise, l'office AI doit-il se
prononcer sans rendre de décision sur la suite à donner aux critiques et
propositions de l'assuré. L'assuré dispose ensuite de la possibilité de
réitérer ses objections lors de l'audition au sens de l'art. 73bis al. 1 RAI
et de faire valoir, en particulier, qu'il n'a pas été traité correctement par
l'expert ou n'a pas été examiné avec l'impartialité requise (ATF 125 V 405
consid. 3c).

2.2 Avec l'entrée en vigueur de la LPGA, au 1er janvier 2003, la procédure
d'audition au sens de l'art. 73bis al. 1 RAI a été abrogée, tandis que la
mise sur pied d'une expertise par l'office AI est régie par l'art. 44 LPGA.
Selon cette disposition, si l'assureur doit recourir aux services d'un expert
indépendant pour élucider les faits, il donne connaissance du nom de celui-ci
aux parties. Celles-ci peuvent récuser l'expert pour des raisons pertinentes
et présenter des contre-propositions.

3.
3.1 Selon l'art. 82 al. 1 première phrase LPGA, les dispositions matérielles
de la loi ne sont pas applicables aux prestations en cours et aux créances
fixées avant son entrée en vigueur. En revanche, les nouvelles prescriptions
de procédure - à l'exception du droit procédural cantonal -, s'appliquent
immédiatement, dès le jour de l'entrée en vigueur de la LPGA, faute de
dispositions transitoires contraires (ATF 129 V 115 consid. 2.2 et les arrêts
cités). Ce principe ne vaut toutefois pas lorsqu'il n'y a pas continuité
entre l'ancien et le nouveau système juridique procédural et qu'avec le
nouveau droit, des règles de procédure fondamentalement nouvelles ont été
créées (ATF 130 V 4 consid. 3.2, 129 V 115 consid. 2.2, 112 V 360 consid.
4a).

3.2 Par rapport à la procédure d'instruction à laquelle sont soumis les
offices AI, la LPGA n'a pas introduit de structure juridique entièrement
nouvelle, de sorte que les nouvelles règles de procédure sont en principe
immédiatement applicables au 1er janvier 2003. La continuité entre l'ancien
et le nouveau système de droit de procédure et, partant, l'application
immédiate et étendue de celui-ci doivent cependant être relativisées, dans la
mesure où le nouveau droit ne s'applique pas à toutes les procédures
pendantes au moment de l'entrée en vigueur de la LPGA. En ce qui concerne
l'application des nouveautés de la LPGA en matière de procédure, il y a lieu
de se fonder sur le moment où se pose la question litigieuse de procédure ou
au moment où celle-ci est tranchée. Si l'objet du litige en ce sens survient
avant le 1er janvier 2003, il doit être tranché à la lumière des anciennes
dispositions. Une procédure administrative ouverte sous l'empire des
anciennes normes continue donc son cours sous l'empire du nouveau droit, sans
que les mesures déjà ordonnées, qui n'ont pas été contestées ou ne pouvaient
pas être contestées jusqu'alors, doivent être répétées à nouveau selon les
règles du nouveau droit. Réitérer une étape de la procédure achevée sous
l'ancien droit - comme par exemple la mise sur pied d'une expertise médicale
- reviendrait à appliquer rétroactivement le nouveau droit, en ce sens que
des questions litigieuses seraient réglées d'après un droit qui n'était pas
encore en vigueur au moment de leur survenance; cela contreviendrait au
principe de la non rétroactivité des dispositions légales (arrêt R. du 25
août 2004, I 570/03, résumé dans RJB 2004, p. 749).

4.
4.1 En été 2002, l'office intimé a chargé le docteur S.________ d'une
expertise. Après que le recourant a émis des objections à l'égard de la
personne de l'expert, l'administration lui a répondu ne pas disposer
d'éléments pour retirer sa confiance au médecin désigné. Répondant à la
demande de récusation réitérée par le recourant, elle l'a invité à se rendre
à la convocation du médecin et informé qu'en cas de refus elle pouvait
statuer en l'état du dossier (courrier du 26 septembre 2002). Dans la
communication du 25 juin 2003, l'office intimé a répété qu'il maintenait
l'expertise prévue. Il n'a dès lors pas imposé de nouvelles obligations au
recourant, ni n'est revenu sur la mise sur pied de l'expertise médicale. Dans
ces circonstances, l'acte administratif du 26 septembre 2002, rendu
conformément aux anciennes dispositions de procédure alors applicables, reste
valable sans modification également après l'entrée en vigueur de la LPGA. Il
ne devait donc pas être répété, ni revêtir une nouvelle forme pour être
maintenu au-delà du 1er janvier 2003. La répétition de cet acte sous la forme
d'une décision d'ordonnancement de la procédure en application des nouvelles
prescriptions revient en fait à appliquer celles-ci de manière rétroactive,
ce qui n'est pas admissible (consid. 3.2). Par conséquent, dans la mesure où
la juridiction cantonale de recours a appliqué le nouveau droit à la
prescription prise en été 2002 et confirmée le 26 septembre 2002, elle ne
saurait être suivie. Même si l'office intimé a intitulé sa communication du
25 juin 2003 «décision suite à une demande de récusation», cet acte ne revêt
pas le caractère d'une décision. Dès lors, faute de décision susceptible de
recours, c'est à tort que les premiers juges sont entrés en matière sur
l'écriture du 9 juillet 2003.

4.2 En application de l'art. 73 RAI (à nouveau en vigueur depuis le 1er
janvier 2004; cf. aussi l'art. 43 al. 3 LPGA), l'office AI impartira un délai
approprié au recourant pour se soumettre à l'expertise médicale ordonnée. Si
celui-ci est désormais d'accord de donner suite à la convocation pour
l'expertise, l'office AI se prononcera en temps voulu sur les objections de
l'assuré, à savoir dans le cadre de la décision et de la décision sur
opposition (cf. art. 49 al. 1 et 52 al. 1 LPGA). Dans le cas contraire, il se
prononcera en l'état du dossier ou suspendra les éclaircissements et
renoncera à entrer en matière.

5.
Etant donné le rapport étroit entre l'acte entrepris et l'examen du droit à
une prestation d'assurance, il n'y a pas lieu de percevoir des frais de
justice. La demande d'assistance judiciaire visant à la dispense de payer les
émoluments de justice présentée par le recourant est dès lors sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Dans la mesure où il est recevable, le recours est admis en ce sens que le
jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 24 mars 2004 est
annulé et qu'il est constaté que le recours du 9 juillet 2003 est
irrecevable.

2.
ll n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 14 juin 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre: La Greffière: