Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
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Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 207/2004
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I 207/04

Arrêt du 23 juin 2004
IIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Rüedi et Frésard. Greffier : M. Métral

K.________, recourante, représentée par Me Philippe Nordmann, avocat, place
Pépinet 4, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 6 février 2004)

Faits:

A.
A.a
A.a.aK.________, née en 1971, est titulaire d'une demi-rente de
l'assurance-invalidité et d'une rente pour enfant, allouées avec effet dès le
1er décembre 1994 par l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Vaud
(ci-après : office AI) sur la base d'un taux d'invalidité de 50 % (décision
du 17 novembre 1997). L'office AI se fondait notamment sur une expertise
réalisée par le docteur M.________, psychiatre, qui attestait un syndrome
somatoforme douloureux persistant (dorsalgies psychogènes) et décrivait une
personnalité infantile, immature et histrionique (rapport du 18 février
1997). L'assurée interjeta un recours devant le Tribunal des assurances du
canton de Vaud contre cette décision, en concluant à l'octroi d'une rente
entière d'invalidité et d'une rente pour enfant correspondante.

A la suite de la naissance d'un deuxième enfant, l'office AI a alloué à
l'assurée une nouvelle rente pour enfant, également fondée sur un taux
d'invalidité de 50 % (décision du 21 février 2000). Cette décision fut
également déférée au Tribunal des assurances du canton de Vaud par l'assurée.

A.a .bUne expertise judiciaire fut réalisée à la Policlinique médicale
U.________ (rapport du 17 octobre 2000), dans laquelle les experts firent
état d'une incapacité de travail de 50 % en raison des troubles d'ordre
psychique déjà retenus par le docteur M.________. A la suite de cette
expertise, K.________ déclara retirer les recours interjetés contre les
décisions de l'office AI des 17 novembre 1997 et 21 février 2000.

A.b Dans le cadre d'une procédure de révision du droit à la rente, le docteur
F.________, médecin traitant de l'assurée, a notamment fait état d'une
incapacité de travail de 75 % en raison de lombosciatalgies chroniques
(rapport du 29 mai 2001, et annexe à ce rapport, du 1er juin 2001). Par
décision du 18 septembre 2002, l'office AI a toutefois considéré que
l'incapacité de travail de l'assurée restait de 50 % et a maintenu la
demi-rente d'invalidité et les rentes pour enfants allouées initialement. Il
se fondait notamment un rapport établi par les médecins du Service médical
régional AI du Léman (ci-après : SMR) au terme d'un examen pluridisciplinaire
(rapport du 11 juin 2002).

B.
K.________ déféra la décision du 18 septembre 2002 de l'office AI au Tribunal
des assurances du canton de Vaud, qui rejeta le recours par jugement du 6
février 2004. Les juges cantonaux, estimant qu'une révision du cas par
l'office AI apparaissait justifiée, dans le sens d'une suppression du droit à
une demi-rente d'invalidité, retournèrent la cause à cet office afin qu'il
procède à une réexamen du cas conformément aux considérants.

C.
L'assurée interjette un recours de droit administratif contre ce jugement,
dont elle demande la réforme en ce sens qu'une rente entière d'invalidité lui
soit allouée, sous suite de dépens. A titre subsidiaire, elle demande
l'annulation du jugement entrepris en tant qu'il renvoie la cause à l'office
AI pour nouvelle décision conformément aux considérants.

L'office intimé conclut au rejet du recours, alors que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
1.1 D'après la jurisprudence, la législation applicable en cas de changement
de règles de droit reste celle qui était en vigueur lors de la réalisation de
l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences
juridiques (ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 166 consid. 4b), les faits sur
lesquels le Tribunal fédéral des assurances peut être amené à se prononcer
dans le cadre d'une procédure de recours de droit administratif étant par
ailleurs ceux qui se sont produits jusqu'au moment de la décision
administrative litigieuse (ATF 121 V 366 consid. 1b).

1.2 La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales
(LPGA), du 6 octobre 2000, est entrée en vigueur le 1er janvier 2003 et a
entraîné la modification de nombreuses dispositions dans le domaine de
l'assurance-invalidité. La révision du droit à la rente, en particulier, est
désormais régie par l'art. 17 LPGA. Compte tenu de la date de la décision
administrative litigieuse, ces modifications ne sont pas applicables en
l'espèce. De même, la modification du 21 mars 2003 de la loi fédérale sur
l'assurance-invalidité (4ème révision de l'AI), entrée en vigueur le 1er
janvier 2004, n'est pas applicable dans le cadre de la présente procédure.

Le présent cas reste donc soumis à l'ancien art. 41 LAI, en ce qui concerne
les conditions d'une révision du droit à la rente, étant précisé, quoi qu'il
en soit, que l'art. 17 LPGA n'a pas apporté de modification aux principes
jurisprudentiels développés en ce domaine sous le régime du droit en vigueur
jusqu'au 31 décembre 2002 (arrêt A. du 30 avril 2004, destiné à la
publication, I 626/03, consid. 3.5).

2.
Savoir si l'on est en présence d'un motif de révision du droit à la rente
suppose une modification notable du taux d'invalidité. Le point de savoir si
un tel changement s'est produit doit être tranché en comparant les faits tels
qu'ils se présentaient au moment de la décision initiale de rente et les
circonstances existant à l'époque de la décision litigieuse (ATF 125 V 369
consid. 2; voir également ATF 112 V 372 consid. 2b et 390 consid. 1b).

3.
La recourante a été mise au bénéfice d'une demi-rente d'invalidité sur la
base notamment du rapport psychiatrique établi le 18 février 1997 par le
docteur M.________, dont les conclusions ont été confirmées par  l'expertise
judiciaire établie à la Policlinique médicale U.________  le 17 octobre 2000.
Il ressort de ces documents médicaux que l'intéressée présentait à l'époque
des douleurs lombaires chroniques sans affection organique sous-jacente qui,
par leur contexte et leur évolution, évoquaient un diagnostic de syndrome
douloureux somatoforme persistant. Elle présentait par ailleurs un trouble de
la personnalité de type immature avec des traits histrioniques. Aussi bien
les experts ont-ils posé le diagnostic de trouble somatoforme douloureux
persistant et de trouble de la personnalité immature avec traits
histrioniques. Ils ont attesté une incapacité de travail de 50 pour cent,
compte tenu de l'intensité du tableau psychiatrique présenté. Le pronostic
était jugé peu favorable.

4.
4.1 Par la suite, le docteur F.________ a posé le diagnostic de
lombosciatalgies chroniques sans troubles irritatif ou déficitaire dans un
contexte de dégénérescence discale L3-L4, L4-L5, avec protusion L5-S1. Il
confirmait la péjoration de l'état de santé de l'assurée, alléguée dans le
cadre de la procédure de révision mise en oeuvre par l'office AI, et
attestait une incapacité de travail de 75 % (rapport du 29 mai 2001 et annexe
du 1er juin 2001).

4.2 Du 15 avril au 19 avril 2002, l'assurée a séjourné à l'Hôpital
O.________. A la sortie, le docteur F.________ a maintenu le diagnostic de
lombosciatalgies chroniques sans trouble neurologique irritatif ou
déficitaire dans un contexte de discopathie dégénérative des trois derniers
étages. Il a constaté la présence d'un état anxio-dépressif réactionnel. Le
traitement en milieu hospitalier a pu amener à un contrôle de la
symptomatologie douloureuse de 50 pour cent. Il a permis d'améliorer la
capacité fonctionnelle et favorisé l'incitation à une reprise d'activité
(rapport du 22 avril 2002).

4.3 Au terme de l'examen pluridisciplinaire réalisé au SMR, les docteurs
B.________, médecin-généraliste, P.________, médecin-interniste et
rhumatologue, et V.________, psychiatre, ont fait état d'un trouble
somatoforme douloureux chez une personnalité infantile à traits
histrioniques, ainsi que des lombalgies chroniques persistantes dans le cadre
de minimes troubles statiques et dégénératifs. Objectivement, les
constatations sont mineures; il y a donc une discordance majeure entre les
plaintes, le retentissement fonctionnel allégué et les constatations
objectives. Il existe une incapacité de travail de 50 pour cent, entièrement
attribuable aux problèmes psychiques; au plan physique, dans une activité
telle qu'exercée précédemment par l'assurée, la capacité de travail demeure
entière (rapport du 11 juin 2002).

4.4 En cours de procédure devant la juridiction cantonale, la recourante a
produit une nouvelle attestation du docteur F.________, du 8 mai 2003. Le
médecin indique qu'il a adressé la patiente au Professeur R.________ afin
d'envisager une termocoagulation. Ce geste a apporté un net soulagement quant
aux douleurs référées dans les membres inférieurs. En revanche, les
lombalgies subsistent, raison pour laquelle les investigations doivent être
poursuivies. La discographie L4-L5 pratiquée a montré une importante fuite du
produit de contraste, avec, lors des examens dynamiques, une composante
d'instabilité. La patiente devait être adressée à l'Hôpital O.________ en vue
d'une éventuelle stabilisation chirurgicale.

4.5 Les médecins du SMR se sont à nouveau déterminés. Le psychiatre
V.________ a exprimé l'avis qu'il n'y avait pas lieu de s'écarter des
conclusions de l'examen du 10 juin 2002 «en terme de capacité de travail
exigible» l'état psychique de l'intéressée ne s'étant pas modifié depuis 1997
(rapport du 24 juin 2003). Quant au docteur P.________, il a estimé, en
conclusion d'un rapport du 18 juin 2003, que les données médicales
actuellement disponibles attestaient une atteinte discale isolée L4/L5 qui
permettrait d'admettre une capacité de travail résiduelle de 50 pour cent
dans une activité adaptée. Le docteur F.________ ayant précédemment signalé
que la patiente devenait de plus en plus cohérente, on disposait d'arguments
pour admettre que la composante psychologique jouait actuellement un rôle
mineur dans la problématique de l'assurée. Enfin, le docteur B.________ a
également estimé que les éléments médicaux nouveaux transmis par le docteur
F.________ permettaient de retenir une discopathie isolée L4/L5 justifiant
une incapacité de travail de 50 pour cent au maximum dans une activité
adaptée.

5.
Même si le dernier rapport produit du docteur F.________ (8 mai 2003) est
postérieur à la décision litigieuse (18 septembre 2002), il peut être pris en
considération dans la présente procédure, car il confirme les constatations
antérieures de ce même médecin. Celui-ci, en effet, avait déjà mis en
évidence, dans ses rapports des 29 mai et 1er juin 2001 une aggravation liée
aux troubles lombaires de la recourante. Le rapport précité du 8 mai 2003 a
conduit les médecins du SMR - qui avaient tout d'abord conclu à une
incapacité de travail de 50 pour cent en raison de troubles psychiques
exclusivement - à se raviser et à reconnaître une incapacité de travail de 50
pour cent en raison cette fois de son affection somatique.

Sur la base de ces éléments, on retiendra donc que la recourante présente,
par rapport à la situation décrite par le docteur M.________ et les experts
de la Policlinique médicale U.________, une affection d'origine somatique
susceptible d'avoir une influence sur sa capacité de travail et de gain. De
ce point de vue, il y a donc eu incontestablement une aggravation de l'état
de santé. En revanche, on ne saurait, sans autre examen, considérer que
l'état psychique de l'assurée n'entraîne plus désormais d'incapacité de
travail et que - comme le retiennent deux des médecins du SMR - l'aggravation
des troubles dorsaux est en quelque sorte compensée par la disparition des
troubles psychiques à caractère invalidant. Une telle conclusion ne repose
sur aucun élément probant du dossier. Bien au contraire, le psychiatre du
SMR, dans son appréciation du 24 juin 2003, conclut à une situation inchangée
par rapport à l'examen du 10 juin 2002. A l'appui de cette conclusion, il a
mis l'accent sur le fragile équilibre psychique de l'assurée, susceptible de
connaître des périodes de décompensation ou de stabilisation relative.

6.
C'est donc de manière un peu hâtive que les premiers juges ont conclu à
l'absence de toute péjoration de l'état de santé de la recourante. Semblable
conclusion ne peut en particulier pas se déduire du fait que le docteur
F.________ a signalé des améliorations en cours, notamment grâce au
traitement de termocoagulation et au port d'une ceinture lombaire. On ne peut
pas non plus souscrire d'emblée à l'affirmation des premiers juges selon
laquelle une personnalité immature avec traits histrioniques ne subit pas de
répercussion quantifiable sur sa capacité de gain. Cette déduction est trop
catégorique, d'autant qu'en l'espèce, ce diagnostic est associé à celui de
troubles somatoformes douloureux, dont la jurisprudence reconnaît de longue
date le caractère invalidant lorsqu'ils présentent une certaine gravité (ATF
120 V 119 consid. 2c/cc; VSI 2000 p. 160 consid. 4b et les autres arrêts
cités; cf. également les arrêts B. du 18 mai 2004, I 457/02, consid. 7.2 ss,
et N. du 12 mars 2004, I 683/03, consid. 2.2, destinés à la publication).

7.
Il reste que le taux de l'incapacité de travail ne résulte pas de la simple
addition de deux taux d'incapacité de travail (d'origine somatique et
psychique) mais procède, bien plutôt, d'une évaluation globale, au moyen
généralement d'une expertise pluridisciplinaire (Jacques Meine, L'expert et
l'expertise - Critères de validité de l'expertise médicale, in : L'expertise
médicale, Genève 2002, p. 23 sv.; François Paychère, Le juge et l'expert -
Plaidoyer pour une meilleure compréhension, ibidem, p. 147).

A ce stade, le Tribunal fédéral des assurances n'est pas en mesure, sur la
base des pièces versées au dossier, de se prononcer sur le taux de
l'incapacité de travail de la recourante et sur les répercussions économiques
de cette incapacité. Il convient donc de renvoyer la cause à l'office de
l'assurance-invalidité pour qu'il complète l'instruction du cas dans le sens
indiqué plus haut et qu'il rende une nouvelle décision.

8.
Compte tenu de l'issue de la procédure, il est superflu de se prononcer sur
le point de savoir si la juridiction cantonale a ou non procédé à une
reformatio in pejus en invitant l'office AI à procéder à une révision de la
rente, dans le sens d'une réduction, voire d'une suppression, de celle-ci.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est partiellement admis en ce sens que le jugement du Tribunal des
assurances du canton de Vaud du 6 février 2004 ainsi que la décision de
l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud du 18 septembre
2002 sont annulés, la cause étant renvoyée à l'Office de
l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud pour instruction complémentaire
au sens des considérants et nouvelle décision.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud versera à la
recourante la somme de 2'500 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) à
titre de dépens pour l'instance fédérale.

4.
Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera sur les dépens pour la
procédure de première instance, au regard de l'issue du procès de dernière
instance.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 23 juin 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre:   Le Greffier: