Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 191/2004
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I 191/04

Arrêt du 11 janvier 2005
IIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Schön et Frésard. Greffier : M. Wagner

M.________, recourant, représenté par Me Michel De Palma, avocat, avenue de
Tourbillon 3, 1950 Sion,

contre

Office cantonal AI du Valais, avenue de la Gare 15, 1951 Sion, intimé

Tribunal cantonal des assurances, Sion

(Jugement du 2 avril 2004)

Faits:

A.
M.________, né le 9 octobre 1957, a été engagé à partir du 16 février 2001 en
qualité de manoeuvre par V.________ SA. A ce titre, il était assuré contre le
risque d'accident auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas
d'accidents. Le 27 avril 2001, alors qu'il oeuvrait sur le chantier
T.________, il s'est pris la main dans une machine à béton lors d'un accident
du travail. Atteint d'une plaie délabrante de la main gauche, il a présenté
une incapacité totale de travail. Son cas a été pris en charge par la CNA,
qui lui a alloué les prestations dues pour les suites de cet accident.
Le 27 novembre 2001, M.________ a présenté une demande de prestations de
l'assurance-invalidité, en requérant un reclassement dans une nouvelle
profession.
Par décision du 7 mai 2003, l'Office cantonal AI du Valais a rejeté la
demande, au motif que les conditions du droit au reclassement n'étaient
manifestement pas remplies. Dans un complément du 9 mai 2003 à cette
décision, il a communiqué à l'assuré la motivation, qui devait faire partie
intégrante de la future décision de rente de l'assurance-invalidité, selon
laquelle il avait droit à une rente entière d'invalidité du 1er avril 2002 au
30 novembre 2002.
Dans une lettre du 2 juin 2003, M.________ a formé opposition contre la
décision de refus de reclassement. Il déclarait que l'opposition valait aussi
contre le complément de décision du 9 mai 2003 en ce qui concerne le refus
par l'office AI de lui allouer une rente au-delà du 30 novembre 2002. Dans un
nouvel écrit daté du 11 juillet 2003, remis à la poste le 14 juillet 2003, il
a complété l'opposition.
Par décision du 11 juillet 2003, l'office AI a alloué à M.________ pendant la
période du 1er avril au 30 novembre 2002 une rente entière d'invalidité,
assortie d'une rente complémentaire pour son épouse et de deux rentes pour
enfants.
L'opposition formée par l'assuré contre la décision de refus de reclassement
a été rejetée par l'office AI (décision du 25 juillet 2003). Par jugement du
20 janvier 2004, le Tribunal cantonal des assurances du canton du Valais a
rejeté, dans la mesure où il était recevable, le recours formé par M.________
contre cette décision.
Par décision du 24 octobre 2003, l'office AI, considérant que l'écrit
complémentaire de M.________ daté du 11 juillet 2003 valait opposition contre
la décision de rente du 11 juillet 2003, a rejeté l'opposition.

B.
M.________ a formé recours contre la décision du 24 octobre 2003 devant le
Tribunal cantonal des assurances du canton du Valais, en concluant, sous
suite de dépens, à l'allocation d'une demi-rente d'invalidité au-delà du 30
novembre 2002.
Par jugement du 2 avril 2004, la présidente du Tribunal cantonal des
assurances a déclaré le recours irrecevable. Elle a considéré que M.________
n'avait pas formé en temps utile opposition contre la décision de rente du 11
juillet 2003, laquelle était entrée en force de chose jugée et était donc
exécutoire, et qu'en conséquence la décision sur opposition du 24 octobre
2003 était nulle.

C.
M.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, en
concluant, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de celui-ci, le
dossier de la cause étant renvoyé au Tribunal cantonal des assurances pour
nouvelle décision sur le fond, dans le sens des considérants. Il reproche à
la juridiction de première instance d'avoir commis un déni de justice en
refusant de statuer.
L'Office cantonal AI du Valais conclut à titre principal au rejet du recours
et à titre subsidiaire, dans la mesure où le recours est admis, à la mise à
la charge de l'Etat du Valais de l'indemnité de dépens due à M.________.
L'Office fédéral des assurances sociales n'a pas déposé d'observations.

Considérant en droit:

1.
1.1 Le litige porte sur le bien-fondé du jugement d'irrecevabilité. La
présente procédure n'a donc pas pour objet d'examiner le droit à des
prestations d'assurance, de sorte que le Tribunal fédéral des assurances se
limitera à examiner si le premier juge a violé le droit fédéral, y compris
par l'excès ou par l'abus de son pouvoir d'appréciation, ou si les faits
pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou
incomplète, ou encore s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles
de procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105
al. 2 OJ).

1.2 Le recourant soutient que le premier juge aurait dû entrer en matière sur
le recours et statuer sur le fond. Selon lui, le tribunal cantonal des
assurances ne peut se prévaloir du fait qu'aucune opposition n'a été
valablement formée à l'encontre de la décision de rente du 11 juillet 2003,
puisque l'intimé a été d'accord de considérer son écrit daté du 11 juillet
2003 comme une opposition contre cette décision et qu'en entrant en matière
sur le fond, il a ainsi corrigé le vice qui aurait pu affecter la procédure.

1.3 Les autorités administratives et judiciaires sont liées par le principe
général de la bonne foi en procédure découlant aussi bien de l'art. 4 aCst.
que de l'art. 9 Cst. L'interdiction du formalisme excessif qui constitue
l'une de ces garanties de procédure commande à celles-ci d'éviter de
sanctionner par l'irrecevabilité les vices de procédure qui auraient pu être
redressés à temps, lorsqu'elles pouvaient s'en rendre compte assez tôt et les
signaler utilement au plaideur (ATF 120 V 417 consid. 5a).

Le formalisme excessif est une forme particulière du déni de justice prohibé
par l'art. 29 al. 1 Cst. Il est réalisé lorsqu'il est prévu pour une
procédure des règles de forme rigoureuses, sans que cette rigueur soit
matériellement justifiée. Selon la jurisprudence, les formes procédurales
sont nécessaires dans la mise en oeuvre des voies de droit pour assurer le
déroulement de la procédure conformément au principe de l'égalité de
traitement, ainsi que pour garantir l'application du droit matériel; toutes
les exigences formelles ne se trouvent donc pas en contradiction avec la
prohibition du formalisme excessif. Il y a formalisme excessif seulement
lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par
aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi et complique de
manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière
inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 130 V 183 consid. 5.4.1, 128 II 142
consid. 2a). L'excès de formalisme peut résider soit dans la règle de
comportement imposée au justiciable, soit dans la sanction qui lui est
attachée (ATF 125 I 170 consid. 3a).

2.
2.1 L'entrée en vigueur de la loi fédérale sur la partie générale du droit des
assurances sociales (LPGA), le 1er janvier 2003, a étendu à l'ensemble des
branches des assurances sociales (à l'exception de la prévoyance
professionnelle) la procédure d'opposition, que seules certaines lois (LAMal,
LAA, LAM) connaissaient jusqu'alors. Selon l'art. 52 al. 1 LPGA, les
décisions rendues en matière d'assurance sociale peuvent être attaquées dans
les trente jours par voie d'opposition auprès de l'assureur qui les a
rendues, à l'exception des décisions d'ordonnancement de la procédure. Cette
norme légale de procédure est entrée immédiatement en vigueur (ATF 117 V 93
consid. 6b, 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV n° 37 p. 316 consid. 3b), ce
qui signifie que toutes les décisions visées, rendues après le 31 décembre
2002, sont soumises à la procédure d'opposition.
L'art. 10 al. 1 OPGA, édicté sur la base de la délégation de compétence
prévue à l'art. 81 LPGA, prévoit que l'opposition doit contenir des
conclusions et être motivée. Si elle ne satisfait pas à ces exigences ou si
elle n'est pas signée, l'assureur impartit un délai convenable pour réparer
le vice, avec l'avertissement qu'à défaut, l'opposition ne sera pas recevable
(art. 10 al. 5 OPGA).

2.2 L'opposition est un moyen de droit permettant au destinataire d'une
décision d'en obtenir le réexamen par l'autorité, avant qu'un juge ne soit
éventuellement saisi (cf. ATF 125 V 121 consid. 2a et les références). Elle
assure la participation de l'assuré au processus de décision et poursuit
notamment un but d'économie de procédure et de décharge des tribunaux, dans
les domaines du droit administratif où des décisions particulièrement
nombreuses sont rendues (Ueli Kieser, ATSG-Kommentar : Kommentar zum
Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts vom 6.
Oktober 2000, Zurich 2003, n. 2 s. ad art. 52, avec les références; Pierre
Moor, Droit administratif, vol. II : Les actes administratifs et leur
contrôle, 2ème édition, Berne 2002, p. 533 n° 5.3.2.2; André Grisel, Traité
de droit administratif, vol. II, p. 939). Dans ce cadre, la procédure
d'opposition ne revêt de véritable intérêt que si l'opposant doit exposer les
motifs de son désaccord avec la décision le concernant (voir cependant
Kieser, op. cit., n. 13 ad art. 52); à défaut, on courrait le risque de faire
de l'opposition une simple formalité avant le dépôt d'un recours en justice,
sans qu'assuré et autorité aient véritablement examiné sur quoi portent leurs
divergences. Les exigences formelles posées par l'art. 10 al. 1 OPGA
concrétisent, par ailleurs, l'obligation de l'assuré de collaborer à
l'exécution des différentes lois d'assurances sociales (art. 28 al. 1 et 43
al. 3 LPGA; Marco Reichmuth, ATSG - [erste] Erfahrungen in der IV, in :
Schaffhauser/Kieser (édit.), Praktische Anwendungsfragen des ATSG, St-Gall
2004, p. 44), et correspondent largement à celles posées par la jurisprudence
antérieure à la LPGA pour la procédure d'opposition prévue dans certaines
branches d'assurances sociales (ATF 123 V 130 consid. 3 et les références;
voir également, en matière d'assurance-accidents, l'art. 130 al. 1 OLAA, dans
sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002).
La procédure d'opposition porte sur les rapports juridiques qui, d'une part,
font l'objet de la décision initiale de l'autorité et à propos desquels,
d'autre part, l'opposant manifeste son désaccord, de manière implicite ou
explicite (cf. ATF 119 V 350 consid. 1b et les références; voir également
l'arrêt D. du 8 octobre 2003 [U 152/01] consid. 3). Si la décision initiale
ne porte que sur un seul rapport juridique - par exemple, le droit de
l'assuré à une rente d'invalidité -, celui-ci constitue également l'objet de
la procédure d'opposition. L'autorité valablement saisie d'une opposition
devra donc se prononcer une deuxième fois sur tous les aspects de ce rapport
juridique, quand bien même la motivation de la nouvelle décision portera
principalement sur les points critiqués par l'opposant. En cas de recours
ultérieur à un juge, ce rapport juridique constituera également l'objet du
litige dont il a à connaître (ATF 125 V 415 s. consid. 2; arrêt C. du 19
novembre 2004 [I 664/03]; pour la procédure d'opposition : Meyer-Blaser,
Streitgegenstand im Streit - Erläuterungen zu BGE 125 V 413, in :
Schaffhauser/Schlauri (édit.), Aktuelle Rechtsfragen der
Sozialversicherungspraxis, St-Gall 2001, p. 19).

2.3 Dans le cas particulier, l'intimé a communiqué au recourant la motivation
de la future décision de rente dans un complément du 9 mai 2003 à sa décision
du 7 mai 2003 de rejet de la demande de reclassement.
Que ce soit dans sa lettre du 2 juin 2003 ou dans celle datée du 11 juillet
2003, le recourant a entendu former opposition contre la motivation de la
future décision de rente. Il l'a déclaré expressément dans la lettre du 2
juin 2003, en ce qui concerne le refus par l'intimé de lui allouer une rente
d'invalidité au-delà du 30 novembre 2002. D'autre part, la lettre du
recourant datée du 11 juillet 2003 est un « complément concernant
l'opposition déposée (...) en date du 2 juin 2003 »; elle fait référence à un
taux d'invalidité largement supérieur au 40 pour cent ouvrant droit à un
quart de rente.
Le recourant ne pouvait pas former opposition contre une décision à venir.
Pour que la procédure d'opposition s'applique, encore fallait-il qu'une
décision formelle soit rendue (art. 52 al. 1 LPGA; Ueli Kieser, op. cit., n.
5 ad art. 52).
Pour autant, ce vice de procédure ne saurait avoir pour conséquence que la
décision rendue par l'intimé le 11 juillet 2003 ait acquis force de chose
jugée. Il serait contraire au principe de la bonne foi de faire abstraction
des circonstances qui ont précédé la décision de rente. De deux choses l'une
: ou bien l'office considérait - comme il l'a fait - que le recourant avait
valablement formé opposition à la décision du 11 juillet 2003; ou bien il
attirait son attention, dans cette même décision, sur le fait que son
opposition était prématurée. Il y avait donc excès de formalisme de la part
du premier juge à sanctionner par l'irrecevabilité le recours formé par
l'assuré contre la décision sur opposition du 24 octobre 2003.

3.
Le recourant obtient gain de cause. Vu la nature du litige (supra, consid.
1.1), la procédure est onéreuse (art. 134 OJ a contrario). Les motifs du
présent arrêt constituent des circonstances justifiant que les frais de
justice soient mis à la charge non pas de l'intimé mais du canton, en
dérogation du principe de l'art. 156 al. 2 OJ (RAMA 1999 n° U 331 p. 128
consid. 4). Il se justifie également de mettre l'indemnité de dépens à
laquelle a droit le recourant à la charge de l'Etat du Valais (art. 159 al. 5
en corrélation avec l'art. 156 al. 6 OJ; ATF 129 V 342 consid. 4).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement attaqué du 2 avril 2004 est annulé,
l'affaire étant renvoyée au Tribunal cantonal des assurances du canton du
Valais pour décision sur le fond.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 500 fr., seront supportés par l'Etat du
Valais. L'avance de frais versée par le recourant, d'un montant de 500 fr.,
lui est restituée.

3.
L'Etat du Valais versera au recourant la somme de 2'500 fr.(y compris la taxe
sur la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances, à l'Etat du Valais, à la Caisse de compensation du canton du
Valais et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 11 janvier 2005
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre:   Le Greffier: