Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 150/2004
Zurück zum Index Sozialrechtliche Abteilungen 2004
Retour à l'indice Sozialrechtliche Abteilungen 2004


I 150/04

Arrêt du 9 mai 2005
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Lustenberger et Kernen. Greffière
: Mme Moser-Szeless

R.________, recourant, représenté par Me Jean-Marie Agier, avocat, FSIH,
place du Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 25 février 2004)

Faits:

A.
R. ________ a présenté une demande de prestations d'invalidité le 18 novembre
1997. Après instruction, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de
Vaud (ci-après : l'office AI) a, au printemps 2002, confié une expertise au
docteur S.________. L'assuré n'a pas donné suite à la convocation de ce
médecin et a indiqué à l'office AI qu'il refusait de se soumettre à une
expertise auprès de ce praticien. Par courrier du 13 septembre 2002, l'office
AI lui a confirmé avoir désigné le docteur S.________ pour une expertise et
maintenir cette demande d'expertise; il l'a par ailleurs invité à donner
suite au prochain rendez-vous qui lui serait fixé par le médecin.

Par la suite, le 6 mars 2003, l'office AI a informé l'assuré qu'une expertise
médicale était nécessaire pour pouvoir évaluer le droit à des prestations de
l'assurance-invalidité et que la demande d'expertise faite auprès du docteur
S.________ était maintenue («décision suite à une demande de récusation»).

B.
Par écriture du 3 avril 2003, l'assuré a déféré cet acte au Tribunal cantonal
vaudois des assurances qui l'a débouté par jugement du 25 février 2004.

C.
R.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement. Sous
suite de frais et dépens, il conclut en substance à la réformation de
celui-ci, en ce sens que soit prononcée la récusation de l'expert désigné et
que la cause soit renvoyée à l'administration pour qu'elle nomme un nouvel
expert.

L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral des assurances examine d'office les conditions dont
dépend la qualité pour recourir et les conditions formelles de validité et de
régularité de la procédure administrative, soit en particulier le point de
savoir si c'est à juste titre que la juridiction cantonale est entrée en
matière sur le recours ou l'action. Cela vaut également pour l'examen de la
compétence quant au fond de l'autorité qui a statué. Aussi, lorsque
l'autorité de première instance a ignoré qu'une condition de l'examen du
litige par le juge faisait défaut et a statué sur le fond, cela doit conduire
le tribunal saisi d'un recours à annuler d'office le jugement entrepris en
constatant qu'on ne peut entrer en matière sur le moyen de droit, dès lors
que les conditions de l'examen du litige par le juge ne sont pas réalisées
(ATF 125 V 405 consid. 4a; voir aussi ATF 128 V 89 consid. 2a et les
références).

Il convient dès lors d'examiner si c'est à juste titre que les premiers juges
ont qualifié de décision d'ordonnancement l'acte administratif du 6 mars 2003
et ont procédé à l'examen au fond de celui-ci.

2.
2.1 En ce qui concerne la procédure administrative suivie par les offices AI
pour l'instruction de la demande sous l'empire des dispositions applicables
avant l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur la partie générale des
assurances sociales du 6 octobre 2000, LPGA, (art. 58 et 86 al. 2 aLAI; 69 à
77 RAI), le Tribunal fédéral des assurances a jugé que l'acte par lequel un
office AI ordonne une expertise médicale n'a pas le caractère d'une décision.
Aussi, si l'assuré émet des objections à l'égard de l'expert désigné aussitôt
après avoir été invité à se soumettre à une expertise, l'office AI doit-il se
prononcer sans rendre de décision sur la suite à donner aux critiques et
propositions de l'assuré. L'assuré dispose ensuite de la possibilité de
réitérer ses objections lors de l'audition au sens de l'art. 73bis al. 1 RAI
et de faire valoir, en particulier, qu'il n'a pas été traité correctement par
l'expert ou n'a pas été examiné avec l'impartialité requise (ATF 125 V 405
consid. 3c).

2.2 Avec l'entrée en vigueur de la LPGA, au 1er janvier 2003, la procédure
d'audition au sens de l'art. 73bis al. 1 RAI a été abrogée, tandis que la
mise sur pied d'une expertise par l'office AI est régie par l'art. 44 LPGA.
Selon cette disposition, si l'assureur doit recourir aux services d'un expert
indépendant pour élucider les faits, il donne connaissance du nom de celui-ci
aux parties. Celles-ci peuvent récuser l'expert pour des raisons pertinentes
et présenter des contre-propositions.

3.
3.1 Selon l'art. 82 al. 1 première phrase LPGA, les dispositions matérielles
de la loi ne sont pas applicables aux prestations en cours et aux créances
fixées avant son entrée en vigueur. En revanche, les nouvelles prescriptions
de procédure - à l'exception du droit procédural cantonal - s'appliquent
immédiatement, dès le jour de l'entrée en vigueur de la LPGA, faute de
dispositions transitoires contraires (ATF 129 V 115 consid. 2.2 et les arrêts
cités). Ce principe ne vaut toutefois pas lorsqu'il n'y a pas continuité
entre l'ancien et le nouveau système juridique procédural et qu'avec le
nouveau droit, des règles de procédure fondamentalement nouvelles ont été
créées (ATF 130 V 4 consid. 3.2, 129 V 115 consid. 2.2, 112 V 360 consid.
4a).

3.2 Par rapport à la procédure d'instruction à laquelle sont soumis les
offices AI, la LPGA n'a pas introduit de structure juridique entièrement
nouvelle, de sorte que les nouvelles règles de procédure sont en principe
immédiatement applicables au 1er janvier 2003. La continuité entre l'ancien
et le nouveau système de droit de procédure et, partant, l'application
immédiate et étendue de celui-ci doivent cependant être relativisées, dans la
mesure où le nouveau droit ne s'applique pas à toutes les procédures
pendantes au moment de l'entrée en vigueur de la LPGA. En ce qui concerne
l'application des nouveautés de la LPGA en matière de procédure, il y a lieu
de se fonder sur le moment où se pose la question litigieuse de procédure ou
au moment où celle-ci est tranchée. Si l'objet du litige en ce sens survient
avant le 1er janvier 2003, il doit être tranché à la lumière des anciennes
dispositions. Une procédure administrative ouverte sous l'empire des
anciennes normes continue donc son cours sous l'empire du nouveau droit, sans
que les mesures déjà ordonnées, qui n'ont pas été contestées ou ne pouvaient
pas être contestées jusqu'alors, doivent être répétées à nouveau selon les
règles du nouveau droit. Réitérer une étape de la procédure achevée sous
l'ancien droit - comme par exemple la mise sur pied d'une expertise médicale
- reviendrait à appliquer rétroactivement le nouveau droit, en ce sens que
des questions litigieuses seraient réglées d'après un droit qui n'était pas
encore en vigueur au moment de leur survenance; cela contreviendrait au
principe de la non rétroactivité des dispositions légales (arrêt R. du 25
août 2004, I 570/03, résumé dans RJB 2004, p. 749).

4.
4.1 Au printemps 2002, l'office intimé a confié une expertise au docteur
S.________. Comme le recourant n'a pas donné suite à la convocation de ce
médecin, en indiquant à l'administration qu'il refusait de se soumettre à une
expertise menée par celui-ci, l'office intimé l'a informé, le 13 septembre
2002, qu'il maintenait la demande d'expertise; il l'a par ailleurs averti que
si l'assuré ne donnait à nouveau pas suite, sans excuse valable, à la
convocation à l'expertise, il pouvait se prononcer en l'état du dossier. Dans
la communication du 6 mars 2003, l'office intimé a répété qu'il maintenait
l'expertise prévue. Il n'a dès lors pas imposé de nouvelles obligations au
recourant, ni n'est revenu sur la mise sur pied de l'expertise médicale. Dans
ces circonstances, l'acte administratif du 13 septembre 2002, rendu
conformément aux anciennes dispositions de procédure alors applicables, reste
valable sans modification également après l'entrée en vigueur de la LPGA. Il
ne devait donc pas être répété, ni revêtir une nouvelle forme pour être
maintenu au-delà du 1er janvier 2003. La répétition de cet acte sous la forme
d'une décision d'ordonnancement de la procédure en application des nouvelles
prescriptions reviendrait en fait à appliquer celles-ci de manière
rétroactive, ce qui n'est pas admissible (consid. 3.2). Par conséquent, dans
la mesure où la juridiction cantonale de recours a appliqué le nouveau droit
à la prescription prise le 13 septembre 2002, elle ne saurait être suivie.
Même si l'office intimé a intitulé sa communication du 6 mars 2003  «décision
suite à une demande de récusation», cet acte ne revêt pas le caractère d'une
décision. Dès lors, faute de décision susceptible de recours, c'est à tort
que les premiers juges sont entrés en matière sur l'écriture du 3 avril 2003.

4.2 En application de l'art. 73 RAI (à nouveau en vigueur depuis le 1er
janvier 2004; cf. aussi l'art. 43 al. 3 LPGA), l'office AI impartira un délai
approprié au recourant pour se soumettre à l'expertise médicale ordonnée. Si
celui-ci est désormais d'accord de donner suite à la convocation pour
l'expertise, l'office AI se prononcera en temps voulu sur les objections de
l'assuré, à savoir dans le cadre de la décision et de la décision sur
opposition (cf. art. 49 al. 1 et 52 al. 1 LPGA). Dans le cas contraire, il se
prononcera en l'état du dossier ou suspendra les éclaircissements et
renoncera à entrer en matière.

5.
Dès lors que le recourant conclut en substance à la récusation de l'expert,
il n'obtient pas gain de cause; il n'a donc pas droit à des dépens (art. 159
al. 1 OJ a contrario en corrélation avec l'art. 135 OJ). Etant donné le
rapport étroit entre l'acte entrepris et l'examen du droit à une prestation
d'assurance, il n'y a pas lieu de percevoir des frais de justice.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Dans la mesure où il est recevable, le recours est admis en ce sens que le
jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 25 février 2004 est
annulé et qu'il est constaté que le recours du 3 avril 2003 est irrecevable.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'avance de frais versée par le recourant, d'un montant de 500 fr., lui est
restituée.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 9 mai 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre: La Greffière: