Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen I 124/2004
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I 124/04

Arrêt du 23 novembre 2004
IIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Schön et Frésard. Greffier : M. Wagner

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue
Général-Guisan 8, 1800 Vevey, recourant,

contre

O.________, intimée, représentée par Me Laurent Damond, avocat, avenue du
Tribunal-Fédéral 3, 1005 Lausanne

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 28 août 2003)

Faits:

A.
O. ________, née en 1959, suit un traitement depuis août 1998 auprès de la
doctoresse V.________, médecin à C.________, notamment pour un état
dépressif. Le 6 mai 1999, elle a présenté une demande de prestations de
l'assurance-invalidité.
L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud a confié une
expertise au docteur R.________, spécialiste FMH en médecine interne et
spécialiste des maladies rhumatismales. Celui-ci a adressé la patiente pour
un complément d'expertise au docteur H.________, spécialiste FMH en
neurologie, lequel, dans un rapport du 2 avril 2001, est arrivé à la
conclusion que sur le plan strictement neurologique, il n'y avait pas
d'incapacité de travail. Le docteur R.________, dans son expertise du 16 mai
2001, a posé les diagnostics de céphalées de type migraines communes,
céphalées de tension, lombalgies chroniques, troubles dégénératifs de la
colonne lombaire avec rétrécissement relatif mixte du canal lombaire en
L4-L5, obésité et état anxio-dépressif important. Il indiquait que le
problème prédominant lui paraissait être l'état anxio-dépressif, qui semblait
être majeur, et que l'assurée bénéficiait d'un suivi psychologique dans le
cadre de l'organisation Appartenance. A son avis, une expertise psychiatrique
devait préciser l'importance des troubles et juger de leurs implications dans
une diminution de la capacité de travail.
Dans un rapport d'examen clinique bidisciplinaire du 22 mars 2002 du Service
médical régional AI (SMR Léman), les docteurs F.________, spécialiste en
médecine générale, et A.________, psychiatre, ont retenu que l'assurée ne
présentait pas de trouble psycho-pathologique majeur qui justifie une
diminution de la capacité de travail. Au plan somatique, ils se référaient à
l'expertise du docteur R.________, qui admettait une capacité de travail de
50 % comme ouvrière et de 60 à 80 % dans une activité adaptée.
Le 15 avril 2002, l'office AI a avisé O.________ que dans une activité mieux
adaptée (sans positions statiques, sans port de charges au-delà de 15 kg,
sans flexions antérieures et/ou rotations de tronc répétées et sans longs
déplacements), la capacité de travail exigible était estimée par les médecins
à 60 % et à 80 % après quatre à six mois. Procédant à une comparaison des
revenus, il retenait un revenu sans invalidité de 36'720 fr. par année comme
ouvrière à plein temps chez I.________ SA et un revenu annuel d'invalide de
25'491 fr. avec une capacité de travail de 60 %, de sorte que le manque à
gagner était de 11'229 fr. et l'invalidité de 30.58 %. Avec une capacité de
travail de 80 %, il résultait de la comparaison des revenus un taux
d'invalidité de 7.44 %. Les conditions du droit à une rente d'invalidité
n'étaient donc pas remplies.
Pour ces motifs, l'office AI, par décision du 1er mai 2002, a rejeté la
demande.

B.
O.________ a formé recours contre cette décision devant le Tribunal des
assurances du canton de Vaud, en concluant, sous suite de frais et dépens, à
la réforme de celle-ci en ce sens qu'elle a droit à une rente entière
d'invalidité. Elle requérait la mise en oeuvre d'une expertise psychiatrique.
Du 28 août au 23 septembre 2002, O.________ a séjourné à l'Hôpital de
E.________. Dans un rapport du 26 juin 2003 du Service de psychiatrie
générale et spécialisée de l'Hôpital P.________, les docteurs U.________,
chef de clinique, et M.________, médecin assistant, qui ont vu l'assurée à
leurs consultations des 1er, 14 et 27 mai 2003, ont posé le diagnostic de
trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen sans symptôme psychotique
(F33.2), syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4) et anxiété
généralisée (F41.1). Selon eux, au point de vue professionnel, il paraît
clair que la patiente souffre actuellement d'une incapacité de travail totale
et cela probablement sur un long terme.
Par jugement du 28 août 2003, la juridiction cantonale a annulé la décision
attaquée, la cause étant renvoyée à l'office AI pour qu'il procède à un
complément d'instruction par une expertise psychiatrique à confier à un
expert neutre puis rende telle nouvelle décision que de droit. Elle a
considéré que les conclusions des médecins du SMR dans leur rapport d'examen
clinique bidisciplinaire étaient mises en doute par le rapport des médecins
de l'Hôpital P.________ du 26 juin 2003, d'une part, et, d'autre part, que
lors de l'examen psychiatrique du 22 mars 2002, le fils de l'assurée a servi
d'interprète, ce qui rendait le rapport établi sur cette base superficiel et
pouvant manquer d'objectivité, de sorte qu'il était dénué de valeur probante
et que l'examen psychiatrique ne saurait être retenu.

C.
L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud interjette recours
de droit administratif contre ce jugement, en concluant à l'annulation de
celui-ci.

O. ________ conclut, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours.
L'Office fédéral des assurances sociales n'a pas déposé d'observations.

Considérant en droit:

1.
Les premiers juges ont invité l'office AI à compléter l'instruction par la
mise en oeuvre d'une expertise psychiatrique, à confier à un expert neutre.
Cela est contesté par le recourant, au motif que le rapport SMR du 22 mars
2002 a pleine valeur probante et que les raisons invoquées par la juridiction
cantonale à l'appui de son jugement de renvoi sont dénuées de pertinence.

2.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de
l'assurance-invalidité. Cependant, le cas d'espèce reste régi par les
dispositions de la LAI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, la LPGA n'étant
pas applicable au présent litige dès lors que le juge des assurances sociales
n'a pas à prendre en considération les modifications du droit ou de l'état de
fait postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse du 1er mai
2002 (ATF 130 V 230 s. consid. 1.1, 129 V 4 consid. 1.2 et les arrêts cités).

3.
3.1 Le juge doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve,
quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition
permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. Si les
rapports médicaux sont contradictoires, il ne peut liquider l'affaire sans
apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles
il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. C'est ainsi
qu'il importe, pour conférer pleine valeur probante à un rapport médical, que
les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le
rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en
considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait été
établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte
médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfin
que les conclusions de l'expert soient dûment motivées. Au demeurant,
l'élément déterminant pour la valeur probante n'est ni l'origine du moyen de
preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien
son contenu (ATF 125 V 352 consid. 3a et les références; VSI 2001 p. 108
consid. 3a). Ces principes, développés à propos de l'assurance-accidents,
sont applicables à l'instruction des faits d'ordre médical dans toutes les
branches d'assurance sociale (Spira, La preuve en droit des assurances
sociales, in : Mélanges en l'honneur de Henri-Robert Schüpbach, Bâle, 2000,
p. 268).

3.2 Sur le fond, le point litigieux est de savoir si l'intimée présentait au
moment déterminant, soit lors de la décision du 1er mai 2002, un état
anxio-dépressif entraînant une diminution de sa capacité de travail.
Contrairement à ce qu'affirme le recourant, le rapport des médecins du SMR du
22 mars 2002 ne répond pas à toutes les exigences permettant de lui
reconnaître pleine valeur probante (ATF 125 V 352 consid. 3a, 122 V 160
consid. 1c et les références). En effet, l'état anxio-dépressif de l'intimée,
tel qu'il a été posé par le docteur R.________ dans son expertise du 16 mai
2001, n'a pas été discuté par les docteurs F.________ et A.________ dans leur
examen clinique du 22 mars 2002. Les médecins du SMR ont retenu sous l'angle
psychiatrique le diagnostic de dysthymie (F34.1), phobies spécifiques isolées
(F40.2), structure de personnalité dépendante (F60.7) et difficultés liées à
l'aculturation (Z60.3), mais ils ne se prononcent pas sur le diagnotic d'état
anxio-dépressif important retenu par le docteur R.________ ni sur la question
évoquée par celui-ci de l'implication de ce trouble dans une diminution de la
capacité de travail.
De plus, les conclusions du SMR (consignées dans le rapport du 22 mars 2002,
puis confirmées par le docteur A.________ dans son avis médical du 7 octobre
2003) sont contredites par le rapport du 26 juin 2003 établi par l'Hôpital
P.________. S'il est vrai que le rapport de l'Hôpital P.________ est
postérieur à la décision administrative litigieuse, il est propre à fournir
un éclairage sur la situation antérieure, puisqu'il tend à confirmer les
constatations du docteur R.________ en ce qui concerne l'état psychique de
l'assurée.
On ne saurait, dans ces conditions, faire grief aux premiers juges d'avoir
ordonné un complément d'instruction sous la forme d'une expertise
psychiatrique, ni d'avoir renvoyé la cause à l'office AI pour qu'il y
procède, en la confiant à un expert neutre.

4.
Représentée par un avocat, l'intimée, qui obtient gain de cause, a droit à
une indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en
corrélation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud versera à l'intimée
la somme de 1'000 fr. (y compris la taxe sur la valeur ajoutée) à titre de
dépens pour l'instance fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 23 novembre 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre:   Le Greffier: