Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen H 98/2004
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H 98/04

Arrêt du 13 décembre 2004
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et Kernen. Greffier : M.
Piguet

E.________, recourant, représenté par Me Soli Pardo, avocat, route de
Florissant 47ter, 1206 Genève,

contre

Caisse interprofessionnelle d'AVS de la Fédération des Entreprises Romandes
Genève (FER CIAM 106.1), rue de St-Jean 98, 1201 Genève, intimée

Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève

(Jugement du 21 avril 2004)

Faits:

A.
La société X.________ était affiliée en qualité d'employeur auprès de la
Caisse interprofessionnelle d'assurance vieillesse et survivants de la
Fédération romande des syndicats patronaux (ci-après: la caisse). E.________
était inscrit depuis le 29 juin 1989 au registre du commerce en qualité
d'administrateur de la société X.________.
A la suite d'un contrôle d'employeur, la caisse a réclamé par décision du 2
avril 1993 le paiement d'un arriéré de cotisations portant sur les années
1989 à 1991 d'un montant de 65'928 fr. 45. Par jugement du 10 mars 1994, la
Commission cantonale de recours AVS/AI/APG (ci après: la commission ;
aujourd'hui: Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Genève) a
rejeté le recours formé contre cette décision. Le recours de droit
administratif interjeté contre ce jugement auprès du Tribunal fédéral des
assurances a été déclaré irrecevable (arrêt du 3 novembre 1994, H 149/94). A
la suite de la procédure engagée pour recouvrer le montant dû, l'Office des
poursuites de Genève a délivré à la caisse le 13 août 1999 un acte de défaut
de biens pour un montant de 65'753 fr. 15.
Le 24 juillet 2000, la caisse a notifié à E.________ une décision en
réparation du dommage. Elle réclamait le paiement de la somme de 71'504 fr.
20 correspondant, d'une part, au solde des cotisations dues pour les années
1989 à 1991 et, d'autre part, à des cotisations impayées portant sur la
période 1998-1999. E.________ a formé opposition en temps utile.

B.
Par demande du 20 septembre 2000, la caisse a porté le cas devant la
commission. En cours d'instance, elle a réduit ses prétentions à 61'924 fr.
95, correspondant au solde de l'arriéré de cotisations des années 1989 à
1991. Par jugement du 21 avril 2004, la juridiction cantonale a admis
l'action à concurrence du montant demandé et levé l'opposition.

C.
E.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
il demande l'annulation, en concluant, sous suite de frais et dépens, à ce
que la caisse soit déboutée de toutes ses prétentions.
La caisse conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur la responsabilité du recourant dans le préjudice subi par
l'intimée, aux conditions de l'art. 52 LAVS. La décision litigieuse n'ayant
pas pour objet l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le Tribunal
fédéral des assurances doit se borner à examiner si les premiers juges ont
violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou par l'abus de leur pouvoir
d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été constatés d'une manière
manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de
règles essentielles de procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104
let. a et b et 105 al. 2 OJ).

2.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l'AVS,
notamment en ce qui concerne l'art. 52 LAVS. Désormais, la responsabilité de
l'employeur est réglée de manière plus détaillée qu'auparavant à l'art. 52
LAVS et les art. 81 et 82 RAVS ont été abrogés. Le cas d'espèce reste
toutefois régi par les dispositions en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu
égard au principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur
au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V
4 consid. 1.2 et les références).

3.
Dans un premier moyen, le recourant allègue que le Tribunal cantonal des
assurances sociales du canton de Genève est dépourvu de base
constitutionnelle. A l'appui de ses conclusions, il se réfère au jugement
(entré en force) du Tribunal administratif du canton de Genève du 30 mars
2004 en la cause D. (cf. Plädoyer 3/04 p. 49) dans lequel cette autorité
judiciaire a constaté l'inconstitutionnalité du Tribunal cantonal des
assurances sociales.
Par arrêt du 1er juillet 2004, le Tribunal fédéral a jugé que l'existence du
Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Genève trouve son
fondement directement dans le droit fédéral, soit l'art. 57  LPGA, à teneur
duquel chaque canton institue un tribunal des assurances, qui statue en
instance unique sur les recours dans le domaine des assurances sociales. Le
Tribunal fédéral en a déduit qu'une base constitutionnelle cantonale expresse
n'était pas nécessaire pour la création de cette juridiction de recours (ATF
130 I 230 consid. 2.4 à 2.6).
La Cour de céans fait siens les considérants du Tribunal fédéral et y
renvoie. Le grief soulevé se révèle dès lors infondé.

4.
4.1 Dans un second grief, le recourant fait valoir que la péremption de cinq
ans prévu par l'art. 82 al. 1 RAVS était acquise lorsque la caisse a rendu sa
décision en réparation, le 24 juillet 2000, soit 9 ans après la dernière des
années sur lesquelles portent les cotisations impayées.

4.2 D'après l'art. 82 al. 1 RAVS, le délai de péremption de cinq ans débute
au moment où survient le dommage. Selon une jurisprudence constante, le
dommage est réputé survenu dès que l'on doit admettre que les cotisations
normalement à la charge de l'employeur ne peuvent plus être perçues, pour des
raisons juridiques ou de fait: la première éventualité vise les cotisations
frappées de péremption selon l'art. 16 al. 1 LAVS; la seconde, les
cotisations qui n'ont pas pu être encaissées selon la procédure instituée à
cet effet en raison de l'insolvabilité de l'employeur (ATF 121 III 384
consid. 3 bb, 388 consid. 3a, 113 V 257 consid. 3c, 112 V 157 consid. 2).
Eu égard au principe de la subsidiarité de la responsabilité des organes de
la personne morale, une caisse de compensation ne peut invoquer la réparation
d'un dommage à l'encontre de ceux-ci que lorsque le débiteur des cotisations
arriérées se trouve dans l'impossibilité, en raison de son insolvabilité, de
verser les cotisations à sa charge. Dans le cas d'une poursuite par voie de
saisie, cette insolvabilité ne peut être constatée qu'au moment de la remise
d'un acte de défaut de biens: c'est à ce moment que prend naissance la
créance en réparation du dommage et que, au plus tôt, la caisse subit un
dommage et a connaissance de celui-ci au sens de l'art. 82 RAVS (ATF 113 V
258 consid. 3c).

4.3 En l'espèce, l'argumentation développée par le recourant est dénuée de
toute pertinence. Il y a lieu en effet de constater que le délai de
péremption de cinq ans - à l'instar du délai d'une année prévu également à
l'art. 82 al. 1 RAVS - a commencé à courir au moment de la délivrance de
l'acte de défaut de biens du 13 août 1999, plus précisément au moment de sa
réception par la caisse le 27 août suivant. L'action en réparation du
dommage, remise à la poste le 24 juillet 2000, a donc été intentée dans le
délai approprié.

5.
5.1 En dernier lieu, le recourant allègue qu'il ne s'est pas rendu coupable
d'une faute ou d'une négligence grave au sens de l'art. 52 LAVS.

5.2 L'employeur qui ne respecte pas l'obligation de payer les cotisations et
de fournir les décomptes selon l'art. 14 al. 1 LAVS, en corrélation avec les
art. 34 ss RAVS, enfreint les prescriptions au sens de l'art. 52 LAVS et
doit, par conséquent, réparer la totalité du dommage ainsi occasionné (ATF
118 V 195 consid. 2a et les références). La caisse de compensation qui
constate qu'elle a subi un dommage par suite de la non-observation de
prescriptions peut admettre que l'employeur a violé celles-ci
intentionnellement ou du moins par négligence grave dans la mesure où il
n'existe pas d'indices faisant croire à la légitimité de son comportement ou
à l'absence d'une faute. En vertu de son obligation de collaborer à
l'instruction de la cause, il appartient, en principe, à la personne tenue de
réparer le dommage d'apporter les arguments et les preuves propres à
justifier son comportement ou l'absence de toute faute (ATF 108 V 187 consid.
1 in fine).

5.3 En l'occurrence, les premiers juges ont établi, de manière à lier le
Tribunal fédéral des assurances (consid. 1), qu'à la suite de l'entrée en
force de chose jugée du jugement de la commission relatif à l'arriéré de
cotisations, la société X.________ ne s'est acquittée que très partiellement
de la somme due. Si un plan de paiement a, certes, été accordé à la société
X.________, il n'a cependant pas été respecté et la caisse l'a annulé. La
société X.________ n'a ainsi pas pris les mesures adéquates en vue d'assurer
le paiement des cotisations litigieuses. Dans ces circonstances, il y a lieu
de retenir que le recourant, en sa qualité d'organe de la société X.________,
s'est rendu coupable d'une négligence grave, engageant sa responsabilité au
sens de l'art. 52 LAVS, de sorte qu'il répond du dommage subi par la caisse.
Le recourant allègue que la société X.________ n'avait plus à s'acquitter des
cotisations litigieuses. Saisi de demandes tendant au remboursement par deux
anciens collaborateurs des montants correspondant aux cotisations qui
n'avaient pas été déduites des rémunérations versées, le Tribunal des
Prud'hommes du canton de Genève aurait constaté que les parties n'étaient pas
liées par un contrat de travail. S'il est vrai que dans l'un des cas cette
autorité judiciaire a nié l'existence d'un contrat de travail (jugement du 29
avril 1998), force est de constater qu'il n'en est rien pour le second
collaborateur, la demande ayant été rejetée en raison de la prescription de
celle-ci (jugement du 6 mai 1998).
Cela étant, il n'en reste pas moins que le jugement de la commission est
entré formellement en force de chose jugée et a acquis un caractère définitif
et exécutoire (cf. art. 97 LAVS). Qu'un jugement d'une autorité judiciaire
civile parvienne à un résultat apparemment contradictoire n'y saurait rien
changer.
Au demeurant, il convient de préciser que la qualification juridique des
rapports entre une société et ses collaborateurs par un juge civil ne saurait
lier l'autorité administrative ou le juge chargé d'appliquer la LAVS, et
inversement. En effet, selon la jurisprudence, le point de savoir si l'on a
affaire, dans un cas donné, à une activité indépendante ou salariée au sens
des art. 5 et 9 LAVS ne doit pas être tranché d'après la nature juridique du
rapport contractuel entre les partenaires. Ce qui est déterminant, ce sont
les circonstances économiques. Les rapports de droit civil peuvent certes
fournir des indices pour la qualification en matière d'AVS, mais ils ne sont
pas déterminants (ATF 123 V 162 consid. 1, 122 V 171 consid. 3a, 119 V 161
consid. 2 et les arrêts cités).
La caisse et les premiers juges ont donc admis avec raison que le recourant
était tenu de réparer le dommage.

6.
Vu la nature du litige, la procédure n'est pas gratuite de sorte que le
recourant qui succombe (art. 156 al. 1 OJ), en supporte les frais.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 4'000 fr., sont mis à la charge du
recourant et sont compensés avec l'avance de frais d'un même montant qu'il a
versée.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 13 décembre 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre:   p. le Greffier: