Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen H 73/2004
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H 73/04

Arrêt du 27 janvier 2005
IIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Schön et Frésard. Greffier : M. Wagner

Office fédéral des assurances sociales, Effingerstrasse 20, 3003 Berne,
recourant,

contre

B.________, intimé,

Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève

(Jugement du 9 mars 2004)

Faits:

A.
B. ________ a été inscrit au registre du commerce de Genève le 1er octobre
1997 comme chef de la maison B.________, fiduciaire à A.________. A ce titre,
il était affilié en qualité de personne exerçant une activité indépendante à
la Caisse de compensation AVS-AI-APG de la Fédération des artisans et
commerçants (FACO), à Genève.
A partir du 1er janvier 1998, B.________ et C.________ ont exploité ensemble
la société en nom collectif « F.________ SNC », constituée par eux avec des
apports respectifs de 30'000 fr. Dans une communication du 11 octobre 1999,
le fisc a avisé la caisse que B.________ avait réalisé en 1997 une perte de
3'349 fr. et en 1998, sous la raison sociale « F.________ SNC », un bénéfice
de 23'478 fr. Sur cette base, celle-ci a rendu une décision en ce qui
concerne les cotisations dues par B.________ pour les années 1997 et 1998.
Se fondant sur les résultats de l'exercice au 31 décembre 1999 et au 31
décembre 2000 de la société « F.________ SNC », la caisse a rendu des
décisions provisoires en ce qui concerne les cotisations dues par B.________
pour les années 1999 et 2000. Retenant que celui-ci exploitait depuis le 1er
janvier 1998 avec C.________ la société « F.________ SNC », ainsi qu'à titre
individuel la société O.________ depuis le 1er janvier 1999, elle a, dans une
décision provisoire du 28 septembre 2001, estimé à 110'591 fr. le revenu
annuel net de B.________ en 2000 - soit un revenu de 104'335 fr. provenant de
« F.________ SNC », auquel s'ajoutait un revenu de 6'256 fr. correspondant au
bénéfice de la société O.________ - et fixé à 12'738 fr. 55 les cotisations
AVS/AI/APG (y compris les frais d'administration) dues par celui-ci pour
l'année 2000.

B.
Le 19 octobre 2001, B.________ a formé recours contre cette décision devant
la Commission cantonale genevoise de recours en matière d'AVS/AI, en
demandant que les cotisations dues pour l'année 2000 soient calculées sur la
base du revenu (moyen) réalisé pendant les années 1997 et 1998. Contestant
toute application de la procédure extraordinaire de fixation des cotisations,
il faisait valoir que son statut était resté le même.
Le Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de
Genève, entré en fonction le 1er août 2003, a repris les compétences exercées
jusque-là par la Commission de recours.
Dans ses déterminations du 17 décembre 2003, la caisse a conclu au rejet du
recours. Elle demandait que soit confirmée la décision provisoire du 28
septembre 2001 de taxation pour l'année 2000, remplacée par la décision de
cotisations définitive du 18 juin 2003.
Par jugement du 9 mars 2004, la 2ème Chambre du Tribunal cantonal des
assurances sociales a annulé la décision du 28 septembre 2001 ou toute
décision l'ayant remplacée pour les cotisations de l'année 2000. Elle a
considéré que la procédure extraordinaire de fixation des cotisations n'était
pas applicable et que c'était à tort que la caisse avait calculé les
cotisations en incluant dans les revenus celui perçu de la société O.________
, entreprise créée par B.________ en parallèle à sa fiduciaire et n'ayant ni
le même siège, ni le même but que celle-ci.

C.
L'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) interjette recours de droit
administratif contre ce jugement, en concluant à l'annulation de celui-ci.
Se référant au jugement attaqué, dont il demande confirmation, B.________
conteste que la procédure extraordinaire de fixation des cotisations soit
applicable. De son côté, la caisse s'en remet à justice.

Considérant en droit:

1.
La contestation a pour objet le calcul des cotisations AVS/AI/APG dues par
l'intimé pour l'année 2000. Le litige porte sur le point de savoir si la
procédure extraordinaire de fixation des cotisations est applicable et si les
revenus provenant de la société « F.________ SNC » et de l'entreprise «
O.________  » doivent être additionnés pour calculer les cotisations, ce que
nient les premiers juges, contrairement à l'avis de l'OFAS et de la caisse.

2.
La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à
examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits
pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou
incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de
procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2
OJ).

3.
L'art. 25 al. 1 aRAVS, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2000,
réglait la fixation des cotisations selon la procédure extraordinaire. Aux
termes de cette disposition réglementaire, si l'assuré commence une activité
indépendante ou si les bases du revenu ont subi, depuis la période de calcul
retenue par l'autorité fiscale cantonale, une modification durable due à un
changement de profession ou d'établissement, commercial ou autre, à la
disparition ou à la naissance d'une source de revenu, à la répartition
nouvelle du revenu de l'exploitation, ou encore à l'invalidité de l'assuré,
qui entraîne une variation sensible du gain, la caisse estimera elle-même le
revenu net et fixera sur cette base les cotisations pour une durée allant du
commencement de l'activité ou du moment du changement jusqu'au début de la
prochaine période ordinaire de cotisations.
Pour que l'art. 25 al. 1 aRAVS soit applicable, il ne suffit pas d'une
variation du revenu, aussi considérable soit-elle; il faut que les bases
mêmes du revenu aient subi une modification durable due à l'une des causes
énumérées, en d'autres termes que la structure fondamentale de l'entreprise
ou de l'activité comme telle en soit affectée. Ce changement doit être
durable. Du point de vue quantitatif, la variation sensible du gain - selon
la pratique administrative, la différence doit être de 25 % au moins (ATF 105
V 117) - s'apprécie en fonction du revenu global soumis à cotisations, tel
qu'il résulte des différentes sources de revenus à prendre en considération.
Enfin, il doit exister un rapport de causalité entre la modification des
bases de revenu et la variation sensible du gain (ATF 106 V 76 s. consid. 3a;
RCC 1992 p. 500 consid. 2b/aa à dd).

4.
4.1 Selon les premiers juges, les circonstances du cas d'espèce ne justifient
pas l'application de la procédure extraordinaire de fixation des cotisations.
Ils ont nié que les changements de raison sociale aient eu pour conséquence
une modification notable des bases de revenus et que le passage d'une raison
individuelle exploitée seul par l'intimé à une société en nom collectif
exploitée à deux, y compris le retour à une raison individuelle sous la même
enseigne exploitée à nouveau en personne, constitue un changement
d'établissement commercial. Ils considèrent qu'il s'agit uniquement d'un
changement de raisons sociales et que ni le but ni le siège de l'entreprise
n'ont changé.
En définitive, le raisonnement tenu par les premiers juges conduit à calculer
les cotisations dues par l'intimé pour l'année 2000 selon la procédure
ordinaire, d'après le revenu net moyen réalisé par celui-ci pendant les
années 1997 et 1998 (art. 22 al. 2 aRAVS).

4.2 Dans son mémoire de recours, l'OFAS se réfère au ch. m. 1246 de ses
Directives sur les cotisations des travailleurs indépendants et des
non-actifs (DIN) dans l'AVS, AI et APG (valable dès le 1er janvier 1995
jusqu'au 31 décembre 2000), selon lequel on se trouve également en présence
d'un changement d'établissement professionnel, lorsqu'un travailleur
indépendant abandonne l'entreprise qu'il exploitait jusque-là et en reprend
ou en ouvre une nouvelle (mais voir le ch. m. 1267) ou lorsqu'un travailleur
indépendant continue d'exploiter la même entreprise sous une autre forme
juridique, sans changer de profession. A son avis, la procédure
extraordinaire de fixation des cotisations est applicable dans le cas
particulier. En effet, le fait que l'intimé a cessé son activité en raison
individuelle au 31 décembre 1997, qu'il a commencé le 1er janvier 1998 une
activité dans le cadre d'une société en nom collectif et qu'il a exploité à
titre supplémentaire depuis le 1er janvier 1999 une nouvelle société en
raison individuelle, avant de cesser au 31 décembre 2000 son activité dans la
société en nom collectif, constitue un changement d'établissement commercial
au sens de l'art. 25 al. 1 aRAVS.
Se référant à l'art. 25 al. 4 aRAVS, le recourant fait valoir qu'une
différence de plus de 25 % apparaît entre le résultat de la société «
F.________ SNC » en 1998 et la moyenne des revenus de l'intimé en 1999/2000.
Il en conclut que l'application de la procédure extraordinaire doit être
maintenue pour les années 1999 et 2000.

4.3 Il est établi que du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2000, B.________ et
C.________ ont exploité ensemble la société en nom collectif « F.________ SNC
», constituée par eux avec des apports respectifs de 30'000 fr. (cf. les
bilans de la société aux 31 décembre 1998, 1999 et 2000).
Aussi, à partir du moment où l'intimé a abandonné sa raison individuelle pour
constituer la société en nom collectif « F.________ SNC », il y a bel et bien
eu changement d'établissement professionnel au sens de l'art. 25 al. 1 aRAVS,
attendu que son statut juridique n'était plus le même depuis la constitution
avec C.________ de la société en nom collectif (RCC 1975 p. 204 s. consid.
2).
Sur le vu des documents comptables figurant au dossier, les bases de revenu
de l'intimé ont subi à partir de 1998 une modification durable due à ce
changement d'établissement professionnel, qui a entraîné une variation
sensible du gain. Les conditions étaient ainsi remplies pour que s'applique
la procédure extraordinaire de fixation des cotisations.
Il convient dès lors d'examiner quelles sont les conséquences de ce
changement d'établissement professionnel en ce qui concerne la fixation des
cotisations dues par l'intimé pour l'année 2000. Deux hypothèses de calcul se
présentent.

4.3.1 La première hypothèse consiste à calculer les cotisations dues par
l'intimé pour l'année 2000 sur la base de l'art. 25 al. 3 aRAVS. Selon cette
disposition réglementaire (teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2000), les
cotisations seront fixées séparément pour chaque année civile et sur la base
du revenu de l'année correspondante. Pour l'année qui précède la prochaine
période ordinaire de cotisations, la caisse se fondera sur le revenu net
retenu pour le calcul des cotisations des années de cette période.
Appliquée au cas d'espèce, la réglementation de l'art. 25 al. 3 aRAVS conduit
à calculer les cotisations pour l'année 2000 en se fondant sur le revenu
réalisé par l'intimé en 1998. Selon la jurisprudence, on considère comme
prochaine période ordinaire de cotisations celle où l'année dans laquelle
l'assuré a commencé son activité indépendante constitue une partie de la
période de calcul déterminante selon l'art. 22 al. 2 aRAVS, douze mois au
moins d'activité indépendante devant tomber dans cette période de calcul (ATF
108 V 179 consid. 4a). Le passage de la procédure extraordinaire à la
procédure ordinaire de fixation des cotisations ne peut en principe être
effectué que lorsqu'une activité lucrative a été exercée pendant au moins
douze mois durant la période ordinaire de calcul. Il existe des cas
exceptionnels où il se justifie d'arrêter la procédure extraordinaire deux
ans plus tôt que dans les cas normaux, en particulier lorsqu'il s'agit du
revenu d'un domaine agricole (RCC 1985 p. 601 s. consid. 3). Dans le cas
particulier, la condition de douze mois posée par la jurisprudence est
réalisée, puisque douze mois au moins d'activité dans la société en nom
collectif « F.________ SNC » tombent dans la période de calcul déterminante
selon l'art. 22 al. 2 aRAVS.

4.3.2 La deuxième hypothèse consiste à calculer les cotisations dues par
l'intimé pour l'année 2000 sur la base de l'art. 25 al. 4 aRAVS (en vigueur
jusqu'au 31 décembre 2000). Selon l'art. 25 al. 4 première phrase aRAVS, si
le gain du premier exercice commercial s'écarte d'une manière
particulièrement sensible de celui des deux années subséquentes, c'est
seulement dès l'année qui précède la deuxième période ordinaire de
cotisations que les cotisations seront fixées d'après le gain devant servir
de base de calcul aux cotisations de cette période. La jurisprudence a
confirmé la pratique administrative d'après laquelle l'écart de revenu doit
être de 25 % au moins, pour être particulièrement sensible (ATF 120 V 161).
Appliquée au cas d'espèce, cette disposition réglementaire conduit à calculer
les cotisations pour l'année 2000 en se fondant sur le revenu réalisé par
l'intimé la même année. En effet, l'année 2000 ne précède pas la deuxième
période ordinaire de cotisations (2002/2003), de sorte que les cotisations
dues pour cette année-là ne peuvent être fixées d'après le gain devant servir
de base de calcul aux cotisations de cette période.
Selon la communication fiscale du 11 octobre 1999, l'intimé a réalisé en 1998
un revenu de 23'478 fr. auprès de « F.________ SNC », soit la moitié du
bénéfice de la société qui était de 46'956 fr. 15 (cf. le compte
d'exploitation de l'année 1998 et le bilan au 31 décembre 1998). En 1999,
celui-ci a réalisé auprès de cette société un revenu de 20'966 fr., montant
qui correspond à la moitié du bénéfice de l'exercice, lequel a été de 41'932
fr. 35 (voir le bilan au 31 décembre 1999). D'après le bilan de « F.________
SNC » au 31 décembre 2000, le bénéfice de la société en 2000 s'est élevé à
208'171 fr. 10. Partagé par la moitié, cela donne un revenu de 104'085 fr.
Il apparaît ainsi que le gain du premier exercice commercial - soit le revenu
de 23'478 fr. réalisé en 1998 - s'écarte d'une manière particulièrement
sensible de celui des années 1999 et 2000 (ATF 120 V 161 déjà cité). Est dès
lors seule applicable en l'espèce la réglementation de l'art. 25 al. 4 aRAVS
(VSI 1994 p. 148 consid. 7c et p. 150 consid. 9; arrêt non publié B. du 20
juin 1995 [H 196/93]). Cela conduit à calculer les cotisations dues par
l'intimé pour l'année 2000 d'après la deuxième hypothèse, en se fondant sur
le revenu que celui-ci a réalisé cette année-là.

5.
Reste à examiner si les revenus réalisés par l'intimé durant l'année 2000
auprès de la société « F.________ SNC » et de l'entreprise « O.________  »
doivent être additionnés pour calculer les cotisations dues par l'intimé pour
cette année-là.

5.1 Selon les premiers juges, c'est à tort que la caisse a inclus dans le
calcul du revenu déterminant pour la perception de cotisations le revenu
provenant de l'entreprise « O.________  ». En effet, cette entreprise a été
créée par l'intimé en parallèle à sa fiduciaire et elle n'a ni le même siège,
ni le même but que celle-ci. Les activités auprès de « F.________ SNC » et de
« O.________  » étant distinctes, il n'y a donc aucune raison de les associer
dans le calcul des cotisations.

5.2 Le revenu provenant d'une activité indépendante comprend tout revenu du
travail autre que la rémunération pour un travail accompli dans une situation
dépendante (art. 9 al. 1 LAVS).
Aux conditions d'application de la procédure extraordinaire correspond une
fixation uniforme des cotisations fondée sur le revenu total, sans égard au
fait que toutes les sources de revenu, ou seulement certaines d'entre elles,
se sont modifiées. Sous réserve de l'art. 22 al. 3 aRAVS, qui n'entre pas en
considération dans le cas particulier, le revenu net d'une activité
indépendante constitue une base indivisible pour la fixation des cotisations,
qui doit être prise tout entière en considération soit selon la procédure
ordinaire, soit selon la procédure extraordinaire (RCC 1988 p. 36 consid.
3b).
Durant l'année 2000, l'intimé a exercé une activité indépendante auprès des
sociétés « F.________ SNC » et « O.________  ». Le revenu net de son activité
indépendante constituant une base indivisible pour la fixation des
cotisations, le fait que « O.________  » n'a pas le même siège ni le même but
que « F.________ SNC » n'est donc pas déterminant. Aussi est-ce avec raison
que la caisse a calculé les cotisations dues par l'intimé pour l'année 2000
en additionnant les revenus provenant de ces sociétés.

6.
Le fait que la caisse a produit devant la juridiction cantonale une décision
définitive de cotisations pour l'année 1999, du 3 juin 2003, et une décision
définitive de cotisations pour l'année 2000, du 18 juin 2003, est postérieur
à la décision provisoire de cotisations du 28 septembre 2001, laquelle
détermine l'objet de la contestation. Il échappe au pouvoir d'examen de la
Cour de céans.

7.
La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance, la procédure est onéreuse (art. 134 OJ a contrario).
L'intimé, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 156 al. 1 en
corrélation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal cantonal des assurances
sociales de la République et canton de Genève, du 9 mars 2004, est annulé.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 500 fr., sont mis à la charge de
l'intimé.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à Caisse de compensation de la
fédération des artisans et commerçants, Genève, et au Tribunal cantonal des
assurances sociales.

Lucerne, le 27 janvier 2005
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre:   Le Greffier: