Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen H 67/2004
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H 67/04

Arrêt du 25 novembre 2004
Ire Chambre

MM. et Mme les Juges Borella, Président, Leuzinger, Rüedi, Ursprung et
Frésard. Greffier : M. Berthoud

Caisse cantonale genevoise de compensation, route de Chêne 54, 1208 Genève,
recourante,

contre

L.________, intimé, représenté par Me Michel Amaudruz, avocat, rue de Hesse
8-10, 1211 Genève 11

Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève

(Jugement du 9 mars 2004)

Faits:

A.
L. ________, né en 1962, domicilié en Suisse, est employé en qualité de
professeur par l'Université X.________ (Italie). Il s'est affilié à la Caisse
cantonale genevoise de compensation (la caisse) en tant que salarié d'un
employeur non soumis à cotisations.

L'assuré a remis à la caisse une attestation de salaire pour l'année 2000
portant sur un revenu de 77'527'152 lires italiennes, soit 63'688 fr. 55 au
taux de conversion de 0,08215. Quant à ses frais professionnels, l'assuré en
a dressé la liste suivante :

Frais d'appartement : LIT 16'728'000
1. location appartement via A.________ : LIT 4'200'000
2. dette appartement via B.________ : LIT 6'050'000
3. honoraires société immobilière : LIT 1'149'000
4. frais de remise en état : LIT 5'679'000

Charges : LIT 5'010'500
1. charges d'immeuble via B.________ : LIT    532'000
2. déménagement via A.________ - via B.________ : LIT 2'110'000

3. eau : LIT    374'500

4. électricité : LIT 1'239'000

5. gaz : LIT    755'000

Taxe ville : LIT 345'500
1. enregistrement terme contrat de location : LIT    120'000

2. taxes communales : LIT    225'500

Déplacement : CHF 16'751

1. train (52 x 298) : CHF 15'496

2. bus C.________ : CHF     700

3. bus D.________ : LIT 690'000

Après déduction des frais, ascendant à 34'518 fr. 15, le revenu net s'est
élevé à 27'854 fr. selon l'assuré.
Par décision du 13 août 2001, la caisse a fixé les cotisations de l'assuré
pour l'année 2000 sur la base d'un revenu déterminant de 46'025 fr. 70. Les
cotisations ont ainsi été arrêtées à 3'976 fr. 80 pour l'AVS/AI/APG (taux
8,647 %) et à 1'380 fr. 75 (taux 3 %) pour l'assurance-chômage, soit un total
de 5'357 fr. 55. La caisse a réclamé le paiement d'un solde de 1'807 fr. 55,
sous déduction d'une somme de 3'550 fr. déjà versée.

B.
L.________ a déféré cette décision à la Commission cantonale genevoise de
recours en matière d'AVS/AI (aujourd'hui : Tribunal des assurances sociales
du canton de Genève). Il a conclu à ce que ses frais professionnels
(location, achat et travaux d'entretien d'appartements, déménagement;
déplacements, par 16'751 fr.; impôts à la source italiens, par 17'662 fr.
85), fussent déduits, ses cotisations étant calculées en fonction d'un revenu
déterminant de 27'854 fr.

Par jugement du 9 mars 2004, la juridiction cantonale a admis le recours et
renvoyé la cause à la caisse pour instruction complémentaire et nouvelle
décision. En bref, les premiers juges ont considéré que les frais de logement
via B.________, de même que les frais de remise en état de ce logement,
constituent des frais professionnels nécessaires à l'acquisition du revenu et
qu'ils doivent être déduits du revenu déterminant. Ils ont également invité
la caisse à reprendre l'instruction du dossier sur plusieurs points restés
obscurs, singulièrement les dépenses liées aux déplacements, notamment en
avion, l'achat de l'appartement via B.________ et les frais d'entretien, le
paiement de la taxe de ville de D.________, ainsi que sur la participation
éventuelle de l'employeur à ces divers frais.

C.
La caisse interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont
elle demande l'annulation, en concluant au renvoi de la cause aux premiers
juges afin qu'ils établissent eux-mêmes le montant des frais déductibles du
revenu.

L'intimé conclut au rejet du recours, avec suite de dépens, tandis que
l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) en propose l'admission.

Considérant en droit:

1.
L'assuré a recouru, semble-t-il, à la fois contre une décision de cotisations
en matière d'allocations familiales et contre une décision en matière de
cotisations AVS/AI/APG/AC. Les premiers juges ne font pas allusion au recours
en matière d'allocations familiales. Quoi qu'il en soit, dans la mesure où le
présent recours de droit administratif porterait également sur les
cotisations au régime - cantonal - de ces allocations, il serait irrecevable
(ATF 124 V 146 consid. 1).

2.
Le litige porte sur le montant des déductions du revenu brut du recourant
pour l'année 2000, servant de base à la fixation de ses cotisations
AVS/AI/APG/AC. Le montant du revenu brut, par 63'688 fr. 55, n'est pas
contesté.

3.
Comme aucune prestation d'assurance n'est litigieuse, le Tribunal fédéral des
assurances doit se borner à examiner si le jugement de première instance
viole le droit fédéral, y compris par l'excès ou par l'abus du pouvoir
d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été constatés d'une manière
manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de
règles essentielles de procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104
let. a et b et 105 al. 2 OJ).

Il faut en outre tenir compte de l'art. 114 al. 1 OJ, selon lequel le
Tribunal fédéral des assurances n'est pas lié par les conclusions des parties
en matière de contributions publiques, lorsque le litige porte sur la
violation du droit fédéral ou sur la constatation inexacte ou incomplète des
faits.

4.
Pour la période en cause, l'intimé est obligatoirement assuré à la sécurité
sociale italienne en vertu de la convention italo-suisse de sécurité sociale
du 18 septembre 1963 (art. 4 § 1) qui était alors applicable. Il a en outre
été assuré à titre volontaire à l'AVS suisse (art. 1er al. 4 LAVS dans sa
version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2000). Il est affilié comme salarié
dont l'employeur n'est pas tenu de cotiser (art. 6 LAVS).

5.
Ces salariés sont traités par la loi comme des assurés de condition
indépendante : le taux de leurs cotisations est identique (art. 6 et 8 LAVS),
de même que le sont les conditions de réduction et de remise de celles-ci
(art. 11 LAVS). Ils peuvent également déduire tous les frais généraux
nécessaires à l'acquisition du revenu (ATFA 1958 p. 184). La loi les assimile
ainsi aux assurés exerçant une activité indépendante (ATF 110 V 71 consid.
2a). Pour la fixation des cotisations, les caisses de compensation se
fondent, en principe, sur la taxation fiscale des intéressés plutôt que de
procéder elles-mêmes à des calculs séparés. On applique donc dans ce cas la
procédure prévue aux art. 22 ss RAVS, valable pour les personnes de condition
indépendante. Des exigences d'ordre pratique commandent une telle solution.
En effet, il est inutilement compliqué et peu logique que les bases de
taxation soient arrêtées différemment par le fisc et par les organes de l'AVS
(ATF 110 V 72 consid. 2b; RDAT 2001 II no 82 p. 343; arrêt M. du 16 septembre
2002 [H 328/01]; Greber/Duc/Scartazzini, Commentaire des art. 1 à 16 de la
loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants [LAVS], Bâle 1997, note
21 ss ad art. 6; Käser, Unterstellung und Beitragswesen in der
obligatorischen AHV, 2ème éd., Berne 1996, p. 185 sv. ch. 5.1).

6.
En l'espèce toutefois, l'intimé est imposé à la source en Italie (art. 15 al.
1er de la convention entre la Confédération suisse et la République italienne
en vue d'éviter les doubles impositions et de régler certaines autres
questions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, du 9 mars 1976
[RS 0.672.945.41]). On ne dispose donc pas d'éléments fiscaux. Dans ce cas,
la caisse de compensation estimera elle-même le revenu déterminant (art. 23
al. 5 RAVS, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2001; ancien art.
24 RAVS).

Ainsi que la caisse recourante le propose, pour déterminer, dans le domaine
de l'AVS, le montant des frais généraux nécessaires à l'acquisition du
revenu, on peut se référer aux normes fiscales en ce domaine, en particulier
à l'Ordonnance du Département fédéral des finances sur la déduction des frais
professionnels des personnes exerçant une activité lucrative dépendante en
matière d'impôt fédéral direct, du 10 février 1993 (RS 642.118.1). En effet,
même si les salariés dont l'employeur n'est pas tenu de cotiser sont
assimilés dans une large mesure à des personnes de condition indépendante,
les frais généraux qu'ils encourent ne sont pas les mêmes que ceux encourus
par les indépendants (amortissements, pertes commerciales, salaires versés
etc.). Cette référence aux normes fiscales s'inscrit d'ailleurs dans le fil
du principe, rappelé ci-dessus, selon lequel, les caisses de compensation se
fondent sur la taxation fiscale des intéressés, quand elles sont en mesure de
l'obtenir.

7.
7.1
7.1.1Comme l'ont rappelé les premiers juges, les frais de déplacement usuels
entre les lieux de domicile et de travail constituent en principe, en matière
d'AVS, un emploi normal du salaire et non pas des frais généraux déductibles
du salaire soumis à cotisations. Conformément à cette règle les frais
supplémentaires de transport du lieu de domicile au lieu de travail ne
constituent des frais généraux que si ces lieux sont notablement éloignés
l'un de l'autre (VSI 1994 p. 84). En l'espèce, cette condition est remplie vu
l'éloignement entre C.________ et D.________.

7.1.2 Au titre des frais nécessaires de déplacement, en cas de séjour hors du
domicile, il y a lieu de déduire les dépenses résultant du retour régulier au
domicile fiscal, ainsi que les frais nécessités au lieu de séjour par le
déplacement entre le logement et le lieu de travail (art. 9 al. 4 de
l'ordonnance). En règle ordinaire, seules les dépenses effectives pour les
transports publics sont déductibles, malgré l'utilisation d'un véhicule
privé. S'il n'existe pas de transports publics ou si l'on ne peut
raisonnablement exiger du contribuable qu'il les utilise, ce dernier peut
déduire les frais d'utilisation d'un véhicule privé d'après les forfaits de
l'art. 3; la justification de frais professionnels plus élevés selon l'art. 4
est réservée (art. 5 de l'ordonnance). Dans ce contexte, on ne saurait
exclure d'emblée les frais de déplacement en avion lorsque la distance
séparant les lieux de domicile et de travail est importante et si l'on ne
peut raisonnablement exiger de l'assuré qu'il utilise un autre moyen de
transport.

7.1.3 Dans le cas particulier, on ne connaît pas la fréquence des
déplacements professionnels de l'intimé. Pour se rendre à D.________,
l'intimé utilise le train, un véhicule privé, ou encore l'avion. Par
ailleurs, certains trajets en avion concernent les destinations de
M.________, T.________ ou R.________. Il n'est pas établi que ces
déplacements soient directement liés à son activité professionnelle. Un
complément d'instruction est donc nécessaire pour fixer la déduction au titre
de frais nécessaires de déplacement entre le domicile et le lieu de séjour.
Les premiers juges se sont également exprimés dans ce sens.

7.2
7.2.1En ce qui concerne les frais de logement, l'intimé a indiqué avoir pris
à bail, le 1er août 1999, un appartement à D.________. Selon le contrat de
bail, le loyer mensuel est de 800'000 lires italiennes, plus 100'000 lires
pour l'entretien du jardin. En date du 1er mai 2000, l'intimé a déménagé dans
un appartement plus spacieux, dont il est devenu propriétaire. Pour
déterminer les dépenses du logement, l'intimé a réparti le montant de
l'argent emprunté pour son achat sur la durée de l'emprunt et étalé les
dépenses de remise en état de l'appartement sur une période de cinq ans.

7.2.2 Les premiers juges considèrent, à ce propos, qu'il est avéré que les
frais de logement sont nécessaires à l'acquisition du revenu dans le cas
particulier. La somme mensuelle de 1'100 fr. qui correspond au remboursement
étalé de l'emprunt effectué pour l'achat de l'appartement n'est ni excessive
ni somptuaire; elle équivaut à un loyer et reste proche du loyer de 657 fr.
par mois dont s'acquittait l'intimé pour la location de l'appartement qu'il
occupait jusqu'à fin avril 2000. Aussi bien les premiers juges
considèrent-ils que les frais de l'achat d'un appartement constituent des
frais professionnels nécessaires à l'acquisition du revenu et qu'ils doivent,
à ce titre, être déduits du salaire déterminant, de même que les frais de
remise en état qui sont nécessaires pour le rendre habitable.

7.2.3 Cette manière de voir ne peut pas être suivie. On peut, ici également,
se référer à l'ordonnance précitée, qui prévoit, au titre de frais
supplémentaires et nécessaires de logement, une déduction correspondant au
montant du loyer d'une chambre, conformément au loyer usuel au lieu de séjour
(art. 9 al. 3). En procédure cantonale, la caisse a proposé de retenir une
déduction de 9'600'000 lires (12 x 800'000 lires), soit 7'886 fr. 40 au taux
de conversion de 0.08215 fr. pour 100 lires; elle a ainsi pris comme loyer de
référence le loyer convenu pour l'appartement occupé précédemment par
l'assuré. Ce faisant, elle s'est montrée plutôt généreuse, si l'on considère
que l'appartement loué comprenait 3 pièces et une cuisine. Il n'y a pas de
motif de s'écarter de ce montant.

7.2.4 Contrairement à ce que soutient l'intimé, il y a lieu de s'en tenir aux
termes du contrat passé entre les parties. On ne saurait suivre l'intimé
lorsqu'il soutient que le loyer était en réalité de 1'100'000 lires, du fait
qu'en Italie les bailleurs minimiseraient le loyer effectif à des fins
fiscales. L'intimé n'apporte pas la preuve de ses allégués et l'on doit se
fier à l'exactitude des pièces produites.

7.3 C'est à juste titre, en revanche, que la caisse demande de ne pas prendre
en compte les charges mensuelles de 100'000 lires pour l'entretien d'un
jardin privé. Ces frais ne sont pas directement nécessaires à l'acquisition
du revenu.

7.4 Quant aux frais d'eau, de gaz et d'électricité, seules les taxes
d'abonnement fixes peuvent être prises en considération, à condition
toutefois qu'elles soient dûment établies. En revanche, les taxes liées à la
consommation seraient également dues au lieu de domicile. Elles ne sont donc
pas déductibles.

7.5 La «taxe de ville» peut être déduite, comme l'admet la caisse.

7.6 Contrairement à ce qu'avait indiqué la caisse en procédure cantonale, les
impôts à la source perçus des assurés en Suisse ou à l'étranger ne sont pas
déductibles, à défaut d'être énumérés (voir art. 9 al. 2 LAVS, applicable
lorsque l'employeur du salarié n'est pas tenu de payer des cotisations : ATFA
1958 p. 184; cf. également ATFA 1959 p. 17 consid. 3; arrêt non publié M. du
25 janvier 1972 [H 91/71]).

8.
Cela étant les éléments dont on dispose ne permettent pas de statuer en
connaissance de cause sur le montant total des déductions à prendre en compte
dans le cas particulier.

9.
Dans la mesure où le dispositif du jugement attaqué renvoie à des
considérants, en partie erronés, de ce même jugement, il convient d'annuler
celui-ci, ainsi que la décision administrative litigieuse, et de renvoyer la
cause à la caisse de compensation pour complément d'instruction et nouvelle
décision aux sens des motifs du présent arrêt.

10.
La procédure n'est pas gratuite (art. 134 OJ a contrario). Compte tenu de
l'issue du litige, les frais seront répartis entre les parties, à parts
égales.

Pour le même motif, l'intimé a droit à une indemnité réduite de dépens, à
charge de la recourante.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Dans la mesure où il est recevable, le recours est admis en ce sens que le
jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Genève du
9 mars 2004, ainsi que la décision de la Caisse cantonale genevoise de
compensation du 13 août 2001, sont annulés, la cause étant renvoyée à ladite
caisse pour complément d'instruction et nouvelle décision aux sens des
motifs.

2.
Les frais de justice, consistant en un émolument de 600 fr., seront supportés
par les parties, à parts égales. Les frais mis à la charge de la recourante
sont couverts par l'avance de frais de 600 fr. qu'elle a effectuée; la
différence, d'un montant de 300 fr., lui est restituée.

3.
La recourante versera à l'intimé la somme de 2'000 fr. (y compris la taxe à
la valeur ajoutée) à titre de dépens pour les procédures cantonale et
fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales du canton de Genève et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 25 novembre 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la Ire Chambre:   Le Greffier: