Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen H 223/2004
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Cause H 223/04
Arrêt du 27 avril 2006
IIIe Chambre

MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Lustenberger. Greffière : Mme
Gehring

1. C.________,
2. D.________, recourants,
tous les 2 représentés par Me Pascal Pétroz, avocat, avenue de Champel 24,
1206 Genève,

contre

Caisse cantonale genevoise de compensation, route de Chêne 54, 1208 Genève,
intimée,

Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève

(Jugement du 5 octobre 2004)

Faits:

A.
Fondée en 1984, la Maison X.________ (ci-après : l'Association) est une
association ayant pour but d'assurer l'exploitation du Centre culturel, de
loisirs et de rencontres de Y.________. C.________ en était le président et
D.________ la trésorière; E.________, directeur salarié, était également
membre du comité. Tous bénéficiaient de la signature collective à deux. En
tant qu'employeur, l'Association était affiliée auprès de la Caisse cantonale
genevoise de compensation (ci-après : la Caisse).

Dès les premières années d'exploitation, l'Association s'est trouvée
confrontée à des déficits chroniques malgré l'octroi de subventions par
différentes collectivités publiques. Cette situation s'est encore aggravée
lorsque les subventions municipales ont été réduites puis supprimées en 1996.
Comme les cotisations paritaires n'étaient pas payées ou l'étaient
irrégulièrement, la Caisse a procédé à plusieurs sommations et entrepris des
poursuites à l'encontre de l'Association qui sont demeurées infructueuses.
Par décisions du 6 décembre 2001, elle a réclamé à C.________, D.________ et
E.________, pris conjointement et solidairement, réparation du dommage
correspondant aux cotisations sociales impayées pour les années 1994 à 1997,
soit un montant de 89'254 fr. 40, y compris les intérêts et les frais. Les
deux premiers nommés ayant fait opposition, la Caisse a porté le cas devant
la Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI du canton de Genève
(aujourd'hui : Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève) concluant à
leur mainlevée.

B.
Par jugement du 5 octobre 2004, le Tribunal cantonal des assurances sociales
de la République et canton de Genève a levé les oppositions à concurrence du
montant requis.

C.
C.________ et D.________ interjettent recours de droit administratif contre
ce jugement dont ils demandent l'annulation, en concluant, sous suite de
frais et dépens, à ce que la Caisse soit déboutée de toutes ses prétentions.
Cette dernière conclut au rejet du recours, alors que l'Office fédéral des
assurances sociales n'a pas déposé d'observations.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur la responsabilité des recourants à la suite du préjudice
subi par l'intimée, aux conditions de l'art. 52 LAVS. La décision litigieuse
n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le
Tribunal fédéral des assurances doit se borner à examiner si les premiers
juges ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou par l'abus de leur
pouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été constatés d'une
manière manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis au
mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en corrélation avec les
art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).

2.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l'AVS,
notamment en ce qui concerne l'art. 52 LAVS. Désormais, la responsabilité de
l'employeur est réglée de manière plus détaillée qu'auparavant à l'art. 52
LAVS et les art. 81 et 82 RAVS ont été abrogés. Le cas d'espèce reste
toutefois régi par les dispositions en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu
égard au principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur
au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V
4 consid. 1.2 et les références).

3.
Après avoir rappelé correctement les règles de droit et la jurisprudence
applicables en matière de responsabilité d'un administrateur de société aux
conditions de l'art. 52 aLAVS, les premiers juges ont retenu que les
recourants portaient avec E.________ l'entière responsabilité du dommage que
la Caisse subit à raison du non-paiement des cotisations sociales pendant la
période incriminée et les ont condamnés à le réparer.

4.
4.1 L'obligation imposée par l'art. 52 aLAVS à l'employeur fautif s'étend,
lorsque celui-ci est une personne morale, aux organes qui ont agi en son nom.
A juste titre, les recourants qui avaient les fonctions de président et de
caissière ne contestent plus en instance fédérale le fait que leur
responsabilité puisse être engagée aux conditions de l'art. 52 aLAVS, même
s'ils oeuvraient bénévolement au comité de leur Association. Selon la
jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances, la responsabilité de
l'employeur - in casu de l'organe - ne diffère pas en effet selon la forme
juridique que revêt l'employeur. En outre, en acceptant des fonctions à titre
bénévole, les recourants ne pouvaient simplement pas demander de
dédommagements à l'Association pour leur activité; en revanche, ils se
soumettaient aux obligations statutaires et restaient tenus par les
obligations liées à leur fonction (SVR 2005 AHV N° 7 p. 24 consid. 5.3.1; VSI
2002 p. 54 et les arrêts cités).

A cet égard, l'art. 14 al. 1 LAVS, en corrélation avec les art. 34 ss RAVS,
prescrit que l'employeur doit déduire, lors de chaque paie, la cotisation du
salarié et verser celle-ci à la caisse de compensation en même temps que sa
propre cotisation. Les employeurs doivent remettre périodiquement aux caisses
les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs employés, de
manière que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire
l'objet de décisions. L'obligation de l'employeur de percevoir les
cotisations et de régler les comptes est une tâche de droit public prescrite
par la loi. Celui qui néglige de l'accomplir enfreint les prescriptions au
sens de l'art. 52 aLAVS et doit, par conséquent, réparer la totalité du
dommage ainsi occasionné (ATF 118 V 195 consid. 2a et les références).

4.2 En l'espèce, et comme l'ont constaté les premiers juges de manière à lier
le Tribunal fédéral des assurances, les recourants exerçaient les tâches de
président et de caissière de l'Association; ils avaient ainsi la charge et la
responsabilité de la gestion financière, les décisions étant prises au
surplus par l'ensemble du comité. Dans cette fonction, ils ont omis de
déclarer, comme ils en avaient l'obligation, une partie des salaires versés.
En outre, depuis 1992 au moins, ils n'ont pas versé régulièrement ou
seulement avec retard les cotisations sociales dont ils ne se sont finalement
acquittés que partiellement. En raison des pouvoirs statutaires dont ils
disposaient, leur responsabilité se trouve engagée en raison du dommage
qu'ils ont causé dans la mesure d'une négligence grave ou d'une faute, comme
l'a retenu à juste titre la juridiction cantonale. On peut sur ce point
renvoyer au jugement entrepris qui n'est pas critiquable au regard du droit
fédéral.

5.
Reste à examiner s'il existe des circonstances propres à exclure en tout ou
partie la négligence grave. A cet égard, les recourants soutiennent pour
l'essentiel qu'à la suite de la suppression brutale en mars 1996 de la
subvention municipale qui constituait plus de la moitié du budget de
l'Association, les membres du comité ont pris immédiatement les mesures
utiles d'assainissement en procédant au licenciement d'employés, de sorte
qu'il ne saurait leur être reproché à faute leur comportement ou leur
inaction. En outre, ils ne sauraient être tenus pour responsables du dommage
résultant du non-paiement des cotisations antérieures à la suppression de la
subvention municipale dès lors qu'elles ont été réclamées ultérieurement à
celle-ci (cf. décomptes datés des 7 mai 1999 et 24 janvier 2000).

5.1 Ce faisant, les recourants oublient, d'une part, qu'il s'agit de
décomptes rétroactifs ayant fait suite à des contrôles d'employeur mettant en
lumière divers manquements dans les décomptes de salaires, notamment en
raison du fait que tous les salaires n'avaient pas été déclarés.
L'eussent-ils été à temps, soit à une époque où l'Association n'était pas
devenue insolvable, que le paiement des cotisations sociales aurait selon
toute vraisemblance pu intervenir.

Par ailleurs, on rappellera que la créance réclamée par décision puis par
action en justice en vertu de l'art. 52 LAVS repose sur une décision de
paiement de cotisations arriérées sujette à recours. La possibilité
d'interjeter recours contre une décision de paiement de cotisations arriérées
constitue une garantie suffisante pour que les organes de la société devenue
insolvable ne soient pas débiteurs de créances en réparation de dommage
injustifiées. Restent réservés les cas dans lesquels le dossier met en
lumière des indices permettant de conclure à une inexactitude évidente des
cotisations fixées par cette décision ou lorsqu'elle est rendue à une époque
où, en raison de la faillite de la personne morale, les organes ne sont plus
habilités à la contester (VSI 1993 p. 180). En l'occurrence, l'Association
disposait, au moment déterminant, des organes compétents pour contester en
justice les décisions de cotisations. En outre, il n'y a pas d'erreur
manifeste dans le calcul des cotisations, ce que les recourants ne
soutiennent au demeurant pas. Il s'ensuit que l'on peut tenir pour avéré le
montant du dommage tel qu'il a été calculé par l'intimée sans qu'il soit
nécessaire de procéder à un nouveau décompte qui n'a plus sa raison d'être.
En outre, il n'est pas décisif que les montants antérieurs au mois d'avril
1996 aient été réclamés ultérieurement à la suppression de la subvention, dès
lors qu'ils avaient été portés à la connaissance de l'Association par
décisions de cotisations.

5.2 D'autre part, il résulte du jugement cantonal que le Conseil municipal a
décidé, dans sa séance du 16 décembre 1995, de réduire de 513'000 fr. la
subvention allouée à l'Association pour 1996, ce qui correspondait à l'octroi
d'une subvention jusqu'à fin mars 1996 seulement. Cette décision a été portée
à la connaissance de l'Association par lettre du 19 décembre 1995 du Conseil
administratif lequel invitait le comité à prendre toutes les mesures
juridiques nécessaires à raison de cette situation. Celle-ci a alors
entrepris diverses démarches juridiques (recours au Tribunal fédéral ainsi
qu'au Conseil d'Etat) et politiques (pétitions) qui se sont avérées vaines.
En séance du 13 mars 1996, le Conseil municipal a classé les pétitions et
refusé d'accorder de nouvelles subventions. Par lettres remises en mains
propres le 29 mars 1996, l'Association a alors procédé au licenciement de six
employés dont le directeur E.________.

5.2.1 Contrairement à ce que les recourants soutiennent, la décision du
Conseil municipal - déterminante quant à l'octroi des subventions - a été
prise le 16 décembre 1995 déjà et non pas seulement le 13 mars 1996. C'est en
effet à cette date qu'est intervenu le vote du budget annuel et que le
Conseil municipal a décidé de supprimer à compter du 1er avril suivant la
subvention communale accordée à l'Association. Moyennant l'information qui
leur a été adressée par courrier du 19 décembre 1995, l'Association avait
connaissance dès ce moment du fait de ne plus pouvoir bénéficier de
subventions. Or, comme les recourants l'admettent eux-mêmes (cf.
procès-verbal du 15 juin 2004), les salaires et les charges sociales étaient
payées grâce aux subventions municipales. En procédant au licenciement de six
employés dont le directeur E.________ par lettres du 29 mars 1996, le comité
de l'Association a agi tardivement.

5.2.2 Dans ces circonstances, c'est à raison que les premiers juges ont
qualifié leur comportement, en l'espèce leur inaction, comme gravement
fautif.

D'une part, ils n'ont pris aucune mesure propre à diminuer réellement les
charges de l'Association dès le moment où, en décembre 1995, ils savaient
qu'ils ne disposeraient pas des moyens financiers suffisants leur permettant
d'assurer le paiement des salaires et des charges sociales au-delà du 1er
avril 1996. A cet égard, ils ne sauraient évidemment justifier leur passivité
par le fait qu'ils ont engagé des procédures, au demeurant devant des
instances qui les ont déclarées irrecevables. Ils le sauraient d'autant moins
qu'ils avaient été expressément invités à agir (courrier du 19 décembre 1995)
et que les mesures d'assainissement finalement prises l'ont été avec un
retard qui, dans ces conditions, n'apparaît pas excusable.
D'autre part, ils ne peuvent invoquer des difficultés passagères de
trésorerie pour justifier ce comportement fautif ou le rendre excusable.
Certes est-il de jurisprudence en effet que l'inobservation des
prescriptions, même en cas de violation intentionnelle, puisse apparaître, au
vu des circonstances, comme légitime et non fautive. Ainsi, il peut arriver
qu'en retardant le paiement de cotisations, l'employeur parvienne à maintenir
son entreprise en vie, par exemple lors d'une passe délicate dans la
trésorerie. Mais il faut alors, pour qu'un tel comportement ne tombe pas
ultérieurement sous le coup de l'art. 52 LAVS, que l'on puisse admettre que
l'employeur avait, au moment où il a pris sa décision, des raisons sérieuses
et objectives de penser qu'il pourrait s'acquitter des cotisations dues dans
un délai raisonnable (ATF 108 V 188; RCC 1992 p. 261 consid. 4b). Or, après
la décision de refus prise par le Conseil municipal en décembre 1995, les
recourants n'avaient pas de raisons sérieuses de penser qu'ils pourraient
encore s'acquitter des charges sociales à bref délai dès lors que les moyens
leur faisaient défaut et que, par ailleurs, ils n'avaient pas d'espoir
concret d'obtenir ces moyens par d'autres sources financières.

5.3 Conforme au droit fédéral, le jugement cantonal n'est ainsi pas
critiquable.

6.
La procédure ne porte pas sur l'octroi ou le refus de prestations
d'assurance, si bien qu'elle est onéreuse (art. 134 OJ a contrario). Vu le
sort du litige, les frais de justice sont mis par égales parts à la charge
des recourants.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais de justice, d'un montant total de 4'500 fr., sont mis à la charge
des recourants pour moitié chacun. Ils sont couverts par les avances de frais
effectuées. La différence, d'un montant de 4'500 fr., leur est restituée par
égales parts.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à l'association  X.________, au
Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de
Genève et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 27 avril 2006

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIIe Chambre: La Greffière: