Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen H 188/2004
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H 188/04

Arrêt du 28 novembre 2005
IVe Chambre

MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Ursprung. Greffier : M. Beauverd

Caisse cantonale genevoise de compensation, route de Chêne 54, 1208 Genève,
recourante,

contre

A.________, intimée, représentée par M. Michel Marquis, agent d'affaires, rue
du 31 Décembre 41, 1207 Genève,

Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève

(Jugement du 21 septembre 2004)

Faits:

A.
La société X.________ Sàrl (ci-après : la société) avait pour but les
conseils en personnel stable et temporaire. A.________ en était associée
gérante, munie de la signature individuelle. La société était affiliée à la
Caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse).

Par courrier du 30 avril 1999, la société a demandé à la caisse à pouvoir
s'acquitter des cotisations par tranches mensuelles à partir du mois de mai
suivant et de verser selon un plan de paiement le solde des cotisations dues
pour l'année 1998 et le premier trimestre 1999. Saisie d'une nouvelle demande
de plan de paiement le 23 juillet 1999, la caisse a accordé à la société des
délais extraordinaires par décision du 9 août 1999.

Le 11 novembre suivant, l'étude d'agents d'affaires Michel Marquis et
Laurence Chouet (ci-après : l'étude) a informé la caisse qu'elle avait été
chargée des intérêts de la société - en vue notamment de l'apurement de sa
situation financière - et que celle-ci avait cessé toute activité le 31
octobre 1999.

Par lettre du 18 janvier 2000, l'étude a indiqué avoir lancé un appel aux
créanciers de la société. Le passif, en capital au 31 décembre 1999,
s'élevait à 129'250 fr. 65, tandis que les actifs estimés se composaient d'un
montant de 23'000 fr. en mobilier et d'une créance de 50'000 fr., exigible à
la fin du mois de septembre 2000. La société disposait d'un montant de 6'000
fr. dans l'immédiat et d'un second montant de 5'000 fr. disponible à la fin
du mois de février 2000, montants qu'elle se proposait, avec l'accord de ses
créanciers, de répartir entre ceux-ci. A défaut d'accord unanime des
créanciers, la société devrait requérir la mise en faillite.

Le 15 mai 2000, l'étude a informé les créanciers de la société que celle-ci
n'était plus en mesure de poursuivre le versement mensuel d'acomptes.

Après avoir fait notifier à la société deux commandements de payer (les 13
juillet et 29 août 2000), la caisse a reçu, le 6 octobre 2000, deux
procès-verbaux de saisie valant actes de défaut de biens pour des montants de
10'629 fr. 45 et 24'171 fr. 65.
Par décision du 13 février 2001, la caisse a réclamé à A.________, en sa
qualité d'associée gérante de la société, un montant de 34'801 fr. 10,
correspondant aux cotisations paritaires non payées, frais d'administration
et intérêts moratoires compris.

A. ________ a fait opposition à cette décision.

B.
Par mémoire du 30 mars 2001, la caisse a porté le cas devant la Commission
cantonale de recours en matière d'AVS/AI du canton de Genève (aujourd'hui :
Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Genève), en concluant
implicitement à la condamnation de l'opposante au paiement du montant
susmentionné.

La société a été déclarée en faillite le 24 septembre 2001. Un montant de
16'914 fr., représentant un dividende de 48,60 % de la créance privilégiée, a
été versé à la caisse. Par écriture du 28 mars 2003, la caisse a réduit ses
prétentions à 17'887 fr. 10.

Statuant le 21 janvier 2004, le Tribunal cantonal des assurances sociales du
canton de Genève a déclaré la demande irrecevable.

Saisi d'un recours de droit administratif, le Tribunal fédéral des assurances
a annulé ce jugement et renvoyé la cause à la juridiction cantonale pour
qu'elle statue à nouveau. Il a considéré que le prononcé entrepris avait été
rendu dans une composition irrégulière, dès lors que deux juges assesseurs,
dont l'élection devait être ensuite invalidée, avaient participé à la
procédure et à la décision (arrêt du 2 avril 2004, H 44/04).

Reprenant l'instruction de la cause, la juridiction cantonale a rendu un
nouveau jugement, le 21 septembre 2004, par lequel elle a « déclar(é)
irrecevable pour cause de tardiveté la décision de réparation du dommage de
la caisse du 13 février 2002 (recte: 2001), et par conséquent son action en
responsabilité du 30 mars 2001 ».

C.
La caisse interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
elle demande l'annulation, en concluant au renvoi de la cause à la
juridiction cantonale afin qu'elle entre en matière sur sa demande en
réparation du dommage.

A.________ s'en remet à justice, tandis que l'Office fédéral des assurances
sociales (OFAS) propose l'admission du recours.

D.
Par jugement du 12 avril (recte : mai) 2005, le Tribunal de première instance
du canton de Genève a prononcé la faillite personnelle de A.________.

Invité par le Tribunal fédéral des assurances à se déterminer sur le recours,
l'Office des faillites du canton de Genève a indiqué que la masse en faillite
s'en remettait à justice.

Considérant en droit:

1.
Le Tribunal fédéral des assurances ne peut entrer en matière que dans la
mesure où le litige concerne des cotisations aux assurances sociales
fédérales (AVS/AI/APG/AC). Il n'y a donc pas lieu d'examiner dans la présente
procédure ce qu'il en est du dommage éventuel résultant du non-paiement des
cotisations au régime cantonal des allocations familiales (consid. 1a non
publié de l'arrêt ATF 125 V 205; ATF 124 V 146 consid. 1 et la référence).

2.
La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à
examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits
pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou
incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de
procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2
OJ).

3.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6
octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la
modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l'AVS,
notamment en ce qui concerne l'art. 52 LAVS. Désormais, la responsabilité de
l'employeur est réglée de manière plus détaillée qu'auparavant à l'art. 52
LAVS et les art. 81 et 82 RAVS ont été abrogés. Les nouvelles dispositions
légales ont notamment remplacé la procédure de la décision administrative,
suivie, en cas d'opposition, d'une action de la caisse en réparation du
dommage (ancien art. 81 RAVS), par une procédure de décision, de décision sur
opposition et de recours de droit administratif (art. 52 al. 2 LAVS, dans sa
teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2003, art. 52 et 56 LPGA).

Le cas d'espèce reste toutefois régi par les dispositions en vigueur jusqu'au
31 décembre 2002, eu égard au principe selon lequel les règles applicables
sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se
sont produits (ATF 129 V 4 consid. 1.2 et les références). La procédure de
l'action en réparation du dommage est donc applicable en l'espèce, du moment
que la LPGA n'était pas encore en vigueur au moment où la caisse a ouvert une
telle action contre A.________ (cf. ATF 130 V 1).

4.
4.1 L'art. 82 aRAVS règle la prescription du droit de la caisse de
compensation de demander la réparation du dommage. Un tel droit se prescrit
lorsque la caisse ne le fait pas valoir par une décision de réparation dans
l'année après qu'elle a eu connaissance du dommage et, en tout cas, à
l'expiration d'un délai de cinq ans à compter du fait dommageable (al. 1). En
dépit de la terminologie dont use l'art. 82 aRAVS, les délais institués par
cette norme ont un caractère péremptoire (ATF 128 V 12 consid. 5a, 126 V 444
consid. 3a et 451 consid. 2a et les références).

Par moment de la « connaissance du dommage » au sens de l'art. 82 al. 1
aRAVS, il faut entendre, en règle générale, le moment où la caisse de
compensation aurait dû se rendre compte, en faisant preuve de l'attention
raisonnablement exigible, que les circonstances effectives ne permettaient
plus d'exiger le paiement des cotisations, mais pouvaient entraîner
l'obligation de réparer le dommage (ATF 129 V 195 consid. 2.1, 128 V 17
consid. 2a et les références).

En ce qui concerne le moment de la connaissance du dommage en cas de
faillite, la jurisprudence retient généralement celui du dépôt de l'état de
collocation, ou celui de la publication de la suspension de la liquidation de
la faillite faute d'actifs (ATF 129 V 195 s. consid. 2.3 et les références).
En revanche, lorsque la caisse subit un dommage à cause de l'insolvabilité de
l'employeur mais en dehors de la faillite de celui-ci, le moment de la
connaissance du dommage et, partant, le point de départ du délai d'une année
coïncident avec le moment de la délivrance d'un acte de défaut de biens ou
d'un procès-verbal de saisie valant acte de défaut de biens définitif au sens
de l'art. 115 al. 1 LP (en corrélation avec l'art. 149 LP), soit lorsque le
procès-verbal de saisie indique que les biens saisissables font entièrement
défaut (cf. ATF 113 V 256 consid. 3c). C'est à ce moment que prend naissance
la créance en réparation du dommage et que, au plus tôt, la caisse a
connaissance de celui-ci au sens de l'art. 82 aRAVS (arrêt A. du 19 février
2003, H 284/02, consid. 7.2; cf. aussi Thomas Nussbaumer, Les caisses de
compensation en tant que parties à une procédure de réparation d'un dommage
selon l'art. 52 LAVS, in RCC 1991, p. 405 s.).
4.2 La juridiction cantonale a considéré que le moment de la connaissance du
dommage était celui de la réception, par la caisse, le 20 janvier 2000, de la
lettre du 18 janvier précédent par laquelle l'étude l'informait que le
passif, en capital au 31 décembre 1999, s'élevait à 129'250 fr. 65, tandis
que les actifs estimés se composaient d'un montant de 23'000 fr. en mobilier
et d'une créance de 50'000 fr., exigible à la fin du mois de septembre 2000.
A réception de ce courrier, dont on pouvait inférer à l'évidence que la dette
de cotisation ne serait pas payée en totalité, la caisse savait ou aurait dû
savoir qu'elle subirait un dommage, si elle n'avait pas négligé d'interpeller
l'étude pour obtenir davantage de renseignements en consultant les comptes et
en s'enquérant de la liste des créanciers.

Compte tenu des principes exposés au consid. 4.1, ce point de vue apparaît
mal fondé. Si, comme en l'occurrence, la caisse subit un dommage à cause de
l'insolvabilité de l'employeur mais en dehors de la faillite de celui-ci -
laquelle n'a été prononcée que postérieurement à la procédure d'action en
responsabilité -, la caisse a connaissance du dommage, au plus tôt au moment
de la délivrance d'un acte de défaut de biens ou d'un procès-verbal de saisie
valant acte de défaut de biens définitif au sens de l'art. 115 al. 1 LP (en
corrélation avec l'art. 149 LP), soit lorsque le procès-verbal de saisie
indique que les biens saisissables font entièrement défaut. Dans le cas
particulier, la caisse s'est vu délivrer, le 6 octobre 2000, deux
procès-verbaux de saisie indiquant que la société ne détenait plus aucun
actif saisissable et valant actes de défaut de biens pour des montants de
10'629 fr. 45 et 24'171 fr. 65, soit 34'801 fr. 10 au total. C'est donc le 6
octobre 2000 que la caisse a eu connaissance du dommage au sens de l'art. 82
aRAVS. Cela étant, en faisant valoir son droit de demander la réparation du
dommage par décision du 13 février 2001, la caisse a agi dans le délai d'une
année dès la connaissance du dommage. Comme le délai de cinq ans à compter du
fait dommageable a été également respecté, la juridiction cantonale ne
pouvait pas déclarer irrecevable l'action dont elle était saisie, motif pris
que le droit de la caisse de demander la réparation du dommage était périmé.
Le recours se révèle ainsi bien fondé.

5.
La procédure n'est pas gratuite (art. 134 OJ a contrario). L'intimée, qui
succombe, supportera les frais de justice (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Dans la mesure où il est recevable, le recours est admis et le jugement du
Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Genève du 21 septembre
2004 est annulé. La cause est renvoyée à ladite juridiction pour qu'elle
entre en matière sur l'action en responsabilité formée par la caisse.

2.
Les frais de justice, d'un montant de 500 fr., sont mis à la charge de
l'intimée.

3.
L'avance de frais versée par la recourante, d'un montant de 500 fr., lui est
restituée.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances sociales du canton de Genève, à l'Office des faillites du canton
de Genève et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 28 novembre 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre: Le Greffier: