Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen H 171/2004
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H 171/04

Arrêt du 9 novembre 2005
IIe Chambre

MM. les Juges Borella, Président, Schön et Frésard. Greffière : Mme
Moser-Szeless

H.________, recourant, représenté par Me Hervé Crausaz, avocat, avenue Krieg
4, 1208 Genève,

contre

Caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des Entreprises Romandes
Genève (FER CIAM 106.1),
rue de St-Jean 98, 1201 Genève, intimée,

Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève

(Jugement du 30 juin 2004)

Faits:

A.
Le 6 février 1996, la raison et le but socials de la société X.________ SA,
fondée en 1984, ont été modifiés. Devenue Y.________ SA (ci-après : la
société), la société a eu pour but la création de programmes informatiques
pour tous secteurs confondus, la distribution et la commercialisation de
produits informatiques, ainsi que des prestations de services, conseils et
formations dans le domaine informatique. Le 8 février 1996, B.________ a
succédé aux administrateurs initiaux de la société X.________ SA, avant
d'être lui-même remplacé par G.________, devenu administrateur avec signature
individuelle à partir du 11 avril 1997. Celui-ci a démissionné de cette
fonction le 27 octobre 1997 (procès-verbal de l'assemblée générale du 27
octobre 1997), la société n'ayant plus eu depuis d'administrateur inscrit au
registre du commerce; les pouvoirs de G.________ ont été radiés de ce
registre le 12 mars 1998.

Affiliée comme employeur auprès de la Caisse interprofessionnelle AVS de la
Fédération des entreprises romandes (ci-après : la caisse) la société a
déclaré des salaires dès le 1er avril 1997. Confrontée rapidement à des
difficultés de paiement, elle a, le 5 décembre 1997, sollicité un plan de
paiement qui lui a été accordé le 9 février 1998. Par courrier du 9 janvier
précédent, la caisse a informé H.________, considéré par elle comme un organe
de fait, qu'elle se voyait contrainte de le dénoncer aux autorités pénales
pour avoir soustrait les cotisations des mois d'avril à septembre 1997. Le
prénommé lui a répondu ne pas être concerné par cette affaire, le contrat de
mandat qui le liait à la société ayant pris fin en octobre 1996.

En mai 1998, la caisse a annulé le plan de paiement, les cotisations
paritaires courantes n'ayant pas été versées conformément à ce qui avait été
prévu. Le 8 juin 1998, elle a dénoncé G.________ et H.________ auprès du
Procureur général du canton de Genève pour non-versement de cotisations
sociales; l'affaire a été classée après que la part pénale réclamée a été
payée. La caisse a par ailleurs engagé des poursuites contre la société.

Le 1er mars 1999, le Tribunal de première instance du canton de Genève a
prononcé la faillite de la société qui a été suspendue le 30 mai 2000, faute
d'actifs, puis clôturée le 10 octobre suivant.

Le 18 mai 2001, la caisse a notifié à H.________ et à G.________ des
décisions en réparation. A titre de cotisations paritaires AVS/AI/APG/AC pour
la période de mai à décembre 1997 et de janvier à décembre 1998, ainsi que
des cotisations au régime des allocations familiales de droit cantonal (y
compris les intérêts moratoires, les frais de gestion et de sommation), elle
réclamait au premier la somme de 25'097 fr. 50 et au second le montant de
9'379 fr. 85. Les destinataires de ces décisions ont tous deux formé
opposition.

B.
Par écriture du 13 juillet 2001, la caisse a assigné H.________ et G.________
devant la Commission cantonale de recours en matière d'AVS (aujourd'hui :
Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève) en paiement des
cotisations paritaires AVS/AI/APG/AC pour un montant de 25'097 fr. 50,
respectivement 9'379 fr. 85.

Le tribunal a convoqué les parties à une audience de comparution personnelle
et enquêtes lors de laquelle ont été entendus les témoins F.________, ancien
directeur commercial de la société, et R.________, tous deux anciens
actionnaires de la société, tandis que H.________ s'est fait représenter par
son avocat. H.________ a par la suite déposé plainte pénale à l'encontre du
témoin F.________ pour faux témoignage.

Statuant le le 30 juin 2004, le tribunal a admis la demande en ce sens qu'il
a levé les oppositions formées par les défendeurs contre les décisions du 18
mai 2001.

C.
H.________ interjette un recours de droit administratif contre ce jugement
dont il demande l'annulation. Il conclut, principalement, à ce que soit dit
qu'il ne fait l'objet d'aucune obligation de réparer le dommage subi par la
caisse. A titre subsidiaire, il demande le renvoi de la cause à la
juridiction cantonale pour qu'elle statue à nouveau après la clôture de
l'enquête pénale relative à la plainte pour faux témoignage qu'il a déposée.

La caisse conclut au rejet du recours, alors que G.________ n'a pas retiré
l'envoi par lequel il était requis de déposer des observations. Quant à
l'Office fédéral des assurances sociales, il a renoncé à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
Le recours de droit administratif n'est pas recevable dans la mesure où le
litige a trait à la réparation du dommage consécutif au non-paiement de
cotisations au régime des allocations familiales de droit cantonal (ATF 124 V
146 consid. 1 et les arrêts cités).

2.
2.1 Le litige porte sur la responsabilité du recourant dans le préjudice causé
à l'intimée au sens de l'art. 52 aLAVS (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31
décembre 2002, applicable en l'espèce [ATF 129 V 4 consid. 1.2]) et de la
jurisprudence y relative (ATF 126 V 237 consid. 2a, 123 V 170 consid. 2a, 122
V 66 consid. 4a et les références), par la perte des cotisations paritaires
afférentes aux mois de mai à décembre 1997 et de janvier à décembre 1998. Le
jugement entrepris expose correctement les règles légales et les principes
jurisprudentiels applicables en matière de responsabilité de l'employeur au
sens de l'art. 52 aLAVS, de sorte qu'il suffit d'y renvoyer.

2.2 La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à
examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits
pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou
incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de
procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2
OJ).

3.
3.1 Avec l'intimée, la juridiction cantonale a admis que H.________ avait la
qualité d'organe de fait de la société faillie, si bien que sa responsabilité
était engagée au sens de l'art. 52 aLAVS. En substance, elle a retenu qu'il
avait apposé son visa sur les déclarations de salaires (pour les périodes de
juillet à septembre 1997 et de janvier à mars 1998), sollicité de la caisse,
le 5 décembre 1997, un plan de paiement pour l'arriéré des cotisations
sociales dues, et répondu à un appel téléphonique de la caisse à la société
le 12 janvier 1998. Outre ces éléments, la «présence constante [du recourant]
aux moments importants et aux rendez-vous avec Monsieur G.________»
démontrait qu'il avait agi comme gestionnaire de la société bien avant le
mois d'avril 1998.

3.2 Le recourant reconnaît qu'il a agi en qualité d'organe de fait de la
société depuis le mois d'avril 1998 - date à partir de laquelle il s'est
occupé de la liquidation de celle-ci - et que sa responsabilité est engagée
depuis lors. Il conteste en revanche qu'on puisse lui reconnaître la qualité
d'administrateur de fait pour la période antérieure, puisqu'il n'avait aucune
fonction de gestion au sein de la société faillie. Il reproche par ailleurs
aux premiers juges d'avoir fait une appréciation erronée des faits et de ne
pas avoir attendu l'issue de l'enquête pénale pour faux témoignage ouverte
contre les témoins entendus en instance cantonale.

4.
4.1 Dans le cas d'une société anonyme, la notion d'organe responsable selon
l'art. 52 aLAVS est en principe identique à celle qui ressort de l'art. 754
al. 1 CO. En matière de responsabilité des organes d'une société anonyme,
l'art. 52 aLAVS vise donc aussi, en première ligne, les organes statutaires
ou légaux de celle-ci soit les administrateurs, l'organe de révision ou les
liquidateurs. Mais les critères d'ordre formel ne sont, à eux seuls, pas
décisifs et la qualité d'organe s'étend à toutes les personnes qui prennent
en fait les décisions normalement réservées aux organes ou qui pourvoient à
la gestion, concourant ainsi à la formation de la volonté sociale d'une
manière déterminante (ATF 128 III 30 consid. 3a, 117 II 441 consid. 2b, 571
consid. 3, 107 II 353 consid. 5a). Il faut cependant que la personne en
question ait eu la possibilité de causer un dommage ou de l'empêcher,
c'est-à-dire d'exercer effectivement une influence sur la marche des affaires
de la société (ATF 128 III 30 consid. 3a, 117 II 442 consid. 2b, 111 II 84
consid. 2a).

4.2 En l'espèce, les éléments retenus par les premiers juges ne suffisent pas
à établir la qualité d'organe de fait du recourant. Tout d'abord, on ne
saurait déduire de la circonstance qu'il aurait visé deux déclarations de
salaire (des 10 octobre et 20 novembre 1997) et requis de l'intimée un plan
de paiement pour l'arriéré des cotisations dues - ce qu'il conteste au
demeurant - qu'il détenait la maîtrise sur la société et prenait des
décisions réservées aux organes. Ces actes ne relèvent en effet pas en tant
que tels de la formation de la volonté de la société. Au demeurant, qu'une
personne s'occupe des relations avec la caisse de compensation ne signifie
pas automatiquement qu'elle gère la société en cause. Quant à la présence du
recourant dans les locaux de la société - il aurait répondu au téléphone de
la caisse le 12 janvier 1998 -, elle ne permet pas encore d'apprécier son
rôle au sein de celle-ci. Ensuite, si le fait que le directeur F.________ n'a
travaillé pour la société que jusqu'au 15 septembre 1997, comme l'ont retenu
les premiers juges, implique que d'autres personnes en ont assumé la
direction au-delà de cette date, on ne peut cependant en déduire, à défaut
d'autres éléments pertinents, que le recourant était parmi celles-ci. En
outre, la constatation de la juridiction cantonale, selon laquelle la
présence du recourant «aux moments importants» constituerait un indice de sa
position de gestionnaire, ne peut être suivie, dès lors qu'elle ne précise
pas à quels événements concrets elle se réfère. Finalement, ni la
circonstance que la part pénale des cotisations sociales ayant fait l'objet
de la dénonciation à l'encontre du recourant a été acquittée, ni son absence
à l'audience de comparution personnelle à laquelle il s'est fait représenter
ne constituent des indices permettant d'établir qu'il a agi en qualité
d'organe matériel de la société faillie.

Pour le surplus, les pièces du dossier, qui se composent en substance de
l'échange de correspondance entre la caisse et la société - dont les
courriers portent pour la plupart des signatures ou visas ne permettant pas
l'identification de leur auteur -, ne suffisent pas à déterminer quel était
véritablement la position du recourant dans la société, singulièrement qu'il
en était le dirigeant effectif. S'ajoute à cela - même si ce critère n'est
pas en soi décisif - que le recourant ne disposait pas, du point de vue
formel, d'un droit de signature inscrit au registre du commerce en tant que,
par exemple, fondé de pouvoir. Cela étant, on ne saurait reprocher aux
premiers juges de ne pas avoir pris en compte les témoignages recueillis en
instance cantonale, dans la mesure où la crédibilité de ceux-ci pouvait leur
apparaître discutable au regard de l'aveu du second témoin d'avoir rencontré
G.________ et le premier témoin peu avant l'audience.

Dans ces circonstances, on ne saurait tenir pour établi que le recourant ait
eu qualité d'organe de fait jusqu'à la fin du mois de mars 1998.

4.3
4.3.1En ce qui concerne la responsabilité du recourant pour la période
postérieure, soit à partir du mois d'avril 1998 jusqu'à l'ouverture de la
faillite, le 1er mars 1999, H.________ admet avoir été liquidateur (de fait)
de la société faillie.

4.3.2 Selon ses déclarations, le recourant avait été chargé au mois d'avril
1998 de liquider la société pour le compte des actionnaires. Au vu de ce
mandat et de la position qu'il occupait dans la société qui n'avait plus
d'administrateur depuis plusieurs mois, le recourant était en principe tenu
de veiller tant au versement des cotisations courantes qu'à l'acquittement
des cotisations arriérées, pour une période pendant laquelle il n'exerçait
encore aucune activité au sein de la société. A cet égard, on rappellera que
les personnes qui, de par leur position, peuvent prendre part à des fonctions
dirigeantes et agissent de manière effective dans certains domaines répondent
aussi d'omissions contraires à leurs devoirs lorsqu'une action eût été
nécessaire dans le cadre du champ d'activités qui leur est attribué (ATF 128
III 93 consid. 3a).

Toutefois, à l'instar de la situation d'un administrateur qui entre au
conseil d'administration postérieurement à la fondation de la société, un
organe de fait ne peut, lorsque la société était déjà surendettée au moment
où il est entré en fonction, être tenu pour responsable, au plus, que du
dommage résultant de l'augmentation de la dette de cotisations envers la
caisse jusqu'au moment de la faillite, les tentatives de redressement de la
société ayant échoué. Il n'y a plus lieu, en effet, de retenir un lien de
causalité entre les cotisations impayées, pour des salaires versés avant son
entrée en fonction et le dommage subi par la caisse (voir ATF 119 V 405 ss
consid. 4). Les intérêts moratoires pour l'arriéré de cotisation, courus
depuis l'entrée en fonction sont cependant inclus dans le dommage (voir ATF
119 V 408, consid. 4d).

A défaut de constatations de l'autorité cantonale de recours à cet égard, on
ignore quelle était la situation financière concrète de la société à la fin
du mois de mars 1998, en particulier si elle présentait une situation de
surendettement au moment où le recourant en a pris en charge la liquidation.
Cas échéant, celui-ci ne répondrait, au plus, que du dommage résultant de
l'augmentation de la dette de cotisations envers la caisse depuis qu'il en
assurait l'administration en vue de sa liquidation. Il n'appartient pas au
Tribunal fédéral des assurances de procéder lui-même à un complément
d'instruction. La cause sera donc renvoyée à la juridiction cantonale pour
qu'elle fixe l'étendue du dommage au regard des principes rappelés ci-avant
et rende un nouveau jugement sur ce point.

5.
Il résulte de ce qui précède que le recours est partiellement bien fondé.
Compte tenu de l'issue de ce recours, les frais de procédure, qui n'est pas
gratuite en l'occurrence (art. 134 OJ a contrario), seront supportés pour
moitié par le recourant et pour moitié par l'intimée (art. 156 OJ en relation
avec l'art. 135 OJ). Par ailleurs, le recourant, qui obtient partiellement
gain de cause, peut prétendre une indemnité de dépens réduite à charge de
l'intimée (art. 159 al. 1 OJ en corrélation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Dans la mesure où il est recevable, le recours est admis en ce sens que le
jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et
canton de Genève du 30 juin 2004 est annulé, la cause étant renvoyée à la
juridiction cantonale pour qu'elle procède conformément aux considérants.

2.
Les frais de justice, consistant en un émolument de 1800 fr. sont mis, pour
moitié (900 fr.) à la charge de la Caisse interprofessionnelle AVS de la
Fédération des entreprises romandes, et pour moitié (900 fr.) à la charge du
recourant.

3.
Les frais de justice à charge de H.________ sont couverts par l'avance de
frais de 1800 fr. qu'il a versée; la différence, d'un montant de 900 fr., lui
est restituée.

4.
L'intimée versera à H.________ la somme de 1500 fr. (y compris la taxe à la
valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal genevois
des assurances sociales, à l'Office fédéral des assurances sociales et à
G.________.

Lucerne, le 9 novembre 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IIe Chambre: La Greffière: