Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen B 87/2004
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B 87/04

Arrêt du 21 décembre 2005
IVe Chambre

MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Ursprung. Greffier : M. Beauverd

A.________, recourante, représentée par Me Marc-André Nardin, avocat, avenue
Léopold-Robert 31,
2301 La Chaux-de-Fonds,

contre

Caisse de Pensions du Personnel Communal de la Ville de la Chaux-de-Fonds,
2300 La Chaux-de-Fonds, intimée

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

(Jugement du 7 juillet 2004)

Faits:

A.
A. ________, née en 1943, et B.________, né en 1942, se sont mariés  en 1967.
Cette union a été dissoute par le divorce le 17 juin 1993. Par convention du
19 mai 1993, les parties ont convenu l'octroi en faveur de A.________ d'une
rente d'un montant mensuel de 6'500 fr., sujet à indexation, jusqu'à
l'accomplissement de l'âge ouvrant droit à une rente de vieillesse de
l'assurance-vieillesse et survivants (AVS), et de 4'500 fr. à compter du mois
suivant cette date.

B. ________ a travaillé au service de X.________ et était, à ce titre,
affilié à la Caisse de pensions du personnel communal de la ville de la
Chaux-de-Fonds (ci-après: la CPC). Il est décédé le 3 mai 2003.

Par décision du 10 juillet 2003, la Caisse cantonale neuchâteloise de
compensation a alloué à A.________, à partir du 1er juin 2003, une rente de
veuve d'un montant mensuel de 1'688 fr. De son côté, la CPC a accordé à
l'intéressée une rente de conjoint survivant d'un montant mensuel de 745 fr.
30, correspondant au montant maximum de la rente de veuve allouée selon la
LPP.

Invoquant une diminution importante de ses revenus, A.________ a demandé à la
CPC de lui accorder une rente d'un montant correspondant à celui auquel
aurait droit, au titre de la prévoyance obligatoire et surobligatoire, une
survivante non divorcée.

B.
La CPC ayant rejeté cette demande, A.________ a saisi le Tribunal
administratif du canton de Neuchâtel, en concluant à ce que la CPC soit
condamnée à lui allouer, dès le 1er juin 2003, une rente mensuelle d'un
montant égal à celui qui aurait été accordé à une veuve, mais au maximum
4'984 fr., sous déduction des rentes déjà allouées et moyennant indexation
dudit montant conformément à la loi.

Cette demande a été rejetée par jugement du 7 juillet 2004.

C.
A.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
elle demande l'annulation, en reprenant ses conclusions formées en instance
cantonale, sous suite de dépens.

La CPC conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable, sous
suite de dépens.

De son côté, l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à présenter
des déterminations.

Considérant en droit:

1.
La contestation ici en cause relève des autorités juridictionnelles
mentionnées à l'art. 73 LPP, tant du point de vue de la compétence ratione
temporis que de celui de la compétence ratione materiae (ATF 130 V 104consid.
1.1, 112 consid. 3.1.2, 128 II 389 consid. 2.1.1, 128 V 258 consid. 2a, 120 V
18 consid. 1a et les références), et le recours de droit administratif est
recevable de ce chef.

2.
Le litige porte sur le droit éventuel de la recourante à une rente de
survivante divorcée de la prévoyance plus étendue (art. 49 al. 2 LPP).

3.
Du point de vue inter-temporel, il convient d'appliquer les dispositions
légales telles qu'elles étaient en vigueur jusqu'au 31 décembre 2004, soit
avant l'entrée en vigueur de la première révision de la LPP (cf. ATF 129 V 4
consid. 1.2 et les arrêts cités). Dans la mesure où les dispositions
pertinentes ont été modifiées par cette révision, elles seront citées
ci-après dans leur ancienne version.

4.
Faisant usage de la compétence conférée à l'art. 19 al. 3 LPP de définir le
droit de la femme divorcée à des prestations de survivants, le Conseil
fédéral a édicté l'art. 20 OPP2. Aux termes de cette disposition
réglementaire, la femme divorcée est assimilée à la veuve en cas de décès de
son ancien mari à la condition que son mariage ait duré dix ans au moins et
qu'elle ait bénéficié, en vertu du jugement de divorce, d'une rente ou d'une
indemnité en capital en lieu et place d'une rente viagère (al. 1).
L'institution de prévoyance peut néanmoins réduire ses prestations dans la
mesure où, ajoutées à celles des autres assurances, en particulier celles de
l'AVS ou de l'AI, elles dépassent le montant des prétentions découlant du
jugement de divorce (al. 2).

En l'espèce, il est constant que la rente allouée à la recourante par la CPC
à partir du 1er juin 2003 satisfait aux exigences de la prévoyance
obligatoire.

5.
5.1 Aux termes de l'art. 51 al. 1 du règlement de la CPC (RCPC), dans sa
teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2004, ici applicable, le conjoint
divorcé est assimilé à un conjoint survivant en cas de décès de son
ex-conjoint, pour autant qu'il présente une demande à la CPC et que, les
trois conditions ci-après étant cumulatives, il ait bénéficié, en vertu du
jugement de divorce, d'une rente ou d'une indemnité en capital en lieu et
place d'une rente viagère (let. a), il soit âgé de 45 ans au moins ou ait un
ou plusieurs enfants à charge (let. b), le mariage ait duré 10 ans au moins
(let. c). Le montant annuel de la pension servie est égal à la prestation
d'entretien à laquelle était tenu l'ex-conjoint, sous déduction des
prestations éventuellement servies par d'autres assurances, en particulier
par l'AVS/AI, mais au maximum au montant annuel de la rente de veuve
découlant des exigences minima de la LPP (art. 51 al. 2 RCPC).

5.2 La CPC est une institution de prévoyance de droit public, dont
l'administration, les prestations et le financement sont réglés par le
Conseil communal de la Chaux-de-Fonds, sur délégation du Conseil général. Il
s'agit donc de dispositions de droit public pour lesquelles sont applicables
les principes d'interprétation des textes légaux (p. ex. SVR 1997 BVG n° 79
p. 245 consid. 3c). Le Tribunal fédéral des assurances en examine librement
l'application (ATF 118 V 163 consid. 2, 116 V 334 consid. 2b).
La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre. Selon la jurisprudence,
il n'y a lieu de déroger au sens littéral d'un texte clair par voie
d'interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de penser que
ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause. De
tels motifs peuvent découler des travaux préparatoires, du but et du sens de
la disposition, ainsi que de la systématique de la loi. Si le texte n'est pas
absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il
convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la
dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux
préparatoires, du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur
lesquelles elle repose ou encore de sa relation avec d'autres dispositions
légales (ATF 130 II 71 consid. 4.2, 130 V 232 consid. 2.2, 295 consid. 5.3.1,
428 consid. 3.2, 475 consid. 6.5.1, 484 consid. 5.2, 129 V 284 consid. 4.2 et
les références).

5.3 En l'occurrence, dans la mesure où il dispose que le montant annuel
maximum de la pension servie au conjoint divorcé survivant ne doit pas
dépasser le montant annuel de la rente de veuve découlant des exigences
minima de la LPP, l'art. 51 al. 2 RCPC est incontestablement un texte clair.

Il convient dès lors d'examiner s'il existe des raisons objectives de penser
que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause.

5.4 La recourante fait valoir que l'art. 51 al. 2 RCPC viole le principe de
l'égalité de traitement consacré à l'art. 8 Cst., dans la mesure où il opère
une distinction qu'aucun fait important ne justifie entre la femme divorcée
survivante et la veuve. Sa situation de personne bénéficiaire d'une rente
fondée sur l'ancien art. 151 al. 1 CC est comparable à celle d'une épouse
dont le mari subvenait aux besoins avant le décès. En limitant les droits de
la femme divorcée aux minima de la prévoyance obligatoire, le règlement de la
CPC opère donc une distinction infondée entre deux situations semblables.
Cette distinction a pour effet de procurer à la CPC un enrichissement
considérable au détriment du conjoint divorcé survivant. Aussi, l'art. 51 al.
2 RCPC doit-il également être considéré comme arbitraire au sens de l'art. 9
Cst., dans la mesure où il réduit à la portion congrue le montant nécessaire
à son entretien.

5.5
5.5.1Dans les limites de la LPP, les institutions de prévoyance sont libres
d'adopter le régime de prestations, le mode de financement et l'organisation
qui leur conviennent (art. 49 al. 1 LPP). Cela ne signifie toutefois pas
qu'en ce qui concerne la prévoyance plus étendue, elles doivent tenir compte
seulement des dispositions de la LPP expressément réservées à l'art. 49 al. 2
LPP. Les institutions de prévoyance doivent également se conformer aux
principes de l'égalité de traitement, de l'interdiction de l'arbitraire et de
la proportionnalité (ATF 115 V 109 consid. 4b).
Selon la jurisprudence constante, le principe de l'égalité de traitement
consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lie également le législateur cantonal et
communal. A cet égard, une norme générale et abstraite viole cette
disposition constitutionnelle lorsqu'elle n'est pas fondée sur des motifs
sérieux et objectifs, qu'elle est dépourvue de sens et d'utilité, qu'elle
opère des distinctions juridiques que ne justifient pas les faits à
réglementer ou qu'elle omet, au contraire, des distinctions juridiques que la
diversité des circonstances en présence rend indispensables (ATF 130 I 70
consid. 3.6, 129 I 3 consid. 3 partie introductive, 268 consid. 3.2, 357
consid. 6, 128 I 312 consid. 7b, 127 V 454 consid. 3b; cf. aussi ATF 130 V 31
consid. 5.2).
5.5.2 Le moyen de la recourante tiré d'une prétendue inégalité de traitement
découlant de l'art. 51 al. 2 RCPC est mal fondé. Comme l'a constaté la
juridiction cantonale, l'option de la CPC de ne faire bénéficier des
prestations plus étendues que les veuves et les veufs, à l'exception des
ex-conjoints survivants, trouve sa justification dans le devoir d'assistance
et d'entretien entre époux qui apparaît prépondérant au regard de
l'obligation d'entretien qui subsiste après le divorce. Si les contributions
d'entretien entre personnes divorcées reposent le plus fréquemment sur la
nécessité de conserver une certaine solidarité entre conjoints après le
divorce, celui-ci constitue toutefois une coupure nette entre les conjoints
et met fin aux liens de dépendance économique qui existent entre eux. C'est
pourquoi les prestations d'entretien ne sont dues que si l'un des
ex-conjoints a effectivement besoin de la participation financière de l'autre
pour vivre et que cette situation est la conséquence du mariage dissous,
notamment en raison de la répartition des rôles au sein du couple durant le
mariage (voir à ce sujet le Message du Conseil fédéral concernant la révision
du Code civil suisse [état civil, conclusion du mariage, divorce, droit de la
filiation, dette alimentaire, asiles de famille, tutelle et courtage
matrimonial] du 15 novembre 1995, FF 1996 I 46). Aussi, doit-on considérer
que la situation d'une personne bénéficiant de prestations d'entretien après
le divorce n'est pas comparable à celle d'une personne dont l'époux subvenait
aux besoins en vertu du devoir d'assistance et d'entretien entre conjoints.
D'ailleurs, ces deux situations peuvent coexister, obligeant l'institution de
prévoyance du défunt à allouer des prestations pour survivants aussi bien à
la veuve qu'à l'ex-conjoint. Cela étant, en ne faisant bénéficier des
prestations plus étendues que les veuves et les veufs, à l'exception des
ex-conjoints survivants, l'institution de prévoyance intimée n'a pas opéré
des distinctions juridiques entre des situations semblables et le grief de
violation du principe de l'égalité de traitement soulevé par la recourante se
révèle mal fondé (cf. sur ce point arrêt Sch. du 20 décembre 2005, B 85/04).

Dans la mesure où, en outre, il ne méconnaît pas gravement une règle de droit
ni un principe juridique clair et indiscuté (cf. ATF 125 I 168 consid. 2a,
125 II 15 consid. 3a, 124 I 316 consid. 5a, 124 V 139 consid. 2b et les
références), l'art. 51 al. 2 RCPC ne contrevient pas non plus au principe de
l'interdiction de l'arbitraire.

5.6 La recourante soulève en outre le grief d'inopportunité du jugement
attaqué. Elle fait valoir que les prestations d'assurance dont elle bénéficie
ensuite du décès de son ex-mari ne suffisent pas à couvrir ses besoins et
qu'elle risque d'être à la charge de l'assistance publique, alors que la CPC
dispose des fonds nécessaires pour lui allouer une rente de conjoint
survivant de la prévoyance plus étendue.

Le grief d'inopportunité est recevable dans le cadre d'un litige concernant
l'octroi ou le refus de prestations d'assurance (art. 132 let. a OJ). Dans
cette mesure, le Tribunal fédéral des assurances, saisi d'un recours de droit
administratif fondé sur l'art. 73 al. 4 LPP, examine librement l'application
par la juridiction cantonale de dispositions cantonales ou communales en
matière de prévoyance professionnelle (ATF 120 V 448 consid. 2b et la
référence; RSAS 2001 p. 384 consid. 1b). En l'occurrence, l'art. 51 al. 2
RCPC fixe le droit du survivant divorcé sans laisser de liberté
d'appréciation à l'autorité chargée de l'appliquer. A défaut de liberté
d'appréciation de l'autorité dont l'acte est attaqué, celui-ci ne saurait
être revu sous l'angle de l'opportunité (cf. Pierre Moor, Droit
administratif, vol. II, 2ème éd., Berne 2002, p. 667; Blaise Knapp, Précis de
droit administratif, 4ème éd., Bâle 1991, p. 34 ch. 158).

Le grief d'inopportunité soulevé par la recourante doit dès lors être rejeté.

5.7 Vu ce qui précède, le jugement entrepris n'est pas critiquable et le
recours se révèle mal fondé.

6.
L'intimée a conclu à l'octroi de dépens. Bien qu'elle obtienne gain de cause,
elle ne saurait en prétendre, aucune indemnité pour les frais de procès
n'étant allouée, en règle générale, aux organismes chargés de tâches de droit
public (art. 159 al. 2 in fine OJ; ATF 118 V 169 s. consid. 7 et les
références). En l'occurrence, il n'y a pas de motif de s'écarter de cette
règle.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du
canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 21 décembre 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre: Le Greffier: