Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen B 74/2004
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B 74/04

Arrêt du 28 juin 2005
IIIe Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Lustenberger et Kernen. Greffier
: M. Wagner

P.________, recourant, représenté par Me Jean-Marie Allimann, avocat, rue de
la Justice 1, 2800 Delémont,

contre

Caisse de pensions de la République et canton du Jura, Faubourg St-Germain
16a, 2900 Porrentruy, intimée

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, Porrentruy

(Jugement du 27 mai 2004)

Faits:

A.
A.a P.________, né en 1942, a travaillé dans la police. A ce titre, il était
assuré auprès de la Caisse de pensions de la République et Canton du Jura (la
caisse) pour la prévoyance professionnelle.
Le 24 septembre 1993, il a épousé R.________, mère de B.________, né le 18
janvier 1982, sur lequel celle-ci avait l'autorité parentale selon jugement
de divorce du 4 septembre 1990.

A.b Le 12 avril 2001, P.________ s'est enquis du montant des prestations que
la caisse lui servirait en cas de retraite anticipée ou à l'âge terme. La
caisse lui a précisé le montant de la pension de base et celui de la rente
pont AVS auxquelles il aurait droit dans l'une ou l'autre de ces hypothèses
le 22 mai 2001.
Le 6 juillet 2001, P.________ a décidé, dans le cadre du décret cantonal sur
l'encouragement à la prise de la retraite anticipée du 16 mai 2001, de mettre
fin à ses rapports de service pour le 28 février 2002.

A.c Le 19 juillet 2001, P.________ a demandé à la caisse le montant de la
pension d'enfant à laquelle il avait droit en raison de la reprise de ses
études par son beau-fils. Les 3 août et 14 septembre 2001, la caisse lui a
précisé ses prestations et rappelé que l'octroi des pensions d'enfant était
lié à diverses conditions.
Le 10 juin 2002, P.________ a demandé à ce que la pension d'enfant lui soit
versée dès le 1er octobre 2002. Le 21 février 2003, la caisse a refusé de lui
allouer cette prestation, après avoir requis différents documents et
renseignements. Sur opposition, elle a maintenu sa position par décision du 9
juillet 2003. Selon la caisse, l'assuré ne pouvait prétendre cette prestation
au titre de la prévoyance obligatoire ou de la prévoyance plus étendue.

B.
P.________ a ouvert action contre la Caisse de pensions de la République et
Canton du Jura devant le Tribunal cantonal de la République et canton du
Jura, Chambre des assurances, et conclu sous suite de frais et dépens à ce
que la caisse fût condamnée à lui verser une pension pour enfant, assortie
d'une rente-pont AVS pour celui-ci, du 1er août 2002 au 31 juillet 2005.
Par jugement du 27 mai 2004, la juridiction cantonale a rejeté la demande.

C.
P.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
il demande l'annulation, en réitérant les conclusions et les moyens
développés en instance cantonale, notamment sur la base d'une lettre de la
caisse du 9 février 1998.
La caisse conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales renonce à se prononcer, considérant que le litige ne
relève pas de la prévoyance obligatoire.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le droit du recourant à une pension d'enfant à partir du
1er août 2002.

2.
Selon l'art. 13 al. 1 let. a LPP, les hommes ont droit à des prestations de
vieillesse dès qu'ils ont atteint l'âge de 65 ans. Les bénéficiaires d'une
rente de vieillesse ont droit à une rente complémentaire pour chaque enfant
qui, à leur décès, aurait droit à une rente d'orphelin (art. 17 LPP).
Conformément à l'art. 20 LPP, les enfants du défunt ont droit à une rente
d'orphelin; il en va de même pour les enfants recueillis lorsque le défunt
était tenu de pourvoir à leur entretien. Le droit aux prestations pour
orphelin s'éteint au décès de celui-ci ou dès qu'il a atteint l'âge de 18
ans. Il subsiste, jusqu'à l'âge de 25 ans au plus, tant que l'orphelin fait
un apprentissage ou des études (art. 22 al. 3 let. a LPP).
En l'espèce, le recourant est né en 1942. Il ne peut prétendre une rente de
vieillesse de la LPP en 2002, car il n'a pas encore atteint l'âge terme de la
retraite prévu par la loi (art. 13 al. 1 let. a LPP). A défaut de remplir les
conditions donnant droit aux prestations de vieillesse de la prévoyance
obligatoire, il ne peut prétendre la rente pour enfant de la LPP. Aussi, la
notion d'enfants recueillis à l'entretien desquels l'assuré était tenu de
pourvoir, au sens des art. 17 et 20 LPP, n'a pas besoin d'être discutée plus
longuement.

3.
Le litige a donc trait exclusivement à la prévoyance plus étendue (art. 49
al. 2 LPP).

3.1 Selon l'art. 33 du décret du 12 février 1981 sur la Caisse de pensions de
la République et Canton du Jura (RSJU 173.51), chacun des enfants de l'assuré
qui est au bénéfice de la retraite a droit à une pension. Selon l'art. 34 du
décret, sont considérés comme enfants d'un assuré les enfants au sens de
l'art. 252 du Code civil suisse ainsi que, selon décision du conseil, les
enfants à l'entretien desquels l'assuré contribuait, totalement ou pour une
part prépondérante, le jour de son décès.

3.2 L'intimée est une institution de prévoyance de droit public, dont les
attributions, l'organisation et les prestations sont réglées par le décret
cantonal. Il s'agit donc de dispositions de droit public pour lesquelles sont
applicables les principes d'interprétation des textes légaux (par ex. SVR
1997 BVG n° 79 p. 245 consid. 3c). Le Tribunal fédéral des assurances en
examine librement l'application (ATF 118 V 163   consid. 2, 116 V 334 consid.
2b).
La loi s'interprète tout d'abord selon sa lettre. Il n'y a lieu de déroger au
sens littéral d'un texte clair par voie d'interprétation que lorsque des
raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens
véritable de la disposition en cause. De tels motifs peuvent découler des
travaux préparatoires, du but et du sens de la disposition, ainsi que de la
systématique de la loi. Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs
interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle
est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à
considérer (ATF 130 V 484 consid. 5.2 et les références).

3.3 Les modifications apportées par le Parlement de la République et Canton
du Jura, lors de sa séance du 24 avril 1986, au Décret sur la Caisse de
pensions de la République et Canton du Jura du 12 février 1981, afin de le
mettre en conformité avec la LPP n'ont rien apporté de nouveau s'agissant de
la notion d'enfant. La seule modification a porté sur le passage de la
compétence du comité au conseil.
Il découle des art. 33 et 34 du décret que seuls les enfants de l'assuré
(art. 252 CC) ont un droit propre à la rente pour enfant. En l'absence de
lien de filiation, la rente n'est accordée, sur décision du conseil, qu'aux
enfants à l'entretien desquels l'assuré décédé contribuait de manière
prépondérante. A cet égard, cependant, la caisse n'est pas libre de décider
selon son bon plaisir. Certes, elle dispose d'un large pouvoir
d'appréciation, mais, en sa qualité d'institution de prévoyance, elle est
tenue de se conformer aux principes juridiques de caractère général, ce qui
implique notamment l'interdiction générale de l'arbitraire, ainsi que le
respect de l'égalité de traitement et du principe de proportionnalité (ATF
115 V 109 consid. 4b).
Toutefois, le texte clair de la disposition en cause, qui ne prévoit de rente
pour enfant, en l'absence de lien de filiation, qu'en cas de décès de
l'assuré, ne permet pas au recourant de faire grief à la caisse de ne  pas
avoir mis le fils de son épouse au bénéfice d'une rente pour enfant. En
effet, le recourant est toujours vivant et il perçoit une rente de
vieillesse.

4.
Le recourant se prévaut du droit à la protection de la bonne foi en invoquant
différents renseignements donnés par la caisse.
Il est vrai que celle-ci a donné à plusieurs reprises des précisions sur la
rente qu'elle pourrait allouer au beau-fils du recourant. Cependant, ses
renseignements (3 août et 14 septembre 2001) sont postérieurs à la décision
du recourant de faire valoir ses droits à la retraite (6 juillet 2001). En
outre, la demande de renseignements du 12 avril 2001 mentionnait expressément
l'existence de B.________ et la prochaine reprise de ses études. La réponse
de la caisse du 22 mai 2001 ne portait cependant que sur ses prestations au
recourant, à l'exclusion de toute mention se rapportant à une rente pour
enfant. Dès lors, les renseignements donnés par la caisse en 1998 et évoqués
pour la première fois en procédure fédérale n'apparaissent pas avoir été
déterminants dans la décision du recourant de prendre sa retraite.
Dans ces conditions, on doit admettre que c'est à tort que le recourant
prétend s'être fondé sur un renseignement erroné pour prendre des
dispositions qu'il ne saurait modifier sans subir de préjudice (sur le détail
des conditions du droit à la bonne foi, cf. notamment ATF 121 V 66 consid. 2a
et les références).

5.
Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ).
D'autre part, bien qu'elle obtienne gain de cause, l'intimée n'a pas droit à
des dépens (art. 159 al. 2 OJ in fine; ATF 122 V 330 consid. 6, 118 V 169 s.
consid. 7; voir aussi ATF 128 V 133 s. consid. 5b et la référence).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de dépens.

3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura, Chambre des assurances, et à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 28 juin 2005

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la IIIe Chambre:   Le Greffier: