Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen B 50/2004
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B 50/04

Arrêt du 26 août 2004
Ire Chambre

MM. et Mme les Juges Borella, Président, Leuzinger, Lustenberger, Ursprung et
Frésard. Greffier : M. Beauverd

Office fédéral des assurances sociales, Effingerstrasse 20, 3003 Berne,
recourant,

contre

B.________ SA, intimée, représentée par Me Luke H. Gillon, avocat, boulevard
de Pérolles 21, 1701 Fribourg,

concernant G.________,

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour des assurances sociales,
Givisiez

(Jugement du 24 mars 2004)

Faits:

A.
Par écriture du 28 octobre 2003, G.________ a ouvert une action  devant le
Tribunal administratif du canton de Fribourg, contre son ex-employeur,
B.________ SA. Il lui reprochait de ne pas avoir respecté l'art. 51 LPP,
relatif à la gestion paritaire dans les organes de l'institution de
prévoyance auprès de laquelle la société était affiliée, à savoir Servisa,
Fondation collective des Banques Cantonales. Pour ce motif, il contestait
«toutes les décisions, y compris les décisions financières prises dans le
cadre de la Commission de gestion paritaire, qui n'en est pas une au sens
juridique, depuis (son) entrée dans la caisse le 1er mars 1996». Il concluait
à ce que l'employeur lui rétrocède, sur son compte de prévoyance, «la somme
de la différence des intérêts réellement réalisés moins la somme des intérêts
qui avaient été réellement versés, ceci pendant toute la durée de (son)
affiliation à cette caisse de prévoyance, vu que les sommes qui ont été
ponctionnées pour couvrir autre chose que les intérêts l'ont été sans
l'accord de l'ensemble du personnel». Comme son contrat de travail avait été
résilié au 31 janvier 2003, il réclamait, au titre de dommages et intérêts
«la somme manquante actuellement dans (son) actuel fonds de prévoyance».
Invité par le président du tribunal à préciser les motifs et conclusions de
sa demande, G.________ a pris les conclusions suivantes:
1.Que la défenderesse B.________ me rétrocède, sur mon compte de prévoyance
actuel, la somme de la différence des intérêts réellement réalisés moins la
somme des intérêts qui m'a été réellement versée, depuis mon affiliation au
1er mars 1996 jusqu'à mon congé le 31 décembre 2002, vu que les sommes qui
ont été ponctionnées pour couvrir autre chose que les intérêts l'ont été sans
l'accord de l'ensemble du personnel.

2.  Comme mon contrat de travail a été résilié au 31 janvier 2003 (...), je
réclame comme dommage la somme manquante actuellement dans mon actuel fonds
de prévoyance, somme que je vous indiquerai le moment utile (...).
3.  Partie de la déduction sur la somme allouée par le Tribunal des
Prud'hommes.

B.
Statuant le 24 mars 2004, le tribunal administratif a déclaré l'action
irrecevable, au motif que le litige ne relevait pas de la compétence des
autorités juridictionnelles prévue par l'art. 73 LPP.

C.
L'Office fédéral des assurances sociales interjette un recours de droit
administratif en concluant à l'annulation de ce jugement et au renvoi de la
cause au Tribunal administratif du canton de Fribourg pour qu'il statue sur
le fond.

B.  ________ SA conclut, sous suite de dépens, au rejet du recours.
Quant à G.________, il confirme ses conclusions dans la mesure où elles
portent sur le «non-respect de la déduction de la cotisation LPP sur la somme
de 5'000 fr. brut correspondant à la prolongation de mon contrat de travail
pour janvier 2003, selon jugement du Tribunal des Prud'hommes du 4 juin
2003».

Considérant en droit:

1.
Selon l'art. 73 LPP, chaque canton désigne un tribunal qui connaît, en
dernière instance cantonale, des contestations opposant institutions de
prévoyance, employeurs et ayants droit (al. 1 première phrase). Les décisions
des tribunaux cantonaux peuvent être déférées au Tribunal fédéral des
assurances par la voie du recours de droit administratif (al. 4).

La compétence des autorités visées par l'art. 73 LPP est doublement définie.

Elle l'est, tout d'abord, quant à la nature du litige: il faut que la
contestation entre les parties porte sur des questions spécifiques de la
prévoyance professionnelle, au sens étroit ou au sens large. Ce sont donc
principalement des litiges qui portent sur des prestations d'assurance, des
prestations de libre passage (actuellement prestations d'entrée ou de sortie)
et des cotisations. En revanche, les voies de droit de l'art. 73 LPP ne sont
pas ouvertes lorsque la contestation a un fondement juridique autre que le
droit de la prévoyance professionnelle, même si elle devait avoir des effets
relevant du droit de ladite prévoyance (ATF 125 V 168 consid. 2, 122 V 323
consid. 2b et les références).

Cette compétence est également limitée par le fait que la loi désigne de
manière non équivoque les parties pouvant être liées à une contestation, à
savoir les institutions de prévoyance, les employeurs et les ayants droit
(ATF 125 V 168 consid. 2).

2.
2.1 La procédure d'action ou de recours de droit administratif prévue par
l'art. 73 LPP ne permet pas un contrôle abstrait des dispositions
réglementaires édictées par les institutions de prévoyance en vertu de l'art.
50 al. 1 LPP, dispositions auxquelles appartiennent aussi les règles de droit
cantonal régissant les institutions de prévoyance de droit public. Mais le
juge a la possibilité, lors de l'examen d'un cas concret, d'examiner, à titre
préjudiciel, la validité de semblables dispositions (contrôle accessoire ou
par voie d'exception des normes; ATF 119 V 196 consid. 3b et la jurisprudence
citée). La question se pose de savoir si cet examen préjudiciel doit avoir
lieu non seulement quand la légalité matérielle des dispositions statutaires
est contestée, mais aussi quand l'assuré se prévaut d'une irrégularité dans
l'adoption d'une telle disposition, notamment en ce qui concerne le respect
du principe de la gestion paritaire (art. 51 LPP).

2.2  Selon l'art. 62 LPP, l'autorité de surveillance désignée par le canton
(art. 61 al. 1 LPP) s'assure que l'institution de prévoyance se conforme aux
prescriptions légales. En particulier, elle vérifie la conformité des
dispositions réglementaires avec les prescriptions légales (art. 62 al. 1
let. a LPP). Elle prend les mesures propres à éliminer les insuffisances
constatées (art. 62 al. 1 let. d LPP). Cette surveillance s'étend également
au point de savoir si l'institution de prévoyance a respecté les règles de
procédure, en particulier celles prévues à l'art. 51 LPP, lors de l'adoption
ou de la modification des dispositions réglementaires ou statutaires.
L'autorité de surveillance peut annuler des dispositions réglementaires qui
ne sont pas conformes à la loi ou adresser à l'institution de prévoyance des
directives contraignantes en vue de l'adoption de dispositions particulières
(ATF 119 V 197 consid. 3b/aa, 112 Ia 187 consid. 3b et les références; voir
aussi, sur la protection juridique en matière de représentation paritaire :
Hans Michael Riemer, La gestion paritaire selon la LPP des institutions de
prévoyance de droit privé et de droit public en faveur du personnel, RSAS
1985 p. 158).

Tout intéressé a la possibilité de se plaindre auprès de l'autorité de
surveillance des manquements susmentionnés de procédure. Conformément à
l'art. 74 al. 1 et 2 LPP, les décisions des autorités de surveillance peuvent
être déférées à une commission de recours indépendante de l'administration
(Commission fédérale de recours en matière de prévoyance professionnelle,
vieillesse, survivants et invalidité). Les décisions de la commission de
recours sont sujettes à recours de droit administratif devant le Tribunal
fédéral (art. 74 al. 4 LPP).

2.3  Selon la jurisprudence, la compétence des autorités mentionnées à l'art.
73 LPP doit être niée - et, inversement, celle des autorités visées par
l'art. 74 LPP reconnue - lorsque le litige a pour objet exclusif ou principal
le contrôle abstrait de normes. Pour le législateur, il s'est agi, en effet,
d'éviter que le justiciable n'ait la possibilité d'obtenir systématiquement,
lors d'un changement de statuts ou de règlement, un contrôle judiciaire par
la voie de l'art. 73 LPP. Il est vrai que la coexistence de deux voies de
droit peut aboutir à certaines contradictions: ainsi, il peut arriver que le
Tribunal fédéral, dans le cadre d'un contrôle abstrait des normes, déclare
conforme à la loi une disposition statutaire et que le Tribunal fédéral des
assurances, dans le cadre du contrôle incident qui lui incombe, parvienne à
la solution contraire à l'occasion d'un cas d'application qui se pose
ultérieurement. Dans la procédure dite de contrôle abstrait des normes, il
est rarement possible, en effet, de prévoir d'emblée tous les effets de
l'application d'un texte légal. Mais l'inconvénient relevé ici est la
conséquence inéluctable du système voulu par le législateur (voir ATF 119 V
197 s. consid. 3b/bb, 115 V 374 in fine, 112 Ia 191 consid. 4).

2.4  La jurisprudence a déduit de ces principes que le juge, selon l'art. 73
al. 1 et 4 LPP, n'a en tout cas pas le pouvoir, dans le cadre d'un contrôle
accessoire des normes, d'examiner préjudiciellement si des irrégularités de
procédure ont été commises lors de l'adoption de dispositions réglementaires
ou statutaires, lorsque le vice n'apparaît pas à ce point grave qu'il
entraîne la nullité de la norme considérée. Dans cette affaire, il a été jugé
que la juridiction établie par l'art. 73 LPP n'était pas compétente pour se
prononcer sur une violation alléguée de l'obligation de consulter l'organe
paritaire, en vertu de l'art. 51 al. 5 LPP (ATF 119 V 195). Les griefs à
l'encontre d'un bon fonctionnement de la gestion paritaire selon l'art. 51
LPP - en particulier en ce qui concerne la désignation des représentants des
assurés - ne sont certainement pas de nature à entraîner la nullité des
dispositions prises par l'institution de prévoyance. Le cas échéant, c'est à
l'autorité de surveillance - d'office ou sur requête d'un intéressé - de
prendre des mesures appropriées et le juge peut, le cas échéant, être saisi
en application de l'art. 74 LPP.

2.5  On relèvera au passage que les différends en rapport avec la mise en
oeuvre de la gestion paritaire ne concernent en principe pas l'employeur,
mais l'institution de prévoyance intéressée, à qui il incombe de garantir le
bon fonctionnement de cette gestion (art. 51 al. 2 LPP) et, en particulier,
de veiller à ce que la représentation des salariés soit équitable (art. 51
al. 2 let. b LPP; voir également, pour ces questions, Hans Michael Riemer,
loc. cit., p. 148 ss; Cyrill Schubiger, Prévoyance professionnelle - Gestion
paritaire de l'institution de prévoyance, in : Prévoyance professionnelle
suisse 7/98, p. 493 ss; Erika Schnyder, Problèmes liés à la surveillance des
institutions de prévoyance, Aspects de la sécurité sociale 2/2003, p. 13 ss).
Le défaut de qualité pour défendre est toutefois une condition de fond du
droit exercé, qui entraîne le rejet de l'action et non son irrecevabilité
(Fabienne Hohl, Procédure civile, tome l, Berne 2001, n. 447, p. 100). A lui
seul - et contrairement à ce que soutient B.________ SA - le fait que
l'assuré a dirigé son action contre l'employeur et non contre l'institution
de prévoyance n'eût pas justifié un prononcé d'irrecevabilité des premiers
juges.

3.
Dans le cas présent, l'assuré s'en est pris au fait que la gestion paritaire
n'était pas garantie au motif que le représentant du personnel au sein de
l'institution de prévoyance n'avait pas été élu «par ses pairs». A aucun
moment, il n'a prétendu que le montant de sa prestation de sortie a été
calculé de manière contraire au règlement ou encore que l'institution de
prévoyance a violé des dispositions matérielles du règlement ou les principes
généraux dans la perception des cotisations. Il s'agit donc d'un litige qui
porte, principalement tout au moins, sur un contrôle abstrait de normes de
procédure et qui relève donc de l'autorité de surveillance et non du juge
désigné par l'art. 73 LPP. L'action était donc irrecevable de ce chef. Qu'une
décision favorable de l'autorité de surveillance puisse éventuellement avoir
ensuite des répercussions sur les droits de l'assuré n'y saurait rien
changer.

4.
En revanche, la conclusion n° 3 était recevable devant l'autorité cantonale.
L'intéressé, en effet, a été licencié par son employeur pour le 31 décembre
2002. Selon un jugement de la Chambre des Prud'hommes de l'arrondissement de
la Sarine du 4 juin 2003, son ex-employeur a été condamné à lui payer la
somme de 5'000 fr. brut au titre d'indemnités correspondant à 20 jours de
vacances. L'intéressé a demandé que le montant des contributions
correspondantes pour la prévoyance professionnelle fût versé par son
employeur à l'institution de prévoyance. Que ce soit à tort ou à raison, il
n'en reste pas moins que cette prétention relève spécifiquement de la
prévoyance professionnelle et ressortit donc à la juridiction désignée à
l'art. 73 LPP (supra consid. 1; Hans Michael Riemer, Das Recht der
beruflichen Vorsorge in der Schweiz, Berne 1985, p. 127; voir aussi ATF 129 V
320).

5.
En ce qui concerne d'autre part les conclusions prises par l'assuré en
procédure cantonale et portant sur le paiement de dommages et intérêts par
l'employeur, elles sont irrecevables devant le juge de l'art. 73 LPP (ATF 120
V 30 s. consid. 3; SVR 1994 BVG n° 2 p. 6 consid. 4c; RSAS 1993 p. 161
consid. 6; arrêt P. du 15 mars 2000 [B 36/99]).

6.
Vu ce qui précède, les premiers juges devaient entrer en matière sur la
conclusion n° 3, confirmée par l'intéressé dans sa réponse au recours. Dans
cette mesure, le recours est partiellement bien fondé. La cause doit être
renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle se prononce sur cette
conclusion.

Etant donné la nature du litige, la procédure n'est pas gratuite (art. 134 OJ
a contrario). Bien qu'il succombe pour l'essentiel, des frais ne peuvent être
mis à la charge de l'Office fédéral des assurances sociales (art. 156 al. 2
OJ). Il se justifie également, vu les circonstances, de renoncer à percevoir
une part des frais de justice à la charge de G.________, bien qu'il soit
impliqué comme intéressé dans la procédure.

Le recourant, vu l'issue du litige, versera une indemnité de dépens à
B.________ SA.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est partiellement admis et le jugement du Tribunal administratif
du canton de Fribourg du 24 mars 2004 est annulé dans la mesure où il porte
sur la conclusion n° 3 prise par G.________  en procédure cantonale.

2.
La cause est renvoyée au Tribunal administratif du canton de Fribourg pour
qu'il statue sur cette conclusion.

3.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

4.
L'Office recourant versera à B.________ SA une indemnité de dépens de 1'000
fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) pour la procédure fédérale.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à l'assuré et au Tribunal
administratif du canton de Fribourg, Cour des assurances sociales.

Lucerne, le 26 août 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la Ire Chambre:   Le Greffier: