Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen B 34/2004
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B 34/04

Arrêt du 8 novembre 2004
Ire Chambre

MM. et Mme les Juges Borella, Président, Leuzinger, Meyer, Lustenberger et
Kernen. Greffier : M. Wagner

H.________, recourant, représenté par Me Nicolas Voide, avocat, avenue de la
Gare 8, 1920 Martigny,

contre

Fondation institution supplétive LPP,
av. de Montchoisi 35, 1006 Lausanne, intimée

Tribunal cantonal des assurances, Sion

(Jugement du 5 mars 2004)

Faits:

A.
A.a Le 16 août 2000, F.________ a informé la Fondation Institution supplétive
LPP (la fondation) qu'il se trouvait, malgré le prélèvement sur son salaire
entre 1995 et 1998 de cotisations LPP, sans prestation de sortie après son
départ de H.________, en raison de l'absence d'affiliation à une institution
de prévoyance. Il a sollicité la fondation de suppléer à l'employeur
défaillant.
Le 7 février 2001, l'autorité de surveillance en matière de prévoyance
professionnelle du canton du Valais a annoncé H.________ à la fondation pour
affiliation d'office. L'instruction menée par la caisse de compensation
cantonale, suite au jugement rendu par le Tribunal cantonal des assurances du
canton du Valais dans l'affaire M.________ le 18 avril 2000, n'avait pas
permis de conclure à l'affiliation de cet employeur à une institution de
prévoyance.

A.b Le 11 avril 2001, H.________ a déposé une requête de sursis concordataire
auprès du Tribunal des districts de A.________ et B.________. Après que le
juge de district lui a accordé un sursis de quatre mois et désigné le
commissaire, le délai pour les productions a été fixé au 14 juin 2001.
Le 11 juillet 2001, la fondation a répondu à l'interpellation du commissaire
au sursis sur sa production et la classe de sa créance dans la procédure
concordataire : l'enquête n'était pas terminée et elle n'avait pu rendre une
décision d'affiliation; il n'existait dès lors aucun rapport juridique avec
H.________ et elle ne pouvait produire un quelconque montant.
Par décision du 25 septembre 2001, le juge de district a homologué le
concordat proposé par H.________. Selon cet acte, les créanciers de troisième
classe sont renvoyés à un dividende de 5 %, alors que les créances
privilégiées produites sont assurées par des liquidités et une obligation
hypothécaire.

A.c Après avoir interpellé H.________ à diverses reprises (lettres du 22
novembre 2001, 6 décembre 2001, 1er mars 2002), la fondation, dans une
décision du 22 novembre 2002, a fixé le montant de la prestation de sortie de
F.________ au 30 avril 1994, affilié d'office H.________ avec effet au 1er
avril 1993 et imparti à ce dernier un délai au 15 décembre 2002 pour verser
la somme de 186'584 fr.; le montant correspondait aux frais de la décision
fixés à 14'425 fr. et aux primes arriérées avec intérêts de retard des
personnes employées entre 1993 et 1999, soit 172'159 fr. Cette décision n'a
pas fait l'objet d'un recours.
A défaut de paiement, la fondation lui a fait notifier, par l'intermédiaire
de l'Office des poursuites de A.________, le commandement de payer la somme
de 186'874 fr. 25 plus intérêts à 5 % dès le 1er janvier 2003 et 150 fr. de
frais de contentieux. H.________ a fait opposition à cet acte de poursuite.

B.
Le 14 octobre 2003, la fondation a ouvert action contre H.________ devant le
Tribunal cantonal des assurances du canton du Valais.
Par jugement du 5 mars 2004, le tribunal cantonal a admis la demande formée
par la fondation. Il a condamné H.________ à payer à celle-ci la somme de
186'874 fr. 25 plus intérêts à 5 % dès le 1er janvier 2003, plus 150 fr. de
frais de contentieux, et levé définitivement l'opposition à la poursuite de
l'OP A.________ à concurrence de ces montants.

C.
H.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement et
conclut, sous suite de frais et dépens, à son annulation.
La fondation conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales renonce à se déterminer.

Considérant en droit:

1.
La contestation porte sur la prétention de la fondation au paiement par
H.________ des cotisations LPP des personnes qu'il a employées entre 1993 et
1999, ainsi que des frais de son affiliation d'office.
La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi ou le refus de
prestations d'assurance, le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à
examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits
pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou
incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de
procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2
OJ).

2.
Selon l'art. 306 al. 2 ch. 2 LP, l'homologation du concordat est soumise à la
condition que le paiement intégral des créanciers privilégiés reconnus, sauf
renonciation expresse de leur part, fasse l'objet d'une garantie suffisante.
Les institutions de prévoyance professionnelle disposent de ce privilège pour
leurs créances à l'égard des employeurs affiliés (art. 219 al. 4 LP, Première
classe let. b). Le concordat homologué a force obligatoire pour tous les
créanciers dont les créances sont nées avant la publication du sursis ou,
sans l'approbation du commissaire, jusqu'à l'homologation définitive du
concordat. Sont exceptés les créanciers gagistes jusqu'à concurrence du
montant couvert par leur gage (art. 310 al. 1 LP).
Le concordat homologué a force obligatoire pour tous les créanciers
concordataires, qu'ils y aient adhéré, voire même qu'ils aient participé à la
procédure concordataire ou pas; ainsi, le concordat homologué est opposable
aux créanciers dont la production a été tardive, ou qui n'ont pas produit du
tout leur créance dans la procédure (Amonn/Walther, Grundriss des
Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 7e éd., Berne 2003, § 55 II ch. 1 p.
462 n. 4 ). La force obligatoire ne s'étend toutefois pas aux créanciers qui
ne sont d'entrée de cause pas soumis au concordat et qui ne sont pas
considérés comme des créanciers concordataires. Ainsi, le créancier gagiste,
à concurrence de la prétention couverte par le gage, et le créancier
privilégié qui a produit sa prétention et n'a pas renoncé à son droit de
garantie; en revanche, le concordat homologué est opposable aux créances
privilégiées qui n'ont pas été produites (ATF 129 V 389 consid. 4.2;
Amonn/Walther, op. cit., § 55 II ch. 1 p. 463 n. 6 et 9).

3.
Selon la juridiction cantonale, la fondation a respecté la procédure
d'affiliation d'office. Dès lors, la créance au titre des cotisations des
années 1993 à 1999 est née au plus tard le 22 novembre 2002, date de la
décision d'affiliation, ou au plus tôt après le 1er mars 2002, date à
laquelle elle a requis les derniers éléments nécessaires au calcul des
cotisations. La créance est ainsi postérieure au 25 septembre 2001, le
concordat homologué à cette date ne lui est pas opposable et H.________ doit
s'acquitter des cotisations arriérées.
De l'avis du recourant, les rapports juridiques entre la fondation et
H.________ sont nés lors de la requête de F.________ à la fondation (16 août
2000) ou lors de l'annonce du cas M.________ par l'autorité de surveillance
(7 février 2001). Dès lors, pour préserver ses droits, la fondation devait
produire sa créance dans la procédure concordataire; à défaut d'être
intervenue, le concordat lui était opposable et la décision d'affiliation du
22 novembre 2002 était nulle.

4.
4.1 Sous le titre «affiliation à une institution de prévoyance», l'art. 11 LPP
prévoit que tout employeur occupant des salariés soumis à l'assurance
obligatoire doit être affilié à une institution de prévoyance inscrite dans
le registre de la prévoyance professionnelle (al. 1). Si l'employeur n'est
pas encore affilié à une institution de prévoyance, il en choisira une après
entente avec son personnel; faute d'entente, l'institution de prévoyance sera
choisie par un arbitre neutre désigné soit d'un commun accord, soit, à
défaut, par l'autorité de surveillance (al. 2). L'affiliation a lieu avec
effet rétroactif (al. 3). Si l'employeur ne se conforme pas à son obligation,
l'autorité cantonale de surveillance le somme de s'affilier dans les six mois
à une institution de prévoyance; à l'expiration de ce délai, l'employeur qui
n'a pas obtempéré à cette injonction est annoncé à l'institution supplétive
(art. 60 LPP), pour affiliation (al. 5).

4.2 De son côté, l'art. 12 LPP, intitulé «situation avant l'affiliation»,
prévoit que les salariés et leurs survivants ont droit aux prestations
légales même si l'employeur ne s'est pas encore affilié à une institution de
prévoyance. Ces prestations sont servies par l'institution supplétive (al.
1). Dans ce cas, l'employeur doit à l'institution supplétive non seulement
les cotisations arriérées, en principal et intérêts, mais encore une
contribution supplémentaire à titre de réparation du dommage (al. 2).
Dans ce cadre, l'ordonnance sur les droits de l'institution supplétive en
matière de prévoyance professionnelle du 28 août 1985 (OCF; RS 831.434) règle
les droits de l'institution supplétive envers l'employeur (art. premier let.
a OCF). Si un salarié a droit légalement à une prestation d'assurance ou de
libre passage à un moment où son employeur n'est encore affilié à aucune
institution de prévoyance, cet employeur se trouve affilié de par la loi à
l'institution supplétive pour l'ensemble des salariés assujettis au régime
obligatoire (art. 2 al. 1 OCF). Si l'employeur établit qu'une autre
institution de prévoyance reprend aussi les obligations que l'institution
supplétive assumait jusqu'alors, l'affiliation de l'employeur à l'institution
supplétive est annulée dès le moment où ces obligations sont reprises par
l'autre institution de prévoyance (art. 2 al. 2 OCF). L'employeur doit verser
à l'institution supplétive les cotisations dues pour l'ensemble des salariés
soumis à la loi, avec effet dès le moment où il aurait dû être affilié à une
institution de prévoyance (art. 3 al. 1 OCF). Le taux de l'intérêt moratoire
correspond à celui qu'applique habituellement l'institution supplétive en cas
de retard dans le paiement des cotisations (art. 3 al. 2 OCF) L'employeur
doit dédommager l'institution supplétive de tous les frais résultant de son
affiliation (art. 3 al. 4 OCF).

4.3 Par rapport à l'art. 11 LPP, l'art. 12 LPP règle une situation spéciale
qui se présente lorsqu'un cas d'assurance (décès ou invalidité du salarié) ou
la cessation des rapports de travail se produisent avant que l'employeur se
soit affilié à une institution de prévoyance. Dans cette éventualité, le
salarié a droit aux prestations légales minimales et c'est l'institution
supplétive qui intervient en lieu et place de l'institution de prévoyance non
encore choisie par l'employeur et les salariés selon l'art. 11 al. 1 et 2 LPP
(message du Conseil fédéral à l'appui d'un projet de loi sur la prévoyance
professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, du 19 décembre 1975, FF
1976 I 194; ATF 129 V 237 consid. 5.1).
Dans la première hypothèse (art. 11 LPP), l'affiliation à la fondation qui
intervient selon l'art. 60 al. 2 let. a LPP en tant qu'autorité chargée d'une
tâche de droit public au sens de l'art. 1 al. 2 let. e PA, auquel renvoie
l'art 54 al. 4 LPP (ATF 115 V 380 consid. 4b), procède d'une décision
formatrice, dans la mesure où celle-ci crée des obligations nouvelles à
charge de l'employeur. Dans la seconde (art. 12 LPP auquel renvoie l'art. 60
al. 2 let. d LPP), l'affiliation à la fondation résulte de la loi même et une
décision sur ce point ne peut avoir qu'une nature de constatation (Thomas
Lüthy, Das Rechtsverhältnis zwischen Arbeitgeber und
Personalvorsorgestiftung, thèse Zurich 1989, p. 111; Stefano Beros, Die
Stellung des Arbeitnehmers im BVG [Obligatorium und freiwillige berufliche
Vorsorge], thèse Zurich 1992, p. 75)
4.4 En l'espèce, F.________ pouvait prétendre une prestation de sortie au
titre des rémunérations versées par le recourant entre 1995 et le 15 avril
1998. Au moment où il est intervenu auprès de la fondation, il appartenait à
celle-ci de servir cette prestation, car H.________ n'était plus affilié à
une institution de prévoyance depuis le 1er janvier 1993. Dès le 16 août
2000, H.________ s'est ainsi trouvé affilié à la fondation pour l'ensemble
des salariés assujettis au régime obligatoire (art. 2 al. 1 OCF) et il devait
verser à la fondation les cotisations dues pour l'ensemble des salariés
soumis à la loi avec effet au 1er janvier 1993 (art. 3 al. 1 OCF), faute de
la reprise des obligations de la fondation par une autre institution (art. 2
al. 2 OCF).
Conformément aux règlements des contributions des années 1993 à 1998, les
primes dues à la fondation sont fixées en pourcentage du salaire coordonné
annuel des employés, selon le sexe et l'âge. Dès lors, la prétention de la
fondation envers H.________ était déterminable et la créance au titre des
primes arriérées des années 1993 à 1999 est née bien avant l'octroi du sursis
concordataire. Il appartenait à l'intimée de produire sa créance dans la
procédure pour préserver ses droits, au besoin en requérant le concours du
commissaire au sursis (art. 300 et 301 LP). Le concordat est opposable à la
fondation.

4.5 La créance de 186'874 fr. 25, dont l'intimée a requis le paiement dans la
poursuite n° 215978, correspond au montant des cotisations et des intérêts,
par 172'159 fr., et aux frais de la décision d'affiliation, par 14'425 fr.
Comme tout créancier à qui le concordat homologué est opposable
(Amonn/Walther, op. cit., § 55 II ch. 1 p. 463 n. 6), l'intimée peut
prétendre pour sa  créance de primes et d'intérêts à un dividende de 5 % ,
soit 8'608 fr. en l'espèce.

La créance de 14'425 fr. découle de la décision d'affiliation du 22 novembre
2002. Ce titre juridique, entré en force de chose décidée, est postérieur à
la procédure concordataire et H.________ ne peut en opposer le résultat à la
fondation. La nature exacte de cette décision peut rester indécise, car il ne
s'agit en aucun cas d'une décision dont la nullité devrait être constatée
d'office, même si elle ne devait pas avoir le caractère d'une décision en
constatation.

4.6 En définitive, la créance de la fondation s'élève à 23'033 fr. plus
intérêts à 5 % dès le 1er janvier 2003. Dans cette mesure, le recours s'avère
bien fondé.

5.
Les frais de la cause (art. 134 OJ a contrario) sont mis proportionnellement
à la charge des parties dans la mesure où aucune des deux n'obtient
exclusivement gain de cause (art. 156 al. 3 en corrélation avec l'art. 135
OJ).
Dans cette mesure également, le recourant a droit à des dépens réduits pour
l'instance fédérale (art. 159 al. 3 en liaison avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est partiellement admis et le jugement du Tribunal cantonal des
assurances du canton du Valais, du 5 mars 2004, est réformé en ce sens que le
recourant est débiteur de l'intimée à raison de 23'033 fr. avec intérêts à 5
% l'an dès le 1er janvier 2003, ainsi que 150 fr. à titre de frais de
contentieux.

2.
L'opposition formée par le recourant au commandement de payer de l'Office des
poursuites de Martigny est levée à due concurrence.

3.
Les frais de justice, d'un montant de 6'000 fr., seront supportés pour un
sixième par le recourant et pour cinq sixièmes par l'intimée. Ceux qui sont à
la charge du recourant sont couverts par l'avance de frais de 6'000 fr. qu'il
a versée; la différence, d'un montant de 5'000 fr., lui est restituée.

4.
L'intimée versera au recourant la somme de 2'500 fr., à titre de dépens (y
compris la valeur ajoutée) pour l'ensemble de la procédure.

5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des
assurances et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 8 novembre 2004
Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la Ire Chambre:   Le Greffier: