Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen B 25/2004
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B 25/04

Arrêt du 26 janvier 2006
IVe Chambre

MM. les Juges Ursprung, Président, Schön et Frésard. Greffière : Mme von
Zwehl

M.________, recourant, représenté par Me Philippe Nordmann, avocat, place
Pépinet 4, 1003 Lausanne,

contre

Fonds d'assurance-retraite des Garages vaudois, avenue Agassiz 2, 1001
Lausanne, intimé

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 19 janvier 2004)

Faits:

A.
Après avoir travaillé de nombreuses années comme peintre au service de
l'entreprise X.________ SA, M.________, né en 1963, a dû abandonner cette
activité pour des motifs de santé (problèmes de dos et de genoux). Il a été
mis au bénéfice d'une mesure de réadaptation professionnelle de
l'assurance-invalidité sous la forme d'un reclassement comme employé de
commerce du 1er janvier 1990 au 3 juillet 1992. Le 1er mars 1993, M.________
a retrouvé un emploi à 100 % en qualité de vendeur d'automobiles au Centre
Y.________ SA. A ce titre, il était assuré pour la prévoyance professionnelle
auprès du Fonds d'assurance-retraite des garages vaudois (ci-après : le
fonds). A partir du mois de décembre 1993, il s'est à nouveau trouvé
incapable de travailler. Son employeur lui a versé un salaire jusqu'au 28
février 1994, date à laquelle il a été licencié. Par décisions des 17 août et
6 septembre 1995, l'Office AI pour le canton de Vaud lui a alloué une rente,
fondée sur un degré d'invalidité de 100 %, dès le 1er décembre 1993, ainsi
que les rentes complémentaires pour sa famille.

Le 21 avril 1997, M.________ s'est adressé au fonds pour s'informer sur son
droit éventuel à une rente d'invalidité du 2ème pilier. Il s'est également
tourné vers la Caisse de retraite professionnelle de l'industrie vaudoise de
la construction (ci-après : la caisse), auprès de laquelle il avait été
affilié en prévoyance professionnelle lorsqu'il travaillait pour le compte de
l'entreprise X.________ SA. Aussi bien le fonds que la caisse ont nié leur
obligation de prester.

B.
Les 22 mars et 17 octobre 2000, M.________ a ouvert action devant le Tribunal
des assurances du canton de Vaud respectivement contre le fonds et contre la
caisse. La juridiction cantonale a procédé à la jonction des causes.

Par jugement du 19 janvier 2004, les premiers juges ont rejeté la demande
dirigée contre la caisse, et admis partiellement celle contre le fonds en ce
sens qu'ils ont reconnu le droit de M.________ à une rente d'invalidité
mensuelle de 475 fr. du 1er mars au 30 septembre 1994 et de 155 fr. dès le
1er octobre 1994, à une rente d'enfant pour sa fille de 95 fr. du 1er mars au
30 septembre 1994 et de 31 fr. dès le 1er octobre 1994, et enfin une seconde
rente d'enfant pour son fils de 31 fr. dès le 1er octobre 1994.

C.
M.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
il requiert l'annulation. Sous suite de dépens, il conclut, principalement, à
ce que la limite de surindemnisation pour le versement des rentes
d'invalidité auxquelles il a droit soit fixée en 1994 à 51'675 fr. (90 % de
57'417 fr.), montant devant s'élever progressivement à 57'067 fr. (90 % de
63'408 fr.) en 2002, ainsi qu'au paiement d'un intérêt sur les prestations
arriérées dès et y compris le 20 mars 2000; subsidiairement, au renvoi de la
cause pour nouveau jugement au sens des considérants.

Le fonds a renoncé à se déterminer, tandis que l'Office fédéral des
assurances sociales a proposé l'admission partielle du recours.

Considérant en droit:

1.
Le jugement entrepris expose correctement les dispositions légales et
réglementaires, ainsi que les principes jurisprudentiels applicables en
matière de prestations d'invalidité et de coordination en vertu de la
prévoyance professionnelle, de sorte qu'on peut y renvoyer.

2.
Le tribunal cantonal a considéré, en premier lieu, que le cas d'assurance
relevait non pas de la responsabilité de la caisse mais du fonds, si bien que
celui-ci était en principe tenu de verser des rentes d'invalidité de la
prévoyance professionnelle à M.________ dès le 1er décembre 1993. Dans le
cadre du calcul de ces rentes, il a constaté, en second lieu, que le montant
total des prestations AI allouées au prénommé était supérieur à la limite de
surindemnisation fixée par le règlement de prévoyance du fonds (dernier
salaire cotisant; art. 19), de sorte que seul entrait en considération le
droit de l'intéressé à des prestations de la prévoyance obligatoire (art. 25
dudit règlement). Le tribunal cantonal a ensuite fixé le montant annuel des
rentes d'invalidité sous le régime de la LPP respectivement à 5'704 fr. pour
M.________ et à 1'141 fr. pour ses enfants, et arrêté la limite de
surindemnisation à 47'700 fr. (90 % de 53'000 fr., montant correspondant au
gain annuel présumé perdu pour l'année 1994). Enfin, pour cause de
surassurance résultant des prestations de l'assurance-invalidité, les juges
cantonaux ont jugé que les rentes d'invalidité du fonds devaient être
réduites en conséquence dès le 1er octobre 1994.

3.
Le recourant, pour sa part, ne conteste ni le principe de la responsabilité
du fonds, ni le fait qu'il ne peut prétendre de prestations réglementaires.
Il ne discute pas non plus la quotité maximale des rentes d'invalidité non
réduites auxquels il aurait droit en vertu de la LPP. Il soutient en revanche
que le seuil de surindemnisation retenu par les premiers juges est erroné. En
particulier, le montant de son gain annuel présumé perdu ne comprendrait pas
sa part au 13ème salaire. Par ailleurs, il estime que les prestations du
fonds doivent être adaptées en 2000 ou en 2002. En effet, selon les données
de l'Office fédéral de la statistique, il aurait pu obtenir, vu sa formation,
un revenu annuel de 60'744 fr. en 2000 et de 63'408 fr. en 2002 s'il n'était
pas devenu invalide. Finalement, il demande à ce que le fonds lui alloue des
intérêts moratoires dès le dépôt de l'action à son encontre.

4.
4.1 Il n'est pas nécessaire d'examiner plus avant les points non contestés par
le recourant. A cet égard, le jugement entrepris n'est pas critiquable.

4.2 En ce qui concerne le «gain annuel dont on peut présumer que l'intéressé
est privé» servant à déterminer la limite de surindemnisation selon l'art. 24
al. 1 OPP 2, il apparaît fondé -  comme l'a d'ailleurs admis l'intimé - de se
baser sur le dernier salaire que M.________ a obtenu dans son activité de
peintre en 1989. Se référant au questionnaire pour l'employeur (du 28 août
1989) versé au dossier AI, les premiers juges ont retenu à ce titre un
salaire horaire de 19 fr. 80. Il en résultait un gain annuel de 53'000 fr.
après indexation à l'évolution des salaires jusqu'en 1994, moment déterminant
pour le calcul de la surindemnisation. Ce résultat ne concorde toutefois pas
avec les données telles qu'elles ressortent des attestations de salaires pour
l'AVS de la Caisse de compensation des entrepreneurs que le recourant a
produites en cours de procédure cantonale. D'après l'attestation relative à
l'année 1989, celui-ci a perçu un salaire annuel (gratifications et 13ème
salaire y compris) de 44'427 fr. 60. Or, le calcul de l'indexation conduit à
un revenu annuel non pas de 53'000 fr. mais de 55'075 fr. (44'427.60 x 1769
[indice nominal des salaires hommes pour 1994] : 1427 [indice nominal des
salaires hommes pour 1989]; Annuaire statistique de la Suisse, 1994 et 1996,
respectivement T3.11b, p. 109, et T3.16a, p. 113). Dès lors que dans le
questionnaire du 28 août 1989, l'employeur n'a fourni aucune information
détaillée sur ce qui est inclus dans le salaire horaire et que les données
enregistrées par la Caisse de compensation des entrepreneurs sont plus
précises, on retiendra ce montant comme gain annuel déterminant en vertu de
l'art. 24 al. 1 OPP 2 pour l'année 1994. La limite de surindemnisation
s'élève donc à 49'568 fr. (90 % de 55'075 fr.); le jugement entrepris doit
être réformé en ce sens.

4.3 Selon la jurisprudence, dans la mesure où les bases de calcul de la
surindemnisation, dont fait partie le revenu hypothétique réalisable sans
invalidité, se modifient de manière importante après la fixation de la rente,
l'institution de prévoyance est tenue d'opérer un nouveau calcul (ATF 125 V
164 consid. 3b); il y a modification importante s'il en résulte une
adaptation des prestations de 10 % au moins (ATF 123 V 201 consid. 5d, 211
consid. 6c/bb).

Dans le cadre d'un litige en matière de prévoyance professionnelle, l'état de
fait déterminant soumis à l'examen du Tribunal fédéral des assurances étant
par ailleurs celui qui s'est produit jusqu'à la date du jugement cantonal
(ATF 130 V 79; RSAS 1999 p. 149), il convient donc d'examiner s'il y a
matière à adapter les prestations du recourant jusqu'au 19 janvier 2004. En
l'occurrence, une telle modification s'impose au moment où M.________ aurait
gagné un salaire annuel de 60'582 fr. (55'075 fr. x 110 %). Pour répondre à
cette question, on peut se baser sur l'indice nominal des salaires.
Contrairement à ce que voudrait le recourant, il n'y a pas lieu, dans ce
contexte, de faire référence aux salaires statistiques résultant de l'Enquête
suisse sur la structure des salaires. On rappellera qu'il existe une étroite
relation entre le gain annuel présumé perdu (art. 24 OPP 2) et le revenu sans
invalidité déterminant pour l'évaluation de l'invalidité (art. 28 al. 2 aLAI;
art. 16 LPGA), lequel se déduit en principe du salaire réalisé en dernier
lieu par l'assuré avant l'atteinte à la santé, en tenant compte de
l'évolution des salaires (voir arrêt S. du 22 mars 2004, consid. 4.2 et les
références, [B 98/03, résumé dans REAS 2004 p. 239]; cf. Ueli Kieser, ATSG
Kommentar, note 12 ad art. 69). Ce n'est qu'en présence de circonstances
particulières, non réalisées dans le cas d'espèce, qu'il peut se justifier
qu'on s'en écarte et qu'on recoure aux données statistiques (voir arrêt T. du
17 octobre 2003, consid. 5.2.2, [B 80/01, résumé dans REAS 2004 p. 239]).
Après indexation du revenu annuel de 1994, on constate que le recourant
aurait pu réaliser un gain supérieur à 60'582 fr. dès le 1er janvier 2003
seulement. A partir de cette date, en effet, son salaire aurait atteint
60'875 fr. (55'075 x 112,3 [indice nominal des salaires dans la construction
pour 2003] : 101,6 [indice nominal des salaires dans la construction pour
1994]; Annuaire statistique de la Suisse, 1997 et 2005, respectivement
T3.11b, p. 118, et T3.4.3.1, p. 216) contre 60'278 fr. en 2002 (55'075 x
111,2 [indice nominal des salaires dans la construction pour 2002] : 101,6
[indice nominal des salaires dans la construction pour 1994]). La limite de
surindemnisation se porte alors à 54'787 fr. (90 % de 60'875 fr.) à partir de
janvier 2003.

4.4 Enfin, conformément à la jurisprudence, on admettra que le fonds est tenu
de verser un intérêt moratoire à partir du 22 mars 2000, date de la demande
en justice, sur les prestations qui sont dues au recourant; le taux de
l'intérêt est fixé à 5 % en l'absence de dispositions statutaires du fonds
sur ce point (cf. ATF 119 V 131; RSAS 1997 p. 470 consid. 4).

5.
Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). D'autre
part, le recourant, qui obtient partiellement gain de cause, a droit à une
indemnité de dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est partiellement admis et le jugement du 19 janvier 2004 du
Tribunal des assurances est réformé en ce sens que :

a) La limite de surindemnisation est fixée respectivement à 49'568 fr. dès le
1er octobre 1994, et à 54'787 fr. dès le 1er janvier 2003.

b) Les prestations dues au recourant portent intérêts à 5 % l'an dès le 22
mars 2000.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
Le Fonds d'assurance-retraite des garages vaudois versera à M.________ la
somme de 2'000 fr. (taxe à la valeur ajoutée comprise) à titre de dépens pour
l'instance fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 26 janvier 2006

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

Le Président de la IVe Chambre: La Greffière: