Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Sozialrechtliche Abteilungen B 131/2004
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B 131/04

Arrêt du 23 février 2006
Ire Chambre

Mme et MM. les Juges Leuzinger, Présidente, Ferrari, Ursprung, Meyer et
Borella. Greffier : M. Piguet

A.________, recourant, représenté par Me Franck-Olivier Karlen, avocat, rue
Louis-de-Savoie 53, 1110 Morges 1,

contre

Fédération vaudoise des entrepreneurs, FMVB section de Tolochenaz, Riond
Bosson, 1131 Tolochenaz, intimée,

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

(Jugement du 27 octobre 2004)

Faits:

A.
Par jugement du 25 juillet 2001, le Tribunal civil de l'arrondissement de
X.________ a prononcé le divorce des époux A.________ et B.________, mariés
depuis le 14 septembre 1979. Sous chiffre IX du dispositif, il a décidé le
partage par moitié de la prestation de sortie acquise par A.________ durant
le mariage. Une fois le jugement entré en force, le 27 août 2001, le dossier
a été transmis au Tribunal des assurances du canton de Vaud comme objet de sa
compétence.

B.
D'après les renseignements fournis par les institutions de prévoyance
concernées, la prestation de sortie acquise par A.________ durant le mariage
auprès de la Fondation de la métallurgie vaudoise du bâtiment, section de
Tolochenaz (ci-après: la FMVB), s'élevait à 134'481 fr. 10 en date de
l'entrée en force du jugement de divorce.

Par jugement du 27 octobre 2004, le Tribunal des assurances du canton de Vaud
a ordonné à la FMVB de débiter le compte de libre passage de A.________ de la
somme de 67'240 fr. 55, avec intérêt compensatoire à 4 % dès le 27 août 2001,
3,25 % dès le 1er janvier 2003 et 2,25 % dès le 1er janvier 2004 jusqu'au
jour du transfert ou de la demeure et de verser ce montant sur le compte de
prévoyance de B.________ auprès de la Banque Z.________. Il a par ailleurs
fixé à 2,5 % le taux de l'intérêt moratoire dû à partir du 31ème jour suivant
l'entrée en force de son jugement.

C.
A.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont
il demande l'annulation. Sous suite de frais et dépens, il conclut, à titre
principal, au versement d'un montant maximum de 20'000 fr. sur le compte de
prévoyance de B.________; subsidiairement, il requiert le renvoi de la cause
à la juridiction cantonale pour instruction complémentaire et nouveau
jugement.

Sous suite de frais et dépens, B.________ conclut au rejet du recours; elle
requiert en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire. La FMVB n'a pas
déposé de conclusions, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a
préavisé le rejet du recours.

Considérant en droit:

1.
Le litige porte sur le montant de la prestation de sortie que l'institution
de prévoyance doit verser sur le compte de prévoyance de l'intimée.

Conformément au dispositif du jugement de divorce, lequel ordonnait le
partage par moitié de la prestation de sortie de l'époux, les premiers juges
ont calculé le montant précis à transférer, après avoir recueilli les
renseignements nécessaires auprès des institutions de prévoyance concernées.
Le recourant, qui ne conteste, à juste titre, pas le montant de sa prestation
de sortie en date de l'entrée en force du jugement de divorce, soutient que
le partage n'aurait pas dû être opéré par moitié et invoque la compensation
avec des créances qu'il aurait à l'encontre de son ex-épouse.

2.
2.1 Aux termes de l'art. 22 al. 1 première phrase LFLP, les prestations de
sortie acquises durant le mariage sont partagées, en cas de divorce,
conformément aux art. 122, 123, 141 et 142 du code civil. Selon la première
de ces dispositions légales, lorsque l'un des époux au moins est affilié à
une institution de prévoyance et qu'aucun cas de prévoyance n'est survenu,
chaque époux a droit à la moitié de la prestation de sortie de son conjoint
calculée pour la durée du mariage (art. 122 al. 1 CC). A certaines
conditions, le juge peut refuser le partage ou l'un des époux y renoncer,
totalement ou partiellement (art. 123 CC).

En revanche, lorsqu'un cas de prévoyance est survenu pour l'un des époux (âge
de la retraite ou invalidité), un partage n'est techniquement plus possible,
dès lors que cette circonstance a pour effet de supprimer toute prétention à
une prestation de sortie. Dans ce cas, comme dans celui de l'impossibilité de
procéder au partage, une indemnité équitable sera due (art. 124 CC; ATF 129 V
446 consid. 5.1 et les références).

2.2 Au jour du prononcé du divorce, un cas de prévoyance était déjà survenu
pour B.________, dès lors qu'elle avait été reconnue invalide à 100 %; à
cette occasion, elle avait perçu son avoir de prévoyance acquis durant le
mariage sous la forme d'une prestation en capital. En prescrivant que la
moitié de la prestation de sortie de l'ex-époux acquise pendant le mariage
devait être transférée sur le compte de prévoyance de l'intimée, le juge du
divorce a ainsi fixé, au chiffre IX du dispositif de son jugement, une
indemnité équitable au sens de l'art. 124 CC. C'est dans ce sens que les
premiers juges ont, à juste titre, compris le jugement du Tribunal
d'arrondissement de X.________ et qu'ils ont procédé au partage requis (voir
sur ce point arrêt O. du 28 juin 2005, B 19/05, consid. 5.2).

3.
3.1 Pour faciliter le paiement de l'indemnité équitable due à l'un des
conjoints en vertu de l'art. 124 CC, le jugement de divorce peut prescrire
qu'une partie de la prestation de sortie de l'époux débiteur sera imputée sur
ladite indemnité (art. 22b al. 1 LFLP). Ce sera le cas lorsque, en raison de
la situation financière serrée de l'époux débiteur, l'attribution d'une rente
ou d'un capital n'entre pas en considération. Cette possibilité suppose
toutefois qu'aucun cas de prévoyance n'est encore survenu pour l'époux
débiteur (ATF 129 III 488 consid. 3.5.1 et 3.5.2). Dès lors que le montant de
l'indemnité équitable doit être fixé en considération de l'art. 122 CC, le
législateur n'a pas jugé nécessaire de préciser dans la loi quelles sont les
limites admises à la cession (Message du Conseil fédéral concernant la
révision du code civil suisse, FF 1996 I p. 112).

3.2 En cas de désaccord des conjoints, le juge du divorce fixe les
proportions dans lesquelles les prestations de sortie doivent être partagées
(art. 142 al. 1 CC). Puis, le juge du lieu de divorce compétent au sens de
l'art. 73 al. 1 LPP (c'est-à-dire le juge des assurances) doit, après que
l'affaire lui a été transmise (art. 142 al. 2 CC), exécuter d'office le
partage sur la base de la clé de répartition déterminée par le juge du
divorce (art. 25a al. 1 LFLP). En d'autres mots, le juge du divorce n'est
habilité à décider que du rapport de partage abstrait, soit à fixer de
manière obligatoire (en pour-cent) la clé de répartition entre les parties à
la procédure de divorce. Sur la base de cette clé de répartition à laquelle
il est lié, le juge des assurances doit uniquement établir de manière précise
les prétentions dont peut se prévaloir chaque époux à l'égard des
institutions de prévoyance professionnelle et le montant de celles-ci (voir
ATF 128 V 46 consid. 2c).

3.3 Lorsqu'un cas de prévoyance est déjà survenu pour l'un des époux et que
ceux-ci ne parviennent pas à se mettre d'accord sur la nature et le montant
précis de l'indemnité équitable due en vertu de l'art. 124 CC, il appartient
au juge du divorce d'en déterminer les modalités d'exécution. Ainsi, si le
jugement de divorce prévoit la cession d'une partie de la prestation de
sortie au sens de l'art. 22b al. 1 LFLP, le juge du divorce n'a pas le
pouvoir de déterminer quel montant exact doit être transféré sur le compte de
prévoyance de l'époux bénéficiaire, dès lors que le jugement de divorce ne
peut définir de manière obligatoire la situation juridique entre les
conjoints et l'institution de prévoyance. L'affaire doit être transmise au
juge des assurances compétent à qui il incombera d'exécuter le partage
suivant les proportions fixées et de déterminer le montant précis revenant à
l'époux bénéficiaire (Baumann/Lauterburg, in: Schwenzer [éd.], Scheidung,
Berne 2005, n. 1 ad art. 142 CC).

3.4 En l'espèce, par jugement du 25 juillet 2001, entré en force et
exécutoire, le juge du divorce a prescrit le transfert à B.________ de la
moitié de la prestation de sortie acquise durant le mariage par son ex-époux.
Compte tenu de ce qui précède et quoiqu'en dise le recourant, le principe de
la répartition par moitié de l'avoir de prévoyance ne saurait être remis en
cause devant le juge cantonal des assurances ou, sur recours, devant le
Tribunal fédéral des assurances, faute de compétence sur ce point. Seule la
révision du jugement de divorce, aux conditions de droit prescrites, pourrait
entraîner une modification de cette répartition. Cette procédure est
cependant du ressort exclusif de la juridiction civile.

4.
Reste à examiner si le recourant est en droit d'opposer la compensation de la
moitié de sa prestation de sortie avec des créances qu'il prétend détenir
contre son ex-épouse, moyen qu'il invoque pour la première fois en instance
fédérale.

4.1 Selon la doctrine et la jurisprudence, la compensation de créances
réciproques constitue un principe juridique général, ancré en droit privé aux
art. 120 ss CO, qui trouve application en droit administratif. En droit des
assurances sociales plus particulièrement, le principe est reconnu, même dans
les branches de ce droit qui ne le prévoient pas expressément; au demeurant,
la plupart des lois d'assurances sociales connaissent une réglementation
spécifique (ATF 128 V 228 consid. 3b et les références; Blaise Knapp, Précis
de droit administratif, Bâle 1991, n° 738, p. 162).
Dans le domaine de la prévoyance professionnelle, la question particulière de
la compensation de créances est réglée dans la loi de manière restrictive.
Selon l'art. 39 al. 2 LPP, le droit aux prestations ne peut être compensé
avec des créances cédées par l'employeur à l'institution de prévoyance que si
ces créances ont pour objet des cotisations non déduites du salaire. Cette
interdiction quasi générale de compenser ne vaut pas lorsque les prétentions
en matière de prévoyance professionnelle sont échues, pour autant qu'il n'en
résulte pas une atteinte au minimum vital de l'intéressé (cf. Hans-Ulrich
Stauffer, Berufliche Vorsorge, Zurich 2005, n° 923 et 924, p. 344). Dans les
cas où la compensation est admise, les dispositions du code des obligations
qui en fixent les conditions sont applicables par analogie (art. 120 ss CO;
VSI 1994 p. 217 consid. 3).

4.2 Le Tribunal fédéral des assurances a déjà eu l'occasion de se prononcer
sur le problème de la compensation des prestations de sortie découlant de
l'art. 122 CC avec des créances appartenant à l'un des conjoints en vertu du
jugement de divorce. Dans un arrêt K. du 14 mai 2002 (B 18/01, publié in
FamPra.ch 2002 p. 568), il a exposé que selon l'art. 22 al. 1 LFLP, les art.
3 à 5 de la loi sont applicables par analogie au transfert des prestations de
sortie acquises durant le mariage. Celles-ci doivent être soit transférées à
l'institution de prévoyance de l'époux bénéficiaire (art. 3), soit maintenues
dans la prévoyance sous une autre forme (art. 4), dans la mesure où les
conditions du paiement en espèce ne sont pas données (art. 5). Le capital de
prévoyance et le droit aux prestations non exigibles ne sauraient être ni
cédés ni mis en gage (art. 17 OLP). Les dispositions précitées expriment le
principe fondamental du maintien de la prévoyance; elles interdisent la
compensation de créances d'un conjoint avec la prestation de sortie dont
l'autre conjoint bénéficie.

4.3 Le droit au partage des avoirs de prévoyance professionnelle tend à
compenser les pertes en matière de prévoyance résultant du partage des tâches
durant le mariage et à promouvoir l'indépendance économique des deux
conjoints après le divorce. Ce droit ne saurait dépendre ni des régimes
matrimoniaux et de leur liquidation, ni de la solution adoptée en matière
d'entretien après le divorce (Message, FF 1996 I 102). Il ne saurait en aller
différemment lorsqu'une indemnité équitable est accordée après la survenance
d'un cas de prévoyance ou en cas d'impossibilité du partage, à défaut de quoi
le but de la réglementation ne serait plus réalisé. Il s'ensuit qu'il n'est
pas possible de compenser les prestations de sortie découlant de l'art. 122
CC ou l'indemnité équitable due à l'un des époux au titre de l'art. 124 CC
avec des créances compensatoires invoquées dans le cadre d'une procédure de
divorce.

5.
Le recourant reproche enfin aux premiers juges d'avoir refusé de suspendre la
procédure jusqu'à droit connu sur la demande en modification de jugement de
divorce qu'il a déposée le 25 juin 2004 devant le Tribunal civil
d'arrondissement de X.________.

5.1 La suspension de la procédure est prononcée par le juge dans les cas
prévus par la loi. Elle peut se justifier également par des raisons
d'opportunité (voir l'art. 6 PCF; Fabienne Hohl, Procédure civile, Tome II:
Organisation judiciaire, compétence, procédures et voies de recours, Berne
2002, ch. 2404), notamment lorsque le jugement d'un autre litige peut
influencer l'issue du procès en cours (principe d'économie de la procédure).
Le principe de la célérité qui découle de l'art. 29 al. 1 Cst. pose cependant
des limites à la suspension d'une procédure. Aussi ne doit-elle être admise
qu'exceptionnellement, lorsqu'il s'agit d'attendre le prononcé de la décision
d'une autre autorité et qui permettrait de trancher une question décisive
(ATF 130 V 94 consid. 5).

5.2 Dans le cas particulier, un jugement sur la demande en modification de
jugement de divorce n'était pas de nature à apporter des éléments
déterminants pour l'exécution par le juge des assurances du partage des
avoirs de prévoyance du recourant. En effet, les conclusions prises devant le
Tribunal civil d'arrondissement de X.________ (modification de la
contribution d'entretien, remboursement d'un montant de 3'467 fr.) ne
pouvaient pas avoir d'incidence sur l'issue de la procédure pendante devant
le juge des assurances.

6.
Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ).
Représentée par un avocat, B.________, qui obtient gain de cause, a droit à
une indemnité de dépens pour l'instance fédérale à la charge du recourant
(art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ). Sa demande d'assistance
judiciaire gratuite est dès lors sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.

3.
A.________ versera à B.________ la somme de 1'200 fr. (y compris la taxe à la
valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.

4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du
canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 23 février 2006

Au nom du Tribunal fédéral des assurances

La Présidente de la Ire Chambre: Le Greffier: