Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
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Schuldbetreibungs- und Konkurskammer 7B.216/2004
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7B.216/2004 /frs

Arrêt du 16 décembre 2004
Chambre des poursuites et des faillites

Mmes et M. les Juges Escher, Présidente, Meyer et Hohl.
Greffier: M. Fellay.

A. ________, agissant en son propre nom et au nom de B.________,
recourants

contre

Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du
canton de Genève,
rue Ami-Lullin 4, case postale 3840, 1211 Genève 3.

plainte contre un procès-verbal de saisie; amende pour  procédé téméraire,

recours LP contre la décision de la Commission de surveillance des offices
des poursuites et des faillites
du canton de Genève du 20 octobre 2004.

La Chambre considère en fait et en droit:

1.
Le 22 décembre 2000, les créanciers C.________, D.________ et E.________ ont
obtenu un séquestre n° xxxxx à l'encontre du débiteur B.________.
L'opposition de ce dernier à l'ordonnance de séquestre a été rejetée par
jugement du Tribunal de première instance de Genève du 28 octobre 2002,
confirmé par arrêt de la Cour de justice du canton de Genève du 27 février
2003. L'opposition du débiteur à la poursuite n° xxxxx en validation du
séquestre a de même été rejetée par jugement du Tribunal de première instance
du 24 novembre 2003, qui sera confirmé par la Cour de justice le 1er avril
2004. Le 12 décembre 2003, les créanciers ont requis la continuation de la
poursuite.

Le 29 décembre 2003, le débiteur a ouvert action devant le Tribunal de
première instance en annulation de la poursuite (art. 85a LP).

Le 12 mai 2004, l'office a adressé aux parties le procès-verbal de saisie,
lequel mentionnait notamment que le jugement du 28 octobre 2002 rejetant
l'opposition à l'ordonnance de séquestre avait été "confirmé par arrêt de la
Cour de justice du 27 février 2004".

2.
Le 14 mai 2004, le débiteur a formé une plainte, assortie d'une requête
d'effet suspensif, contre le procès-verbal de saisie, en faisant valoir que
cet acte faisait référence à des décisions de justice inexistantes et que la
conversion du séquestre en saisie définitive était intervenue alors qu'une
action en annulation de la poursuite était pendante.

Par ordonnance du 19 mai 2004, la Commission cantonale de surveillance a
refusé l'effet suspensif, sur le vu des décisions judiciaires concernant
l'opposition à l'ordonnance de séquestre et du jugement du Tribunal de
première instance, rendu le 13 mai 2004, sur l'action en annulation de la
poursuite, la déclarant irrecevable et de toute façon mal fondée.

Statuant sur le fond le 20 octobre 2004, la Commission cantonale de
surveillance a rejeté la plainte et condamné le conseil du débiteur à une
amende de 600 fr. pour procédé téméraire.

3.
Devant la Chambre de céans, les recourants s'en prennent uniquement à cette
condamnation.

3.1 Les faits nouveaux qu'ils invoquent dans ce contexte sont
exceptionnellement recevables au regard de l'art. 79 al. 1 OJ, dès lors que,
en vertu de la gratuité de principe de la procédure de plainte et de recours
(art. 23a al. 1 LP), les recourants n'avaient aucune raison de les faire
valoir en instance cantonale. Ainsi en va-t-il notamment du fait que le
mandataire a été désigné d'office. Le débiteur a effectivement obtenu
l'assistance juridique le 16 juin 2003 pour déposer son action en annulation
de la poursuite; ne parlant quasiment pas le français et ignorant le droit
suisse, il aurait donné pour instruction à son mandataire de "déposer
immédiatement ladite plainte".

3.2 L'octroi de l'assistance juridique présuppose l'existence de certaines
chances de succès. A première vue, une condamnation à l'amende, en l'espèce,
pour cause de témérité peut donc surprendre. Force est toutefois de constater
que l'assistance juridique a été octroyée pour l'action en annulation de la
poursuite. Les recourants ne sauraient rien en déduire, par conséquent, pour
la présente procédure de plainte qui porte sur l'établissement du
procès-verbal de saisie.

3.3 L'avocat d'office a, à l'endroit de son client, les mêmes devoirs que
n'importe quel avocat de choix et doit accomplir sa tâche avec un soin et une
conscience que renforce encore la surveillance par l'Etat (Christian Favre,
L'assistance judiciaire gratuite en droit suisse, thèse Lausanne 1989, p.
135). Il ne saurait donc entreprendre la sauvegarde des intérêts de son
client à n'importe quel prix et par n'importe quels moyens. C'est avec raison
que la Commission cantonale se réfère à cet égard à la loi fédérale du 23
juin 2000 sur la libre circulation des avocats (LLCA; RS 935.61), laquelle
énumère de manière exhaustive les règles professionnelles auxquelles sont
soumis les avocats, les cantons n'ayant plus, depuis le 1er juin 2002, la
possibilité de prévoir d'autres règles en la matière (ATF 2A.191/2003 du 22
janvier 2004, consid. 5.2). L'art. 12 LLCA enjoint notamment à l'avocat
d'exercer son activité professionnelle avec soin et diligence (let. a), en
toute indépendance, en son nom personnel et sous sa propre responsabilité
(let. b). Dans le cas particulier, les recourants ne sauraient donc se
contenter de faire valoir que l'avocat a été nommé d'office - pour une autre
procédure d'ailleurs que celle ici en cause - et qu'il n'avait pas la liberté
d'action qu'il aurait pu avoir avec un client ordinaire. Un avocat doit
pouvoir dissuader son client de procéder si la cause est mauvaise (Philippe
Chaulmontet, Contribution à l'étude de la profession d'avocat, thèse Lausanne
1970, p.15), même si cela peut s'avérer parfois difficile (cf. Philippe
Abravanel, L'avocat et la justice, in Mélanges publiés par l'Ordre des
Avocats Vaudois à l'occasion de son Centenaire, 1998, p. 148).

3.4 Se comporte de façon téméraire ou de mauvaise foi, au sens de l'art. 20a
al. 1 LP, celui qui, en violation du devoir d'agir selon la bonne foi, forme
un recours sans avoir d'intérêt concret digne de protection et bien que la
situation en fait et en droit soit claire, avant tout pour ralentir la
procédure de poursuite (ATF 127 III 178 consid. 2a et les références).

La décision attaquée relève avec raison que la responsabilité de
l'argumentation pèse prioritairement sinon exclusivement sur le mandataire, à
tout le moins lorsque celui-ci est avocat. En l'espèce, le conseil du
débiteur a déposé plainte, d'une part, parce que le procès-verbal de saisie
se référait à un arrêt de la Cour de justice du 27 février 2004 (statuant sur
l'opposition à l'ordonnance de séquestre) et, d'autre part, parce que la
conversion de la saisie provisoire en saisie définitive, alors qu'une action
en annulation de la poursuite concernée était pendante, constituait à ses
yeux une violation crasse de la loi. Or, l'erreur de millésime concernant
l'arrêt cantonal en question était reconnaissable d'emblée et aisément
rectifiable, surtout par un homme de loi. Il ne saurait par ailleurs échapper
à un avocat que l'introduction de l'action en annulation ou en suspension de
la poursuite selon les art. 85 et 85a LP n'a pas pour effet de suspendre la
poursuite en cours (P.-R. Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la
poursuite pour dettes et la faillite, n. 48 ad art. 85 LP et n. 53 ad art.
85a LP; Walter A. Stoffel, Voies d'exécution, § 4 n. 164; Amonn/Walther,
Grundriss des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 7e éd., Berne 2003, § 20
n. 23). De plus, en cours de procédure, l'action en annulation de la
poursuite a été jugée irrecevable, voire mal fondée, et une appréciation
prima facie des chances de succès de la plainte a conduit la Commission
cantonale de surveillance à refuser l'effet suspensif.

La Chambre de céans partage donc le point de vue de l'autorité cantonale
selon lequel le dépôt de la plainte avec la motivation avancée et son
maintien dans les circonstances données (irrecevabilité, voire absence de
fondement de l'action en annulation de la poursuite, refus de l'effet
suspensif fondé sur le défaut de chances de succès de la plainte), constitue
un procédé dilatoire, partant téméraire au sens de l'art. 20a al. 1 LP et
justifiant par conséquent le prononcé d'une amende de ce chef.

4.
Il suit de là que le recours doit être rejeté.

Les recourants pouvaient se croire en droit de contester le principe de la
condamnation à une amende, de sorte qu'il n'y a pas lieu, en instance
fédérale, de faire exception à la gratuité de la procédure (art. 20a al. 1,
première phrase, LP).

Par ces motifs, la Chambre prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant A.________, pour
lui-même et B.________, à Me Tal Schibler, avocat à Genève, pour C.________,
D.________ et E.________, à l'Office des poursuites de Genève et à la
Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du
canton de Genève.

Lausanne, le 16 décembre 2004

Au nom de la Chambre des poursuites et des faillites
du Tribunal fédéral suisse

La présidente:  Le greffier: