Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Schuldbetreibungs- und Konkurskammer 7B.190/2004
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7B.190/2004 /frs

Arrêt du 19 novembre 2004
Chambre des poursuites et des faillites

Mmes et M. les Juges Escher, Présidente, Meyer et Hohl.
Greffier: M. Fellay.

X. ________ SA,
recourante, représentée par Me Bruno Mégevand, avocat,

contre

Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du
canton de Genève, rue Ami-Lullin 4, case postale 3840, 1211 Genève 3.

revendication des biens séquestrés et saisis,

recours LP contre la décision de la Commission de surveillance des offices
des poursuites et des faillites du canton de Genève du 6 septembre 2004.

Faits:

A.
A. ________ Inc est une société qui offre à ses clients, par l'intermédiaire
d'une autre société du groupe, B.________ Ltd, des prestations de services
financiers, notamment en matière de courtage.

C. ________, actuellement détenu au Caire, était employé auprès de B.________
Ltd. Il était notamment chargé de la gestion des comptes ouverts par
D.________ auprès de A.________ Inc. Le 20 janvier 1994, il a constitué à
Tortola (Iles Vierges Britanniques) la société E.________ Ltd, devenue par la
suite F.________ Ltd et dont il était l'unique administrateur. A la même
date, cette société a ouvert le compte n° 0240-752 698 auprès de X.________
SA et C.________ a signé, au nom de la société, un contrat général de gage
avec la banque précitée.

C. ________ a également ouvert les comptes suivants auprès de X.________ SA
au nom de sociétés dont lui-même ou un membre de sa famille était l'ayant
droit économique:

- 0240-206 276 au nom de G.________
- 0240-366 226 au nom de E.________ Ltd
- 0240-575 094.E.T au nom de la Fondation Y.________
- 0240-266 560 à son propre nom et/ou au nom de H.________
- 0240-211 001 au nom du mineur Z.________.

Entre 1992 et 1998, C.________ a transféré frauduleusement onze titres
obligataires ainsi que des montants en espèces des comptes de D.________ sur
des comptes dont il était titulaire ou ayant droit économique auprès de
X.________ SA, à Genève. Il a transféré notamment les trois titres suivants
sur le compte de F.________ Ltd:

- USD 13'000'000.- Lloyds Bank PLC
- USD 4'000'000.- Nederlanden Bank NV Ing.
- USD 5'000'000.- CS First Boston Inc.

Par la suite, A.________ a dédommagé entièrement D.________ du préjudice
subi, acquérant en contrepartie la propriété des titres détournés, notamment
des trois titres précités.
Par jugement du 24 mai 2000, entré en force, la Haute Cour de Justice de
Londres a condamné C.________ à dédommager A.________ Inc.

B.
B.aLe 20 juin 2000, sur requête de A.________, le Tribunal de première
instance de Genève a ordonné le séquestre de "tous les biens, titres,
valeurs, créances (en monnaie suisse ou étrangère), espèces, bijoux et autres
avoirs en compte, dépôt ou coffre-fort à concurrence de CHF 45'711,80 et CHF
95'401'773,- (représentant la contre-valeur de USD 58'962'777,06 au cours de
change du 16 juin 2000 de 1,618) et de CHF 259'133,- (représentant la
contre-valeur de GBP 105'682,70 au cours de change du 16 juin 2000 de 2,452),
avec intérêt à 5% l'an dès le 17 décembre 1999, appartenant à M. C.________,
déposés en son nom ou sous toute autre désignation conventionnelle, numérique
ou sous pseudonyme soit notamment dans les comptes, dossiers-titres et
coffres-forts ouverts sous les relations N° 0240-239.490 et N° 0240-266.560,
et ceux déposés sur les comptes, dossiers-titres et coffres-forts ouverts
sous les relations suivantes:

- relation N° 0240-752.698 au nom de F.________ LTD, BVI (ex
E.________ LTD, BVI),
- relation N° 0240-366.226 au nom de E.________ LTD, Dublin,
- relation N° 0240-211.001 au nom de Z.________,

qui appartiennent en réalité à M. C.________, auprès de X.________ SA, et de
ses agences sises dans le canton de Genève, à l'exclusion des avoirs
suivants:

-  USD 13'000'000 Lloyds Bank Plc 1985 Floating rate Notes series
-2-, without final maturity, crédité sur le compte N° 0240-752.698 le

 21 avril 1997;
-  USD 5'000'000 CSFB Inc. 1993 Floating Rate Notes, échéance le
27 octobre 2005, crédité sur le compte N° 0240-752.698 le 9 février 1998;
-  USD 4'000'000 Intl. Nederlanden Bank NV INV Bank 1993 Floating
Rate Notes, échéance le 18 octobre 2005, crédité sur le compte N°
0240-752.698 le 8 décembre 1998."
L'Office des poursuites de Genève a enregistré ce séquestre sous le numéro 00
070.130.W. Le 22 juin 2000, il a expédié un avis concernant l'exécution du
séquestre à X.________ SA. Cette dernière a fait savoir à l'office, le 22
juin 2000, qu'elle se déterminerait sur la portée ou non du séquestre et, le
cas échéant, ferait valoir ses droits préférables "gage, compensation,
revendication ..." sur les avoirs séquestrés lorsque l'ordonnance de
séquestre serait entrée en force.

Le procès-verbal de séquestre a été expédié aux parties le 3 juillet 2000.

B.b Le 18 juillet 2000, le Tribunal de première instance a, sur nouvelle
requête de A.________ Inc, rendu une deuxième ordonnance de séquestre portant
sur les mêmes biens que ceux visés par l'ordonnance du 20 juin 2000, à ces
différences près que:

- le séquestre comprenait - au lieu de les exclure - les avoirs USD
13'000'000 Lloyds Bank, USD 5'000'000 CSFB et USD 4'000'000 Intl Nederland
Bank,
- les relations n°s 0240-206 276 (G.________) et 0240 575 094.E.T (Fondation
Y.________) étaient également mentionnées,
- les montants à concurrence duquel le séquestre était accordé étaient
adaptés au cours de change du jour (17 juillet 2000).

L'office a enregistré ce deuxième séquestre sous n° 00 070.145.E et a expédié
un avis concernant son exécution à X.________ SA le 19 juillet 2000. Par
courrier du 28 juillet 2000, celle-ci a informé l'office que le séquestre
avait porté sur toutes les relations mentionnées dans l'avis. Elle excipait
toutefois d'un droit de compensation et d'un droit de gage sur la relation n°
0240-752.698 (E.________ Ltd); en outre, s'agissant des relations n°s
0240-366.226 et 240-575.094.E.T., elle invoquait respectivement un droit de
gage et un droit de compensation. X.________ SA a également précisé que tous
les avoirs faisaient l'objet d'un séquestre pénal.

Le 21 décembre 2000, l'office a imparti à la créancière un délai de 20 jours
pour ouvrir action en contestation des prétentions de X.________ SA.

B.c Les deux séquestres susmentionnés ont été validés par les poursuites n°s
00 153.066.Y et 01 104.322.Z. Les oppositions faites à ces poursuites ont été
levées le 8 juillet 2002 et les réquisitions de continuer les poursuites
enregistrées le 24 juin 2003.
Le 22 juillet 2003, l'office a informé X.________ SA de la validation des
séquestres et l'a invitée à lui faire parvenir une déclaration précise et
exhaustive des avoirs détenus. Par courrier du 5 septembre 2003, X.________
SA a demandé à l'office de lui apporter la preuve de la validation du
séquestre n° 00 070.130.W. Elle a également attiré son attention sur le fait
que les biens visés par les ordonnances de séquestre étaient frappés d'une
saisie pénale conservatoire et a rappelé qu'elle invoquait un droit de
compensation et de gage. Le 13 octobre 2003, l'office a communiqué à
X.________ SA les attestations de non-opposition aux ordonnances de séquestre
et l'a invitée à donner suite à ses avis de conversion des séquestres en
saisies.

Le 28 octobre 2003, l'office a fait savoir à X.________ SA que la
communication de celle-ci du 28 juillet 2000 concernait uniquement la portée
du séquestre n° 00 070.145.E, non celle du séquestre n° 00 070.130.W; ses
avis expédiés à la créancière et au débiteur suite à l'invocation par
l'intéressée de ses droits de gage et de compensation n'avaient donc trait
qu'au séquestre n° 00 070.145.E; par ailleurs, X.________ SA n'avait jamais
communiqué la portée du séquestre n° 00 070.130.W.
B.d Le 10 novembre 2003, X.________ SA a communiqué les relevés de fortune au
31 octobre 2003 concernant les relations n°s 0240-752.698 (F.________ Ltd),
0240-575 094.E.T (Fondation Y.________), 0240-239.490 (C.________) et
0240-211.001 (Z.________). Elle a rappelé, en outre, qu'elle compensait ses
créances envers F.________ Ltd (42'244'006 fr. 11 au 31 octobre 2003) dans le
cadre du séquestre n° 00 070.145.E avec les avoirs de cette dernière et
qu'elle revendiquait un droit de gage à concurrence de toutes ses créances
sur tous les avoirs de la débitrice. De plus, elle a indiqué qu'elle
détenait, en garantie de toutes ses créances envers E.________ Ltd (776'493
fr. 49 au 31 octobre 2003), le nantissement du dossier-titres dont cette
dernière était titulaire, et elle revendiquait un droit de gage à cet égard.
Enfin, elle a déclaré compenser ses créances envers la Fondation Y.________
(24'451 fr. au 31 octobre 2003) avec les avoirs de cette dernière.

B.e Par courrier du 8 décembre 2003, l'office a attiré l'attention de
X.________ SA sur le fait que les avis de séquestre des 20 juin 2000
(séquestre n° 00 070.130.W) et 19 juillet 2000 (séquestre n° 00 070.145.E) ne
visaient pas les mêmes actifs, et qu'il ne pouvait se contenter de la
déclaration de l'intéressée du 28 juillet 2000 relative au séquestre n° 00
070.145.E. Il considérait que les revendications de X.________ SA étaient
tardives, dès lors que cette dernière avait eu connaissance du séquestre n°
00 070.130.W par avis du 20 juin 2000 et qu'elle n'avait fait valoir ses
droits de gage et de compensation qu'en date du 10 novembre 2003.

C.
Le 19 décembre 2003, X.________ SA a formé une plainte contre la décision de
l'office du 8 décembre 2003 en tant qu'elle écartait sa revendication pour
cause de tardiveté (cause A/2441/2003).

Statuant le 6 septembre 2004 sur cette plainte, qu'elle a jointe à deux
autres plaintes s'inscrivant dans le même complexe de faits et opposant les
mêmes parties (A/2501/2003 et A/102/2004), la Commission cantonale de
surveillance l'a rejetée (dispositif ch. 4).

D.
Contre cette décision qui lui est parvenue le 8 septembre 2004, X.________ SA
a recouru le 20 septembre 2004 auprès de la Chambre des poursuites et des
faillites du Tribunal fédéral. Elle conclut à son annulation en tant qu'elle
a rejeté la plainte n° A/2441/2003 (dispositif ch. 4), partant à l'annulation
de la décision de l'office du 8 décembre 2003 considérant comme tardive sa
revendication sur les biens séquestrés et saisis dans la poursuite n° 00
153.066.Y, l'office devant être invité à prendre en considération sa
revendication du 10 novembre 2003 et à ouvrir en conséquence la procédure
prévue aux art. 106 ss LP. Subsidiairement, la recourante demande le renvoi
du dossier à la Commission cantonale de surveillance afin qu'elle complète
l'état de fait et rende une nouvelle décision dans le sens des considérants.

La Commission cantonale de surveillance n'a pas formulé d'observations et se
réfère aux considérants de sa décision. A.________ Inc s'en rapporte à
justice en ce qui concerne la recevabilité du recours; au fond, elle conclut
au rejet de celui-ci. L'office n'a pas déposé d'observations.

La Chambre considère en droit:

1.
Formé le lundi 20 septembre 2004, le présent recours l'a été en temps utile
compte tenu des dispositions des art. 19 al. 1 LP, 32 OJ et 1er de la loi
fédérale du 21 juin 1963 sur la supputation des délais comprenant un samedi
(RS 173.110.3).

2.
La teneur de la décision attaquée et les arguments des parties sont en
substance les suivants:
2.1 La Commission cantonale de surveillance, après avoir rappelé les principes
applicables à la revendication du tiers séquestré (art. 106 al. 2 et 275 LP),
a confirmé le constat de tardiveté fait par l'office à propos de la
revendication de la recourante dans la procédure de séquestre n° 00
070.130.W., ce pour les motifs qui suivent. Bien que l'ordonnance de
séquestre fût entrée en force faute d'opposition, la recourante n'avait fait
valoir aucun droit à l'égard des biens séquestrés, contrairement aux termes
de son courrier du 22 juin 2000; l'office ne pouvait en aucun cas inférer de
la revendication annoncée le 28 juillet 2000 dans le cadre du séquestre n° 00
070.145.E qu'elle concernait également le séquestre n° 00 070.130.W; il
appartenait à la recourante d'annoncer en bonne et due forme ses droits dans
le cadre de ce séquestre; il n'y avait aucun formalisme excessif à traiter
séparément chacun des deux séquestres obtenus successivement les 20 juin et
18 juillet 2000, portant au demeurant sur des biens qui n'étaient pas tous
identiques. A l'instar de l'office, la Commission cantonale de surveillance a
donc constaté que la recourante ne pouvait se prévaloir d'aucun motif
légitime justifiant le fait qu'elle ait attendu près de trois ans avant de
faire valoir ses droits; la créancière était en droit d'attendre de la
plaignante qu'elle annonce ses droits une fois le sort du séquestre devenu
définitif, soit à l'échéance du délai d'opposition à l'ordonnance de
séquestre.

2.2 A l'appui de ses conclusions, la recourante reproche tout d'abord à la
Commission cantonale d'avoir procédé à un raisonnement incomplet en ne
mentionnant pas l'existence de la procédure pénale et de la revendication
formulée dans cette procédure, ni celle de la contestation de revendication
l'opposant à la créancière dans le cadre du deuxième séquestre. Un tel
raisonnement, qui se borne à répéter les constatations de l'office, sans
examiner les motifs invoqués par la recourante pour justifier son attitude,
serait insoutenable. Sur le fond, la recourante fait valoir, premièrement,
que sa déclaration du 22 juin 2000 suffisait à enlever tout caractère
malicieux à sa revendication; deuxièmement, elle pouvait de bonne foi
considérer avoir annoncé sa revendication en temps utile, dès lors qu'elle
l'avait fait dans la procédure pénale, puis dans le cadre du deuxième
séquestre; de surcroît, la créancière avait été informée de sa revendication
avant même de requérir le séquestre civil; troisièmement, enfin, c'était pour
couper court à une discussion stérile avec l'office au sujet de la date
d'entrée en force de la première ordonnance de séquestre qu'elle avait, de
guerre lasse, annoncé formellement sa revendication le 10 novembre 2003, avec
pour conséquence pour la créancière l'obligation d'entamer une deuxième et
inutile action en contestation de revendication.

2.3 La créancière conteste qu'il y ait lieu de compléter les constatations de
fait de la décision attaquée relatives aux procédures pénale et de
contestation de revendication. Quant au fond, elle estime que la déclaration
de la recourante du 22 juin 2000 ne constituait pas une revendication et ne
l'autorisait pas à attendre plus de trois ans avant de faire valoir ses
prétendus droits; la revendication formulée le 28 juillet 2000 dans le cadre
du second séquestre et celle annoncée dans la procédure pénale ne valaient
pas pour le premier séquestre; en outre, l'existence de la procédure de
contestation de revendication en relation avec le deuxième séquestre ne
justifiait pas l'abstention de revendication dans le cadre du premier
séquestre; enfin, l'argument de la recourante concernant l'entrée en force de
l'ordonnance de séquestre n° 00 070.130.W ne saurait être pris en compte en
vertu de l'art. 79 al. 1 OJ, car il constituerait un moyen nouveau basé sur
des faits non allégués en procédure cantonale.

3.
Le fait que la recourante a demandé à l'office de lui apporter la preuve que
la première ordonnance de séquestre était entrée en force n'est pas nouveau
au sens de l'art. 79 al. 1 OJ, car il est constaté dans la décision attaquée
(p. 5 let. E). L'argument tiré de la prétendue non-entrée en force de ladite
ordonnance (recours, p. 18 s.) est un moyen de droit. Recevable comme tel en
principe, il est toutefois formulé tardivement. La recourante aurait dû le
faire valoir, conformément à l'art. 17 al. 2 LP, dans les 10 jours dès la
communication de l'avis de l'office du 22 juillet 2003 l'informant que le
premier séquestre avait été valablement validé par la poursuite n° 00
153.066.Y.

4.
La loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite ne fixe aucun
délai pour former la déclaration de revendication des biens saisis ou
séquestrés (art. 106 à 109 et 275 LP). Selon une jurisprudence constante,
établie avant la révision de la LP du 16 décembre 1994 et maintenue dans le
nouveau droit (Message concernant la révision de la LP du 8 mai 1991, FF 1991
III 100; Adrian Staehelin, Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung
und Konkurs, n. 23 ad art. 106 LP, cf. arrêt 7B.18/2004 du 7 avril 2004,
consid. 2.1), la déclaration en question peut donc intervenir, en principe,
dès le moment où l'intéressé a eu connaissance de l'exécution valide de la
saisie jusqu'à la distribution des deniers (art. 106 al. 2 LP). Toutefois,
une annonce tardive par le tiers de ses prétentions pouvant compromettre les
droits du créancier - qui aura soit accompli des actes ou engagé des frais
inutilement, soit perdu l'occasion d'obtenir d'autres actes d'exécution pour
la couverture de sa créance -, la déclaration de revendication doit être
opérée dans un délai bref et approprié aux circonstances, le tiers étant
déchu de son droit s'il tarde malicieusement à la faire ou s'il commet une
négligence grossière (ATF 120 III 123 consid. 2a et les références).

Il ressort en particulier de cette jurisprudence que le tiers n'est pas tenu
d'annoncer sa prétention tant qu'une contestation relative à la
saisissabilité des biens en cause ou à la validité du séquestre,
respectivement de la saisie, n'a pas été tranchée (ATF 114 III 92 consid. 1c;
112 III 59 consid. 2 p. 62/63; 109 III 18 p. 20 en bas; Staehelin, loc. cit.,
n. 24 ad art. 106 LP), étant observé que dans le cas d'un séquestre une telle
décision peut émaner, suivant la nature des griefs invoqués, soit des
autorités de poursuite soit du juge de l'opposition (ATF 129 III 203). Il a
été jugé par ailleurs que la temporisation dans l'annonce de la revendication
n'est pas contraire à la bonne foi lorsque le créancier sait qu'un tiers
déterminé pourrait faire valoir des droits sur les valeurs patrimoniales
mises sous main de justice (ATF 114 III 92 consid. 1a p. 95 et les arrêts
cités).

Un séquestre ordonné préalablement par le juge pénal ne fait pas obstacle à
l'exécution d'un séquestre fondé sur les art. 271 ss LP, mais il le prime en
cas de conflit (ATF 93 III 89 consid. 3). N'agit pas de mauvaise foi le tiers
qui retarde sa déclaration de revendication, du fait de cette primauté du
séquestre pénal sur le séquestre civil, jusqu'à droit connu sur la mesure
ordonnée au pénal, dès lors que dans le cadre de cette procédure il annonce
clairement ses prétentions sur les avoirs litigieux et que les créanciers
séquestrants doivent s'attendre à une revendication de sa part en cas d'échec
de la mesure pénale (ATF 120 III 123 consid. 3b).

5.
Avant d'examiner si ces principes ont été ou non correctement appliqués dans
le cas particulier, il y a lieu de voir s'il convient, comme le requiert la
recourante, de compléter les constatations de l'autorité cantonale (art. 64
OJ).

5.1 C'est à tort que la recourante reproche à la Commission cantonale de
surveillance d'avoir omis de mentionner l'existence de la procédure pénale,
puisque la décision attaquée en fait état en pages 4 et 5, sous lettres C et
E. Elle a raison, en revanche, de lui faire grief de n'avoir pas retenu dans
ce contexte tous les faits pertinents au regard des principes
jurisprudentiels susmentionnés. La Chambre de céans est en mesure, sur le vu
du dossier, de compléter les constatations de l'autorité cantonale à ce sujet
(art. 64 al. 2 et 81 OJ).

En effet, ainsi qu'il ressort de la pièce 2 produite à l'appui de sa plainte
du 19 décembre 2003, la recourante, lorsqu'elle a communiqué au Procureur
général de Genève le 24 novembre 1999, suite à l'ordonnance de saisie
conservatoire de celui-ci du 8 novembre 1999 concernant les avoirs de
C.________, la liste des relations ouvertes auprès de sa succursale et de ses
agences genevoises - relations sur lesquelles porteront en tout ou partie les
séquestres civils (cf. supra, Fait, let. A) - a expressément revendiqué tous
droits de gage et de compensation sur ces avoirs. En outre, ainsi qu'en
atteste la pièce 3 également produite en instance cantonale, la recourante a,
par lettre du 20 décembre 1999, informé le Juge d'instruction qu'elle était
titulaire d'un droit de gage et/ou de compensation sur les avoirs qu'elle
détenait sous les relations n°s 0240-752 698 (F.________ Ltd), 0240-366 226
(E.________ Ltd) et 0240-266 560 (M. et/ou Mme H.________); comme elle
l'avait fait devant le Procureur général, elle a formellement revendiqué
devant le Juge d'instruction tout droit de gage et/ou de compensation sur les
avoirs bloqués. La créancière a eu connaissance des courriers de la
recourante aux deux autorités pénales précitées, puisqu'elle a produit
elle-même ces courriers devant le Tribunal de première instance de Genève le
19 juin 2000 sous pièces n°s 73 et 74 (cf. pièce 6 produite à l'appui de la
plainte).

5.2 Il s'avère tout aussi pertinent de compléter les constatations de fait
relatives à la procédure de contestation de revendication, la décision
attaquée ne retenant que la fixation par l'office d'un délai pour agir, suite
à la déclaration de revendication du 28 juillet 2000 (p. 4). Or, de son
propre aveu en instance de plainte (observations du 2 février 2004, ch. 9, p.
3 s.), la créancière a effectivement ouvert action en contestation de la
revendication par acte du 18 janvier 2001, action qui porte tant sur le
principe que sur la quotité de la créance invoquée par la recourante, ainsi
que sur la bonne foi de celle-ci, et qui est toujours pendante devant le
Tribunal de première instance.

5.3 Ces constatations complémentaires permettent d'admettre que, comme il est
allégué à juste titre devant la Chambre de céans, la créancière connaissait
parfaitement les prétentions de la recourante sur les biens séquestrés, cela
au stade déjà de la procédure pénale préalable, avant même donc qu'elle
adresse au juge civil sa requête de séquestre, et en tous les cas, dès
l'instant où elle a été formellement avisée de la revendication le 21
décembre 2000 et l'a effectivement contestée en ouvrant action le 18 janvier
2001.

6.
Dans la procédure pénale, la mise sous main de justice portait sur les mêmes
biens que ceux visés par le premier séquestre du 20 juin 2000, avec cette
restriction que cette mesure-ci, à la requête expresse de la créancière,
exceptait trois avoirs spécifiquement désignés, aux montants respectifs de
USD 13 millions, 5 millions et 4 millions. Le séquestre pénal était donc plus
étendu que ce premier séquestre civil. Le deuxième séquestre du 18 juillet
2000 avait une portée plus étendue que le premier dans la mesure
essentiellement où, au contraire du premier, il englobait les trois avoirs en
question. La recourante revendiquant un droit préférable sur l'ensemble des
biens visés par le séquestre le plus étendu, sa revendication portait a
fortiori sur la partie des biens faisant l'objet du séquestre limité.

Il est constant que la recourante a annoncé clairement ses prétentions sur
les avoirs litigieux dans le cadre de la procédure pénale et qu'elle a tout
aussi clairement fait savoir le 22 juin 2000, à l'occasion du premier
séquestre, qu'elle ferait valoir ses droits sitôt cette mesure en force. La
créancière pouvait donc s'attendre à une revendication de sa part. Il en va
de même de l'office, qui devait inférer de la revendication annoncée par la
recourante le 28 juillet 2000 dans le cadre du deuxième séquestre, dont la
portée recouvrait entièrement celle du premier séquestre, qu'elle concernait
également ce séquestre-ci  ordonné 29 jours plus tôt. Le droit des poursuites
est certes par nature un droit formaliste. Il était toutefois excessivement
formaliste en l'espèce de traiter séparément les deux séquestres, opérés à un
mois d'intervalle et objet d'une même revendication visant les mêmes biens,
et d'exiger ainsi de la recourante qu'elle annonçât également en bonne et due
forme ses droits dans le cadre du premier séquestre. Contrairement à ce que
retient la décision attaquée, les faits et prétentions allégués dans l'une
des procédures pouvaient et devaient être prises en considération dans
l'autre, vu l'étroite connexité entre les deux procédures (cf. ATF 120 III
123 consid. 3b p. 127). Rendue à propos de la relation entre procédure pénale
et procédure de poursuite, cette jurisprudence s'applique a fortiori à la
relation entre deux procédures de poursuite et de revendication visant les
mêmes biens.

La recourante aurait certes pu préciser dans son annonce du 28 juillet 2000
que sa revendication concernait les deux séquestres. Dans le contexte donné,
on ne saurait toutefois voir là une négligence grossière de sa part.

L'intimée se réfère en vain à l'arrêt B.T.C. du 25 mars 1986 (cité in ATF 120
III 123 précité, p. 127). Si le Tribunal fédéral a jugé, dans cette affaire,
que la revendication formulée plus de quatre année après la connaissance du
séquestre constituait un abus de droit, c'est parce que le tiers, au cours de
la procédure pénale, avait expressément déclaré qu'il n'était pas le réel
titulaire du compte en question, ce qui avait pu inciter la créancière à
renoncer en toute bonne foi à d'autres mesures pour la couverture de ses
prétentions. Manifestement, l'on ne se trouve pas ici en pareille situation.

7.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis, dans la mesure
où il est recevable, et le chiffre 4 de la décision attaquée annulé. La
Chambre de céans étant en mesure de statuer elle-même sur le litige, elle
doit, pour les motifs susmentionnés, faire droit aux conclusions principales
du recours.

Par ces motifs, la Chambre prononce:

1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable et le chiffre 4 de la
décision attaquée est annulé.

2.
La décision de l'Office des poursuites de Genève du 8 décembre 2003
considérant comme tardive la revendication de X.________ SA sur les biens
séquestrés et saisis dans la poursuite n° 00 153 066 Y est annulée.

3.
L'Office des poursuites est invité à prendre en considération la
revendication formée par X.________ SA le 10 novembre 2003 dans la poursuite
n° 00 153 066 Y et à ouvrir en conséquence la procédure prévue aux art. 106
ss LP.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, à Me
Nicolas Piérard, avocat à Genève, pour A.________ Incorporated, à l'Office
des poursuites de Genève et à la Commission de surveillance des offices des
poursuites et des faillites du canton de Genève.

Lausanne, le 19 novembre 2004

Au nom de la Chambre des poursuites et des faillites
du Tribunal fédéral suisse

La présidente:  Le greffier: