Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Schuldbetreibungs- und Konkurskammer 7B.146/2004
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7B.146/2004 /frs

Séance du 26 octobre 2004
Chambre des poursuites et des faillites

Mmes et M. les Juges Escher, Présidente,
Hohl et Marazzi.
Greffier: M. Braconi.

X. ________,
recourant,

contre

Y.________,
Office des poursuites des Montagnes et du
Val-de-Ruz, avenue Léopold-Robert 63,
2300 La Chaux-de-Fonds,

Autorité cantonale supérieure de surveillance
des offices des poursuites et des faillites,
rue du Pommier 1, case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1.

minimum vital,

recours LP contre la décision de l'Autorité supérieure
de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de
Neuchâtel du 24 juin 2004.

Faits:

A.
Dans le cadre de la poursuite introduite par Me X.________ à l'encontre de
Y.________, l'Office des poursuites des Montagnes et du Val-de-Ruz a fixé le
minimum vital de la poursuivie à 3'770 fr. et ses revenus à 3'715 fr.; dans
ces conditions, il a délivré au poursuivant le 26 novembre 2003 un acte de
défaut de biens pour la totalité de sa créance, augmentée des intérêts et
frais (i.e. 7'940 fr.35).

B.
Le poursuivant a déposé plainte contre l'établissement de cet acte; il a
contesté le montant retenu par l'office à titre de loyer (i.e. 1'300 fr. par
mois, charges comprises [1'050 fr. + 250 fr. charges]), en faisant valoir
que, vu le marché du logement au Locle, la poursuivie pouvait se loger pour
936 fr. par mois, charges comprises.

Par prononcé du 5 avril 2004, l'autorité inférieure de surveillance des
offices des poursuites et des faillites du canton de Neuchâtel a rejeté la
plainte. Cette décision a été confirmée le 24 juin 2004 par l'autorité
cantonale supérieure de surveillance.

C.
X.________ exerce un recours à la Chambre des poursuites et des faillites du
Tribunal fédéral, en concluant à l'annulation de l'arrêt entrepris et au
renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

La juridiction précédente n'a pas formulé d'observations; la poursuivie
propose le rejet du recours, tandis que l'office des poursuites ne s'est pas
déterminé.

La Chambre considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 130 I 226 consid. 1 p. 228; 130 II 249 consid. 2 p.
250 et les arrêts cités).

1.1 A l'instar de ce qui vaut pour le recours en réforme (cf. ATF 106 II 201
consid. 1 p. 203 et les arrêts cités), les conclusions d'un recours au sens
de l'art. 19 LP ne peuvent tendre exclusivement à l'annulation de la décision
entreprise et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale que si le Tribunal
fédéral ne serait pas en état de statuer lui-même au fond (ATF 81 III 90;
Sandoz-Monod, COJ II, n. 1.1 ad art. 79 OJ). Tel est le cas en l'occurrence,
en sorte que les conclusions du recourant apparaissent recevables (infra,
consid. 2.3).
1.2 La Chambre de céans s'en tient aux faits constatés par la dernière
autorité cantonale, à moins que des dispositions fédérales en matière de
preuve n'aient été violées ou que des constatations ne reposent sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ, applicable par renvoi de l'art. 81
OJ). Les faits que les parties allèguent sans se prévaloir avec précision de
l'une de ces exceptions ne peuvent, dès lors, être pris en considération (ATF
127 III 248 consid. 2c p. 252).

1.3 La Chambre de céans n'est pas non plus habilitée à examiner les aspects
de droit matériel concernant la créance en poursuite (ATF 113 III 2 consid.
2b p. 3). Il ne lui appartient donc pas de se prononcer sur les moyens de
l'intimée déduits de la mauvaise exécution par sa partie adverse de son
mandat d'avocat; seul le juge civil est compétent pour en connaître (ATF 85 I
56 consid. 2 p. 57).

2.
En l'espèce, l'autorité supérieure de surveillance a retenu que l'art. 7 de
l'arrêté du Conseil d'Etat neuchâtelois, du 4 novembre 1998, fixant les
normes pour le calcul de l'aide matérielle (RSN 831.02) prévoit une garantie
du loyer de l'appartement du bénéficiaire, pour autant que son montant soit
«convenable»; l'alinéa 3 de cette disposition précise que cette dernière
notion est définie par une directive émise par le Service de l'action
sociale. A teneur de ce texte, est garanti pour une famille monoparentale de
quatre personnes - comme ici - un appartement de cinq pièces pour un loyer de
1'300 fr. par mois, charges comprises; or, c'est précisément le loyer dont
s'acquitte la poursuivie. Partant, l'office n'a pas abusé de son pouvoir
d'appréciation en prenant cette somme en compte, puisque, en plus des deux
enfants qui habitent déjà avec elle, l'intéressée doit pouvoir en accueillir
un troisième en dehors des jours ouvrables. Au demeurant, d'après les
statistiques cantonales sur lesquelles s'appuie le plaignant lui-même, le
loyer d'un appartement de cinq pièces et demi au Locle s'élève à 1'456 fr.
par mois, charges comprises.

2.1 Aux termes de l'art. 93 al. 1 LP, les revenus du débiteur peuvent être
saisis déduction faite de ce que le préposé estime indispensable à
l'intéressé et à sa famille. La fixation du montant saisissable étant une
question d'appréciation (ATF 128 III 337 consid. 3a; 86 III 10 n° 6), le
Tribunal fédéral n'intervient que lorsque l'autorité de poursuite retient des
critères inappropriés ou omet de tenir compte de circonstances pertinentes,
ou encore prend une décision déraisonnable, contraire au bon sens ou heurtant
le but de la procédure d'exécution forcée, voire arbitraire (ATF 130 III 90
consid. 1 p. 92 et 176 consid. 1.2 p. 180; 129 III 400 consid. 3.1 p. 403).

2.2 Selon la jurisprudence constante (ATF 57 III 204 p. 207; en dernier lieu:
ATF 129 III 526 consid. 2 p. 527 et les arrêts cités), le poursuivi est tenu
de réduire ses frais de logement dans la mesure du possible, ceux-ci n'étant
retenus en plein que s'ils sont conformes à la situation familiale de
l'intéressé ainsi qu'aux conditions locales. Les autorités de poursuite ne
sauraient, cependant, lui ordonner de déménager; elles doivent simplement
prendre en compte dans le minimum vital, non pas le loyer effectif, mais le
montant auquel il pourrait le réduire (ATF 87 III 100 consid. 1a p. 102/103).

2.3 En vertu de l'art. 20a al. 2 ch. 2 LP, les autorités de surveillance
cantonales doivent procéder d'office aux investigations permettant de
déterminer la quotité saisissable du salaire (ATF 127 III 572 consid. 3c p.
575; 108 III 10 consid. 3 p. 12).

L'autorité précédente ne s'est pas conformée à cette incombance. Elle s'est
contentée d'entériner les chiffres prévus par une réglementation
administrative - dont la finalité diffère, par ailleurs, de celle de l'art.
93 al. 1 LP (cf. RJN 2003 p. 419 consid. 6 et 420/421 consid. 2.2) - pour
admettre que les «dépenses effectives relatives aux frais de logement
correspondent à la situation de famille de la débitrice et à l'estimation
locale usuelle». Or, ce raisonnement ne saurait tenir lieu d'instruction et,
partant, répondre aux impératifs de la maxime inquisitoire (cf. à ce sujet:
Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la
faillite, vol. I, n. 29 ss ad art. 20a LP). D'une part, on ignore si et dans
quelle mesure la poursuivie a effectivement la possibilité de se reloger à
moindres frais, la décision attaquée étant muette sur les conditions
actuelles du marché du logement au Locle (p.ex. nombre de logements vacants,
d'appartements subventionnés, etc.), d'autant que la directive précitée date
du 1er novembre 2001. D'autre part, l'arrêt entrepris apparaît des plus
lacunaires au sujet de la «situation familiale de la poursuivie», en
particulier quant à la nécessité de disposer d'un appartement de cinq pièces,
alors même que l'un des enfants ne vient y habiter que les week-end.

3.
En conclusion, le présent recours doit être accueilli dans la mesure de sa
recevabilité, l'arrêt entrepris annulé et la cause renvoyée à l'autorité
cantonale pour complément d'instruction et nouvelle décision. Il n'est  pas
perçu de frais (art. 20a al. 1 LP et 61 al. 2 let. a OELP), ni alloué de
dépens (art. 62 al. 2 OELP).

Par ces motifs, la Chambre prononce:

1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable, l'arrêt attaqué est
annulé et la cause est renvoyée à la juridiction précédente pour nouvelle
décision dans le sens des considérants.

2.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, à l'Office des
poursuites des Montagnes et du Val-de-Ruz et à l'Autorité supérieure de
surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de
Neuchâtel.

Lausanne, le 26 octobre 2004

Au nom de la Chambre des poursuites et des faillites
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente:  Le Greffier: