Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

Kassationshof in Strafsachen 6A.84/2004
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6A.84/2004 /rod

Arrêt du 31 janvier 2005
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Kolly et Zünd.
Greffière: Mme Kistler.

X. ________,
recourant, représenté par Me Jean-Claude Perroud, avocat,

contre

Département de la justice, de la santé et de la sécurité du canton de
Neuchâtel, Château,
case postale, 2001 Neuchâtel 1,
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel,
case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1.

Refus de différer à titre d'essai une expulsion pénale
(art. 55 al. 2 CP),

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif du
canton de Neuchâtel, du 13 décembre 2004.

Faits:

A.
Arrivé en Suisse le 17 février 1995, X.________, né en 1978, originaire de
Serbie-Monténégro et actuellement titulaire d'un permis d'établissement, a
été condamné, notamment pour infractions répétées contre le patrimoine,
infractions contre l'intégrité corporelle et violations des règles de la
circulation routière, à sept reprises en l'espace de quatre ans, à des peines
d'emprisonnement allant de dix jours à six mois, dont l'une assortie d'une
mesure d'expulsion du territoire suisse pour une durée de sept ans.

B.
Par décision du 13 octobre 2004, le Département de la justice, de la santé et
de la sécurité de la République et canton de Neuchâtel (ci-après: le
Département de la justice) a accordé à X.________ la libération
conditionnelle au plus tôt le 5 novembre 2004. En revanche, elle a maintenu
la mesure d'expulsion et lui a imparti un délai d'épreuve d'un an.

C.
Par arrêt du 13 décembre 2004, le Tribunal administratif du canton de
Neuchâtel a confirmé la décision du Département de la justice.

D.
Contre cet arrêt cantonal, X.________ dépose un recours de droit
administratif au Tribunal fédéral. Invoquant une violation de l'art. 55 al. 2
CP, il conclut à l'annulation de la décision attaquée.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 Le refus de différer l'expulsion à titre d'essai lors de l'octroi de la
libération conditionnelle constitue une décision en matière d'exécution des
peines et mesures fondée sur le droit fédéral que le code pénal ne réserve
pas au juge et qui peut donc être attaquée, en dernière instance, par la voie
du recours de droit administratif (cf. ATF 124 I 231 consid. 1 a/aa p. 233;
122 IV 8 consid. 1a et les arrêts cités, 114 IV 95 ss; Bernard Corboz, Le
pourvoi en nullité à la Cour de cassation du Tribunal fédéral, SJ 1991 p. 57
ss, 62).

1.2 Le recours de droit administratif au Tribunal fédéral peut être formé
pour violation du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir
d'appréciation (art. 104 let. a OJ). Le Tribunal fédéral n'est pas lié par
les motifs invoqués, mais il ne peut aller au-delà des conclusions des
parties (art. 114 al. 1 OJ).

En revanche, lorsque le recours est, comme en l'espèce, dirigé contre la
décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits
constatés dans l'arrêt attaqué, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou
incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de la
procédure (art. 105 al. 2 OJ). En conséquence, sur les questions de fait, le
Tribunal fédéral dispose en quelque sorte d'un pouvoir d'examen limité à
l'arbitraire (cf. Peter Karlen, Verwaltungs-gerichtsbeschwerde, in:
Prozessieren vor Bundesgericht, Thomas Geiser/Peter Münch [éditeurs], 2ème
éd., 1998, n. 3.61, p. 110/111; cf. aussi ATF 126 II 522 consid. 3b/bb p.
535; 125 II 217 consid. 3a p. 221).

2.
2.1 Selon l'art. 55 al. 2 CP, "l'autorité compétente décidera si, et à quelles
conditions, l'expulsion du condamné libéré conditionnellement doit être
différée à titre d'essai".

D'après la jurisprudence, il est déterminant, pour décider si l'expulsion
doit ou non être différée, de savoir si les chances de resocialisation du
délinquant sont plus grandes en Suisse ou à l'étranger (ATF 122 IV 56 consid.
3a, 116 IV 283 consid. 2a et les arrêts cités). Les chances de réinsertion
sociale doivent être appréciées en fonction de la situation personnelle du
libéré, de ses relations avec la Suisse et avec l'étranger, de ses rapports
de famille et de ses possibilités de travail. Il faut se fonder sur ses
conditions de vie futures, telles qu'elles apparaissent vraisemblables (ATF
116 IV 283 consid. 2a, 104 Ib 152 consid. 2a, 330 consid. 2). Dans
l'appréciation des perspectives de resocialisation, il faut également prendre
en considération l'accès à des soins médicaux (RJJ 2000 p. 303). A ce stade,
la protection de la sécurité publique ne joue plus de rôle (ATF 116 IV 283
consid. 2e p. 287).

Pour prendre sa décision, l'autorité dispose d'un large pouvoir
d'appréciation. Le Tribunal fédéral ne peut annuler la décision attaquée, en
considérant le droit fédéral comme violé, que si l'autorité cantonale ne
s'est pas fondée sur les critères juridiques pertinents ou si elle a excédé
ou abusé de son pouvoir d'appréciation (ATF 116 IV 283 consid. 2a p. 285).

2.2 Selon le recourant, l'autorité cantonale aurait excédé son pouvoir
d'appréciation en fondant sa décision sur des considérations étrangères au
but de l'institution. Elle n'aurait pas tenu compte d'éléments essentiels qui
pourtant ressortiraient du dossier (art. 105 al. 2 OJ).

2.2.1 Le recourant soutient, en premier lieu, que, contrairement aux
affirmations de l'autorité cantonale, il entretient des relations étroites
avec sa famille dans notre pays, laquelle le soutiendrait activement. Ainsi,
il fait valoir que l'une de ses soeurs se serait engagée à l'accueillir chez
elle à sa sortie de prison, qu'une autre de ses soeurs aurait épuisé ses
maigres économies pour procéder au paiement de l'avance de frais de 770 fr.
devant l'instance inférieure, que son père et ses cinq soeurs auraient
transmis aux autorités une copie de leur autorisation de séjour, ce qui
prouverait qu'ils soutiennent leur fils et frère. Enfin, il se serait occupé
seul de ses soeurs pendant deux ans avant l'arrivée des six enfants en
Suisse, ce qui créerait une relation d'une intensité supérieure à celle de
liens familiaux usuels.

Cette argumentation repose sur des faits qui ne figurent pas dans la décision
attaquée. Il est vrai que l'art. 105 al. 2 OJ permet de tenir compte de faits
juridiquement pertinents, qui résultent du dossier (cf. consid. 1.2). Les
faits complémentaires exposés par le recourant ne sont toutefois pas
pertinents, dans la mesure où ils montrent le désir de la famille du
recourant d'aider celui-ci. Cela ne signifie pas pour autant que le recourant
saura tirer profit de cet entourage familial pour sortir de la délinquance.
En effet, comme le relève à juste titre l'autorité cantonale, sa famille se
trouvait déjà en Suisse à l'époque où il a commis les infractions pour
lesquelles il a été condamné. Or, cet encadrement familial ne l'a pas
détourné à l'époque de commettre de nombreuses infractions. Dans ces
circonstances, il ne saurait être reproché à l'autorité cantonale d'avoir
retenu que le recourant n'entretenait pas de relations particulièrement
étroites avec sa famille et que celle-ci ne saurait faciliter sa réinsertion
sociale en Suisse.

2.2.2 En outre, le recourant fait valoir qu'il a la volonté d'exercer une
activité professionnelle. Il se réfère à cet égard au procès-verbal de son
audition du 11 octobre 2004 par le chef de l'Office d'application des peines
et à une lettre du 4 octobre 2004 qu'il a adressée au Département de la
justice.

De la sorte, le recourant invoque un élément nouveau, ce qu'il n'est habilité
à faire qu'aux conditions de l'art. 105 al. 2 OJ. En l'espèce, l'autorité
cantonale a relevé que le recourant, arrivé en Suisse à l'âge de 16 ans,
n'avait entrepris aucune formation professionnelle qui lui aurait permis de
subvenir à ses besoins et d'assurer son indépendance économique. En outre,
elle a noté que, durant les quatre dernières années qui ont précédé son
incarcération, le recourant a été assisté par les services sociaux de
St-Imier. Au vu de ces constatations cantonales, il est difficile d'imaginer
que le recourant ait réellement la volonté d'exercer une activité
professionnelle. Il s'ensuit que les constatations de fait à propos de la
situation professionnelle du recourant ne peuvent être qualifiées d'inexactes
ou d'incomplètes, ni n'ont été établies au mépris des règles essentielles de
procédure.

2.2.3 Le recourant reproche à l'autorité cantonale de ne pas avoir tenu
compte qu'il souffrait d'alcoolisme.

Par cette argumentation, le recourant s'écarte de l'arrêt attaqué. Il ne
saurait en l'occurence prétendre que l'arrêt cantonal est manifestement
incomplet ou inexact sur ce point, dès lors que cette dépendance ne ressort
pas de manière claire du dossier. En effet, selon le rapport du 5 octobre
2004, établi par le Service de probation (et cité par le recourant dans son
mémoire), le recourant a expressément déclaré, "au sujet de sa consommation
d'alcool", qu'"il s'agissait d'une addiction passée".

2.2.4 Enfin, le recourant soutient que l'autorité cantonale n'a pas déterminé
objectivement dans quel pays - en Suisse dans sa famille ou seul au Kosovo -
il avait les meilleures chances de se réinsérer. Il lui reproche de ne pas
avoir examiné la légalité de la mesure d'expulsion au regard du principe du
non-refoulement. Il rappelle à cet égard que son père a dû s'enfuir de son
pays en 1993 car il était persécuté et a été torturé.

Pour déterminer dans quel pays les chances de réinsertion du recourant
étaient les meilleures, l'autorité cantonale a pris en compte l'âge du
recourant, le temps passé dans chaque pays, les possibilités de travail et le
fait qu'il n'avait jamais eu aucun démêlé avec la justice au Kosovo, ce qui
rendait sa réinsertion sociale et professionnelle plus facile dans ce pays.
Il ne saurait dès lors être reproché à l'autorité cantonale de ne pas avoir
procédé à un examen objectif de la situation. Le grief tiré du droit d'asile
est également infondé, dès lors que le principe du non-refoulement est pris
en considération au moment de l'exécution de l'expulsion et non au moment où
il s'agit de prononcer l'expulsion ou d'en différer l'exécution à titre
d'essai au sens de l'art. 55 al. 2 CP (ATF 121 IV 345 consid. 1a p. 348; 116
IV 105 consid. 4e et g p. 113 et 115).

2.3 Le recourant ne fait valoir en définitive aucun élément déterminant que
l'autorité cantonale aurait omis ou pris en considération à tort. Il convient
dès lors d'examiner si, au vu des circonstances, l'autorité cantonale a abusé
de son pouvoir d'appréciation en refusant de différer la mesure d'expulsion
du recourant.

En l'occurrence, sur le plan professionnel, le recourant n'a aucune
formation ni aucun projet concret qui lui assurerait en Suisse une stabilité
professionnelle. Au niveau personnel, son père et ses cinq soeurs se trouvent
certes en Suisse. Le recourant n'entretient toutefois pas des relations
particulièrement étroites avec sa famille, laquelle ne l'a du reste pas
détourné par le passé de commettre des infractions. En revanche, le recourant
a passé toute son enfance et son adolescence dans son pays d'origine, même si
actuellement il n'y a plus de famille. Avant de rejoindre son père en Suisse,
il a également travaillé dans son pays d'origine. Enfin, le recourant a
déclaré n'avoir eu aucun démêlé avec la justice au Kosovo, ce qui devrait
faciliter sa réinsertion professionnelle dans ce pays.

Au vu de ces circonstances, il faut admettre que l'autorité cantonale n'a pas
abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que les chances de
réinsertion sociale du recourant n'étaient pas plus favorables en Suisse qu'à
l'étranger, et ce malgré la présence sur notre territoire de plusieurs
membres de sa famille et son séjour relativement long en Suisse. Le recours
doit dès lors être rejeté.

3.
Vu l'issue de la procédure, les frais de la cause doivent être mis à la
charge du recourant qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). Comme le recours était
d'emblée dépourvu de chances de succès, l'assistance judiciaire doit être
refusée (art. 152 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 800 francs est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Département de la justice, de la santé et de la sécurité du canton de
Neuchâtel, au Tribunal administratif neuchâtelois ainsi qu'au Département
fédéral de justice et police.

Lausanne, le 31 janvier 2005

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: