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Kassationshof in Strafsachen 6A.80/2004
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6A.80/2004 /rod

Arrêt du 31 janvier 2005
Cour de cassation pénale

MM. les Juges Schneider, Président,
Kolly et Zünd.
Greffière: Mme Kistler.

X. ________,
recourant, représenté par Me Alexandre Curchod, avocat,

contre

Tribunal administratif du canton de Vaud, avenue Eugène-Rambert 15, 1014
Lausanne.

Retrait d'admonestation du permis de conduire (art. 16 al. 2 et 3 LCR),

recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif du
canton de Vaud, du 22 novembre 2004.

Faits:

A.
Le 11 juillet 2000, vers 11h30, X.________, né en 1945, circulait au volant
d'un camion sur la route communale du Col de la Croix, en direction d'Ollon.
Dans une courbe à droite à visibilité restreinte, il a été surpris par une
voiture venant en sens inverse et a freiné. Son poids lourd a alors glissé
sur la chaussée mouillée et l'avant gauche du camion a heurté l'angle arrière
gauche de la voiture.

Le 4 septembre 2000, le Service vaudois des automobiles a prononcé une mesure
de retrait du permis de conduire d'une durée d'un mois. X.________ a fait
recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif du canton de
Vaud, concluant, principalement, à l'annulation de la décision et au renvoi
au Service des automobiles pour nouvelle décision dès droit connu sur
l'action pénale. Le Tribunal administratif a accordé l'effet suspensif.

B.
Par prononcé du 25 septembre 2000, rendu après audience, le Préfet du
district d'Aigle a reconnu X.________ coupable de violation simple des règles
de la circulation routière (art. 90 ch. 1 LCR) pour avoir conduit à une
vitesse inadaptée, avoir roulé insuffisamment à droite et avoir déplacé le
camion sans avoir préalablement marqué son emplacement (art. 31 al. 1, 32 al.
1 et 34 al. 1 LCR; art. 7 al. 1 et 56 al. 1 OCR). Il l'a condamné à une
amende de 120 francs.

X. ________ a interjeté un appel contre ce prononcé, mais l'a retiré lors de
l'audience du 14 août 2001 devant le Tribunal de police de l'Est vaudois. Par
jugement du même jour, ce tribunal a rayé l'affaire du rôle, constatant que
le prononcé préfectoral était définitif et exécutoire.

C.
Le 14 mars 2003, le Tribunal administratif du canton de Vaud a demandé à
X.________ des renseignements sur l'avancement de la procédure pénale. Ce
dernier a déposé une copie du jugement du 14 août 2001, puis, le 16 mai 2003,
une détermination sur le fond. Resté sans nouvelles depuis lors, il a relancé
le Tribunal administratif par lettre du 12 novembre 2004.

Par arrêt du 22 novembre 2004, le Tribunal administratif a rejeté le recours
et confirmé le retrait du permis de conduire pour une durée d'un mois.

D.
Contre cet arrêt, X.________ forme un recours de droit administratif auprès
du Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, qu'il soit renoncé à toute
mesure et, à titre subsidiaire, qu'un avertissement soit prononcé.

Le Tribunal administratif du canton de Vaud a déclaré s'en remettre à
justice.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recours de droit administratif au Tribunal fédéral est ouvert contre une
décision cantonale de dernière instance en matière de retrait du permis de
conduire (art. 24 al. 2 LCR).

Le recours de droit administratif peut être formé pour violation du droit
fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 104 let.
a OJ). Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs invoqués, mais il ne
peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 114 al. 1 OJ). En
revanche, lorsque, comme en l'espèce, le recours est dirigé contre la
décision d'une autorité judiciaire, il est lié par les faits constatés dans
l'arrêt attaqué, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou
s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de la procédure (art.
104 let. b et 105 al. 2 OJ).

2.
L'art. 16 al. 2 LCR prévoit que "le permis d'élève conducteur ou le permis de
conduire peut être retiré au conducteur qui, par des infractions aux règles
de la circulation, a compromis la sécurité de la route ou incommodé le
public. Un simple avertissement pourra être ordonné dans les cas de peu de
gravité". En outre, l'art. 16 al. 3 let. a LCR dispose que le permis de
conduire doit être retiré "si le conducteur a compromis gravement la sécurité
de la route".

A partir du texte légal, quatre situations doivent être distinguées (ATF 128
II 86 consid. 2a p. 87/88). D'abord, le cas où le conducteur n'a pas
"compromis la sécurité de la route ou incommodé le public", pour lequel
l'autorité n'ordonnera aucune mesure administrative. Deuxièmement, le cas de
peu de gravité (art. 16 al. 2 2ème phrase LCR), pour lequel l'autorité
donnera un avertissement. En troisième lieu, le cas de gravité moyenne (art.
16 al. 2 1ère phrase LCR), pour lequel l'autorité doit retirer le permis de
conduire; elle ne peut s'en abstenir qu'en présence de circonstances
particulières, telles que celles qui justifient d'abandonner toute peine en
application de l'art. 66bis CP (ATF 126 II 202 consid. 1a p. 204, 196 consid.
2c p. 200/201). Enfin, le cas grave, qui implique le retrait du permis de
conduire en application de l'art. 16 al. 3 let. a LCR.

Selon la jurisprudence, il ne peut en principe être renoncé au retrait du
permis de conduire que s'il s'agit d'un cas de peu de gravité au sens de
l'art. 16 al. 2 2e phrase LCR. Si le cas est moyennement grave, une
renonciation n'entre en ligne de compte qu'en présence de circonstances
spéciales. Pour déterminer si le cas est de peu de gravité, l'autorité doit
tenir compte de la gravité de la faute commise et de la réputation du
contrevenant en tant que conducteur; la gravité de la mise en danger du
trafic n'est prise en considération que dans la mesure où elle est
significative pour la faute (ATF 126 II 202 consid. 1a p. 204, 192 consid. 2b
p. 194; 125 II 561 consid. 2b p. 567; cf. art. 31 al. 2 OAC). Trois critères
permettent de distinguer le cas de peu de gravité de celui de gravité
moyenne: faute, mise en danger du trafic (dans la mesure où elle est
significative pour la faute) et antécédents, étant précisé que même de bons
antécédents ne permettent pas de retenir un cas de peu de gravité lorsque la
faute est moyenne ou grave (ATF 125 II 561 consid. 2 p. 566).

3.
Le recourant fait d'abord valoir que son cas est de peu de gravité, puisque
le juge pénal lui a infligé seulement une amende de 120 francs et que sa
réputation en tant que conducteur est excellente.

3.1 Le jugement pénal ne lie en principe pas l'autorité administrative, et
cette indépendance des juges pénal et administratif peut conduire à des
décisions contradictoires. Afin d'éviter dans la mesure du possible des
contradictions, la jurisprudence a admis, s'agissant de se prononcer sur
l'existence d'une infraction, que l'autorité administrative ne devait pas
s'écarter sans raison sérieuse des faits constatés par le  juge pénal ni de
ses appréciations juridiques qui dépendent fortement de l'établissement des
faits (ATF 106 Ib 395 consid. 2 p. 398, 105 Ib 18 consid. 1a p. 19, 104 Ib
358 consid. 1 p. 360 et consid. 3 p. 362 ss). L'autorité administrative ne
peut s'écarter du jugement rendu que si elle est en mesure de fonder sa
décision sur des constatations de fait que le juge pénal ne connaissait pas
ou qu'il n'a pas prises en considération, s'il existe des preuves nouvelles
dont l'appréciation conduit à un autre résultat, si l'appréciation à laquelle
s'est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés ou si le
juge pénal n'a pas élucidé toutes les questions de droit, en particulier
celles qui touchent à la violation des règles de la circulation (ATF 109 Ib
p. 203 consid. 1 p. 204, 105 Ib 18 consid. 1a p. 19).

Le juge pénal, en l'espèce un préfet vaudois, compétent seulement pour juger
des contraventions passibles de l'amende (art. 14 al. 2 let. b de la loi sur
les contraventions, RSV 312.11), a retenu, après débats, une violation simple
des règles de la circulation. Alors que la violation grave de règles de la
circulation au sens de l'art. 90 ch. 2 LCR correspond au cas grave de l'art.
16 al. 3 let. a LCR (ATF 123 II 37 consid. 1b p. 38), la violation simple
selon l'art. 90 ch. 1 LCR recouvre tant le cas de peu de gravité que le cas
de gravité moyenne de l'art. 16 al. 2 LCR (ATF 128 II 139 consid. 2c p. 143).
Il n'y a donc pas de contradiction entre les prononcés pénal et
administratif.

Le Tribunal administratif s'est fondé sur le même état de fait que le juge
pénal. Il a retenu que le recourant, au volant d'un poids lourd, avait
circulé sur une route mouillée à une vitesse trop élevée et n'avait pas
suffisamment tenu sa droite dans un virage avec visibilité réduite. Il s'agit
là d'une faute caractérisée qui a entraîné une mise en danger d'autres
usagers de la route; elle ne saurait être considérée comme étant de peu de
gravité. Nonobstant les bons antécédents du recourant, le cas doit être
qualifié de moyennement grave.

3.2 Le recourant soutient en outre qu'un retrait d'admonestation ne saurait
plus être prononcé parce que plus de cinq ans se sont écoulés depuis les
faits.

Le retrait d'admonestation est une mesure administrative ayant un caractère
éducatif; il présente cependant un certain caractère pénal. Ces deux
caractéristiques parlent en faveur d'une atténuation de la sanction lorsqu'un
temps relativement long s'est écoulé depuis l'événement qui la fonde. En
effet, l'éducation et l'amendement d'un auteur supposent que la mesure soit
dans un rapport temporel approprié avec l'infraction commise. En outre,
l'écoulement du temps relativise la nécessité d'une sanction éducative
lorsque l'auteur s'est bien comporté dans l'intervalle. A défaut de norme
spécifique en la matière, il y a lieu de s'inspirer des règles sur la
prescription pénale. Toutefois, il n'est pas possible de dire abstraitement
et en chiffres absolus à partir de quel moment une procédure doit être
considérée comme trop longue. Pour répondre à cette question, il faut prendre
en considération les circonstances du cas particulier (ATF 127 II 297 consid.
3d p. 300).

C'est ainsi qu'une procédure de plus de cinq ans a été qualifiée de trop
longue dans des cas ayant entraîné une condamnation pénale pour violation
grave des règles de la circulation routière au sens de l'art. 90 ch. 2 LCR ou
pour conduite en état d'ébriété selon l'art. 91 al. 1 LCR, à une époque où
ces délits se prescrivaient par cinq ans, voire sept ans et demi en cas
d'interruption de la prescription (ATF 122 II 180 consid. 5a p. 182; 120 Ib
504). Dans le cas d'une contravention, une procédure de quatre ans et demi a
été considérée comme trop longue (ATF 127 II 297 consid. 3d p. 301).

En l'espèce, un peu plus de quatre ans se sont écoulés entre les faits et la
décision du Tribunal administratif. Alors que la cause était en état d'être
tranchée le 14 août 2001, après le retrait de l'appel contre le prononcé
pénal, le Tribunal administratif est resté inactif pendant près de deux ans,
sans que ce retard ne puisse être imputé au recourant, un administré n'ayant
d'ordinaire pas l'obligation de relancer une procédure dirigée contre lui en
informant l'autorité administrative de la fin de la procédure pénale (cf. ATF
127 II 297 consid. 3d in fine p. 301). Par la suite, après avoir reçu le
jugement pénal et les observations du recourant, le Tribunal administratif
est de nouveau resté inactif durant plus d'une année et n'a finalement rendu
son arrêt qu'à la suite d'une intervention du recourant.

Le juge pénal a retenu une contravention au sens de l'art. 90 ch. 1 LCR. Il
n'existe en l'état pas de motifs impérieux de s'écarter de cette
appréciation. Une telle contravention se prescrit, selon le nouveau droit,
par trois ans (art. 109 CP,  art. 102 LCR). Ce délai était largement échu au
moment où le Tribunal administratif a statué. Le retard du Tribunal
administratif ne peut pas être imputé au recourant, qui, au contraire, a même
relancé le Tribunal administratif. En outre, selon ce qui ressort du dossier,
abstraction faite de l'incident à l'origine de la présente procédure, la
réputation du recourant en tant que conducteur est sans tache. Dans ces
circonstances, contrairement à l'avis du Tribunal administratif, il y a lieu
d'atténuer la mesure, sans toutefois, vu l'importance de la faute commise, y
renoncer totalement. En lieu et place du retrait de permis de durée minimale
ordonné par le Tribunal administratif, il convient d'adresser au recourant un
avertissement.

4.
Le recourant obtient partiellement gain de cause. Il n'est partant ni prélevé
de frais ni alloué d'indemnité pour la procédure devant le Tribunal fédéral
(art. 156 al. 2 et art. 159 al. 3 OJ). Il appartiendra au Tribunal
administratif cantonal de statuer à nouveau sur les frais et dépens de la
procédure cantonale (art. 159 al. 6 OJ).

Vu l'issue du recours, la requête d'effet suspensif est devenue sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est partiellement admis et l'arrêt attaqué est annulé.

2.
Un avertissement est adressé au recourant. La cause est renvoyée au Tribunal
administratif du canton de Vaud pour qu'il statue sur les frais et dépens de
la procédure cantonale.

3.
Il n'est pas perçu de frais ni alloué d'indemnité.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Tribunal administratif du canton de Vaud, au Service des automobiles vaudois
ainsi qu'à l'Office fédéral des routes, Division circulation routière.

Lausanne, le 31 janvier 2005

Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: