Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.92/2004
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 5P.92/2004 /frs

Arrêt du 19 mai 2004
IIe Cour civile

M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Nordmann et Hohl.
Greffière: Mme Bendani.

X.________,
recourant, représenté par Me Olivier Wasmer, avocat,

contre

A.________, représentée par Me Raymond Courvoisier, avocat,
B.________,
C.________,
D.________,
intimés, tous les trois représentés par Me Doris Leuenberger, avocate,
1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108, 1211
Genève 3.

art. 9 Cst. (reddition de comptes, copropriétaires),

recours de droit public contre l'arrêt de la 1ère Section
de la Cour de justice du canton de Genève du 29 janvier 2004.

Faits:
A.
Les avocats B.________, C.________, D.________, A.________, feu E.________ et
X.________ ont acquis en copropriété, en 1988, deux étages de l'immeuble sis
rue Z.________ où ils ont installé leur étude. Le financement de cette
acquisition leur a été facilité par des emprunts bancaires à hauteur de
4'075'000 fr. X.________ a quitté l'étude en mai 1991. En août 1992, un des
copropriétaires lui a signifié qu'il ne devait plus payer les charges et
intérêts hypothécaires dès le 11 mai 1992, mais qu'il restait débiteur de
l'amortissement de sa part de copropriété. Les locaux ont été progressivement
délaissés par les copropriétaires et loués à des tiers, ce que n'ignore pas
X.________. Le troisième étage de l'immeuble a été revendu en mai 2001 et le
deuxième en janvier 2003. Les copropriétaires sont actuellement en litige avec
la Banque cantonale de Genève (ci-après: BCG), à laquelle ils doivent des
montants qu'ils affirment importants. Toutefois, le décompte précis des sommes
dues n'est pas établi sans que la faute n'en incombe aux débiteurs.

Par fax et pli simple du 14 août 2003, X.________ s'est adressé aux conseils de
B.________, C.________, D.________ et A.________, les mettant en demeure de
produire, au 28 août 2003, copies de tous les baux relatifs au deuxième et
troisième étages de l'immeuble sis rue Z.________, ces pièces devant mentionner
les dates de la fin de chaque bail, le montant total de chaque location et une
proposition d'affectation précise - dans les rapports internes - de la
quote-part de X.________, document devant mentionner expressément les
amortissements dont il a été ou devrait encore être crédité. Le conseil de
A.________ a répondu le 26 août 2003 pour annoncer que l'établissement d'un
décompte définitif était impossible en raison du silence observé à ce sujet par
la BCG. Pour le surplus, il renvoyait son confrère auprès de D.________, qui
seule détenait les baux et les renseignements y afférent.

Le 20 août 2003, la BCG a rédigé, à l'encontre de X.________, une réquisition
de poursuite d'un montant de 324'083 fr.75, correspondant au solde dû sur un
prêt à terme fixe, conjointement et solidairement avec B.________, C.________,
D.________ et A.________.
B.
Le 3 septembre 2003, X.________ a déposé, devant le Tribunal de première
instance du canton de Genève, contre B.________, C.________, D.________ et
A.________, une requête en reddition de comptes visant à obtenir:

a) copies de tous les baux relatifs aux 2ème et 3ème étages de la rue
Z.________;
b) la date de la fin effective de chaque bail;
c) la mention du montant total de chaque location;
d) la proposition d'affectation précise - dans les rapports internes - de la
quote-part de Me X.________, document devant mentionner expressément les
amortissements dont il a été ou devrait être crédité.

A l'audience du 18 septembre 2003, les intimés ont conclu au rejet de la
requête, en soulignant son caractère chicanier. D.________ a relevé que le
requérant passait tous les jours devant les locaux concernés, que la BCG avait
ouvert, sans rien dire à personne, un compte sur lequel elle mettait tout
l'argent reçu et qu'il lui appartenait donc de donner le détail des montants
perçus afin qu'il puisse être procédé aux affectations nécessaires. Avant cela,
il était impossible d'établir un quelconque récapitulatif. D.________ a encore
précisé, sans être contredite par le requérant, qu'elle n'avait jamais refusé
de lui remettre copie des baux en question, mais qu'elle n'avait pas eu le
temps de s'exécuter en raison de ses vacances.

Par ordonnance du 24 septembre 2003, le Tribunal de première instance a donné
acte à D.________ de son engagement de remettre à X.________ copie des baux
relatifs aux 2ème et 3ème étages de l'immeuble rue Z.________ à Genève, la
condamnant au besoin à s'exécuter. Il a également pris acte que, pour le
surplus, X.________ retirait sa requête, les dépens à hauteur de 2'000 fr.
étant en outre mis à sa charge.
C.
Les baux à loyers des locaux concernés ont été adressés au conseil de
X.________ par courrier du 3 novembre 2003.
D.
Par arrêt du 29 janvier 2004, la 1ère Section de la Cour de justice du canton
de Genève a rejeté l'appel de X.________, confirmé l'ordonnance précitée et
condamné le recourant à 500 fr. de dépens.
E.
X.________ forme un recours de droit public pour application arbitraire du
droit cantonal contre l'arrêt du 29 janvier 2004. Il conclut, avec suite de
frais et dépens, à l'annulation de cet arrêt en tant qu'il le condamne à
l'intégralité des dépens.

Les intimés n'ont pas été invités à déposer une réponse.

Par ordonnance du 8 mars 2004, la requête d'effet suspensif du recourant a été
rejetée.

Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 129 I 173 consid. 1 p. 174; 129 II 225 consid. 1 p.
227).

Interjeté en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance
cantonale, qui ne peut être attaquée par une autre voie de droit (cf. Bertossa
et coauteurs, Commentaire de la loi de procédure civile du canton de Genève du
10 avril 1987, vol. II, n. 1 ad art. 185), le recours de droit public est en
principe recevable au regard des art. 84 ss OJ.
2.
Dans un recours de droit public pour arbitraire, les moyens de fait ou de droit
nouveaux sont irrecevables (ATF 124 I 208 consid. 4b p. 212; 118 II 37 consid.
2a p. 39 et les références citées). Le Tribunal fédéral s'en tient dès lors aux
faits constatés par l'autorité cantonale, à moins que le recourant ne démontre
que ces constatations sont arbitrairement fausses ou incomplètes (ATF 126 I 95
consid. 4b p. 96; 118 Ia 20 consid. 5a p. 26). Les compléments ou précisions
que celui-ci entend apporter au déroulement des faits sont donc irrecevables,
sous réserve des griefs motivés conformément aux exigences de l'art. 90 al. 1
let. b OJ. Ainsi, la cour de céans ne tiendra pas compte de l'allégation du
recourant selon laquelle il aurait depuis longtemps requis toutes pièces et
renseignements nécessaires, relatifs notamment aux locations en cause et à
l'utilisation de leur produit.
3.
Le recourant soutient que la Cour de justice aurait arbitrairement appliqué
l'art. 176 al. 2 LPC/GE en confirmant une ordonnance du Tribunal de première
instance qui mettait les dépens entièrement à sa charge, alors que les intimés
ont acquiescé à sa requête.
3.1
3.1.1Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle viole
gravement une règle de droit ou un principe juridique clair et indiscuté ou
lorsqu'elle contredit de manière choquante le sentiment de la justice et de
l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue que si
celle-ci est insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation
effective, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit
certain. Il ne suffit pas que la motivation soit insoutenable, encore faut-il
que la décision soit arbitraire dans son résultat (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9
et les références citées). En outre, il n'y a pas arbitraire du seul fait
qu'une autre solution que celle adoptée par l'autorité intimée soit concevable,
voire préférable (ATF 125 II 129 consid. 5b p. 134). Le justiciable qui se
plaint d'arbitraire ne peut critiquer la décision attaquée comme il le ferait
en instance d'appel, où l'autorité dispose d'une libre cognition (ATF 117 Ia 10
consid. 4b p. 12). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur un grief de
nature purement appellatoire (art. 90 al. 1 let. b OJ).
3.1.2En droit genevois, comme c'est en général la règle, la répartition des
dépens est fonction du résultat du procès. Ainsi, l'art. 176 al. 1 LPC/GE
prescrit que tout jugement, même sur incident, doit condamner aux dépens la
partie qui succombe. La loi cantonale prévoit toutefois des exceptions. Ainsi,
par exemple, la partie qui a obtenu gain de cause peut être condamnée à une
partie des dépens, sans préjudice des peines prévues contre les parties, si
elle a provoqué des frais inutiles ou si ses conclusions sont exagérées (art.
176 al. 2 LPC/GE). Le commentaire de la LPC/GE précise que, nonobstant la
rédaction restrictive de l'art. 176 al. 2, il est des situations où la partie
qui obtient gain de cause peut être condamnée à tous les dépens, lorsque par
son attitude, elle a inutilement provoqué l'intentat de l'action soit, en
d'autres termes, lorsqu'elle a adopté un comportement ou omis fautivement
d'adopter un comportement qui aurait été de nature à éviter que l'action ne
soit introduite (Bertossa et coauteurs, op. cit., n. 7 ad art. 176; SJ 1943 p.
355). Contrairement à l'avis du recourant, cette appréciation est conforme au
principe général de l'interdiction de l'abus de droit, qui, applicable en
procédure civile, permet de mettre tous les dépens à la charge de la partie
gagnante, si celle-ci a agi de manière abusive, par exemple en compliquant ou
en provoquant le procès par sa faute (cf. Heinrich Honsell, Basler Kommentar,
Zivilgesetzbuch I, 2ème éd. . ad. art. 2 CC n° 4).

Dans ce domaine, le juge statue en équité et dispose ainsi d'un large pouvoir
d'appréciation. Lorsque tel est le cas, le Tribunal fédéral ne substitue sa
propre appréciation à celle de l'instance inférieure qu'avec une certaine
retenue. Il n'interviendra que si l'instance cantonale a excédé son pouvoir
d'appréciation ou en a abusé. Il en est ainsi lorsque la décision s'écarte sans
raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence ou s'appuie sur
des faits qui, en l'occurrence, ne devaient jouer aucun rôle ou encore ne
tient, au contraire, pas compte d'éléments qui auraient absolument dû être pris
en considération; le Tribunal fédéral sanctionnera, en outre, les décisions
rendues en vertu d'un tel pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un
résultat manifestement injuste ou à une inéquité choquante (ATF 119 II 157
consid. 2a p. 160; 118 II 50 consid. 4 p. 55 s.).
3.2 En l'espèce, le premier juge a mis les dépens de première instance à la
charge du recourant aux motifs que le dépôt de la requête, moins de deux
semaines après la mise en demeure et pour une affaire remontant à près d'une
dizaine d'années, était particulièrement peu élégant et chicanier, venant de la
part d'un confrère et d'un copropriétaire. Il a relevé que le recourant, qui a
demandé les documents litigieux le 14 août 2003, soit durant la période des
vacances, n'a pas laissé aux cités le temps de s'exécuter, puisqu'il a déposé
sa requête le 3 septembre 2003, que cette attitude est d'autant moins justifiée
que l'affaire pour laquelle les documents sont requis remonte à de nombreuses
années et que le recourant, avocat de profession, ne peut arguer d'aucune
urgence, ni circonstance particulière, pour justifier sa démarche, aussi peu
courtoise qu'inutile. Il a encore constaté que le recourant a admis que les
conclusions qu'il formulait sous chiffre d) étaient infondées, seule la BCG
disposant des informations nécessaires à cet égard.

La cour cantonale a confirmé cette répartition des dépens, précisant que leur
quotité se justifiait par les enjeux, la précipitation du recourant et l'aspect
chicanier de sa démarche.
3.3 Le recourant soutient tout d'abord que, pour éviter de mettre les dépens à
la charge des intimés qui ont, pour l'essentiel, acquiescé à sa demande, les
juges cantonaux ont recouru à une distorsion des faits en calculant qu'il
s'était écoulé moins de deux semaines entre la mise en demeure et le dépôt de
sa requête, alors qu'il ressort du dossier qu'il s'agissait de trois semaines.

Il est vrai que le juge de première instance a relevé que le recourant a déposé
sa requête en reddition des comptes moins de deux semaines après sa mise en
demeure, alors que cette dernière a eu lieu le 14 août 2003 et que le recourant
a déposé sa requête le 3 septembre 2003, soit 20 jours plus tard. Toutefois,
cela ne signifie pas encore que la décision attaquée soit arbitraire. En effet,
le fait qu'il s'agisse de trois semaines, à la place de deux, ne modifie pas le
résultat selon lequel le recourant n'a pas laissé aux intimés le temps de
s'exécuter, qu'il a agi durant la période des vacances, que l'affaire
litigieuse est ancienne, que le recourant, avocat de profession, ne peut arguer
d'aucune urgence, ni circonstance particulière pour justifier sa démarche, peu
courtoise et inutile, et qu'enfin il a admis que les conclusions qu'il
formulait sous chiffre d) étaient infondées, seule la BCG disposant des
informations nécessaires à cet égard. Le grief doit ainsi être rejeté.
3.4 Le recourant affirme ensuite qu'il ne pouvait savoir que l'intimée
D.________ prenait ses vacances au mois d'août ou que l'étude concernée aurait
été fermée durant cette période.

Cette critique est vaine. En effet, les juges cantonaux n'ont jamais prétendu
que l'étude était fermée au mois d'août et ne reprochent pas au recourant
d'avoir précisément agi durant les vacances de la personne précitée, mais
pendant la période de vacances de manière générale - ce qui n'est pas
insoutenable puisqu'il s'agit du mois d'août - et de ne pas avoir laissé à ses
anciens collègues le temps de réagir, alors que l'affaire, vieille de plusieurs
années, ne requérait aucune urgence. En outre, il est constaté dans les faits
que l'intimée D.________ - à laquelle le recourant a été renvoyé suite au
courrier que lui a  adressé le 26 août 2003 le conseil de l'un des intimés -
n'a jamais refusé de remettre des copies des baux litigieux au recourant et que
seul le temps lui a manqué. Enfin, le recourant ne prétend, ni ne démontre, que
l'affaire aurait présenté une certaine urgence.

En conclusion, la cour cantonale n'a pas appliqué de manière arbitraire l'art.
176 al. 2 LPC/GE en matière de répartition des dépens. La solution choisie par
les juges genevois ne repose pas sur des motifs insoutenables et n'est en tout
cas pas arbitraire dans son résultat.
3.5 Pour le surplus, la critique du recourant présente un caractère purement
appellatoire et ne peut dès lors être prise en considération, faute d'être
suffisamment motivée (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495;
voir aussi ATF 129 I 113 consid. 2.1 p. 120; 128 III 50 consid. 1c p. 53/54 et
les arrêts cités). En effet, par son argumentation, le recourant ne démontre
pas en quoi les juges genevois seraient tombés dans l'arbitraire en mettant
tous les dépens à sa charge en application de l'art. 176 al. 2 LPC/GE, ni
quelle circonstance aurait justifié de s'écarter de cette règle au profit d'une
autre solution.
4.
En conclusion, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Le recourant, qui succombe, supportera les frais de justice (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Un émolument judiciaire de 750 fr. est mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
1ère Section de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 19 mai 2004
Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  La greffière: