Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.443/2004
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5P.443/2004 /frs

Arrêt du 4 février 2005
IIe Cour civile

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Hohl et Marazzi.
Greffier: M. Braconi.

X. ________,
recourant,

contre

Banque Y.________,
intimée,

Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud,
route du Signal 8, 1014 Lausanne,
Office des poursuites et faillites de Cossonay,
1304 Cossonay-Ville.

art. 9 Cst. (prononcé de faillite),

recours de droit public contre l'arrêt de la Cour des poursuites et faillites
du Tribunal cantonal du canton
de Vaud du 18 novembre 2004.

Faits:

A.
Le 23 mars 2004, la Banque Y.________ a requis la faillite de X.________ sur
la base d'un certificat d'insuffisance de gage délivré le 7 avril 2003 pour
la somme de 2'312'516 fr.65 et d'une commination de faillite notifiée le 19
mai 2003 (n° xxxxx de l'Office des poursuites et faillites de Cossonay).

Statuant le 1er juin 2004, le Président du Tribunal d'arrondissement de La
Côte a prononcé la faillite. Saisie d'un recours du poursuivi, la Cour des
poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois a confirmé cette
décision le 18 novembre suivant, l'ouverture de la faillite prenant effet dès
ce jour à 10h10.

B.
X.________ attaque cet arrêt par la voie du recours de droit public au
Tribunal fédéral; il se plaint «de déni de justice et d'arbitraire».

L'intimée n'a pas été invitée à répondre sur le fond.

C.
Par ordonnance présidentielle du 20 décembre 2004, l'effet suspensif a été
attribué au recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une pleine cognition la
recevabilité du recours dont il est saisi (ATF 130 I 312 consid. 1 p. 317 et
la jurisprudence citée).

1.1 Déposé à temps contre une décision qui confirme un prononcé de faillite
en dernière instance cantonale (ATF 119 III 49 consid. 2 p. 51; 118 III 4
consid. 1 p. 5), le présent recours est ouvert sous l'angle des art. 84 al.
2, 86 al. 1, 87 et 89 al. 1 OJ.

1.2 Sous réserve d'exceptions qui ne sont pas réalisées dans le cas présent
(cf. ATF 124 I 327 consid. 4b p. 332/333), le recours de droit public est de
nature cassatoire et ne peut tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée
(ATF 129 I 129 consid. 1.2.1 p. 131/132 et les arrêts cités). Partant, sont
irrecevables les chefs de conclusions du recourant qui visent à la «réforme»
de l'arrêt déféré.

1.3 Selon l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit contenir, sous
peine d'irrecevabilité (cf. ATF 123 II 552 consid. 4d p. 558), un exposé
succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés,
précisant en quoi consiste la violation. Dans le cadre d'un recours de droit
public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs expressément soulevés,
et exposés d'une manière claire et détaillée, le principe jura novit curia
étant inapplicable (ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31; 127 I 38 consid. 3c p.
43). Le justiciable qui se plaint d'arbitraire (art. 9 Cst.) ne peut se
contenter de critiquer la décision attaquée comme il le ferait en procédure
d'appel, où la juridiction supérieure peut revoir librement l'application du
droit; il ne saurait, en particulier, se borner à opposer sa thèse à celle de
l'autorité cantonale, mais il doit démontrer, par une argumentation précise,
que cette décision se fonde sur une application de la loi ou une appréciation
des preuves manifestement insoutenables (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495 et
les arrêts cités).

2.
Aux termes de l'art. 171 LP, le juge doit prononcer la faillite, sauf dans
les cas mentionnés aux art. 172 à 173a LP. La cour cantonale a retenu que la
réquisition de faillite était recevable sur le plan formel, à savoir qu'elle
avait été formée dans les délais légaux (art. 166 al. 1 et 2 LP), et que les
parties avaient été régulièrement convoquées à l'audience de faillite. Ces
points n'étant pas critiqués (art. 90 al. 1 let. b OJ), il y a uniquement
lieu d'examiner si, comme l'affirme le recourant, la faillite devait être
refusée en raison de l'octroi d'un sursis (art. 172 ch. 3 in fine LP),
respectivement ajournée en application de l'art. 173a LP.

3.
En vertu de l'art. 172 ch. 3 LP, le juge rejette la réquisition de faillite
si le débiteur justifie par titre, notamment, que le créancier lui a accordé
un sursis. Il ressort du texte clair de la loi que l'octroi d'un sursis doit
être établi par «titre»; de simples pourparlers ou un accord oral sont
insuffisants (arrêt 5P.129/1994 du 26 mai 1994, consid. 2b; Giroud, in
Kommentar zum SchKG, vol. II, n. 22 ad art. 172 LP; Fritzsche/Walder,
Schuldbetreibung und Konkurs nach schweizerischem Recht, vol. II, 3e éd., §
36 n. 25). Le débiteur ne peut se limiter à rendre vraisemblable le bénéfice
d'un sursis, mais doit en rapporter la preuve stricte (Giroud, ibid., n. 8;
Jaeger/Walder/Kull/Kottmann, SchKG 4e éd., vol. II, n. 11 ad art. 172 LP).

3.1 En l'espèce, l'autorité cantonale a admis qu'il ne résultait d'aucune des
pièces produites par le recourant, tant en première qu'en seconde instances,
que l'intimée lui aurait octroyé un sursis, malgré les lettres insistantes de
l'intéressé.

3.2 Cette conclusion n'est ni contredite par les pièces du dossier, ni ne
procède d'une application insoutenable de la loi. Le recourant se borne à
expliquer que le sursis découle «par actes concluants» du «projet de vente
conditionnelle» instrumenté le 21 octobre 2003. Or, quel que soit par
ailleurs le mérite de cet argument, les exigences légales relatives à la
prise en compte d'un sursis - que les juges cantonaux ont rappelées sans
susciter la moindre objection de la part du recourant (art. 90 al. 1 let. b
OJ) - ne sont nullement remplies en l'occurrence (cf. consid. 3, in
principio).

4.
L'art. 173a LP prévoit que le juge peut ajourner le jugement de faillite
lorsque le débiteur ou un créancier a introduit une demande de sursis
concordataire ou de sursis extraordinaire (al. 1), ou, d'office, lorsqu'un
concordat paraît possible (al. 2).

La cour cantonale a estimé qu'aucune de ces deux éventualités n'était
réalisée dans le cas présent. D'une part, le recourant n'a pas adressé au
juge compétent de requête de sursis concordataire, encore moins de projet de
concordat; les déterminations qu'il a transmises le 26 mai 2004 au magistrat
de première instance ne peuvent être assimilées à une telle requête, non plus
qu'à une requête de sursis extraordinaire; enfin, il n'a pas été allégué
qu'un créancier aurait demandé un sursis concordataire. D'autre part, les
éléments à disposition, notamment la liste des poursuites et des actes de
défaut de biens, ne permettent pas raisonnablement d'admettre qu'un concordat
soit possible; le recourant concède lui-même que ses actifs actuels se
résument à sa maison de M.________ et à une créance d'arriérés d'honoraires,
qui paraît au demeurant contestée; quant aux actifs futurs, ils sont
aléatoires, puisque le projet immobilier à G.________ concerne une zone qui
n'est pas constructible pour l'heure, et que la garantie fournie par la
commune de G.________ et l'Etat de Vaud d'indemniser le recourant à
concurrence de 6'000'000 fr. en cas de non-réalisation du projet ne figure
pas au dossier.

4.1 Le recourant admet n'avoir pas formellement présenté de requête de sursis
concordataire; mais il est de l'avis que le chef de conclusions tendant à la
«restitution» d'un délai de six mois, «au sens de l'art. 33 al. 4 LP», pour
permettre aux parties de «transférer l'immeuble et les fonds nécessaires au
paiement», devait être interprété comme visant à l'octroi d'un sursis
concordataire d'une durée de six mois.

En tant que le recourant paraît se plaindre de formalisme excessif (sur cette
notion, cf. notamment: ATF 130 V 177 consid. 5.4.1 p. 183/184 et la
jurisprudence citée), le grief est clairement mal fondé. Il ressort des
déterminations produites en première instance que la «restitution de délai»
de six mois visait à permettre au débiteur de régler le différend l'opposant
à la banque en dehors de la procédure de faillite, et non de proposer un
concordat à ses créanciers. En outre, comme le souligne l'autorité cantonale
- sans être démentie (art. 90 al. 1 let. b OJ) -, le recourant n'a pas joint
à sa «requête» un projet de concordat, comme l'exige l'art. 293 al. 1 LP (sur
la portée de cette incombance, cf. arrêt 5P.475/1994 du 11 février 1994,
consid. 4a, in: SJ 1994 p. 438/439 et les références). Enfin, il ne résulte
pas de la décision attaquée que le recourant aurait reproché au premier juge
de ne pas lui avoir octroyé un sursis provisoire de deux mois, en application
de l'art. 293 al. 3 LP; nouveau, le moyen apparaît, dès lors, irrecevable
dans un recours de droit public pour arbitraire (ATF 118 III 37 consid. 2a p.
39 et les arrêts cités).

4.2 S'agissant du refus de l'autorité cantonale d'ajourner sa faillite, le
recourant - y compris dans son acte complémentaire du 23 décembre 2004 - se
borne à exposer ses propres arguments quant aux chances d'aboutissement d'un
concordat; purement appellatoire, le recours est irrecevable à cet égard
(supra, consid. 1.3). L'allégation selon laquelle son passif actuel
s'élèverait environ à 50'000 fr. pour les poursuites en cours (8'988'298 fr.,
d'après la liste des poursuites) et à 80'000 fr. pour les actes de défaut de
biens (1'759'079 fr.10, d'après la liste des actes de défaut de biens) est
nouvelle, partant irrecevable (ATF 118 III 37 consid. 2a p. 39; 129 I 49
consid. 3 p. 57).

5.
En conclusion, le recours doit être rejeté dans la (faible) mesure de sa
recevabilité, aux frais de son auteur (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu
d'allouer de dépens à l'intimée, qui n'a pas été invitée à répondre sur le
fond et s'est déterminée en personne sur l'effet suspensif (ATF 113 Ib 353
consid. 6b p. 356/357).

Vu l'octroi de l'effet suspensif, il convient de fixer à nouveau la date de
l'ouverture de la faillite (ATF 118 III 37 consid. 2b p. 39).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
La faillite de X.________ prend effet le 4 février 2005 à 12 h. 00.

3.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, à la Cour des
poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud et à l'Office
des poursuites et faillites de Cossonay.

Lausanne, le 4 février 2005

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président:  Le Greffier: