Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.423/2004
Zurück zum Index II. Zivilabteilung 2004
Retour à l'indice II. Zivilabteilung 2004


5P.423/2004 /frs

Arrêt du 27 mai 2005
IIe Cour civile

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Hohl et Gardaz, Juge suppléant.
Greffier: M. Oulevey.

X. ________, (époux),
recourant, représenté par Me Karin Baertschi, avocate,

contre

dame X.________, (épouse),
intimée, représentée par Me Manuel Mouro, avocat,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108,
1211 Genève 3.

Art. 9 Cst. (mesures protectrices de l'union conjugale),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de
justice du canton de Genève du 8 octobre 2004.

Faits:

A.
X. ________, né en 1969, et dame X.________, née en 1967, se sont mariés le
30 août 2003. Un enfant est issu de leur union: A.________, né le 22 janvier
2003.

L'épouse est aussi mère de deux enfants nés d'un précédent mariage:
B.________, née en 1984, et C.________, né en 1992, qui vit auprès d'elle.

B.
Le 21 novembre 2003, l'épouse a saisi le Tribunal de première instance du
canton de Genève d'une requête de mesures protectrices de l'union conjugale.
Statuant le 6 mai 2004, le tribunal a, notamment, donné acte aux époux de ce
qu'ils vivaient séparés, attribué à l'épouse la jouissance exclusive du
domicile conjugal ainsi que la garde de l'enfant A.________, sous réserve du
droit de visite du père, et condamné le mari à payer en mains de l'épouse une
contribution mensuelle de 1'000 fr., allocations familiales non comprises, à
l'entretien de la famille.

Par arrêt du 8 octobre 2004, la Cour de justice du canton de Genève a déclaré
recevable l'appel principal de l'époux, irrecevable l'appel incident de
l'épouse et, notamment, porté d'office à 1'100 fr. par mois, allocations
familiales non comprises, le montant de la contribution d'entretien à la
charge du mari.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ requiert le
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt. Il se plaint d'arbitraire dans
l'appréciation des preuves et dans l'application du droit.

Il demande, en outre, d'être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire.

L'intimée conclut au rejet du recours et requiert également l'assistance
judiciaire. L'autorité cantonale se réfère aux considérants de son arrêt.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 131 II 58 consid. 1 p. 60 et les références).

1.1 Ordonnant des mesures protectrices de l'union conjugale, l'arrêt attaqué
ne constitue pas une décision finale au sens de l'art. 48 OJ et ne peut dès
lors pas faire l'objet d'un recours en réforme (ATF 127 III 474 consid. 2a et
b et les arrêts cités). Les griefs invoqués ne pouvant pas être soumis au
Tribunal fédéral par un recours en nullité (art. 68 OJ) ni par aucune autre
voie, la condition de la subsidiarité absolue du recours de droit public est
remplie (art. 84 al. 2 OJ). Aussi, déposé en temps utile (art. 89 al. 1 OJ)
contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ),
le présent recours est-il recevable.

1.2 En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit, sous peine
d'irrecevabilité (ATF 123 II 552 consid. 4d p. 558 et les arrêts cités),
contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes
juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation invoquée. Il en
résulte que, lorsqu'il est saisi d'un recours de droit public, le Tribunal
fédéral n'applique pas le droit d'office. Il n'a pas à vérifier si la
décision attaquée est en tous points conforme au droit. Il n'examine que les
griefs de nature constitutionnelle invoqués et suffisamment motivés dans
l'acte de recours. (ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31; 125 I 71 consid. 1c p.
76, 492 consid. 1b p. 495 et les arrêts cités).

2.
Le recourant se plaint d'appréciation arbitraire des preuves et d'application
arbitraire des règles relatives à la détermination du minimum vital.

2.1 De jurisprudence constante, l'arbitraire prohibé par l'art. 9 Cst. ne
résulte pas du seul fait qu'une autre solution est concevable, voire
préférable; une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement
insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et
indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de justice et
d'équité. En outre, il faut qu'elle se révèle insoutenable non seulement dans
ses motifs, mais encore dans son résultat (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 128
I 273 consid. 2.1 p. 275).
Lorsque la partie recourante - comme c'est le cas en l'espèce - s'en prend à
l'appréciation des preuves et à l'établissement des faits, la décision n'est
arbitraire que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée
d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un
moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore, si, sur la
base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 129
I 8 consid. 2.1 p. 9).

2.2 Dans un premier grief, le recourant fait valoir que l'autorité cantonale
aurait procédé à une appréciation arbitraire des preuves lorsqu'elle a
constaté que l'intimée gagnait 3'467 fr. net par mois, allocations familiales
non comprises.

Le montant retenu par la cour cantonale correspond à un salaire net de 3'200
fr. 35 versé treize fois l'an. Si l'on en croit les pièces invoquées par le
recourant, soit le procès-verbal de comparution personnelle du 7 janvier 2004
et le certificat de salaire d'avril 2004, l'intimée percevrait un salaire de
3'646 fr. brut, correspondant à 3'209 fr. 50 net, treize fois l'an, ainsi que
deux allocations familiales de 200 fr. par mois chacune. Son salaire mensuel
net serait ainsi de 3'476 fr., allocations familiales non comprises.

La différence entre ce montant et celui que la cour cantonale a retenu est si
minime qu'elle n'a pas d'incidence sur la décision attaquée. A supposer
qu'elle fût arbitraire, l'appréciation des preuves critiquée par le recourant
ne conduirait donc de toute façon pas à un résultat insoutenable. Partant, le
grief est infondé.

2.3 Le recourant allègue ensuite que la constatation de son propre revenu
reposerait également sur une appréciation arbitraire des preuves. Il fonde ce
deuxième grief sur ses certificats de salaire 2003, qu'il reproche à la cour
cantonale d'avoir négligés sans raison sérieuse en considérant qu'aucune
pièce du dossier n'établissait les déductions pour nourriture dont il
entendait se prévaloir.

Il résulte toutefois d'une autre pièce versée au dossier, savoir le document
intitulé "attestation quittance 2003", que le recourant a gagné, en 2003,
59'035 fr. 25 sous déduction de retenues de 10'334 fr. 35, soit 48'700 fr.
90, ce qui correspond précisément au revenu mensuel net de 4'058 fr. 40
retenu dans l'arrêt attaqué. Ainsi, la constatation de fait critiquée découle
d'une pièce précise, que la cour cantonale pouvait juger fiable sans verser
dans l'arbitraire.

2.4 Dans un troisième grief, le recourant fait valoir que la cour cantonale
s'est livrée à une appréciation arbitraire des preuves lorsqu'elle a retenu,
parmi les charges incompressibles de l'intimée, un loyer de 965 fr.,
allocation de logement déduite.

Selon les pièces invoquées par le recourant, l'intimée paie chaque mois pour
son logement un loyer de 1'239 fr., charges comprises, et bénéficie, pour
acquitter ce montant, d'une allocation de logement de 400 fr. Sa charge nette
de loyer s'élève donc à 839 fr., au lieu des 965 fr. retenus dans l'arrêt
attaqué. Sur ce point, la cour cantonale n'a donc pas tenu compte de preuves
claires. Cette omission a eu des conséquences sur sa décision, car le loyer
du logement - à l'exclusion de celui de la place de parc, qui ne fait pas
partie des charges incompressibles - influe directement sur le minimum vital
de l'intimée et, par conséquent, sur le montant de la contribution
d'entretien litigieuse. Dès lors, le grief est fondé.

2.5 Dans un quatrième grief, le recourant reproche à la cour cantonale de
n'avoir retenu qu'un montant de 250 fr. au titre de ses frais de voiture. Il
soutient que ce montant ne correspond pas aux pièces produites, notamment au
"tableau d'amortissement du leasing véhicule" versé au dossier.

La cour cantonale n'a pas méconnu que les frais de leasing du véhicule soient
de 296 euros 83 par mois, mais elle a considéré que, si le recourant avait
certes besoin d'une voiture pour son travail, il n'y avait cependant pas lieu
d'inclure la totalité des frais de leasing, notamment d'amortissement du
véhicule, dans le minimum vital. Dans ces conditions, si la cour cantonale
n'a comptabilisé que 250 fr. de frais de voiture parmi les charges
incompressibles du recourant, ce n'est pas en raison de l'appréciation
qu'elle a faite des pièces du dossier, mais pour un motif juridique, tenant
aux règles sur l'établissement du minimum vital, que le recourant ne conteste
pas. Sur ce point, le grief soulevé est donc infondé.

2.6 Enfin, le recourant reproche à la cour cantonale de faire figurer dans
les charges de l'intimée la prime d'assurance-maladie de C.________, alors
qu'elle a expressément exclu du revenu de l'intimée la pension de 800 fr.
versée par le père de cet enfant. Le recourant ne conteste pas que la
pension, destinée à l'enfant, ne doit pas être prise en compte parmi les
revenus de l'intimée; mais il fait valoir que la cour cantonale aurait aussi
dû faire abstraction de cet enfant quant aux charges de l'intimée.
La cour cantonale ne pouvait effectivement pas inclure la prime
d'assurance-maladie de C.________ dans les charges incompressibles de
l'intimée sans avoir préalablement déterminé quelle part des frais
d'entretien de cet enfant incombe à son père et quelle part incombe à sa
mère. La manière dont elle a calculé le revenu et les charges de l'intimée se
révèle donc arbitraire à cet égard aussi.

Partant, il y a lieu d'admettre le recours et d'annuler l'arrêt attaqué.

3.
Vu l'issue du recours, les frais de procédure doivent être mis à la charge de
l'intimée, qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). Cependant, bien qu'il soit
finalement admis, le recours n'apparaissait pas d'emblée bien fondé; dès
lors, compte tenu de la situation financière des parties, il convient de leur
accorder à toutes deux l'assistance judiciaire (art. 152 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé.

2.
La demande d'assistance judiciaire du recourant est admise et Me Karin
Baertschi, avocate à Genève, lui est désignée comme avocat d'office.

3.
La demande d'assistance judiciaire de l'intimée est admise et Me Manuel
Mouro, avocat à Genève, lui est désigné comme avocat d'office.

4.
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge de l'intimée, mais
il est supporté provisoirement par la Caisse du Tribunal fédéral.

5.
La Caisse du Tribunal fédéral versera à Me Karin Baertschi une indemnité de
1'500 fr. à titre d'honoraires.

6.
La Caisse du Tribunal fédéral versera à Me Manuel Mouro une indemnité de
1'500 fr. à titre d'honoraires.

7.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genéve.

Lausanne, le 27 mai 2005

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le président:  Le greffier: