Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Zivilabteilung 5P.194/2004
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5P.194/2004 /frs

Arrêt du 8 juillet 2004
IIe Cour civile

MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Hohl et Marazzi.
Greffière: Mme Jordan.

1. A.________,

2. B.________,

3. C.________,

4. D.________,

5. E.________,

6. F.________,
recourants, tous représentés par Me Thierry de Haller, avocat,

contre

G.________,
H.________,
I.________,
J.________,
intimés, tous représentés par Me Olivier Burnet, avocat,
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du Signal
8, 1014 Lausanne.

art. 9 Cst. (radiation d'une servitude),

recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre
des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud des 8/20 avril 2004.

Faits:

A.
G. ________, H.________, K.________, L.________, I.________, J.________,
A.________ et M.________ sont respectivement propriétaire des parcelles nos
838, 839, 840, 843, 844, 845, 1265 et 841, sises à R.________. C.________ et
B.________ sont quant à eux propriétaires en société simple de la parcelle no
842.

B.
Par acte notarié du 17 novembre 1910, une servitude de passage à pied et à
char de 4 mètres de largeur a été constituée. Elle a fait l'objet d'une
réinscription dans le nouveau registre foncier, sous le no 0 et l'intitulé
"passage à pied et pour tous véhicules", à charge et en faveur des parcelles
nos 838, 839, 840, 842, 843, 844, 845 et 1265 et à charge de la parcelle no
841. L'acte de réinscription constate que la servitude n'est pas exercée, le
chemin n'étant pas construit.

C.
Le 22 janvier 2002, G.________, H.________, I.________ et J.________ ont
introduit une action contre A.________, C.________, B.________, L.________ et
K.________, concluant à ce que le Président du Tribunal d'arrondissement
ordonne au Conservateur du Registre foncier de radier la servitude
susmentionnée.

K. ________ étant décédée le 24 novembre 2002, ses trois héritiers,
D.________, E.________ et F.________, lui ont succédé dans le procès.

Le 3 avril 2003, le Président du Tribunal d'arrondissement a notamment
constaté que la servitude no 0 de passage à pied et pour tous véhicules,
inscrite le 24 novembre 1910 au registre foncier a perdu toute utilité pour
les parcelles nos 838, 839, 840, 842, 843, 844, 845 et 1'265 de la Commune de
R.________ (I) et en a ordonné la radiation (II).
Statuant les 8/20 avril 2004 sur le recours de A.________, B.________,
C.________, D.________ et E.________ ainsi que de F.________, la Chambre des
recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud a confirmé ce jugement, sous
suite de frais.

D.
A.________, B.________, C.________, D.________ et E.________ ainsi que
F.________ forment un recours de droit public au Tribunal fédéral concluant à
l'annulation de l'arrêt cantonal, sous suite de dépens. Ils se plaignent
"d'une violation de l'art. 736 al. 1 CC en raison d'une appréciation
arbitraire des preuves et des faits". Ils demandent par ailleurs la
conversion de leur écriture en recours en réforme si le Tribunal fédéral
devait "estimer" qu'il s'agit d'un tel recours.

Les intimés et l'autorité cantonale n'ont pas été invités à répondre sur le
fond.

E.
Par ordonnance du 8 juin 2004, le Président de la cour de céans a admis la
demande d'effet suspensif.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Interjeté en temps utile contre une décision finale prise en dernière
instance cantonale, le recours est recevable selon les art. 86 al. 1, 87 (a
contrario) et 89 al. 1 OJ.

2.
Les recourants - qui sont d'avis que la valeur litigieuse est manifestement
supérieure à 8'000 fr. - déclarent vouloir se plaindre d'une "appréciation
arbitraire des preuves et des faits". Ainsi formulé, leur grief est nouveau
et, partant, irrecevable, en vertu de l'art. 86 al. 1 OJ. Selon cette
disposition, le recours de droit public n'est en effet ouvert qu'à l'encontre
des décisions prises en dernière instance cantonale, ce qui signifie
notamment que seuls sont recevables devant le Tribunal fédéral les moyens
qui, pouvant l'être, ont été présentés à l'autorité cantonale de dernière
instance (épuisement des griefs; cf. ATF 123 I 87 consid. 2b p. 89; 120 Ia 19
consid. 2c/aa p. 24; 119 Ia 88 consid. 1a p. 90/91). Dans le canton de Vaud,
le recours en nullité est ouvert en particulier pour arbitraire dans
l'appréciation des preuves (ATF 126 I 257; JT 2001 III 128). Or, en l'espèce,
si les recourants ont pris des conclusions en nullité devant le Tribunal
cantonal, ils n'ont développé aucun moyen de nullité à l'appui de leur
recours, en sorte que celles-là ont été déclarées irrecevables.
Par ailleurs, si la critique portant sur le caractère insoutenable de la
constatation selon laquelle la construction des garages envisagée est
irréaliste et aurait un coût exorbitant relève effectivement du grief
susmentionné, les autres moyens invoqués par les recourants ressortissent en
réalité à "l'appréciation juridique erronée des faits", laquelle est
assimilée à la violation du droit (cf. art. 43 al. 4 OJ). Quand bien même la
voie du recours de droit public aurait alors été ouverte dans l'hypothèse
d'une valeur litigieuse inférieure à 8'000 fr. (art. 84 al. 2 OJ), la cour de
céans n'aurait pas pu traiter ces moyens. Les recourants ont expressément
formulé leur grief sous l'angle de l'arbitraire dans l'appréciation des
preuves et la constatation des faits. Or, saisi d'un recours de droit public,
le Tribunal fédéral n'a pas à examiner - en vertu du "Rügeprinzip" consacré
par l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf. ATF 110 Ia 1 consid. 2a in fine p. 4; voir
aussi ATF 122 I 70 consid. 1c p. 73, 168 consid. 2b p. 172/173) - si celui-là
serait fondé à un autre titre, soit, en l'occurrence, sous l'angle de la
violation du droit fédéral.

La valeur litigieuse aurait-elle atteint 8'000 fr. (art. 46 OJ), qu'il n'y
aurait pas eu de place pour une conversion du recours de droit public en
recours en réforme, ainsi que le demandent les recourants. Ceux-ci,
représentés par un avocat, ont déposé un recours de droit public en se
prévalant expressément d'une "appréciation arbitraire des preuves et des
faits", grief qui ressortit exclusivement au recours de droit public (cf. ATF
120 II 270 consid. 2 p. 272). Certes, pour la majeure partie, ils se
plaignent en réalité d'une violation du droit. La conversion ne saurait
toutefois servir à corriger un vice, ce d'autant plus lorsque le recours est
rédigé par un mandataire professionnel qui a consciemment choisi la voie de
la cassation pour arbitraire dans l'appréciation des preuves et la
constatation des faits (cf. ATF 129 IV 276 c. 1.1.4 p. 279). Les recourants
se sont, au demeurant, bornés à conclure à l'annulation de l'arrêt cantonal,
sans indiquer les modifications demandées, ainsi que l'exige l'art. 55 al. 1
let. b OJ, et sans que soit réalisée l'hypothèse exceptionnelle où le
Tribunal fédéral ne pourrait pas statuer définitivement sur le litige en cas
d'admission du recours.

3.
Les recourants, qui succombent, supporteront les frais de justice,
solidairement entre eux (art. 156 al. 1 et 7 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer
de dépens aux intimés qui s'en sont remis à justice s'agissant de la demande
d'effet suspensif et n'ont pas été invités à répondre sur le fond.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge des recourants,
solidairement entre eux.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la
Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 8 juillet 2004

Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse

Le Président:  La Greffière: